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Septembre 1986 : Procès de plusieurs cadres et intellectuels noirs mauritaniens, après la publication du « Manifeste du négro mauritanien opprimé » (le verdict)
Septembre 1986 : Procès de plusieurs cadres et intellectuels noirs mauritaniens, après la publication du « Manifeste du négro mauritanien opprimé » (le verdict)
Par
FLAM
24 septembre 2018
Temps de lecture 9 minutes
Le N° Parquet 922/86
938/86.
-Représentée par Ahmad Cheikh Lematt.
-Les prévenus : Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Abou Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima, Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Idrissa Bâ, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro, Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bâ, Nbini Sow, Fatimettou M’baye.
-Jugement n° 395/86 du 20, 1407 Hégire correspondant au 25/9/1986 J.C.
– Jugement contradictoire de première instance.
-Résumé du Jugement :
.Condamnation des dix premiers prévenus à 5 ans de prison ferme, une amende de cent mille ouguiyas, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 10 ans et l’interdiction de séjour durant cette même période.
. La condamnation des sept prévenus suivants à 4 ans de prison ferme, cinquante mille ouguiyas d’amende, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 3 ans et interdiction de séjour pour la même période.
.La condamnation des quatre derniers prévenus à 6 mois de prison ferme.
L’ensemble des prévenus ont été condamnés aux dépens et droits d’enregistrement.
Au nom d’Allah le Clément le Miséricordieux
REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
Honneur – Fraternité – Justice
MINISTERE DE LA JUSTICE ET DE L’ORIENTATION ISLAMIQUE
TRIBUNAL REGIONAL DE NOUAKCHOTT (Chambre mixte)
Au nom d’Allah le Puissant, et Suprême
(La Chambre mixte)
Dans son audience publique tenue au Palais de Justice de NKTT à la date fixée pour le Jugement, le jeudi 13 Mouharam 1487 Hégire correspondant au 25 septembre 1986 à 15 heures 14 minutes.
-Sous la présidence de M. Mohamed Lemine 0/ Moustapha, Président par intérim.
-L’assistance de MM. Dine 0/ Mohamed Lemine et Ben Amar 0/ Veten, assesseurs.
-La présence de M. Mohamed 0/ Bididi, greffier.
– Le Ministère Public était représenté par M. Ahmed Cheikhna 0/ Lematt, substitut du Procureur de la République,
a rendu le Jugement suivant relatif à l’affaire opposant le Ministère Public aux prévenus dont les noms suivent :
-Djigo Tafsirou, né en 1947 à Bokhe (Boghé), fils de Mohamed Guidado et de Djieynaba Djigo, marié, ingénieur agronome, ancien Ministre de la Santé et des Affaires Sociales et actuellement conseiller du Ministre du Développement Rural.
–Kane Saïdou, né en 1947 à Demett (Sénégal), fils de Mamadou Saïdou et de Moly Kane, marié, inspecteur général de l’enseignement secondaire (histoire, géographie), sociologue chercheur.
–Ly Djibril Hamet, né en 1946 à Loboudou (Boghé), fils de Hamet Ly et de Koudi Seck, inspecteur de l’enseignement fondamental en service à l’Institut des langues.
–Ibrahima Abou Sall, né le 19/6/1949 à flairé M’bar (Boghé), fils de Lembott Samba Sall et de Khadijatta Abdoulaye Sakho, professeur d’histoire à la Faculté des lettres et des sciences humaines à l’Université de NKTT.
– Thiam Samba, né en 1948 à Sélibaby, fils de Samba Thiam et de Diouldé Bâ, inspecteur de l’enseignement fondamental.
–Sow Amadou Moctar, né en 1958 à Kaédi, fils’de Abdoulahy Oumar Sow et de Diéynaba Samba, ingénieur du Génie Civil en service actuellement à la Direction des Bâtiments au Ministère de l’Equipement, célibataire.
–Diallo Aboubacar, né en 1946 à M’bagne, fils de Demba Ardo et de Koumba Bodé, infirmier d’Etat en service au Service de la Médecine préventive à la Direction de la Santé à Nouakchott, marié.
– Guèye Oumar Mamadou, né en 1950 à M’boyo (Boghé), fils de Mamadou Kadio et de Dabi Mamadou, agent de police révoqué, en service actuellement à la Banque Arabe Lybienne Mauritanienne, marié.
–Abdoullahy Barry, né en 1955 à Kiffa, fils de Hamidou Barry et de Fatimettou M’bareck, Conseiller au Ministère des Affaires Etrangéres, Chef du Département Europe Orientale au Ministère des Affaires Etrangéres, marié.
–Aboubacri Khalidou Bâ, né en 1933 à Monguel, fils de Khalidou
Bâ et de Fatmatou Bâ, professeur chercheur à l’Institut des langues, marié.
–Nbini Sow, née en 1964 à Kaédi, fille de Sow Samba et de Miniel Kane, sans profession, veuve.
-Fatimettou M’baye, née en 1950 à Dioudé, fille de Ibrahima M’baye et de Bintou Kane, titulaire d’une maîtrise en Droit à l’Université de Nouakchott, veuve.
LA PROCEDURE
Attendu que la Cour était saisie de l’affaire des deux dossiers n° 922-938/86 par le 3e Cabinet d’Instruction, en vertu de l’article 163 du C.PP et conformément aux articles 318 et 319 du même Code.
Attendu qu’étaient présents les avocats défenseurs mandatés
Maître Diabira Maroufa représentant les prévenus : Sarr Ibrahima, Djigo Tafsirou, Aboubacar Khalidou Ba, Sy Amadou Youssout, Aboubacar Diallo, Sy Mamadou Oumar, d’une part, et Me Bal Ahmed Tidjiane représentant les prévenus : Ly Djibril Hamet, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Kane Mamadou Yéro et Ba Idrissa, d’autre part, se sont également présentés avant la comparution des prévenus • Maîtres Yahya 0/ Abdel Khahar, Adama Diop, Mohamdi 0/ Sabah, Ali Cama, Diagana Mamadou et Mahfoud 0/ Bettah en tant que défenseurs bénévoles de tous les prévenus et ont demandé la traduction de toutes les interventions qui auront lieu au cours de l’audience. La Cour avait satisfait cette demande. L’intervention de Maître Diagana Mamadou se résume ainsi : « J’ai assisté à plusieurs audiences au service de l’intérêt de la défense et de l’État mauritanien, par conséquent notre Justice ne doit pas enfermer mes clients dans des cellules » (l’entre-crochets est illisible et truffé de fautes de frappe, c’est une traduction approximative).
