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FLAMNET-RETRO: Mauritanie: Nous voulons nos langes nationales, par Samba Thiam
Plaidoyer pour l’Officialisation des langues nationales pulaar, sooninke , wolof ‘’ Les leaders historiques de la Mauritanie ont pensé la culture comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, maître Taleb Khyar.
Cette posture explique, peut-être, pourquoi la question des langues est toujours abordée avec passion , sans l’objectivité minimale requise . Dès qu’on évoque l’officialisation des langues nationales pulaar , sooninke , wolof , bambara c’est la levée de boucliers . Cette Officialisation répond cependant à la raison, à une nécessité, à des impératifs de plusieurs ordres :
– d’ordre éthique et de droit :
En se fondant sur la position principielle ou du droit, nous ne pouvons dénier à personne le droit d’apprendre et parler sa langue, si nous admettons que ‘’tous les hommes sont porteurs d’une dignité qui ne peut être aliénée’’, et donc que ‘’ toutes les langues ont droit au respect de leur dignité’’, dira A Maalouf.
‘’L’islandais et l’anglais remplissent exactement le même rôle du point de vue du besoin d’identité ;C’est dans’’ leur rôle d’instrument d’échange qu’elles cessent d’être égales’’ précise -t-il…
Par ailleurs, l’officialisation des langues nationales renvoie à un double souci d’équité et de justice sociale. Elle corrige l’inégalité structurelle persistante de notre système éducatif , pour restaurer l’égalité des chances à l’école et l’opportunité pour chaque enfant, de s’enraciner et de s’épanouir dans sa propre culture…’’La langue maternelle , nous rappelle Mohamed Abdel Haye, constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif ‘’.
Cette officialisation restitue l’esprit de justice tel que préconisé dans la réforme initiée par le CMSN, qui avait été dévoyé par celle, inique, de 1999, en vigueur, opérée sous le prétexte, fallacieux, d’unifier le système.
Avec cette réforme, vicieuse, de 1999, l’Ecole mauritanienne cessa, depuis , de constituer un creuset par lequel les enfants accèdent aux mêmes chances de promotion culturelle et sociale …L’Ecole républicaine, tant ressassée actuellement, n’a de sens que pour autant qu’elle garantit l’égalité des chances ; or il y a inégalité structurelle à la base de notre Ecole que l’officialisation de ces langues redressera, encore une fois.
-d’ordre didactique et psycho-pédagogique
Les spécialistes de l’apprentissage admettent que la compréhension ou la maîtrise de la langue maternelle est capitale dans le processus cognitif ; Cela signifie que l’apprenant ( l’enfant) progresse plus vite dans l’apprentissage, parce qu’il réfléchit et communique dans sa langue maternelle; par images visuelles, interposées, des symboles et l’appropriation des concepts facilitées, en raison de l’élimination de la barrière linguistique.
Différentes évaluations menées, à travers plusieurs pays, ont montré que les enseignements dispensés dans la langue maternelle sont , de loin, plus faciles à assimiler ; ils augmentent, notablement, les chances de réussite scolaire, donnent de meilleurs résultats .
L’appreneur, à son tour, communique plus facilement son message, grâce à la suppression de la barrière de la langue. Dans la même veine, ces mêmes spécialistes s’accordent à dire que, ‘’un enfant qui démarre ses apprentissages par une langue étrangère accuse un retard de six ans dans sa scolarité’’ .
On en déduit que les écoliers négro-africains qui font face, dans le système actuel, à deux ‘’langues étrangères’’, au sens pédagogique du terme, accusent donc 12 années de retard…Pour des raisons cognitives, d’efficacité et de justice sociale, il nous faut adresser cette situation…’’ Il faut libérer et non pas inhiber le génie créateur de chaque peuple’’,(-et donc de chaque enfant-), nous dit le chercheur burkinabé Guissou.
L’officialisation des langues répond surtout à un impératif d’ordre psychopédagogique, pour ‘’jouer un rôle capital dans le développement psychomoteur, affectif et cognitif de l’enfant, qui ‘’réfléchit, compare, évalue et verbalise à travers sa langue maternelle, condition nécessaire de construction abstraite ‘’.
Bien des chercheurs en science de l’éducation soulignent que la langue maternelle constitue un facteur puissant d’affirmation de l’identité et de construction de la personnalité. Les écoliers négro-africains sont pénalisés depuis 60 ans, par un système scolaire assis sur une inégalité structurelle, que nous devons corriger pour être justes …
-Impératif d’ordre politique ou de cohésion nationale et sociale
L’école est censée offrir à tous les enfants qui la fréquentent les mêmes chances de promotion sociale. Par la discrimination opérée au niveau des langues ,on a créé, de facto ,un filtre qui élimine les uns et favorise les autres .
Le mépris, affiché, pour les langues et la culture des uns s’oppose à la consolidation de l’Unité nationale, tant prônée ; l’Unité ne saurait se construire et se consolider que dans une diversité qui s’appuierait sur le respect des identités respectives … .’’La langue est le pivot de l’identité et la diversité linguistique le pivot de la diversité’’, nous rappelle A Maalouf.
Cette officialisation de nos langues renforce et consolide l’unité nationale en instaurant une sereine diversité pour créer une empathie entre des locuteurs de plusieurs langues nationales que seront nos enfants. L’Unité, comme la diversité, ne se comprend, bien évidemment, que dans le respect des identités respectives.
L’Unité nationale doit découler du respect du principe d’équité (mêmes chances offertes à tous, même respect et dignité pour tous et chacun). ‘’La crise identitaire existe, nous dit maître Taleb Khyar, à cause de plusieurs facteurs, dont le plus important est l’école républicaine {…} dans laquelle est dispensé un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres ‘’. Or , ’’Il n’y a pas de majorité en matière de vérité ‘’, tout comme il n’y a pas de majorité en matière d’identité.
-Impératif d’ordre du développement et de la citoyenneté
Il est maintenant admis ‘’qu’un peuple ne peut s’épanouir et accéder au développement que dans sa propre langue’’. Le Japon, la Malaisie , la Norvège, entre autres, en sont l’illustration parfaite .L’usage des langues nationales – toutes les langues nationales – constitue donc un facteur puissant de développement économique et social, dès lors qu’il permet de former des adultes, pour en faire de bons paysans, de bons éleveurs et pêcheurs, des parents d’élèves capables de suivre et encadrer leurs progénitures dans leur scolarité, de bons citoyens enfin puisque , comme dit l’adage, ‘’l’instruction favorise et élève la citoyenneté responsable ‘’.
– Raison d’ordre pragmatique, enfin …
L’expérience mauritanienne, menée entre 1980 et 1999, a été une réussite incontestable, au vu des résultats des différentes évaluations menées; celle du BREDA (Bureau régional pour l’Education-Unesco-basé à Dakar) qui retient un taux de réussite de 82,10 % en milieu rural, 93,15% en milieu semi-urbain, et 81,52 pour le milieu urbain, et celle du ministère de l’éducation nationale( MEN), un taux de réussite de 71% pour les enfants de langue maternelle arabe qui apprenaient une 2eme langue négro-africaine… Réussite manifeste, visible de cette expérience sur bien des aspects ; telle est la réalité factuelle, indéniable, des choses …
-Pour lever des méprises, dissiper des malentendus et certaines croyances tenaces et erronées ‘’Croire que les communautés linguistiques, ethno-culturelles et réligieuses finiront par converger de sitôt vers une communauté homogène est une illusion grossière ‘’.
Voilà pourquoi ‘’spéculer que le temps simplifiera la configuration linguistique actuelle dans le sens de l’unilinguisme constitue une erreur tragique’’, avertit Samba Diouldé Thiam, homme politique sénégalais.
Si le facteur religieux constitue, certes, quelque chose d’important dans l’Unité des peuples , le facteur ethnique- et donc culturel – reste plus dominant, plus déterminant dans leur rapport de coexistence ; à titre illustratif on pourrait citer les cas de l’Inde et du Pakistan, des Turks et des kurdes, des kurdes et des arabes, des Wallons et des flamands, un Soudan du nord arabe et le Darfur etc .)
Cessons de penser l’enseignement de ces langues nationales (pulaar , soninke ,wolof) en termes d’opposition à l’arabe ou au français’’ ,car il est communément admis, en milieu scolaire, que la langue maternelle agit comme un accélérateur dans l’apprentissage de la langue no 2 ou ‘’langue étrangère’’. Il y a richesse et complémentarité et non pas opposition et adversité dans la relation.
Cessons également de croire que le plurilinguisme ou la diversité linguistique mène au séparatisme, car c’est une grossière erreur…En réalité, les germes de la division ou de la séparation, partout, naissent et prospèrent sur le terreau d’une longue tradition d’injustices accumulées et du déni des identités .
