Daily Archives: 06/10/2011
Mauritanie – Recensement: 26 manifestants libérés, nouvelle manifestation samedi
Vingt-six des 56 manifestants interpellés lors de violences fin septembre à Nouakchott pendant une manifestation contre un recensement jugé “raciste” par les Noirs de Mauritanie, ont été libérés, a annoncé jeudi le collectif à l’origine de la contestation. Ce collectif, “Touche pas à ma nationalité” (TPN), a également annoncé qu’une nouvelle manifestation contre le recensement, “autorisée” par le gouvernement, aurait lieu samedi à Nouakchott. Les manifestants remettront une lettre aux députés leur demandant d’oeuvrer pour l’arrêt du recensement controversé. “Les 26 détenus ont été libérés dans la nuit de mercredi à jeudi des différents commissariats de la capitale” où il se trouvaient, une trentaine d’autres, dont 13 étrangers, restant détenus, a déclaré Wane Abdoul Birane, porte-parole du collectif TPN. Tous avaient été arrêtés au cours de violences, le 29 septembre à Nouakchott, lors desquelles des voitures avaient été incendiées et des magasins saccagés. Des affrontements avaient également opposé des policiers à de jeunes manifestants. L’autorisation de la marche de samedi est un signe d’apaisement après les incidents de Nouakchott, précédés d’autres manifestations violentes à Kaédi et Maghama (sud), où un jeune manifestant avait été tué par un gendarme.
Les Noirs du pays dénoncent le recensement de la population en cours depuis mai, craignant une remise en question de leur nationalité qu’il leur est demandé de prouver par des pièces souvent impossibles à réunir, selon des ONG. Ils le qualifient de “discriminatoire” et “raciste”.
Selon le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ould Boilil, l’unique but du recensement est d’instaurer “un système d’état civil biométrique moderne et fiable”.
Beaucoup de Mauritaniens sont hantés par les affrontements entre Noirs et Maures arabo-berbères qui s’étaient produits en 1989 et 1990, occasionnant l’exode de milliers de Noirs vers le Sénégal et le Mali, dont une grande partie a aujourd’hui été rapatriée.
© Agence France-Presse
Existence et coexistence : Qui veut être Mauritanien ?
Fallait-il vraiment un recensement administratif en Mauritanie ? La réponse est non. Nous l’avions dit ici très tôt, bien avant que des victimes ne tombent sous les balles Si l’on nous avait écoutés, des vies auraient été épargnées et bien des familles ne pleureraient pas leurs enfants. Hélas ! La bêtise, dit-on n’épargne pas les rois. Si ce recensement administratif est vicié à la base, c’est parce qu’il est bâti sur des idées préconçues qui sont les suivantes : Il y a des « mauritaniens » qui ne sont pas mauritaniens ;
- Il y a des sénégalais, des maliens et autres clandestins qui veulent devenir mauritaniens;
- On ne distingue pas les mauritaniens des étrangers.
Et si on veut trouver, à travers le recensement, des réponses à ces idées préconçues c’est pour une même et simple raison : on ne veut plus que les étrangers (particulièrement les sénégalais) mangent le pain des mauritaniens et convoiter leur nationalité.
Or ces idées sont basées sur des postulats qui sont faux (I) et veulent utiliser un outil inadapté (le recensement administratif) pour trouver une solution à ce qui demande d’autres outils plus efficaces. Il faut renverser le raisonnement et raisonner non pas du côté du national (« qui est national et qui ne l’est pas ») comme le fait si égoïstement l’Etat, mais de faire que celui qui n’est pas national, n’ait pas besoin de recourir à la nationalité mauritanienne (II).
I- Des préjugés et de la mauvaise foi
Ce qui est curieux (et que personne ne peut contester puisque c’est notoire) le recensement est présenté comme un moyen de séparer la graine de l’ivraie. Tamiser le peuple pour en extraire le « vrai » mauritanien du « faux », l’étranger « travesti en Mauritanien », « l’apatride » qui vient de l’autre côté du fleuve (comme s’il venait de Mars !), le « mécanicien » forcément sénégalais (ou président de la République), le « blanchisseur » forcément malien, le « banabana » forcément non mauritanien, le boutiquier sans culotte forcément mauritanien, le forgeron forcément mauritanien, le Président de la République qui est forcément mauritanien et personne ne sait comment, etc.