Maître Bal a demandé le renvoi de l’affaire pour avoir le temps d’examiner le dossier.
Attendu que la Cour a satisfait les demandes de la défense saut celle relative au renvoi de l’affaire à propos de laquelle elle avait laissé les dossiers à la disposition des avocats pour les examiner quand ils le veulent.
Attendu que la Cour a demandé la comparution des prévenus, et qu’au moment où le premier prévenu se présente à la barre, les avocats se sont retirés de la salle.
Attendu que la Cour, après avoir vérifié l’identité des prévenus, a demandé à chacun d’eux d’écouter avec attention et l’avait informé qu’il était accusé de complicité dans des réunions non autorisées, de publication et de diffusion de tracts touchant l’intérêt public et de propagande à caractère raciste (actes prévus et sanctionnés par l’article 9 de la loi 008173 du 23/01/1973 relative aux réunions publiques et les articles 16 et 17 de la loi 109/63 relative à l’organisation et diffusion du dépôt légal, l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966, l’avait informé qu’il avait la liberté de se défendre soi-même ou de mandater pour sa défense qui, parmi les présents, venait à son aide. Il a été informé que la présence d’un défenseur de l’ordre des Avocats n’est pas exigé par la loi dans un cas pareil.
Attendu que les prévenus ont refusé de mandater aucun défenseur, conditionnant leur réponse par la présence des avocats retirés et refusant de choisir d’autres défenseurs.
Attendu que la Cour s’est adressée au Ministère Public qui avait demandé l’application de l’article 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et des articles 16 et 17 de la loi n° 109/63 et de l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966.
Attendu que la Cour avait demandé à chacun des prévenus s’il lui reste quelque chose à dire et qu’ils s’étaient refusés à parler.
Attendu que l’affaire était mise en délibéré et renvoyée pour vider le délibéré le 25/09/1986.
LES MOTIFS
Attendu que la défense s’était retirée do con propre gré, violant ainsi les dispositions de l’article ler du décret 114/83 du 28/04/1983 modifiant les articles 1 et 20 du décret, 076/80 créant l’Ordre National des Avocats, article qui stipule que l’avocat doit respecter tout ce qui se rapporte aux tribunaux ou à l’intérêt des parties à juger.
Attendu que les prévenus avaient refusé de répondre, et que le refus à une réponse est considéré comme la reconnaissance légale de leur accusation conformément aux textes de Cheikh Khalil (en stage) (s’il refuse de répondre, la prison, la correction et puis un jugement sans l’obliger à jurer) et aux explications de
cet auteur dans la « Touhfa » où il est dit : « qui refuse la reconnaissance ou la négation etc… »),
Attendu que toutes sortes de preuves, de la reconnaissance expresse à la connaissance tacite et aux présomptions claires, ont confirmé que les prévenus étaient bien coupables de l’accusation adressée contre eux et qui signifiait la complicité dans les réunions non autorisées, la publication et la diffusion de tracts touchant l’intérêt public à la propagande à caractère raciste.
Attendu en outre que cette culpabilité a suscité des manifestations visant l’anarchie et la destruction illégale de biens privés.
Attendu que l’obéissance à l’Imam est obligatoire et que sa désobéissance qui entraîne la dissidence à l’Islam, la division de toutes les parties légitimement unies, est interdite par Allah et son prophète, prière et bénédiction sur lui, avait dit à ce sujet (hadith très sommaire et non compris).
Attendu qu’il est reconnu que toute personne réputée pour son anarchisme et sa criminalité doit être longuement emprisonnée et enchaînée et ne doit jamais être libérée.
Cette peine servira son intérêt propre, celui des siens et de l’ensemble des musulmans, comme le stipule la « Tabsira » d’Ibn Farhoun à la page 121 tome TI en plus de ce qui a été stipulé par « Al Miyar » aux pages 148 et 149 du tome XI au sujet de la désobéissance de l’Imam. Mais la peine par correction (Taazir) n’est pas limitée, elle est en fonction du degré de gravité de l’infraction ou du crime, du degré de faiblesse, de ténacité et de résistance physique et morale du coupable. Sans oublier que l’Imam 1alick a autorisé d’infliger des corrections (Taazir)
plus fortes que la peine des « Hadoudas ».
Attendu que les conditions de ce jugement étaient réunies pour corriger par Taazir ces prévenus. Et qu’il est obligatoire de prononcer immédiatement tous jugements dont les conditions étaient réunies.
Pour ces motifs et après délibération légale sur tous les aspects de’l’affaire, et à l’appui et en application des textes cités plus haut et des textes suivants:
LES TEXTES
Khalil : « toute personne majeure jouissant de sa liberté totale est condamnée sur son aveu, etc. … ». Khalil encore : « la Baghiya est un groupe de gens rebelles à l’ordre de l’Imam, etc. … » Al Mawaq : dans ce texte, page 277 tome 6, Ibn Alarabi a dit ne pas contester le pouvoir de celui qui l’a désigné et celui qui le détient et non celui qui en a le droit, etc.
Khalii encore : « L’imam est sanctionné par Taazir pour désobéissance à Allah, etc. … et encore s’il refuse de répondre, la prison, la correction et un jugement sang l’obliger à jurer, etc. » Al Firdaws : « Les jugements dont les conditions sont réunies doivent être rendus immédiatement, etc.Les articles 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et 16 – 17 de la loi n° 109/63 et l’article 22 de la même loi modifiée par la loi 138/66 du 13/07/1966 et les articles 5, 36, 37, 38 et 449 de la loi n° 162/8 portant organisation du Code pénal mau-
LE JUGEMENT
La Cour a condamné par jugement contradictoire de premier ressort les prévenus dont les noms suivent :
Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima,
à la prison ferme pour une période de 5 ans, 100000 UM d’amende et privation totale des droits civiques pour une durée de 10 ans et l’interdiction de séjour durant la même période dans les régions suivantes : Tiris Zémour, Dakkhlet NDB, District de NKTT, Trarza, Gorgol, Guidimakha.
Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro,
à la prison ferme pour une durée de 4 ans, 50000 UM d’amende, la privation totale des droits civiques durant 5 ans et l’interdiction de séjour pour cette même période dans les régions ci-dessus citées.
Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bd, Nbini Sow, Fatimettou M’baye,
à la prison ferme pour une période de 6 mois.
L’ensemble des prévenus sont condamnés aux dépens.
Le Greffier Le Président
(signé illisible) (signature et cachet illisibles)
Traduction conforme, sous réserve de mauvaise transcription de noms propres, de passages non compris à la suite d’erreurs de frappe ou d’abréviations ou textes incomplets.
Un Retour Historique sur le Discours de Moussa Sall au Congrès d’Aleg en 1958

La famille de Moussa Sall, président de l’Association des Originaires de la Vallée du Sud, a souhaité revenir sur son discours mémorable prononcé au Congrès d’Aleg en 1958, un moment fondateur pour la construction d’une Mauritanie indépendante et unifiée. Le congrès d’Aleg recèle bien des mystères.
Ce discours de Moussa Sall le président des originaires de la vallée du Fleuve que le gouvernement avait gardé secret pendant 5 décennies illustrant la volonté des habitants du sud de former une Mauritanie démocratique incluent toutes ses couches sociales a été dévoilé.
Moussa Sall, l’auteur de ce discours, s’est, plus tard, exilé à Washington DC où il est décédé en 1987. Voici l’intégrale du discours : Ce discours, empreint de lucidité et d’engagement, a marqué les esprits par sa profondeur et sa vision avant-gardiste.
Dans son adresse aux congressistes, Moussa Sall a décrit l’ambiance de doute et de méfiance qui régnait autour de la tenue de ce Congrès. Cependant, il a souligné que cet événement n’était pas un simple rassemblement politique, mais un examen de conscience collectif, une occasion de poser les bases de la Mauritanie de leurs rêves. Pour lui, ce Congrès était un moment clé pour dépasser les divisions ethniques et construire une unité nationale solide.
Moussa Sall a également exprimé des préoccupations concernant les départs de certaines figures politiques mauritaniennes vers le Maroc, qu’il qualifiait de menace pour l’unité territoriale et l’indépendance du pays.
Tout en appelant à la fraternité entre les différentes communautés, il a insisté sur l’importance pour l’élément noir de Mauritanie de conserver son autonomie dans ses choix politiques et économiques, loin de toute subordination. Il a appelé à une Mauritanie tournée vers une fédération forte avec ses voisins africains, notamment le Sénégal et le Soudan, plutôt qu’à des alliances hasardeuses et éloignées.
Selon lui, le fleuve Sénégal, au lieu d’être un élément de séparation, devait symboliser la solidarité et l’interdépendance entre les populations riveraines. Voici l’intégralité du discours « Messieurs les Congressistes Chers Compatriotes Voilà quatre mois que toute la Mauritanie s’interroge sur ce qui peut sortir d’un Congrès.
Ce mot de « Congrès » désormais magique soulèverait en d’autres Territoires des passions adverses. Chez nous, il a rencontré de l’indifférence chez certains, de la méfiance chez d’autres, chez tous une certaine perplexité.
Puis, peu à peu, le préjugé favorable a prévalu, et nous voilà nombreux venus dans la certitude qu’il ne s’agit plus, comme par le passé, de se rassembler pour monter une entreprise électorale.
Pour nous ce Congrès revêt une importance exceptionnelle à plus d’un point de vue. Convoqué dans un Territoire où pratiquement tout est aux mains d’un seul parti, il ne peut être qu’un minutieux examen de conscience; le linge sale, tout le linge sale va se laver en famille.
Répondant à votre appel, toutes les bonnes volontés ici présentes vont 3 jours durant mêler leur sueur à celle des leaders et des élus pour essayer de bâtir la Mauritanie de nos rêves.
L’enthousiasme qui avait envahi nos compatriotes à l’installation des Gouvernements autochtones s’est évanoui, faisant place à une profonde lassitude, à un découragement qui risque de rendre notre peuple désormais peu réceptif à toute action d’un organisme quel qu’il soit, serait-il d’utilité publique.
Comme si cela ne suffisait pas, le mois de Mars a vu le départ pour le Maroc de personnalités Mauritaniennes marquantes, qui étaient de longue date investies de notre confiance, et placées à des postes-clés de notre Gouvernement et de notre Assemblée. Nous avons voulu croire à une fugue, telle qu’il arrive à ceux qui, écrasés de responsabilités, vont changer d’atmosphère.
Nous avons dû déchanter depuis: nos compatriotes ont prêté serment d’allégeance à un souverain étranger et demandent notre rattachement au Maroc. Quels qu’aient été les apaisements prodigués, ces départs ne doivent pas être minimisés.
Au risque de passer pour séparatistes – nos compatriotes Maures ont pourtant beaucoup de raisons de croire le contraire – nous ne роuvоns nous empêcher d’être inquiets quant à l’avenir de notre unité territoriale.
Les besoins d’une politique ont créé de toutes pièces une barrière entre des ethnies qui, dans le passé, avaient pourtant réussi à régulariser leurs relations. Aujourd’hui, cette unité est en danger, car qu’on le veuille ou non, tout ce qui se transpose sur le plan racial devient d’un règlement plus délicat, Pour notre part, nous n’avons jamais douté de la possibilité de ménager entre Maures et Noirs de Mauritanie une fraternité pouvant survivre aux manœuvres dissolvantes de l’Administration coloniale dont la dominante de la politique était une ségrégation à peine déguisée.
Nous n’avons jamais cessé de nous sentir solidaires d’un Maroc qui cherchait à conquérir son indépendance par la voie qui lui a paru la meilleure. Nous n’avons jamais cessé de formuler des vœux pour sa réussite dans le concert des Nations.
Mais ses visées officiellement exprimées sur notre pays ne sont pas pour rassurer des voisins qui se voudraient des frères. Au demeurant ses revendications territoriales ne nous gênent qu’autant que nous ne tenons pas à passer pour séparatistes aux yeux de nos compatriotes Maures.