– Débarrassons-nous, enfin, de cette conception pernicieuse de la culture – toujours vivace dans nos esprits- qui fait dire à Taleb Khyar – que la culture est perçue par nos leaders historiques (et pas seulement qu’eux ) comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir; ce que M ould Bedrédine – connu pour son franc-parler – attestait en ces termes, lors d’un entretien accordé à Marion Fresia, : ‘’ les Maures ont voulu rétablir les rapports de force en leur faveur en utilisant deux instruments : la langue et l’Ecole’’. Paix à son âme.
II-Quelques points d’éclairage sur l’expérience de l’enseignement de ces langues menée par l’Institut entre 1982 -1999 ( 2eme partie ).
Elle démarre en 1980 avec la création de l’institut des langues nationales suivie de l’ouverture de classes expérimentales ,sous l’ère du CMSN ;elle perdure jusqu’en 1999, où elle est brutalement interrompue sans raison objective explicite valable. L’expérience portera sur 52 classes réparties dans cinq régions , -ayant pour langue 1ere le pulaar, le sooninke et le wolof ,et l’arabe comme seconde langue-, avec un effectif de 2268 élèves et 77 Enseignants-chercheurs. La date retenue pour la généralisation de l’expérience est fixée à l’horizon 1987- 1988*.
Quel était l’exposé des motifs du CMSN et que disent les évaluateurs de l’expérience ?
– ‘’ démocratisation objective de l’option linguistique pour les élèves dont la langue arabe n’est pas la langue maternelle et volonté d’indépendance culturelle où l’arabe sera la langue unitaire parlée par l’ensemble des mauritaniens’’ ; Option à l’horizon, ‘’ l’ officialisation de toutes les langues nationales, qu’il s’agira d’ utiliser comme véhicule du savoir, sous toutes ses formes{…} et d’installer d’emblée une dynamique propre à assurer leur plein développement et leur insertion , sans restriction, dans tous les secteurs de la vie sociale’’, lit-on dans l’exposé des motifs .
L’expérience fera l’objet de deux évaluations, externe et interne
– Celle du BREDA , portait sur la performance de 9 classes observées sur 14, à travers une mission qui conclut en ces termes :
« A l’oral comme à l’écrit les résultats restent satisfaisants dans l’ensemble {…} Les élèves s’expriment sans difficulté, et la majeur partie d’entre eux ont déjà atteint un niveau de lecture expressive qui dépasse nettement celui qu’on pourrait attendre d’un élève de 3e voire de 4e année des classes traditionnelles. Les mécanismes opératoires de calcul ( addition , soustraction , multiplication et division )semblent bien maîtrisés .
Aux tests ( opérations avec retenue et énoncés de problèmes ) qui leur ont été administrés sous nos yeux, les classes ont réalisé des succès intéressants : 70 à 80 % des élèves ». La mission poursuit, en conclusion partielle : ‘’ malgré quelques imperfections liées surtout à la qualité des outils didactiques et au métalangage pédagogique, les élèves des classes observées{…} ont un niveau ,à tout point de vue, comparable, sinon supérieur à celui qu’on peut attendre des classes traditionnelles **». Au titre d’observations annexes, cette mission note : ‘’-impact socio-culturel positif de l’expérience sur le milieu scolaire et villageois.
– réelle motivation des élèves qui , dans certaines classes, se livraient à des exercices scolaires en l’absence du maître.
-rapidité inattendue des progrès réalisés par les élèves en avance sur leurs camarades des classes traditionnelles**
– le climat des classes témoigne des conditions d’épanouissement et d’apprentissage hautement favorable.
– les maîtres rencontrés font preuve d’un engagement réel pour ces langues nationales et s’impliquent dans l’alphabétisation des adultes et l’animation socio-culturelle
– dans certains villages où les cours d’alphabétisation n’existaient pas, les élèves se chargeaient eux-mêmes d’enseigner leurs camarades ou certains adultes.
– disposition très favorable des collectivités locales enthousiastes à l’égard de l’expérience en milieu pulaar et wolof surtout qui, volontairement , anticipent la construction de salles de classes .
En conclusion générale, cette mission du BREDA retient : ‘’au double point de vue pédagogique et sociologique l’expérience mauritanienne en matière de revalorisation des langues nationales laisse l’impression d’une opération réussie.’’
Et quelle a été la conclusion des évaluations internes (Ministère de l’Education Nationale et l’ILN) ?
-Voici les termes du rapport de la commission créée en janvier 1988 par le MEN, chargée d’évaluer les travaux réalisés par l’ILN depuis son démarrage jusqu’en 1988 : « Si nous admettons le principe selon lequel la qualité d’un enseignement , pour ne pas dire l’efficacité d’un système éducatif se mesure par rapport au taux de réussite scolaire, force nous est de conclure d’une manière générale que l’expérience de l’enseignement des langues Pulaar , Sooninke et Wolof, dans l’ensemble des classes qui ont fait l’objet de notre évaluation , a connu un succès honorable avec un pourcentage moyen de réussite de 61% pour les filières de langue 1, et 71 % pour les classes de filière arabe du système traditionnel qui font pulaar , sooninke , wolof comme langue seconde » .
-l’ILN , quant à lui, conclut ainsi : « performance positive des élèves des classes expérimentales (-cours d’initiation 1ere année-) qui indique que, dans une large majorité, ceux- ci ont maitrisé les acquisitions instrumentales (lecture, écriture, calcul) » ; « un taux d’abandon scolaire très faible ». L’ILN relève les taux d’admission aux examens et concours –en 1ere ASB, de plusieurs années ainsi (données disponibles ) :
–1988-89 : 11,49% – – 1989-90 : 51,61 %- -1990-91 : 14,28%
-1991-92 :23,6% – -1995-96 : 61,90%.
Visiblement, efficacité nettement supérieure à celle du système en cours, hérité de la réforme désastreuse de 1999 , qui tourne autour de 8% , réforme à la base des maux de notre Ecole actuelle, complétement par terre…
En terme de coût financier l’expérience n’a pas coûté grand-chose, 481 .000.000um en tout et pour tout , en 19 ans, selon nos sources ; une misère !
Au regard de tout ce qui précède l’expérience apparaît, visiblement, comme un succès indiscutable. Malgré tout, elle est brutalement interrompue par l’autorité de tutelle en 1999 ; l’Institut est fermé pour être rattaché à l’Université, affecté aux disciplines des spécialités, délaissé à lui-même .
Qu’est-ce qui justifiait l’abandon d’une telle expérience à succès, à tout point de vue ? Quelles étaient les raisons véritables ou les motivations souterraines, ayant conduit à l’arrêt, arbitraire, sans explications de cette belle expérience qui n’avait que des avantages ?
Les inspirateurs et promoteurs de la réforme de 1999 qui arrêtèrent cette expérience nouvelle, prometteuse, proclamaient, mensongèrement, vouloir unifier un système à filière qui divise …Ils n’ignoraient pourtant pas que ce système à filière en vigueur était provisoire, et qu’il serait bientôt remplacé par celui issu de l’expérience de l’Institut en cours, dès qu’elle serait généralisée ! Ils feignaient d’ignorer que cette expérience nouvelle unirait, puisque nos enfants communiquaient déjà entre eux dans, au moins deux langues nationales !
En vérité les réformateurs nous cachaient leur jeu ou leur agenda, dissimulant une double motivation: Ils voulaient, d’une part, sauver les écoliers arabo-berbères naufragés de la filière arabe, engagés dans une impasse, sans débouchés internes ou externes et, d’autre part, surtout arrêter l’expérience de l’enseignement des langues nationales au taux de réussite fulgurant ;
Il fallait freiner cette tendance qui allait créer un réel équilibre pour la première fois dans le système éducatif , en rendant les chances de réussite identiques et égales pour tous .La crise identitaire existe, nous rappelait maître Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’Ecole républicaine{…} dans laquelle un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture , d’une race , d’une langue sur les autres est dispensé » ; restaurer cette suprématie d’une langue et d’une culture ‘’, c’était leur agenda secret .
Ces réformateurs partisans du statu-quo décrit, mus par un esprit cynique et machiavélique, décidèrent non seulement de freiner le projet, mais de tisser cette réforme de 1999 de telle sorte à assurer un échec collectif, certain, des écoliers non-arabes.