Que de préjugés qui sous-tendent ce recensement et qui en font une mascarade à nulle autre pareille !
Qu’on le sache, le Sénégalais n’a pas envie d’être mauritanien ! Tout comme les autres ressortissants de pays voisins, il tient à la sienne. Pourquoi irait-il se présenter à un bureau de recensement pour avoir la nationalité mauritanienne ?
Il ne le fera que pour deux raisons :
- soit qu’il se considère Mauritanien, alors il a forcément les preuves pour cela;
- soit il veut obtenir la nationalité en dissimulant la sienne.
Dans le premier cas c’est un mauritanien et il n’a donc pas à le prouver devant un comité de recensement qui est redondant, puisque le registre de la mairie suffit pour lui renouveler ses documents.
Soit, dans le second cas, il veut dissimuler sa nationalité pour avoir la nationalité mauritanienne et à ce moment-là, il faut savoir pourquoi. Et ce n’est pas le recensement qui va y apporter une réponse.
La question n’est donc pas de savoir qui EST Mauritanien mais de savoir qui VEUT l’être.
Le recensement administratif est donc l’anti-solution à cette question, et il aggrave la situation car il cherche à démontrer l’existence de ce qui existe et l’inexistence de ce qui n’existe pas. D’où son inestimable inutilité.
Aussi curieusement que cela puisse paraitre, le Mauritanien n’aura droit à sa nationalité que si l’étranger en Mauritanie a droit à un statut d’étranger respectable et respecté.
La solution ce n’est donc pas de mettre des barrières à la nationalité, c’est de faire que les étrangers en Mauritanie ne sentent pas le besoin de l’acquérir. Et ce n’est pas le recensement qui apporte les solutions.
II- Renverser le raisonnement : rendre l’acquisition de la nationalité une non-nécessité pour l’étranger.
Au lieu de chercher à identifier le Mauritanien qui lui ne saurait renier sa nationalité ni y renoncer (n’en déplaise à l’Etat, fusse-t-il par le sacrifice en manifestant) au nom des liens du “jus solis” ou du “jus sanguinis” (voir nos articles précédents : l’Etat sans nation et Le président mauritanien est-il Mauritanien ? ), il convient de mettre en place des structures qui sont les véritables outils de préservation de la nationalité.
On ne protége la nationalité dans un pays que lorsque l’étranger s’y sent aussi bien respecté dans ses droits, sa personne et ses biens que le national lui-même.
Aucun étranger, à moins qu’il tisse des liens locaux nouveaux ( famille, liens sanguins ou du sol), ne cherchera à acquérir la nationalité de son pays d’accueil s’il y trouve les conditions nécessaires à son épanouissement économique et social. Dans de telle conditions il contribuera de la même manière, sinon mieux que le national, à la prospérité du pays, à sa sécurité et son développement.
Comment faire pour arriver à une telle situation ?
Ce n’est, certes, pas à travers un recensement administratif d’exclusion ou l’on cherche des poux sur la tête d’un chauve. Mais à travers une politique de l’immigration claire et appliquée.
Cette politique de l’immigration devra permettre :
- De créer des structures administratives encadrant les étrangers en Mauritanie afin de leur dispenser l’accueil nécessaire, les orienter et les informer.
- De délivrer des cartes de séjours et des contrats adaptés à la demande de séjours temporaires, permanents, de travail, d’investissement, de coopérations etc.
- D’assurer une veille sur les flux migratoires, sur leur contribution au développement du pays.
- De faciliter leurs actes administratifs (pour leurs familles), financiers (leurs comptes, transferts, investissement etc.)
- de leur garantir leurs droits, les protéger dans leurs personnes, leurs biens et leur dignité.
Bref, les traiter tout comme des nationaux. Et c’est ainsi qu’ils n’auront pas besoin d’être des nationaux. Car pourquoi vouloir être Mauritanien, si ce n’est bénéficier de ce dont bénéficie le Mauritanien ?
Et de quoi veut-il bénéficier ?