A cette considération près, l’élément noir de Mauritanie n’a jamais eu l’embarras du choix, et ce qu’un décret fit, un autre peut le défaire. Loin de nous l’idée de vouloir détourner nos compatriotes Maures de l’appel du sang et du romantisme juvénile de la nostalgie des origines, si telle était leur vocation. Il ne peut être pour nous question de leur en vouloir d’aller là-bas si le cœur leur en dit.
La logique en retour veut que nous soyons de notre côté libre de nos options. L’élément noir de Mauritanie n’a jamais appartenu. Ses intérêts matériels et moraux sont authentiquement siens, et il ne se sent aucune obligation – ni aucune vocation – de servir de trait d’union.
Dans notre esprit, communauté de culture et de religion n’est pas synonyme de sujétion. Ce Congrès devant être celui de la propreté chez soi: il semble que nous ne devrons parler ici que d’organisation intérieure, de conjonctions de toutes nos forces vives.
Comme nous venons de toucher d’un mot les derniers événements que vous connaissez tous et qui ont été diversement commentés, il est à remarquer que jusqu’à présent, l’élément noir de Mauritanie s’est gardé de toute prise de position tapageuse. Mais est-ce à dire que nous nous désintéressons totalement de toutes les questions brûlantes qui appellent des solutions? Que non ! Nous appelons de tous nos vœux l’unité Mauritanienne au sein d’une Fédération d’A.O.F. qui tiendra compte de ses particularités, une Fédération d’A.O.F. de plus en plus forte.
Comme le Président Mokhtar Ould Daddah vient de le réaffirmer avec force, ce but nous tient tellement à cœur que nous ne voulons même pas envisager d’autre éventualité qui ne saurait être en toute occurrence, que la solution du pire, pour les uns et les autres.
Notre communauté d’intérêt est plusieurs fois séculaire et sa nécessité sera de plus en plus évidente au fur et à mesure que des cadres de plus en plus valables, de plus en plus imprégnés de grands problèmes, de vrais problèmes, accéderont aux leviers de commande.
Les préjugés de tous ordre disparaitront d’eux-mêmes le jour où se lèvera le soleil de la compréhension mutuelle. Il est à remarquer que, au moment où les Territoires de la Fédération ont fait appel à toutes les valeurs intellectuelles , techniques et morales de leurs enfants pour présider à l’avènement d’une société nouvelle, la jeunesse noire de Mauritanie n’a manifesté aucune exigence, et n’a fait preuve d’aucun opportunisme.
Elle a fait preuve d’une discipline et d’un sens civique exemplaire que d’aucuns ont interprété comme de la veulerie. Elle a préféré la confrontation amicale et fraternelle des points de vue à l’indécence d’un criticisme impudiquement étalé. Elle n’a pas craint de sembler coupablement inexistante à certains spectateurs du dehors. Elle a réussi la gageure de rester hors d’un système sans sembler le bouder.
Ce faisant, elle a prouvé mieux que dans certains territoires combien elle avait, d’affectueuse et compréhensive sympathie pour son jeune Vice-Président; elle a prouvé combien l’opinion publique devait en des circonstances historiques, faire preuve de la plus grande indulgence.
Mais, sous la pression des événements, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation morale de clamer : le sentiment est une chose l’avenir de tout un peuple en est une autre, Il n’est que temps pour ce pays qu’on sache où l’on va. Il n’est que temps pour ce pays que la chose publique passe avant les intérêts privés et que le revenu national cesse de servir au seul bien-être de quelques-uns seraient-ils élus du peuple. Nous sommes loin derrière nos voisins.
Il faut que cela change. Le projet d’exécutif Fédéral nous a semblé à son moment devoir servir de facteur d’Union. A la conférence de fusion des Partis à Dakar, nous n’avons été capables ni de donner notre adhésion, ni d’opposer un refus à l’image du R.D.A.. N’y-a-t-il pas là de quoi réfléchir.
Ne nous est-il pas permis de nous poser certaines questions. En qui désormais placer notre confiance ? Il est temps que la Mauritanie définisse nettement sa position. Nous estimons quant à nous, devant la conjoncture actuelle, que le Regroupement des Partis Africains est une nécessité inéluctable, devant laquelle aucun mouvement ne saurait indéfiniment se dérober.
Nous disons oui à l’Exécutif Fédéral tel que les Territoires en sentent la nécessité, car il est la solution d’avenir la seule perspective qui assure force, prospérité et vraie indépendance.
La thèse de Mauritanie trait d’Union a été rendu caduque par les prises de position marocaines. Il est urgent en conséquence d’axer toute l’activité du Territoire vers la Fédération en général, le Soudan et le Sénégal en particulier, car les trois Territoires se complètent heureusement et leur symbiose est non seulement vitale pour les trois, mais inévitable.
Un fleuve n’a jamais été un élément de séparation même sous l’arbitraire de 1910, et ici plus qu’ailleurs la population riveraine de droite et de gauche est indissolublement solidaire, C*est une réalité historique, géographique, économique et sociale.
Ne pas s’en convaincre tout de suite, expose à des mécomptes certains et fait augurer de douloureuses divergences. Sur un autre plan, et dans le cadre même de l’Union Française, certains lunatiques, en mal de spéculations et habitués à des attentions toutes particulières, songent à nous entraîner vers un lointain port d’attache extra fédéral.
Ayant si près Bamako, Abidjan ou Dakar, nous leur disons solennellement de ne pas compter sur nous pour une pareille invitation à l’aventure. Il reste que nous sommes prêts à tous les sacrifices pour faire une Mauritanie démocratique et prospère.
Vive la Mauritanie nouvelle dans le Cadre de la Fédération d’A.O.F. et de la Communauté Franco-Africaine.
FLAMNET-RETRO: Mauritanie: Nous voulons nos langes nationales, par Samba Thiam

Plaidoyer pour l’Officialisation des langues nationales pulaar, sooninke , wolof ‘’ Les leaders historiques de la Mauritanie ont pensé la culture comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir’’, maître Taleb Khyar.
Cette posture explique, peut-être, pourquoi la question des langues est toujours abordée avec passion , sans l’objectivité minimale requise . Dès qu’on évoque l’officialisation des langues nationales pulaar , sooninke , wolof , bambara c’est la levée de boucliers . Cette Officialisation répond cependant à la raison, à une nécessité, à des impératifs de plusieurs ordres :
– d’ordre éthique et de droit :
En se fondant sur la position principielle ou du droit, nous ne pouvons dénier à personne le droit d’apprendre et parler sa langue, si nous admettons que ‘’tous les hommes sont porteurs d’une dignité qui ne peut être aliénée’’, et donc que ‘’ toutes les langues ont droit au respect de leur dignité’’, dira A Maalouf.