Ainsi, d’un côté ils levaient un écueil*** -retour du Français négligé dans la filière arabe-, de l’autre, ils multipliaient les écueils en imposant la langue arabe aux écoliers non arabes ; langue éclatée, de surcroît, en matières multiples affectées de coefficients accrus que rien objectivement ne justifie : l’histoire, la géographie, la philosophie, la langue, l’instruction civique, l’instruction religieuse sont dispensées en arabe.
D’où l’échec catastrophique, massif, persistant, observé ces 20 dernières années, consécutif au découragement de ces enfants non arabes désorientés, qui abandonnèrent et abandonnent encore massivement l’école ! Instrumentalisation manifeste de la langue arabe à des fins de domination et d’assimilation, ayant conduit au blanchissement**** méthodique, appliqué et continue de l’Administration, à partir des années 80 ; comme pour copier le Maghreb…
L’élite négro-africaine ne s’oppose pas à la langue arabe en tant que telle, mais à son instrumentalisation de plus en plus affirmée et assumée.
Par esprit de sabotage, par absence de volonté politique affirmée, à cause des résistances sourdes, il avait été mis fin, sans explications, à une expérience qui était une réussite et qui , de surcroît, ne coûtait pas tant que ça …
Faut-il reprendre l’expérience immédiatement ? Cela est-il possible ?
Oui, car les textes juridiques de base existent, les acteurs d’hier sont encore disponibles pour la plupart, le contexte politique et social , plus réceptif, le réclame avec force , aujourd’hui plus qu’hier ! Pour toutes ces raisons, il est bon de noter, d’ores et déjà, que toute réforme du ministère de l’enseignement fondamental à venir, qui ne tiendrait pas compte de – l’officialisation des langues – ferait fausse route pour reconduire les mêmes problèmes ,et risquerait , en conséquence , de faire objet d’un rejet massif…Des lobbies chauvins sont, de nouveau, à l’œuvre dans l’ombre, pour tout dévier, tentant une réédition du scénario de la circulaire 02 qui ne passera plus…
Nous Voulons Nos Langues !
Concluons pour dire que la problématique des langues n’existe pas que chez nous, mais partout ailleurs où coexistent des peuples aux habitudes mentales et mœurs différents ; Elle se pose parce qu’elle renvoie à cette notion ultra-sensible et irréductible que constitue l’identité; et parce que la langue – elle aussi – peut devenir un instrument idéologique puissant de domination et d’oppression …Que des pays comme la Belgique ,la Suisse , l’Afrique du Sud , entre autres, aient pu venir à bout de cette problématique devrait nous inspirer , nous inciter à plus d’optimisme et nous encourager enfin à essayer .
Nous réussirons à condition, toutefois, d’être mus par le seul désir de construire, une fois pour toutes, un système éducatif fonctionnel, efficient et juste, qui servirait l’égalité des chances, offrirait les mêmes opportunités à tous, et assurerait au peuple, dans toute sa diversité, développement, bien-être et harmonie.
27 Octobre -2020
Samba Thiam
Inspecteur de l’Enseignement Fondamental
Notes
* intermède ou anecdote à noter :
En 1987-88, au bout des 6 ans requis du Fondamental, la 1ere promotion devait passer le concours d’entrée en 6e année ; elle en est empêchée par décision du ministre, sans explications, et sans raison objective apparente.
Année perdue. 1988-89, ces élèves sont forcés de se reconvertir pour passer les examens, et composer obligatoirement en arabe ou en français pour toutes les épreuves, à l’exception de celle des mathématiques qui sera en langue nationale. (On imagine les énormes les difficultés auxquelles ces enfants ont dû faire face pour suivre un enseignement au secondaire dispensé en Français et en arabe ; malgré ce handicap, le taux de réussite sera de 11,49% ! )
Toutes les cohortes suivantes seront soumises cette reconversion subite, avec désormais des langues maternelles reléguées, tout juste, au rang de matière …). Et pourtant dans sa note de présentation le Décret no 81017/PG/MEN dit : ’’{ …} Ce système qui entrera en vigueur dans un délai maximum de six ans se fondera sur une officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar , sooninke et wolof qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe’’ :
** Par classes traditionnelles il faut entendre le système à 2 filières (option arabe et option bilingue alors en vigueur ). L’option Arabe totalisait 20 h de français, et l’option bilingue 55h d’arabe. Le français n’est introduit qu’en 2e année dans les deux filières. Le choix de l’une ou l’autre langue est, de fait, ethnique.
*** Tous les maîtres et Prof d’arabe scientifiques furent relevés, recyclés, affectés à des tâches administratives ou reversés dans la diplomatie.
**** L’Armée -dans son corps de commandement- , l’Administration , les Ecoles spéciales ( L’Ecole des mines , de la magistrature , l’Ecole polytechnique , de médecine ,le Prytanée militaire , l’Ecole des officiers , d’Etat major, d’aéronavale, L’Eni de Nouakchott,) sont totalement blanchies. Un Système qui fait des Négro mauritaniens des ‘’citoyens’’ de seconde zone, quasiment invisibles dans les médias, sans pouvoir politique, sans pouvoir financier, sans pouvoir militaire, sans possibilité d’éducation… Une Unité nationale véritable ne saurait se construire de cette façon-là !
FLAMNET-RETRO: Chronique de la Question Nationale en Mauritanie – à travers les Mémoires de Ould Daddah,” la Mauritanie contre vents et marrées ” par Bara Ba
J’ai lu les mémoires de Ould Daddah – ” La Mauritanie contre vents et marrées” .
Je voudrais partager avec vous,chers lecteurs ,son temoignage sur juste un aspect de ces mémoires touchant la question culturelle . Mon intention est de montrer combien cette question fut récurrente et chargée . Combien également les gouvernements arabo-berbères louvoyérent , à chaque fois qu’elle se posât avec accuité, voire avec passion le plus souvent, trainant les pieds de report en report , pour qu’enfin on l’enterra , pour de bon .
J’aimerais aussi montrer comment par glissement, volontairement choisi , on est passé de la dimension politique –Question nationale à la dimension culturelle –question de langues-, pour ne retenir , en définitive, que cette dernière ; et cela même présentement chez la plupart de nos leaders politiques arabo-berbères !
A ceux qui s’obstinent à penser que le problème nègre a été ou demeure juste un problème culturel , les faits retracés par Ould Daddah les controdisent formellement en soutenant le contraire à travers les confessions qu’il nous fait , ici même dans ces pages .
Cette question est d’essence politique , fondamentalement .
Dans ce témoignage que je rapporte ici , le plus fidélement autant que possible , je ne manque pas, de temps à autre , de faire ici et là, mes propres commentaires , à certains propos . Vous saurez faire la différence .
Ecoutons plutôt Mokhtar Ould Daddah .
Le Congrès d’Aleg 1959 , Congrès – départ de la dérive , et à partir duquel Ould Daddah remonte .
“ Pendant ce Congrès un débat houleux , voire passionné s’était engagé sur la Question nationale . Le groupe Négro- Africain proposait la solution fédéraliste , à défaut exigeait des garanties constitutionnelles; le Groupe recommandait en outre l’adhésion de la Mauritanie à la Fédération du Mali , position sur laquelle ils étaient même soutenus par le groupe des maure de l’Est .
La Question n’ayant pas trouvé de solution fut donc suspendue , en raison de son acccuité pour être confiée , au groupe parlementaire , au sortir du Congrès.
Il était question , nous confie Daddah qui rapporte les choses , de procéder à une révision constitutionnelle qui serait favorable à la minorité ( entendez Négro-Africains ) suite à leurs inquiétudes exprimées à propos de l’évolution du pays.
“Les Noirs disaient , nous rapporte Daddah , que si la régle démocratique selon laquelle la majorité numérique impose sa loi à la minorité était appliquée telle quelle chez -nous , la majorité maure pourrait dans certains domaines importants , imposer des mesures qui léseraient la minorité. Pour prémunir cette dernière contre de telles éventualités, des garde-fous , des garanties devaient être prévues dans la constitution”.
Il ajoute plus loin , que puisque ” le Président de la République serait toujours maure , théoriquement , il fallait instituer une vice -présidence dont le titulaire serait issu de la vallée “.
Il fallait donc réviser la constitution dans le sens d’un exécutif bi-céphale.
Le groupe parlementaire se mit donc au travail , et après d’âpres discussions , se mit d’accord , pour l’essentiel , sur la proposition. Il fallait passer à exécution .
Mais Ould Daddah , en fait secrétement hostile à l’idée , saborda la proposition le 8 Mai 1959, pour la raison qu’il révéle ici lui même :” les rivalités entre les candidats potentiels à la vice-Présidence empêchaient tout accord sur une personnalité acceptable par tous les représentants de la Vallée “, disait-il .