Le séjour, la stabilité du travail, la protection, la sécurité et la reconnaissance de ses droits.
Si cela n’est pas assuré, l’étranger cherchera pour y arriver à acquérir une nationalité mauritanienne, sans rejeter la sienne. Et à cela aucun recensement n’y pourra rien.
Le recensement actuel même s’il devait arriver (et le doute est permis) à séparer la graine de l’ivraie, n’effacera jamais la nature corrompue de l’actuelle administration mauritanienne. Et demain les certificats de nationalité se vendront comme des petits pains. Car si les soi-disant documents délivrés sont « infalsifiables », il n’en est pas de même de l’intégrité de notre administration ni de ceux qui la dirigent.
Alors au lieu de vouloir identifier le « Mauritanien », dans un recensement dont l’inefficacité est criante, il serait plus efficace de développer une politique de l’immigration respectueuse et protectrice des droits des immigrés. C’est à ce prix que la Mauritanie :
- Bénéficiera de l’inestimable apport économique et financier des investisseurs étrangers;
- Mettra à contribution pour son développement une force de travail étrangère qualifié pour son développement.
Et ultime objectif (que ce recensement administratif n’a pu réaliser) :
- Protéger la nationalité de ses ressortissants, que nul ne voudra contester ou acquérir pour des raisons économiques, financières ou sociales.
Mais qui en Mauritanie parmi nos dirigeants a pu un jour penser que l’étranger n’a pas besoin de la nationalité mauritanienne, si ce n’est pour ce qu’elle lui offre ; et qu’en lui offrant ce qu’elle offre aux nationaux (en termes de droits et d’obligations), il ne la demandera pas.
Le recensement administratif, c’est vouloir apporter une solution à un problème qui est mal posé. Le problème n’est pas de savoir qui est Mauritanien. Le problème est de savoir qui veut le devenir et pourquoi.
Or le recensement administratif, réponse à une préoccupation politique, n’apporte pas de solutions à ce qui, au-delà du politique, est une interrogation sur la coexistence avec l’étranger et l’existence d’une nationalité. L’erreur du recensement est de vouloir établir l’existence (de la nationalité) au détriment de la coexistence (avec l’étranger). Or aucune ne vaut sans l’autre. Et c’est en assurant d’abord la bonne coexistence, que l’existence devient possible.
C’est autant dire que l’Etat a saisi le problème à l’envers. Le recensement ne s’en trouve donc que plus renversé. Renversant.
Pr ELY Mustapha
Arrestations de présumés agitateurs : les familles veulent comprendre
Plus de 50 personnes sont en détention dans les différents commissariats de Nouakchott suite aux agitations du mouvement TPMN. Parmi les individus arrêtés figurent des étrangers qui ont été interpellés de leurs domiciles par les forces de l’ordre.Beaucoup d’ouvriers africains se sont retrouvés dans les commissariats sans comprendre ce qui leur est arrivé.Etonnant non! Plusieurs familles aussi s’inquiètent de la disparition de leurs enfants dont ils n’ont plus de nouvelles. Des adolescents ont été raflés en pleine circulation alors qu’ils n’avaient pas pris part aux manifestations de TPMN laissent entendre leurs proches. Dans la confusion ou tout simplement pour discréditer l’action menée par les activistes du mouvement, le coup de filet de la police a permis de mettre la main sur un nombre important de personnes notamment dans les quartiers populaires de Nouakchott. Les autorités doivent au plus vite mettre de la lumière sur ces arrestations et éviter surtout que les forces de l’ordre usent de la torture et des intimidations pour soutirer à ces gens des aveux fallacieux pour justifier les accusations d’atteinte à la sécurité publique utilisés comme l’argument principal.