‘’L’islandais et l’anglais remplissent exactement le même rôle du point de vue du besoin d’identité ;C’est dans’’ leur rôle d’instrument d’échange qu’elles cessent d’être égales’’ précise -t-il…
Par ailleurs, l’officialisation des langues nationales renvoie à un double souci d’équité et de justice sociale. Elle corrige l’inégalité structurelle persistante de notre système éducatif , pour restaurer l’égalité des chances à l’école et l’opportunité pour chaque enfant, de s’enraciner et de s’épanouir dans sa propre culture…’’La langue maternelle , nous rappelle Mohamed Abdel Haye, constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif ‘’.
Cette officialisation restitue l’esprit de justice tel que préconisé dans la réforme initiée par le CMSN, qui avait été dévoyé par celle, inique, de 1999, en vigueur, opérée sous le prétexte, fallacieux, d’unifier le système.
Avec cette réforme, vicieuse, de 1999, l’Ecole mauritanienne cessa, depuis , de constituer un creuset par lequel les enfants accèdent aux mêmes chances de promotion culturelle et sociale …L’Ecole républicaine, tant ressassée actuellement, n’a de sens que pour autant qu’elle garantit l’égalité des chances ; or il y a inégalité structurelle à la base de notre Ecole que l’officialisation de ces langues redressera, encore une fois.
-d’ordre didactique et psycho-pédagogique
Les spécialistes de l’apprentissage admettent que la compréhension ou la maîtrise de la langue maternelle est capitale dans le processus cognitif ; Cela signifie que l’apprenant ( l’enfant) progresse plus vite dans l’apprentissage, parce qu’il réfléchit et communique dans sa langue maternelle; par images visuelles, interposées, des symboles et l’appropriation des concepts facilitées, en raison de l’élimination de la barrière linguistique.
Différentes évaluations menées, à travers plusieurs pays, ont montré que les enseignements dispensés dans la langue maternelle sont , de loin, plus faciles à assimiler ; ils augmentent, notablement, les chances de réussite scolaire, donnent de meilleurs résultats .
L’appreneur, à son tour, communique plus facilement son message, grâce à la suppression de la barrière de la langue. Dans la même veine, ces mêmes spécialistes s’accordent à dire que, ‘’un enfant qui démarre ses apprentissages par une langue étrangère accuse un retard de six ans dans sa scolarité’’ .
On en déduit que les écoliers négro-africains qui font face, dans le système actuel, à deux ‘’langues étrangères’’, au sens pédagogique du terme, accusent donc 12 années de retard…Pour des raisons cognitives, d’efficacité et de justice sociale, il nous faut adresser cette situation…’’ Il faut libérer et non pas inhiber le génie créateur de chaque peuple’’,(-et donc de chaque enfant-), nous dit le chercheur burkinabé Guissou.
L’officialisation des langues répond surtout à un impératif d’ordre psychopédagogique, pour ‘’jouer un rôle capital dans le développement psychomoteur, affectif et cognitif de l’enfant, qui ‘’réfléchit, compare, évalue et verbalise à travers sa langue maternelle, condition nécessaire de construction abstraite ‘’.
Bien des chercheurs en science de l’éducation soulignent que la langue maternelle constitue un facteur puissant d’affirmation de l’identité et de construction de la personnalité. Les écoliers négro-africains sont pénalisés depuis 60 ans, par un système scolaire assis sur une inégalité structurelle, que nous devons corriger pour être justes …
-Impératif d’ordre politique ou de cohésion nationale et sociale
L’école est censée offrir à tous les enfants qui la fréquentent les mêmes chances de promotion sociale. Par la discrimination opérée au niveau des langues ,on a créé, de facto ,un filtre qui élimine les uns et favorise les autres .
Le mépris, affiché, pour les langues et la culture des uns s’oppose à la consolidation de l’Unité nationale, tant prônée ; l’Unité ne saurait se construire et se consolider que dans une diversité qui s’appuierait sur le respect des identités respectives … .’’La langue est le pivot de l’identité et la diversité linguistique le pivot de la diversité’’, nous rappelle A Maalouf.
Cette officialisation de nos langues renforce et consolide l’unité nationale en instaurant une sereine diversité pour créer une empathie entre des locuteurs de plusieurs langues nationales que seront nos enfants. L’Unité, comme la diversité, ne se comprend, bien évidemment, que dans le respect des identités respectives.
L’Unité nationale doit découler du respect du principe d’équité (mêmes chances offertes à tous, même respect et dignité pour tous et chacun). ‘’La crise identitaire existe, nous dit maître Taleb Khyar, à cause de plusieurs facteurs, dont le plus important est l’école républicaine {…} dans laquelle est dispensé un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture, d’une race, d’une langue sur les autres ‘’. Or , ’’Il n’y a pas de majorité en matière de vérité ‘’, tout comme il n’y a pas de majorité en matière d’identité.
-Impératif d’ordre du développement et de la citoyenneté
Il est maintenant admis ‘’qu’un peuple ne peut s’épanouir et accéder au développement que dans sa propre langue’’. Le Japon, la Malaisie , la Norvège, entre autres, en sont l’illustration parfaite .L’usage des langues nationales – toutes les langues nationales – constitue donc un facteur puissant de développement économique et social, dès lors qu’il permet de former des adultes, pour en faire de bons paysans, de bons éleveurs et pêcheurs, des parents d’élèves capables de suivre et encadrer leurs progénitures dans leur scolarité, de bons citoyens enfin puisque , comme dit l’adage, ‘’l’instruction favorise et élève la citoyenneté responsable ‘’.