Puisqu’il y’avait rivalité entre différents postulants , il fallait enterrer l’idée , soutient apparemment Daddah . Raison fallacieuse , s’il en fut , qui cachait mal un cynisme et une hypocrisie manifeste, en vérité ! car Daddah ignorait délibéremment les recommandations des Négro-Africains et les principes arrêtés par le groupe parlementaire , stipulant « que le candidat Négro-Africain issu de la Vallée devrait être élu , au même titre que le Président de la République , pour bénéficier d’une plus grande légitimité ».
Pourquoi exigea –t-il un consensus autour d’un candidat pour ressortissants de la vallée qui n’avait pas de raison d’être, logiquement parlant, alors que ce critére n’avait pas été retenu par le groupe parlementaire chargé de la question ?
Pourquoi n’avoir pas imaginé plutôt, organiser des primaires entre les candidats, ou simplement les laisser compétir , et que le meilleur gagne ?
Non ! la vraie réponse est qu’en fait Ould Daddah ne souhaitait pas résoudre ce problème , et cette apparente dissension au sein des Nègres fut un prétexte , une aubaine …pour enterrer l’idée .
Ould Daddah évacua donc ainsi la Question , de maniére cavaliére.
Cette question politique , comme on le verra , allait toutefois ressurgir de manière récurrente , mais déviée… ou rebaptisée “ question culturelle “ , à travers l’Arabisation .
Alors que la Communauté de la vallée du fleuve n’avait pas fini de s’inquiéter sur son avenir , le second Congrès de 1961 – congrès de l’unité- adopta le principe de l’officialisation de la langue Arabe , attisant le feu comme par provocation . Ce qui naturellement accrut l’inquiétude nègre, et suscita une atmosphére encore plus tendue .
Ould Daddah le confirme en page 294 , décrivant l‘atmosphére du Congrès : ” d’un côté , les maures dans leur écrasante majorité voulant l’officialisation et l’application immmédiate de cette mesure . Quant aux noirs de la vallée , ils ne voulaient pas l’entendre évoquer “.
Ce fut là le point de départ de l’appelation “probléme culturel” occultant la dimension politique fondamentale initiale .
Manière subtile de faire oublier aux Négro-Africains, (par diversion ?) la dimension politique de la problématique négre ? Sans nul doute !
Cette question , à son tour , – officialisation de la langue Arabe – fut différée au cours des assises , comme du reste celle de la suppression de la chefferie traditionnelle , pour avoir suscité de vives controverses , une tension élevée , par l’ambiance surchauffée pendant les assises du Congrès .
Les seuls points de “convergence” au cours de ce Congrès furent : l’admission du principe de « prédominance du Parti sur l’Etat », l’adoption du régime présidentiel_ c’est à dire la suppression du Régime parlementaire_ ( début de la dérive autocratique), et la révision des accords avec la France .
Le Bureau Politique National (BPN) élu fut chargé , au sortir du Congrès , de trouver des solutions à la question culturelle , laissée en suspens , pour l’horizon du Congrès 1962 .
Ainsi le BPN , à son tour, mit en place une commission chargée d’étudier les question qui s’étaient posées au Congrès . Cette commission était composée de Youssouf Koita, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, Dr Racine Toure , Mohamed Ould Cheikh.
Pas de solution pendant toute l’année 1962 où la question des garanties constitutionnelles fut resoulevée de nouveau, simultanément à l’officialisation de la langue Arabe.
Le BPN -nous relate Ould Daddah- y consacra , aprés le retour des travaux de la commission , plusieurs réunions dont la plus longue dura une semaine du 27 juill au 2 Août 1962). Les discussions achoppérent , toutes “.
Nouvelle commission mise sur pied-encore- en juillet 1962, chargée de “la mise en forme des garanties constitutionneles accordées à chaque Ethnie ( notez la filouterie …comme si l’inquiétude, ou le besoin de garantie existait de part et d’autre !) , de l’officialisation de la langue arabe, l’institutionalisation d’une vice Présidence de la république dont le titulaire n’appartiendrait pas à la même Ethnie que le chef de l’Etat, mais serait élu dans les mêmes conditions que lui ; l’identification de critéres légaux pour l’équité au recrutement aux fonctions publiques , l’Organisme paritaire veillant au respect des garanties “ , fin de citation .Tel fut l’exposé de motifs du travail confié à la commission .
On croirait entendre les FLAM !
Les quatre membres précédents de la commission antérieure sont renforcés par Dah Ould Sidi Heiba , Kane Tidjane , Kane Elimane , Mohamed Mamoune , pour constituer une nouvelle commission.
Celle-ci à son tour crée une Sous-commmission technique ; laquelle sous commission technique adopte les propositions suivantes : Rejet du bilinguisme Arabe peu viable par manque de cadres , rejet de l‘unilinguisme français ,vu les différences sociales et politiques et la mutilation culturelle qu’il entraine , formation de maîtres bilingues , perspective d’une réforme du Secondaire .
Notez encore la filouterie , par cette maniére de louvoyer !
Ces propositions sont soumises au BPN pour adoption ; mais discussions, longues , âpres et passions exacerbées empêchent tout accord . Nouveau report…encore.
La question ( en suspens ) est reportée donc , pour le Congrès de 1963 . Aucune solution, à la fin des travaux de celui-ci ; elle alors reconfiée au BPN ( nouveau ) qui charge sa commmission d’orientation de la tâche .
Octobre 1965 … le problème refait surface mais de maniére plus aigue; L´assemblée nationale désormais inféodée à Ould Daddah vote une loi en 1965 réorganisant L´Enseignement secondaire , entendez rendant obligatoire l ´Enseignement de l´Arabe à partir de la 6éme , à côté du Français . La suite vous la connaissez ;… Manifeste des 19 , émeutes à Kaëdi , Boghé . Discours musclé et plein de menace de Ould Daddah face à l’agitation Négro-africaine ; discours Daddah dirigé contre les 31 cadres Noirs soutenant la gréve scolaire de 1966, et les 19 signataires du Manifeste.
Désapprobation à ce discours côté Négre , et en réaction … démission du Président de l’assemblée nationale ( Mamoudou Samboly Ba ) et des membres Noirs du Gouvernement. Daddah refusera ces démissions sur le coup, par stratégie , mais sanctionnera de maniére humiliante plus tard Mamoudou Samboly, et Elimane Kane .
Sanction, à pas de course , des 19 cadres signataires du Manifeste qui soutenaient l’action des Eléves Noirs .
Il faut dire que Ould Daddah tenta d’abord de faire prendre la mesure de sanction contre les 19 par le BPN ; « ce fut un échec , du fait d’un profond désaccord tranché entre la tendance maure et Négro- africaine, nettement divisée sur la question en deux blocs , à l’exception de un ou deux maures qui soutenaient le clan négre_ » c’est toujours Ould Daddah qui parle .
Ayant échoué au niveau de cette plus haute instance , Ould Daddah fait prendre la mesure en Conseil de Ministres, plus inféodé .
Le Pays est en pleine crise . La tension ne baisse pas .
Nouvelle Commission nationale en juin 1966, choisie par le BPN, au sortir du Congrès d’Aioun , dont l’objectif était ,disait- on “de maximiser tous les aspects de relation entre les deux communautés nationales, en faisant le point de la situation et en dégageant les perspectives d’avenir “, de réaliser en même temps “un bilinguisme plaçant l’Arabe au même pied que le Français .” sous le couvert de la “repersonnalisation dépouillée de tout chauvinisme et de toute xénophobie “. Fin de citation.
Nouvelle sous-commission (encore !) chargée de traduire ces idées en terme de réforme.
Seck Mame N´diack, Mohameden Ould Babbah, Baro Ali, Mohamed El Moctar O/ Bah , Ahmed Ben Amar , Baro Abdoulaye , Abdellahi O/ Maouloud O/ Daddah , en seront les membres designés.
Remise des travaux trois mois plus tard au BPN ; désaccord ?, insatisfaction ? Daddah n’en dit rien dans son livre. En tout état de cause rebelotte ; le BPN décide d’en reconfier l’étude approfondie à une sous-commission technique…encore une autre !
Babacar Fall, Mohameden O/ Babbah, Elimane Kane , Ba Alassane , Mohamed El Moctar O/ Bah, Sidi Mohamed O/ Deyine, Abdoulaye Baro, Salem Fall , Ely O/ Alaf, en seront les membres . Cette sous-commission fait les recommandations suivantes :
Accent mis « sur la recherche de l’efficacité et de la justice , repersonnalisation dépouillée de tout chauvinisme , renforcement et consolidation de l’unité nationale , ne pas couper l’enfant de son milieu ». Sur la base de ces recommandations , nait la réforme de 1968 instituant la 1ére année du primaire entiérement arabisée, puis celle de 1973 , où les 2 éres années seront entiérement arabisées ; pour le cours élémentaire et cours moyen, l’horaire sera moitieé Arabe , moitié- Français .