Loin de favoriser le retour à la sérénité le prolongement des délais préventifs ne fait que semer le doute sur les intentions des autorités sécuritaires sur les arrestations opérées. La police a –t-elle vraiment pris des fauteurs de troubles ou raflé des passants ? a –t-elle pris la peine de séparer les manifestants des autres. Ou s’agit-il de l’application de la fable de la Fontaine : « si ce n’est toi c’est l’un des tiens ! Les jours passent et l’inquiétude des familles s’accroît. Les autorités qui ont usé de la fermeté pour mater les manifestants ont déclaré avoir arrêté des étrangers qui encadraient les incidents sans prouver leurs identités. Une telle accusation a perturbé le moral de personnes étrangères vivant parmi nous les mettant sur le qui-vive d’éventuelles interpellations. Un travail professionnel est nécessaire pour faire la part des choses au lieu de sévir aveuglement contre de pauvres personnes prises peut-être à tort pour cibles. Aussi il faudrait que des enquêtes préliminaires soient menées par des commissions compétentes pour prouver ou non l’implication des présumés auteurs de destruction des biens. L’opinion publique a le droit de savoir ce qui s’est passé et non pas de voir des arrestations toucher des personnes du fait que d’autres ont participé à des manifestations. La liste de ces personnes arrêtée n’étant pas publiée par la police, les spéculations sur le nombre exact des détenus vont bon train. Mais le problème n’est pas seulement relatif au nombre mais aussi sur les lieux, les conditions de détention, la suite à donner à ces arrestations dans des délais rapides. Autant il n’est pas permis à des gens de s’attaquer aux biens ou de troubler l’ordre public, autant il n’est pas juste d’arrêter des gens dont l’implication dans les manifestations TPMN reste à prouver. La lumière, toute la lumière doit être faite sur tous ces cas qui préoccupent les familles touchées par cette situation. Et c’est à la justice de se saisir de cette question pour mettre fin à ce séjour des détenus dans les commissariats qui ont dépassé les délais prévus. Sinon c’est une violation flagrante des droits humains.
Cheikh Tidiane Dia- LE RÉNOVATEUR
L´édito de Biladi: La baraque mauritanienne est fragile
La situation provoquée par le rejet des négro-africains du recensement controversé de l’état civil est loin d’être rassurante. Et le pays risque bien d’en pâtir. Ce problème est en train, en effet, de se transformer, par la bêtise des uns et des autres, en une question raciale qui rappelle de mauvais souvenirs. A l’intérieur de chaque communauté, comme c’est le cas généralement en pareilles conséquences, on commence à céder à la facilité et à glisser vers la perspective du conflit en incriminant l’autre auquel on a taillé, en se basant uniquement sur les préjugés et autres reflexes identitaires, un costume sur mesure. Des termes qu’on croyait rayés du dictionnaire national refont surface tels que la ‘’communauté arabo berbère’’ pour désigner les maures et la ‘’minorité noire opprimée’’ pour désigner les populations négro africaines du pays.
Les premiers voient dans ce terme très péjoratif, qui d’ailleurs et à juste titre ne correspond pas à une réalité sociale précise parce qu’il fait l’amalgame en associant deux communautés distinctes et souvent en conflit dans d’autres pays de la zone, une manière de vouloir leur ôter une identité arabe qui leur est très chère.
Quant aux seconds, on les accuse, sans preuves certes, de ne pas être loyaux envers la nation mauritanienne et d’avoir les yeux toujours rivés sur d’autres cieux…
Dans ce moment de folie, les positions de chaque communauté sont lues par l’autre à travers cette loupe déformatrice et dangereuse pour toute cohabitation nationale. Malheureusement, c’est ce qui est entrain de se passer actuellement. La majorité des maures ne cherchent même à comprendre les données du problème et défendent aveuglement ce que l’administration aime appeler l’enrôlement des populations dont l’objectif déclaré officiellement est de tenir correctement le registre civil de la Mauritanie. Même si beaucoup du monde y voient ‘’l’opportunité’’ de ‘’nettoyer’’ la population mauritanienne de tous les ‘’tares’’.
Face à cela, les négro-africains craignent de devenir la victime désignée de ce désir de ‘’purification’’. Ils ont droit de défendre leurs droits naturels à la nationalité mauritanienne, mais ne doivent pas raté leur cible : le pouvoir et non pas la communauté maure.
La baraque mauritanienne est fragile, nous devons l’entretenir et la défendre. Le pouvoir n’a pas intérêt à s’entêter à défendre un recensement qui est mal conçu au départ, qui piétine et qui risque de faire beaucoup de dégâts…
BILADI.