– Raison d’ordre pragmatique, enfin …
L’expérience mauritanienne, menée entre 1980 et 1999, a été une réussite incontestable, au vu des résultats des différentes évaluations menées; celle du BREDA (Bureau régional pour l’Education-Unesco-basé à Dakar) qui retient un taux de réussite de 82,10 % en milieu rural, 93,15% en milieu semi-urbain, et 81,52 pour le milieu urbain, et celle du ministère de l’éducation nationale( MEN), un taux de réussite de 71% pour les enfants de langue maternelle arabe qui apprenaient une 2eme langue négro-africaine… Réussite manifeste, visible de cette expérience sur bien des aspects ; telle est la réalité factuelle, indéniable, des choses …
-Pour lever des méprises, dissiper des malentendus et certaines croyances tenaces et erronées ‘’Croire que les communautés linguistiques, ethno-culturelles et réligieuses finiront par converger de sitôt vers une communauté homogène est une illusion grossière ‘’.
Voilà pourquoi ‘’spéculer que le temps simplifiera la configuration linguistique actuelle dans le sens de l’unilinguisme constitue une erreur tragique’’, avertit Samba Diouldé Thiam, homme politique sénégalais.
Si le facteur religieux constitue, certes, quelque chose d’important dans l’Unité des peuples , le facteur ethnique- et donc culturel – reste plus dominant, plus déterminant dans leur rapport de coexistence ; à titre illustratif on pourrait citer les cas de l’Inde et du Pakistan, des Turks et des kurdes, des kurdes et des arabes, des Wallons et des flamands, un Soudan du nord arabe et le Darfur etc .)
Cessons de penser l’enseignement de ces langues nationales (pulaar , soninke ,wolof) en termes d’opposition à l’arabe ou au français’’ ,car il est communément admis, en milieu scolaire, que la langue maternelle agit comme un accélérateur dans l’apprentissage de la langue no 2 ou ‘’langue étrangère’’. Il y a richesse et complémentarité et non pas opposition et adversité dans la relation.
Cessons également de croire que le plurilinguisme ou la diversité linguistique mène au séparatisme, car c’est une grossière erreur…En réalité, les germes de la division ou de la séparation, partout, naissent et prospèrent sur le terreau d’une longue tradition d’injustices accumulées et du déni des identités .
– Débarrassons-nous, enfin, de cette conception pernicieuse de la culture – toujours vivace dans nos esprits- qui fait dire à Taleb Khyar – que la culture est perçue par nos leaders historiques (et pas seulement qu’eux ) comme un instrument de conquête et de confiscation du pouvoir; ce que M ould Bedrédine – connu pour son franc-parler – attestait en ces termes, lors d’un entretien accordé à Marion Fresia, : ‘’ les Maures ont voulu rétablir les rapports de force en leur faveur en utilisant deux instruments : la langue et l’Ecole’’. Paix à son âme.
II-Quelques points d’éclairage sur l’expérience de l’enseignement de ces langues menée par l’Institut entre 1982 -1999 ( 2eme partie ).
Elle démarre en 1980 avec la création de l’institut des langues nationales suivie de l’ouverture de classes expérimentales ,sous l’ère du CMSN ;elle perdure jusqu’en 1999, où elle est brutalement interrompue sans raison objective explicite valable. L’expérience portera sur 52 classes réparties dans cinq régions , -ayant pour langue 1ere le pulaar, le sooninke et le wolof ,et l’arabe comme seconde langue-, avec un effectif de 2268 élèves et 77 Enseignants-chercheurs. La date retenue pour la généralisation de l’expérience est fixée à l’horizon 1987- 1988*.
Quel était l’exposé des motifs du CMSN et que disent les évaluateurs de l’expérience ?
– ‘’ démocratisation objective de l’option linguistique pour les élèves dont la langue arabe n’est pas la langue maternelle et volonté d’indépendance culturelle où l’arabe sera la langue unitaire parlée par l’ensemble des mauritaniens’’ ; Option à l’horizon, ‘’ l’ officialisation de toutes les langues nationales, qu’il s’agira d’ utiliser comme véhicule du savoir, sous toutes ses formes{…} et d’installer d’emblée une dynamique propre à assurer leur plein développement et leur insertion , sans restriction, dans tous les secteurs de la vie sociale’’, lit-on dans l’exposé des motifs .
L’expérience fera l’objet de deux évaluations, externe et interne
– Celle du BREDA , portait sur la performance de 9 classes observées sur 14, à travers une mission qui conclut en ces termes :
« A l’oral comme à l’écrit les résultats restent satisfaisants dans l’ensemble {…} Les élèves s’expriment sans difficulté, et la majeur partie d’entre eux ont déjà atteint un niveau de lecture expressive qui dépasse nettement celui qu’on pourrait attendre d’un élève de 3e voire de 4e année des classes traditionnelles. Les mécanismes opératoires de calcul ( addition , soustraction , multiplication et division )semblent bien maîtrisés .
Aux tests ( opérations avec retenue et énoncés de problèmes ) qui leur ont été administrés sous nos yeux, les classes ont réalisé des succès intéressants : 70 à 80 % des élèves ». La mission poursuit, en conclusion partielle : ‘’ malgré quelques imperfections liées surtout à la qualité des outils didactiques et au métalangage pédagogique, les élèves des classes observées{…} ont un niveau ,à tout point de vue, comparable, sinon supérieur à celui qu’on peut attendre des classes traditionnelles **». Au titre d’observations annexes, cette mission note : ‘’-impact socio-culturel positif de l’expérience sur le milieu scolaire et villageois.
– réelle motivation des élèves qui , dans certaines classes, se livraient à des exercices scolaires en l’absence du maître.
-rapidité inattendue des progrès réalisés par les élèves en avance sur leurs camarades des classes traditionnelles**
– le climat des classes témoigne des conditions d’épanouissement et d’apprentissage hautement favorable.
– les maîtres rencontrés font preuve d’un engagement réel pour ces langues nationales et s’impliquent dans l’alphabétisation des adultes et l’animation socio-culturelle
– dans certains villages où les cours d’alphabétisation n’existaient pas, les élèves se chargeaient eux-mêmes d’enseigner leurs camarades ou certains adultes.
– disposition très favorable des collectivités locales enthousiastes à l’égard de l’expérience en milieu pulaar et wolof surtout qui, volontairement , anticipent la construction de salles de classes .
En conclusion générale, cette mission du BREDA retient : ‘’au double point de vue pédagogique et sociologique l’expérience mauritanienne en matière de revalorisation des langues nationales laisse l’impression d’une opération réussie.’’
Et quelle a été la conclusion des évaluations internes (Ministère de l’Education Nationale et l’ILN) ?