Cette réforme consacra , en 1978 , l’échec le plus massif des écoliers Négro-africains.
Vous aurez compris que si cette question culturelle n’a cessé de rebondir , sans trouver de solution c’est bien parceque Ould Daddah n’y tenait pas , en réalité . Son projet de reéquilibrage ethnique au sein de l’Administration – les maures étaient lésés par le fait colonial- la repersonnalisation de l’homme mauritanien , entendez maure-arabe , lui tenait trop à coeur .
Ce fut pourquoi également , je me permets ici une digression , il jugea et sanctionna différemment les personnalités qui, disait -il, avaient été impliquées dans les émeutes de 1966 . Ainsi, faisant semblant d’être à égale distance de ces leaders en cause, que sont Mohamed Ould Mohamed Salah (appelé ministre des Maures par la vox populis ) et Mohamed Ould Cheikh ( appelé ministre des Noirs) tous deux têtes de pont de son régime ,Ould Daddah opta , en fait , pour un parti pris manifeste en faveur…de la réaction.
Mohamed Ould Cheikh qu’il dépeignait comme généreux et progressiste fut sacrifié au profit de Mohamed Ould Mohamed Salah qu’il dépeignait comme traditionnaliste et conservateur . Il limogea tous les partisans de Mohamed Ould Cheikh , tel Yahya Ould Menkhouss et Bamba Ould Yazid , sans toucher à ceux de Mohamed Ould Mohamed Salah…Qu’il réhabilitera du reste plus tard au congrés d’Aioun…
Des hommes justes , progressistes et généreux – dépeints par lui- même comme tels-furent limogés parcequ’ils avaient eu le courage de leurs idées face au problème nègre, et pensé comme le groupe nègre dans la gestion de cette question politico-culturelle, Ould Daddah choisit donc de liquider le clan progressiste au profit du clan réactionnaire et raciste … le tout sous le couvert de l’équité …quelle filouterie !
Je me suis permis cette digression pour mieux vous éclairer sur le penchant et les motivations sécrétes du marabout, lecteur ,… mais revenons à nos moutons .
De 1958 à 1978 , cette question culturelle sera donc balottée de commissions en sous-commissions ; Daddah avait lu Clémenceau.
Elle continuera de l’être de 1978 à 2000 .
Sous la pression sociale des Négro-Africains , le systéme à filiére ( Arabe /Francais ) est institué sous Ould Haidalla . Léger changement , légére concession .
Mais là également , au fil des années et des manigances de maitres d’Ecole partisans d’une Mauritanie Arabe, la filiére française se retrécira comme une peau de chagrin dans les Ecoles du Sud, que l’on arabisera un peu plus , chaque année après l’autre , en dépit de la liberté de choix proclamé .
Ould Taya , le plus grand despote de tous les temps arrive entre-temps , radicalise l’Enseignement de l’Arabe ; 90% des Ecoles mauritaniennes sont arabisées , les 10% restant ont toutes les peines du monde à dispenser les quelques cours de Français encore existant , de 1984 à 1999.
Au bout de son oeuvre , l’impasse et un gâchis énorme pour des générations d’écoliers sacrifiés .
Suite à ce constat d’échec Ould Taya entreprend une nouvelle réforme …celle de 2000, sous prétexte ‘’ d’unifier le système’’; Il fera supprimer l’Institut des langues, qui pourtant réussissait,…on ne supprime pas quelque chose qui reussit à moins de….… .
Mais , comme toujours l´idéologie de la Mauritanie Arabe- permanent soubassement des politiques racistes – prend le pas sur la raison ; L’unification se fait à nouveau au détriment des Ecoliers Négro- Africains .
En effet, dans cette nouvelle réforme l’Enseignement des matiéres définies comme « matiéres culturelles » comme la philosophie , la langue , l’histoire , la géographie , l’instruction civique , la morale et la religion , sera dispensé en Arabe. Les 2 premiéres années du primaire _ comme ce fut pour la réforme de 1978 _ sont entiérement arabisées . Les Ecoliers engagés dans cette réforme sont aujourd’hui ,en 6 éme année , leur niveau plus bas que jamais . Encore des sacrifiés de la vie …des sacrifés à vie !
Il ressort de ce témoignage , pour conclure , que manifestement Ould Daddah lui-même reconnaissait l’existence du problème nègre –comme problème politique qui se posait en termes de garanties constitutionnelles , voir de partage du pouvoir. Ce fut progressivement que l’aspect culturel prit le pas sur l’aspect politique , comme certaines forces l’avaient conçu , pour conduire à l’appelation « probléme culturel ». Ce glissement ne se fit par hasard . Il et ne fut ni gratuit ni innocent , nous l’avons dit !
A entendre encore aujourd’hui beaucoup de leaders politiques , comme Mohamed Ould Maouloud de l’UFP (cfrt récente déclaration )… comme Conscience et Résistance qui ne retient de notre problématique que l’aspect culturel et humanitaire (déportés,)… comme Ould Daddah Junior dont le mutisme de carpe sur ces questions est encore plus révélateur, nous sommes frappés par la continuité de pensée !
Cette dimension politique que nos leaders politiques s’évertuent à nier ou à gommer , Ould Daddah lui même , à travers ses Mémoires , la reconnaît pourtant . Seul CHBIH Ould Cheikh Malainine osa, par honnêteté, faire entendre une voix discordante. La fuite en avant n’a jamais réglé les problèmes … Elle contribue plutôt à toujours les aggraver , en les faisant durer.
Depuis 1958 il en fut ainsi ; même idéologie de domination , même négation de l’autre personnalité de la Mauritanie , même obstination absurde à vouloir assimiler les Négro- Africains …mais également , même résistance timide, timorée et velléitaire du Négro- mauritanien . Hélas !
Sommes-nous suffisamment indignés par notre Condition dans ce pays ?
A chacun d’en faire l’examen de conscience.
La lutte continue !
BARA BA
Dakar- Sénégal
Sources : FLAMNET-ARCHIVES- mars 2007
FLAMNET-RÉTRO: De l’identité des Haratines ! par Bara Ba
Les Haratines, cette force montante, constitueront, de plus en plus, un enjeu important dans l’évolution future des rapports de force inter- communautaires. Voilà pourquoi ce groupe ne laisse personne indifférent . Voilà pourquoi, également, le doute, la réflexion et un questionnement qui traversent actuellement certains segments de ce courant sur la meilleure voie devant mener à leur liberation interpellent chacun de nous. Lorsque j’ai lu la réponse de Samory à Nany, suite à une lettre, naïvement, adressée aux Nations-unies, j’ai décidé, à mon tour d’entrer dans le débat . à ma manière. Prenant d’emblée le contre-pied de Ould Nany, je pose que la libération de l’esclave – tout esclave- passe par une rupture ombilicale d’avec le maître , nécessairement.
Cette rupture ombilicale d’avec le maître se justifie en raison de la nature même de la relation d’intérêt maitre-esclave, par essence conflictuelle, antagonique; En effet l’un cherche à asservir, à aliéner une liberté, l’autre cherche à recouvrer cette liberté, à se soustraire à l’asservissement. On entend souvent dire, comme par définition, que « l’esclave est celui-là qui manque de tout, qui fait tout et qui n’a aucun droit, et que le maître est celui qui a tout, qui ne fait rien et qui a tous les droits ».
Par ailleurs l’histoire enseigne qu’en général, l’esclave recouvre rarement sa liberté, par la volonté du maître, ou au gré de celui-ci ! L’esclave se libère ou rompt les chaînes de servitude, par la seule force de sa volonté, dans certaines conditions favorables.
Il me paraît alors normal et tout naturel, pour revenir au cas mauritanien, que le ? “haratine -abeid ?”, pour se libérer, empruntât, lui aussi, cette même voie de rupture; il devra, pour se faire, s’affranchir du lien tribal , psychologique et économique .
J’ai dit s’affranchir du lien tribal car celui-ci participe de l’instrumentalisation du groupe Haratine par le montage, à dessein, d’une « majorité maure », dont les bénéfices et retombées positives reviennent presqu’exclusivement au seul sous- groupe dominant Bidhaan! La tribu, en fait, constitue un carcan subtil qui entretient un semblant de relations affectives inter-membres destiné, en réalité, à maintenir l’esclave dans la dépendance, sentimentalement et socialement .