-Voici les termes du rapport de la commission créée en janvier 1988 par le MEN, chargée d’évaluer les travaux réalisés par l’ILN depuis son démarrage jusqu’en 1988 : « Si nous admettons le principe selon lequel la qualité d’un enseignement , pour ne pas dire l’efficacité d’un système éducatif se mesure par rapport au taux de réussite scolaire, force nous est de conclure d’une manière générale que l’expérience de l’enseignement des langues Pulaar , Sooninke et Wolof, dans l’ensemble des classes qui ont fait l’objet de notre évaluation , a connu un succès honorable avec un pourcentage moyen de réussite de 61% pour les filières de langue 1, et 71 % pour les classes de filière arabe du système traditionnel qui font pulaar , sooninke , wolof comme langue seconde » .
-l’ILN , quant à lui, conclut ainsi : « performance positive des élèves des classes expérimentales (-cours d’initiation 1ere année-) qui indique que, dans une large majorité, ceux- ci ont maitrisé les acquisitions instrumentales (lecture, écriture, calcul) » ; « un taux d’abandon scolaire très faible ». L’ILN relève les taux d’admission aux examens et concours –en 1ere ASB, de plusieurs années ainsi (données disponibles ) :
–1988-89 : 11,49% – – 1989-90 : 51,61 %- -1990-91 : 14,28%
-1991-92 :23,6% – -1995-96 : 61,90%.
Visiblement, efficacité nettement supérieure à celle du système en cours, hérité de la réforme désastreuse de 1999 , qui tourne autour de 8% , réforme à la base des maux de notre Ecole actuelle, complétement par terre…
En terme de coût financier l’expérience n’a pas coûté grand-chose, 481 .000.000um en tout et pour tout , en 19 ans, selon nos sources ; une misère !
Au regard de tout ce qui précède l’expérience apparaît, visiblement, comme un succès indiscutable. Malgré tout, elle est brutalement interrompue par l’autorité de tutelle en 1999 ; l’Institut est fermé pour être rattaché à l’Université, affecté aux disciplines des spécialités, délaissé à lui-même .
Qu’est-ce qui justifiait l’abandon d’une telle expérience à succès, à tout point de vue ? Quelles étaient les raisons véritables ou les motivations souterraines, ayant conduit à l’arrêt, arbitraire, sans explications de cette belle expérience qui n’avait que des avantages ?
Les inspirateurs et promoteurs de la réforme de 1999 qui arrêtèrent cette expérience nouvelle, prometteuse, proclamaient, mensongèrement, vouloir unifier un système à filière qui divise …Ils n’ignoraient pourtant pas que ce système à filière en vigueur était provisoire, et qu’il serait bientôt remplacé par celui issu de l’expérience de l’Institut en cours, dès qu’elle serait généralisée ! Ils feignaient d’ignorer que cette expérience nouvelle unirait, puisque nos enfants communiquaient déjà entre eux dans, au moins deux langues nationales !
En vérité les réformateurs nous cachaient leur jeu ou leur agenda, dissimulant une double motivation: Ils voulaient, d’une part, sauver les écoliers arabo-berbères naufragés de la filière arabe, engagés dans une impasse, sans débouchés internes ou externes et, d’autre part, surtout arrêter l’expérience de l’enseignement des langues nationales au taux de réussite fulgurant ;
Il fallait freiner cette tendance qui allait créer un réel équilibre pour la première fois dans le système éducatif , en rendant les chances de réussite identiques et égales pour tous .La crise identitaire existe, nous rappelait maître Taleb Khyar, en raison de plusieurs facteurs dont le plus important est l’Ecole républicaine{…} dans laquelle un enseignement suprémaciste faisant l’apologie de la supériorité d’une culture , d’une race , d’une langue sur les autres est dispensé » ; restaurer cette suprématie d’une langue et d’une culture ‘’, c’était leur agenda secret .
Ces réformateurs partisans du statu-quo décrit, mus par un esprit cynique et machiavélique, décidèrent non seulement de freiner le projet, mais de tisser cette réforme de 1999 de telle sorte à assurer un échec collectif, certain, des écoliers non-arabes.
Ainsi, d’un côté ils levaient un écueil*** -retour du Français négligé dans la filière arabe-, de l’autre, ils multipliaient les écueils en imposant la langue arabe aux écoliers non arabes ; langue éclatée, de surcroît, en matières multiples affectées de coefficients accrus que rien objectivement ne justifie : l’histoire, la géographie, la philosophie, la langue, l’instruction civique, l’instruction religieuse sont dispensées en arabe.
D’où l’échec catastrophique, massif, persistant, observé ces 20 dernières années, consécutif au découragement de ces enfants non arabes désorientés, qui abandonnèrent et abandonnent encore massivement l’école ! Instrumentalisation manifeste de la langue arabe à des fins de domination et d’assimilation, ayant conduit au blanchissement**** méthodique, appliqué et continue de l’Administration, à partir des années 80 ; comme pour copier le Maghreb…
L’élite négro-africaine ne s’oppose pas à la langue arabe en tant que telle, mais à son instrumentalisation de plus en plus affirmée et assumée.
Par esprit de sabotage, par absence de volonté politique affirmée, à cause des résistances sourdes, il avait été mis fin, sans explications, à une expérience qui était une réussite et qui , de surcroît, ne coûtait pas tant que ça …
Faut-il reprendre l’expérience immédiatement ? Cela est-il possible ?
Oui, car les textes juridiques de base existent, les acteurs d’hier sont encore disponibles pour la plupart, le contexte politique et social , plus réceptif, le réclame avec force , aujourd’hui plus qu’hier ! Pour toutes ces raisons, il est bon de noter, d’ores et déjà, que toute réforme du ministère de l’enseignement fondamental à venir, qui ne tiendrait pas compte de – l’officialisation des langues – ferait fausse route pour reconduire les mêmes problèmes ,et risquerait , en conséquence , de faire objet d’un rejet massif…Des lobbies chauvins sont, de nouveau, à l’œuvre dans l’ombre, pour tout dévier, tentant une réédition du scénario de la circulaire 02 qui ne passera plus…
Nous Voulons Nos Langues !