Autre chaîne dont il faudrait se défaire: ce mensonge « religieux », grossier, déliberement entretenu par le maître, afin de renforcer la dépendance psychologique de l’esclave, qui stipule que ?’ ne pas obeir à la volonté du maître conduirait au purgatoire”; que le maître serait celui- là, seul , capable de lui garantir le paradis, chose au dessus du pouvoir même des prophètes !
Enfin dernière dépendance à briser, et non des moindres, la dépendance économique; ?’l’autonomie économique” de l’esclave vis-à-vis du maître est indispensable pour sa véritable libération. Il est heureux de constater que ce processus est dejà en marche en milieu urbain, forcé par les sécheresses des années 70; à ce niveau les Haratines qui vivent en milieu urbain ont un rôle majeur à jouer, dans le réveil de la multitude, encore endormie dans le fin fond du pays !
Rompre donc, en conclusion, les chaînes tribale, psychologique et économique , afin d’accéder à l’affranchissement définitif et irréversible, telle me paraît être la seule voie qui puisse mener vers la liberté ; mais attention à ne pas tomber dans l’illusion que cette liberté, une fois conquise, conduirait automatiquement à l’émancipation du haratine et surtout à sa pleine citoyenneté; il en faudrait beaucoup plus !
Tant que demeurera le racisme anti-Noir il serait illusoire de nourrir un tel espoir .
Sans l’élimination de la discrimination raciale, érigée en Système, contre les Négro -mauritaniens ( Haratines et Négro- africains ), les Haratines, en se libérant de l’esclavage, changeraient, simplement, de type de « ghetto » ; ils auront quitté le ?’ghetto” de l’esclavage pour retomber dans celui du racisme, ni plus ni moins !.
Voilà pourquoi ils devront comprendre que la voie la plus courte pour leur libération et émancipation totale passe, nécessairement, par la fin du racisme d’Etat .
Voie toute politique, on en convient !
Cette approche, on le voit, milite, par voie de conséquence, si tant est qu’elle est bien comprise, pour un changement dans la stratégie actuelle, adoptée jusqu’ici par certains leaders Haratines, axée essentiellement sur la dimension exclusive « droits de l’homme », qui se mène comme en vase clos ! L’engagement politique militant est nécessaire, qui prendrait en charge toutes les dimensions de la lutte devant mettre fin à l’esclavage …
Ici se situe mon incompréhension à voir certains militants activistes de cette cause, se tenir en marge des chapelles politiques, comme par évitement, alors que les choses restent fortement imbriquées !
Bien entendu cet « engagement politique » ne se fera pas sans un choix .difficile, voire douloureux !
En effet cet engagement politique et militant suppose, au préalable, une clarification sur « l’identité des Haratines » !
Qui sont -ils ? Négro-africains ? Arabo-berbéres ? Une entité spéciale à part ? ou encore juste une classe sociale tout court ?
Il leur appartiendra de se définir, de déterminer leur identité ou ce qu’ils souhaitent devenir. Alors seulement se dégagerait une stratégie claire et adaptée, pour leur libération et émancipation !
Nous avons dit que ces choix ne seront pas sans douleur, ni sans passion et sans heurts, car le front Haratine n’est plus ce qu’il paraît , c’est- à -dire uni .
J’ai encore en mémoire certains propos de leaders Haratines, teintés d’une sorte de dilemme douloureux qui définit le Hartaani comme objet d’un double rejet, coincé entre « le mépris des uns et l’esclavage des autres », coincé entre« un déni de statut dans un cas, et un déni d’humanité dans l’autre », pour emprunter cette formule à quelqu’un.
J’avoue pour ma part ne pas bien comprendre ce dilemme, fondé sur des termes aux effets négatifs certains , mais dont les préjudices moraux et sociaux respectifs sont sans commune mesure, l’un de l’autre !
J’ai aussi entendu parler d’une certaine terminologie, comme de « Hartaani arabe », assumée de surcroît , que je trouve doublement absurde .
En s’identifiant au maître, l’esclave, quelque part, ne retardait-il pas ou pire, n’hypothéquait-il pas par là même, les chances mêmes de sa libération?
En second lieu, il m’avait toujours semblé que, biologiquement, l’Arabe était de race sémitique et le Hartaani nègre!
Hartaani arabe** ? Peulh arabe ? ces notions étaient pour moi un non sens, et cachaient une vaste tromperie !
J’affirme qu’il est faux de prétendre que le Hartaani « est essentiellement de culture arabe ».
Le fond culturel du Hartaani est nègre, encore une fois, fait de vestiges sur lesquels se sont déposés, progressivement, des éléments de culture arabe.
Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’habitat du Hartaani, d’observer son pas de danse rythmé par la “Taballa”, ses cérémonies festives qui rappellent étrangement celles de fin des travaux champêtres, cette manière bruyante et joyeuse de s’éclater, toute sédentaire, ces coeurs de l’Est qui vibraient au moindre grincement des cordes « noires » de Banzouman Sissoko, et j’en passe .
Ce sont là, sans aucun doute, des débris de culture négro- africaine, ensevelie sous le limon de l’apport arabo-berbère .
Le Hartaani est donc de culture hybride ; il n’est pas culturellement arabe mais « linguistiquement » arabe, comme le soutenait à juste titre quelqu’un, récemment à Flamnet. Et la nuance est de taille !
Ce fond culturel nègre est si présent chez le Hartaani, que l’intégration des Haratines en milieu négro- africain ne posait pas de problème. Cela est prouvé au Sénégal voisin, et cela a également été prouvé dans la région du Tooro où les évènements de 86 /89 ont révélé des groupes entiers insoupçonnés de Haratines qui s’étaient complétement fondus dans les populations Négro-africaines locales ; ces « Hartaanis assimilés » , se sont vus forcés de se démarquer, de s’expurger des villages sur exigence de l’Armée , afin d’éviter de se faire réprimer ou déporter .
Si l’intégration a pu être ainsi possible et même aisée dans ces milieux, c’est bien parce que le fond culturel nègre était là, enfoui dans leur inconscient collectif, qui ne demandait peut-être qu’à revivre !.
Alors, Hartaanis arabes ? Hartaanis nègres , ou « awlad hartaani » tout court ?
Quand le choix sera fait, les leaders du mouvement se devront alors d’identifier le camp des forces-partenaires ou des alliés naturels .
Il est à penser qu’ils se rangeront au coté de ceux avec qui ils partageaient cette commune discrimination profonde, cette commune oppression subie, cette commune exclusion imposée, côtoyant les forces avec lesquelles ils partageaient aussi, « cette communauté de résistance continue et de lutte opiniâtre pour la liberté et l’indomptable esperance » , pour citer Césaire .
Alliance du camp des opprimés dans leur marche pour l’émancipation et la conquête d’une pleine citoyenneté , non pas pour opprimer, à leur tour, qui que ce soit, mais pour jeter les bases d’un Etat de droit , respectueux de la dignité des uns et des autres, sans distinguo.
Une nation ne peut pas vivre moitié libre, moitié esclave, disait A Lincoln .
J’ai déjà dit que ces choix ne seraient pas sans passion, ni sans heurts.
De jeunes loups émergeaient enfin, au discours controversé, et dont la virulence du propos dérange les cercles du pouvoir, agace les figures de proue du mouvement .
Entre autres, Biram Ould Dah Ould Abeid – sorte de Malcom X des Haratines -.
Ould Abeid qui se voit accusé de précipiter la violence alors qu’il est, lui même, la victime première de cette violence exercée par ceux- là mêmes qui l’accablent aujourd’hui, et pourtant le condamnent à l’inhumaine indignité de l’esclavage !
Ould Abeid fait face, présentement, à la même situation qu’avait vécue Martin Luther King Junior, auprès des Blancs du Sud ( Etats-Unis), pendant les campagnes chaudes du “Civil rights movement”.
Je crois que Ould Abeid, tout comme Samory ( en plus timide ), tente d’une certaine manière, de s’inspirer de la méthode et des justifications du Dr King.
King rappelait, à travers une lettre écrite à partir de sa cellule de prison à Birmingham, la nécessité de ?’créer la tension?’, seule façon, disait -il, « d’amener en surface l’injustice vécue par les négros, et d’aider les honnêtes gens à se hisser au dessus de l’esclavage et du racisme, et à tendre vers la fraternité ».
Une différence essentielle toutefois entre les deux hommes, King, lui , bénéficia d’une complicité interne de taille à la maison blanche, en la personne de Lyndon B Johnson qui incita au jeu de rôle « inside-outside »*** ; circonstance favorable très éloigné de Ould Abeid, quand on sait que le « Président des pauvres » tergiversait et hésitait encore à s’attaquer aux problèmes de fond , en s’offrant quelque diversion !
King , songeur , soulignait par ailleurs sa déception à l’endroit « des Whites moderate »( Blancs modérés ) qui restaient plus dévoués à l’ordre qu’à la justice ; qui préferaient la paix négative -qui est absence de tension -, à la paix positive -ou présence de justice. Whites moderate qui, constamment, vous disent, ajoutait -il,« je suis d’accord avec vous sur vos objectifs, mais je ne puis être d’accord avec vos méthodes » !
Ces « whites moderate » sont symbolisés, chez nous, par Ould Nany et ce type de professeurs à l’image des Ould Bilal, Ould Maouloud et consort et qui sont légion …
Miské , Yehdih Bredeleil , Babaha, Mohameden Ould Babah symbolisaient le KKK !
Daddah et Jemil, eux, avancaient, masqués . mais non loin des seconds.
Ould Abeid, Samory, et tous ces jeunes loups, se devraient, je crois , de méditer cette maxime de Césaire , « une révolte qui n’est que révolte conduit à une impasse historique » !
Hartaanis arabes, Hartaanis-négro-africains ou « awlad Hartaani » tout court ?
La problématique est posée, qu’il appartiendra aux haratines de trancher !
Bara Ba – Militant FLAM- Dakar Sénégal
Le 30 Mars 2010
Notes
** Certains esprit retors se plaisent à arguer que « tous les Haratines ne sont pas noirs, et que tous les Bidhaans ne sont pas blancs » !… Nous fondons nos assertions sur l’immense majorité, et n’avons que faire de quelques rares cas d’exception isolés !
Aussi, ces quelques Bidhaans qui sont noirs de peau, se sentaient-ils ou se considéraient-ils dans leur tête , comme Noirs ? certainement pas !
*** « role inside -outside » .le Président Johnson s’etait entendu secrétement avec M L King dans la distribution des rôles : King devait agiter le système de l’exterieur en lui donnant le pretexte d’apporter les changements de l’interieur !
FLAMNET- RETRO: Où allons-nous ? Par Samba THIAM président des FPC
Quand des tentatives de parjure se profilent à l’horizon et que les Ulémas observent sans rien dire,
Quand un Chief –justice encourage de vive voix la violation de la loi fondamentale dont il est censé être le garant,
Quand la sacralisation de « l’avoir »l’emporte sur tout, alliée à la fourberie, à l’hypocrisie, au mensonge,
Quand l’honnêteté cesse d’être une valeur cardinale, que la société se délite pour hisser au pinacle ceux qui pillent l’Etat,
Quand nos bouches convoquent sans arrêt l’Islam pendant que ses principes essentiels ( honnêteté, probité , hygiène , amour du prochain) sont à tous les instants foulés au pied,
Quand l’Unité nationale est scandée en toute occasion , à chaque ‘’ Ifthar ’’ comme une cantique, sans en crever l’abcès , et que persiste cyniquement ‘’l’unité du cavalier et de sa monture’’,
Quand la mère de famille chérit plus le fils qui rapporte de l’argent aux sources douteuses que le fils diplômé, mais hélas au chômage,
Quand le traditionnel respect dû aux personnes âgées, aux parents, aux aînés lentement s’évanouit,
Quand de pauvres patients des hopitaux nationaux se voient cyniquement réorientés vers des cliniques privées de ceux-là mêmes qui les traitent , pourtant fonctionnaires de l’Etat -,
Quand une ‘’épaulette’’ intimide le citoyen lambda, et même porte la main sur un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, dans l’impunité totale,
Quand la jeunesse, se détourne des idéaux d’antan et se laisse porter par la frénésie de l’enrichissement à tout prix, tout de suite, le souci de nomination du compte en banque, de la villa, de la voiture,
Quand des plaintes ici ou là sont mises sous le coude parcequ’un puissant serait passé par là,
Quand l’élite arabo-berbère continue de garder le silence devant la voie dangereuse et sans issue, jusqu’ici empruntée, et que l’autre élite – la plus concernée – choisit de se coucher,
Quand la loi est considérée comme une contrainte inutile à contourner, sans valeur aucune, juste bonne pour les autres,
Quand cette loi et le Prince ne font qu’un, la loi c’est le Prince, le Prince la loi,
Quand l’Etat reste perçu comme une fiction , au mieux comme une vache à lait au service du clan, de la tribu,
Quand, en toute impunité, chaque portion de l’espace public est squattée, transformée en boutique, en mosquée pour piéger ou capturer, en prédateurs, la manne du Golfe,
Quand des cours de l’Ecole publique sont bâclés, voire séchés au profit d’une course à toute vitesse vers les Ecoles privées, ou que des infirmiers refusent des gardes nocturnes au détriment des malades pour ces mêmes cliniques,
Quand la détention préventive devient parfois plus longue que celle des condamnés eux- mêmes,
Quand l’Administration tombe en déliquescence, que chacun porte sous le bras son dossier d’une administration à l’autre , ou le gage aux démarcheurs,
Quand pour le moindre droit auprès de cette Administration le bakchich semble devenu de règle,
Quand on crache sur les murs de l’hôpital et que l’on s’étale sur le perron devant la salle de consultation sans remontrances aucune,
Quand des ordures partout jonchent les rues , les coins des maisons, que des fosses septiques à ciel ouvert empestent l’air,
Quand des détenus de droit commun encombrent les prisons alors que les villes ploient sous les déchets,
Quand la circulation routière, des plus anarchiques, en rajoute par des infractions à deux vitesses de caractère sexiste,
Quand les mendiants envahissent les rues et se plantent au beau milieu de la chaussée en toute liberté,
Quand des malades mentaux, armés de gourdin, se dressent menaçants sur la chaussée, comme pour forcer l’ aumône des conducteurs,
Quand, sans scrupules, on brûle le feu rouge, ou passe un taxi au coffre ouvert chargé de passagers sous l’oeil indifférent de jeunes agents qui dévisent à l’ombre des arbres,
Quand Nouakchott envahie par des hordes de chiens errant, d’ânes, de chèvres et de vaches devient la norme,
Quand partout, enfin, règne la chienlit, le désordre total qui ne semble plus géner personne,
Quand personne ne se sent ni indisposé ni concerné , personne ne se sent fautif, que seul l’Etat –providence-est tenu pour responsable,
Quand………
Où donc allons-nous pardi ?
Il ne sera manifestement pas aisé de redresser cette Mauritanie profondément en crise qui a perdu ses repères, à moins que Dieu nous dote d’un homme d’Etat, un vrai; des « épaulettes » ? surtout pas !
La lutte continue !
Samba Thiam
Nouakchott 18 –Juin- 2016.
FLAMNET-RETRO: A Propos de la loi d’orientation …Par Samba Thiam.
J’ai lu attentivement la loi d’orientation du ministre de l’Education nationale portant sur la réforme du système éducatif. L’appréciation que j’en fait est qu’elle constitue un recul net par rapport aux ambitions du Comité Militaire de Salut National (CMSN), pour reconduire et renforcer les aspects négatifs et désastreux de l’arabisation, issue de la réforme de 1999. Elle consacre, de facto, une ‘’folklorisation’’ de nos langues nationales pulaar, sooninke et wolof, ni plus, ni moins. Et c’est inacceptable !
Le CMSN prônait, à travers l’exposé de motifs et le décret 81017/Pg/MEN, ceci : ‘’ Elaborer un système éducatif {…} qui se fondera sur l’officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar, sooninke et wolofs qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe ‘’. Le ministre choisit de passer sous silence toute éventualité ‘’d’officialisation’’ de ces langues. Le CMSN poursuit : « les langues nationales doivent prendre place et être utilisées comme véhicules du savoir, sous toutes ses formes… », à quoi ce ministre oppose qu’elles seront des langues de communication ; que la langue ’arabe sera enseignée à tous les enfants non arabophones comme véhicule d’apprentissage des sciences et autres disciplines, que ‘’l’apprentissage des connaissances et aptitudes de compréhension et les disciplines scientifiques se fera dans la langue arabe’ ’. Le CMSN insiste et rappelle « qu’il ne s’agit pas d’utiliser ces langues nationales comme relais ayant pour fonction de faciliter les apprentissages dans une autre langue – c’est exactement ce que fait ce ministre -, mais de les installer d’emblée dans une dynamique propre à assurer leur plein développement et leur insertion dans tous les secteurs de la vie sociale », tout le contraire de ce projet ! Enfin le CMSN met en garde : « il est indispensable que vous compreniez tous que cette décision n’est pas une mesure ‘’politicienne’’ qui cache un calcul sordide et sans lendemain». Exactement le cas d’espèce qui nous occupe avec cette loi d’orientation scélérate ! A la clarté de langage du CMSN dans les choix opérés, le ministre oppose des calculs et des agendas inavoués, l’ambiguïté et le flou le plus total sur bien des aspects …Flou sur le statut des langues ; tantôt l’arabe est langue véhicule de toutes les disciplines pour tous, tantôt elle est langue de communication ; tantôt ce sont les langues pulaar, sooninke et wolof qui le sont, tantôt c’est le français ! Flou sur les caractères arabes de l’alphabet introduits au préscolaire sans en fixer les limites, ce qui , par glissement et par stratégie, pourrait s’installer et signifier, sans le dire, une remise en cause même des caractères latins, acquis …Ce texte parle de généraliser l’enseignement des langues nationales mais à la carte ! On fait preuve de cynisme, lorsqu’on pose qu’il faut ‘’capitaliser l’expérience réussie de l’ILN qui a été abandonnée sans justification valable’’ et, qu’en même temps, on annihile la substance et l’essence même de ce qui ‘faisait de cette expérience une réussite’, à savoir l’érection du pulaar , sooninke et wolof en langues d’enseignement , langues véhicules du savoir, et non comme langues de ‘’facilitation pour l’apprentissage d’autres langues’’ comme c’est le cas proposé ici ; c’est-à-dire comme langues d’appoint et d’appui essentiellement à l’arabe, ici dans ce projet. C’est hors de question ! C’est faire fi des raisons cognitives et pédagogiques qui sont à la base même de la théorie du recours aux langues maternelles dans l’approche nouvelle de l’apprentissage ! Non seulement ce projet fait abstraction de toute idée d’officialisation, mais remet en cause et le statut de langues véhicules et le choix des caractères latins acquis depuis les années 70. Nous faisons face à un choix partisan qui installe les enfants d’un même pays dans des conditions de départ inégales et injustes d’acquisition du savoir. C’est inique et immoral ! L’injustice semble inscrite dans l’ADN des pouvoirs mauritaniens ! Enfin et surtout, les auteurs du projet de loi parlent ‘’d’égalité des langues comme patrimoine national ‘’, mais refusent le caractère officiel à toutes . C’est inacceptable ! Ce sera Identité contre Identité ! Pour divertir l’opinion on continue, bien sûr, à travers ce projet, à jouer sur l’opposition, fictive, entre le Français et l’arabe, disparue depuis longtemps à l’école ! Même stratégie de dupe qui s’exprime par : ‘’ la généralisation interviendra aussitôt que l’expérience aura été jugée probante’’ …Un piège à con ! Comme si nous n’avions pas vécu similaire promesse, envolée en pleine expérimentation de l’ILN ! Seule l’officialisation de nos langues pourrait nous garantir la pérennité de leur usage, et nous prémunir des humeurs capricieuses de plaisantins, légion…Toute la problématique du système éducatif mauritanien réside dans son inégalité et dans son iniquité structurelle entre enfants devant l’acquisition du savoir. « La crise identitaire en mauritanie existe, nous dit Maitre Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’école républicaine {…} dans laquelle un enseignement suprématiste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres est dispensé ». C’est exactement le cas qui nous occupe précisément, mais exprimée de façon sournoise et cynique à travers cette loi d’orientation … La culture continue ‘’ d’être pensée, en mauritanie, comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, soulignait-il ; à des fins de domination, d’assimilation et de prolétarisation des négro mauritaniens, devrait-il ajouter… L’agenda d’assimiler les négro-africains n’est pas abandonné, loin s’en faut ! Il explique cette résistance acharnée et obstinée de nos gouvernements successifs à refuser toute officialisation de nos langues nationales, à l’image du berbère -Tamazight au Maroc et en Algérie. C’est Identité contre Identité.
Nous sommes face à un projet non viable, qui va accentuer davantage les inégalités, sécréter deux sociétés parallèles. Nos partenaires doivent comprendre qu’il y a toujours un écart entre ce qui se dit et ce qui se fait chez nous … Nous excellons dans le faire-semblant et dans l’art de mystifier nos partenaires ou le reste du monde, même si certains partenaires internationaux ne sont pas dupes, mais optent pour la complaisance. Ces journées nationales de concertations et toute la suite sont de la poudre aux yeux, un maquillage destiné à faire valider et légitimer, par un semblant de cachet populaire , un projet concocté et ficelé, en amont, par le ministère .La réforme scolaire préconisée dans cette loi d’orientation s’inscrit en droite ligne d’un Système qui cherche à imiter l’ordre social au maghreb , où des millions de noirs, assimilés, sont relégués aux basses besognes, à la culture de l’olive ,au creusement de diguettes d’irrigation, au travail de la forge ou au débouchage d’égouts, comme en Algérie avec près de 6 millions de noirs . Des millions de noirs, quasiment invisibles dans la superstructure, dans tout le Maghreb… Voilà le projet en gestation, voilà le destin, à moins et long terme, qui nous guette dans notre pays et que nous réservent les tenants du Système. Nous ne l’accepterons pas ! Comme nous n’accepterons pas l’unité du cavalier et de sa monture …Nous affirmons notre choix pour un pays qui accepte réellement et franchement son identité plurielle, sa diversité culturelle et ethnique. C’est feu Yehdih qui disait, plaidant pour l’Azawad, – ‘’ que si l’on ne peut vivre ensemble qu’au prix de l’oppression à l’égard d’une composante, c’est une position pas raisonnable qui, surtout, n’est pas tenable’’. Trop d’injustices de nos gouvernements ! Un racisme d’Etat chaque jour plus accentué, affirmé et assumé ! Nous sommes poussés dans nos derniers retranchements. L’entêtement à vouloir poursuivre et préserver un ordre inique, un Système où un seul groupe ethnique a contrôle sur tout, la main mise sur tout, est dangereux à terme. C’est le bon sens qui nous le souffle. ..Notre pays est à la croisée des chemins , à chacune et à chacun de prendre ses responsabilités aux fins de redresser sa trajectoire , pour un devenir en commun plus sain et plus équilibré .
Propositions concrètes de réajustement , pour la paix sociale :Revenir à l’esprit et à la lettre de la réforme du CMSN , à ses ambitions pour l’enseignement de toutes nos langues nationales ; s’en tenir à ce principe : ‘’ le choix des langues d’enseignement dans l’Ecole repensée, au service d’une cohésion nationale apaisée, doit obéir à l’impératif d’offrir l’accès le plus efficace, surtout le plus équitable au savoir’’. D’où lever le flou et les ambiguïtés qui entourent ce projet sur le statut des langues, en posant clairement les options ci-après :
-Toutes les langues nationales sont officielles et toutes sont des langues véhicules de savoir ou d’enseignement
– Que chaque enfant démarre ses apprentissages dans sa langue maternelle.
– le pulaar, le sooninke, le wolof sont des langues d’enseignement au primaire pour les enfants non arabes, en attendant leur plein développement pour l’expansion au secondaire et au supérieur.
– l ’arabe est enseignée à tous les enfants non arabophones, comme langue de communication et inversement.
– la langue arabe sera la langue d’enseignement pour enfants arabophones.
– le Français est enseigné comme langue de communication au primaire.
– Dans les Examens et Concours il sera introduit, dès à présent, une épreuve en langues nationales ( pulaar, sooninke ,wolof).
Au préscolaire, poser clairement
– que Les enfants apprendront dans leurs langues maternelles (1ere et 2ème année), en alphabet latin pour les non arabophones.
– que l’apprentissage du Coran se fera dans des mahadras, librement choisies par les parents d’élèves.
Pour les mesures administratives et juridiques,
– Réhabiliter immédiatement l’ILN et le détacher du Supérieur
– Associer, au plus près, la Direction première de l’ILN aux préparatifs de démarrage des travaux d’implémentation de la réforme.
– Convoquer et réemployer, à titre transitoire, l’ensemble du personnel enseignant et technique disponible, impliqué dans l’expérience de 1979 de l’ILN.
– Sur le plan législatif, s’appuyer sur les textes initiaux de 1979, à réactualiser au besoin.
En période transitoire :
_opérer un réajustement des coefficients, fantaisistes, affectés aux matières en arabes qui pénalisent les enfants non arabophones.
_Délester les élèves de matières et contenus de tout ce qui n’est pas indispensable pour la formation personnelle, professionnelle, ou pour la poursuite des études, et consacrer l’essentiel du temps à la formation de l’esprit critique, d’analyse et de raisonnement.
Samba Thiam, Inspecteur de l’Enseignement Fondamental, Président des FPC.
Nouakchott, le 15 mars 2022.