Concluons pour dire que la problématique des langues n’existe pas que chez nous, mais partout ailleurs où coexistent des peuples aux habitudes mentales et mœurs différents ; Elle se pose parce qu’elle renvoie à cette notion ultra-sensible et irréductible que constitue l’identité; et parce que la langue – elle aussi – peut devenir un instrument idéologique puissant de domination et d’oppression …Que des pays comme la Belgique ,la Suisse , l’Afrique du Sud , entre autres, aient pu venir à bout de cette problématique devrait nous inspirer , nous inciter à plus d’optimisme et nous encourager enfin à essayer .
Nous réussirons à condition, toutefois, d’être mus par le seul désir de construire, une fois pour toutes, un système éducatif fonctionnel, efficient et juste, qui servirait l’égalité des chances, offrirait les mêmes opportunités à tous, et assurerait au peuple, dans toute sa diversité, développement, bien-être et harmonie.
27 Octobre -2020
Samba Thiam
Inspecteur de l’Enseignement Fondamental
Notes
* intermède ou anecdote à noter :
En 1987-88, au bout des 6 ans requis du Fondamental, la 1ere promotion devait passer le concours d’entrée en 6e année ; elle en est empêchée par décision du ministre, sans explications, et sans raison objective apparente.
Année perdue. 1988-89, ces élèves sont forcés de se reconvertir pour passer les examens, et composer obligatoirement en arabe ou en français pour toutes les épreuves, à l’exception de celle des mathématiques qui sera en langue nationale. (On imagine les énormes les difficultés auxquelles ces enfants ont dû faire face pour suivre un enseignement au secondaire dispensé en Français et en arabe ; malgré ce handicap, le taux de réussite sera de 11,49% ! )
Toutes les cohortes suivantes seront soumises cette reconversion subite, avec désormais des langues maternelles reléguées, tout juste, au rang de matière …). Et pourtant dans sa note de présentation le Décret no 81017/PG/MEN dit : ’’{ …} Ce système qui entrera en vigueur dans un délai maximum de six ans se fondera sur une officialisation de toutes nos langues nationales, la transcription en caractères latins et l’enseignement du pulaar , sooninke et wolof qui devront donner les mêmes débouchés que l’arabe’’ :
** Par classes traditionnelles il faut entendre le système à 2 filières (option arabe et option bilingue alors en vigueur ). L’option Arabe totalisait 20 h de français, et l’option bilingue 55h d’arabe. Le français n’est introduit qu’en 2e année dans les deux filières. Le choix de l’une ou l’autre langue est, de fait, ethnique.
*** Tous les maîtres et Prof d’arabe scientifiques furent relevés, recyclés, affectés à des tâches administratives ou reversés dans la diplomatie.
**** L’Armée -dans son corps de commandement- , l’Administration , les Ecoles spéciales ( L’Ecole des mines , de la magistrature , l’Ecole polytechnique , de médecine ,le Prytanée militaire , l’Ecole des officiers , d’Etat major, d’aéronavale, L’Eni de Nouakchott,) sont totalement blanchies. Un Système qui fait des Négro mauritaniens des ‘’citoyens’’ de seconde zone, quasiment invisibles dans les médias, sans pouvoir politique, sans pouvoir financier, sans pouvoir militaire, sans possibilité d’éducation… Une Unité nationale véritable ne saurait se construire de cette façon-là !
FLAMNET-RETRO: Chronique de la Question Nationale en Mauritanie – à travers les Mémoires de Ould Daddah,” la Mauritanie contre vents et marrées ” par Bara Ba
J’ai lu les mémoires de Ould Daddah – ” La Mauritanie contre vents et marrées” .
Je voudrais partager avec vous,chers lecteurs ,son temoignage sur juste un aspect de ces mémoires touchant la question culturelle . Mon intention est de montrer combien cette question fut récurrente et chargée . Combien également les gouvernements arabo-berbères louvoyérent , à chaque fois qu’elle se posât avec accuité, voire avec passion le plus souvent, trainant les pieds de report en report , pour qu’enfin on l’enterra , pour de bon .
J’aimerais aussi montrer comment par glissement, volontairement choisi , on est passé de la dimension politique –Question nationale à la dimension culturelle –question de langues-, pour ne retenir , en définitive, que cette dernière ; et cela même présentement chez la plupart de nos leaders politiques arabo-berbères !
A ceux qui s’obstinent à penser que le problème nègre a été ou demeure juste un problème culturel , les faits retracés par Ould Daddah les controdisent formellement en soutenant le contraire à travers les confessions qu’il nous fait , ici même dans ces pages .
Cette question est d’essence politique , fondamentalement .
Dans ce témoignage que je rapporte ici , le plus fidélement autant que possible , je ne manque pas, de temps à autre , de faire ici et là, mes propres commentaires , à certains propos . Vous saurez faire la différence .
Ecoutons plutôt Mokhtar Ould Daddah .
Le Congrès d’Aleg 1959 , Congrès – départ de la dérive , et à partir duquel Ould Daddah remonte .
“ Pendant ce Congrès un débat houleux , voire passionné s’était engagé sur la Question nationale . Le groupe Négro- Africain proposait la solution fédéraliste , à défaut exigeait des garanties constitutionnelles; le Groupe recommandait en outre l’adhésion de la Mauritanie à la Fédération du Mali , position sur laquelle ils étaient même soutenus par le groupe des maure de l’Est .
La Question n’ayant pas trouvé de solution fut donc suspendue , en raison de son acccuité pour être confiée , au groupe parlementaire , au sortir du Congrès.
Il était question , nous confie Daddah qui rapporte les choses , de procéder à une révision constitutionnelle qui serait favorable à la minorité ( entendez Négro-Africains ) suite à leurs inquiétudes exprimées à propos de l’évolution du pays.
“Les Noirs disaient , nous rapporte Daddah , que si la régle démocratique selon laquelle la majorité numérique impose sa loi à la minorité était appliquée telle quelle chez -nous , la majorité maure pourrait dans certains domaines importants , imposer des mesures qui léseraient la minorité. Pour prémunir cette dernière contre de telles éventualités, des garde-fous , des garanties devaient être prévues dans la constitution”.
Il ajoute plus loin , que puisque ” le Président de la République serait toujours maure , théoriquement , il fallait instituer une vice -présidence dont le titulaire serait issu de la vallée “.
Il fallait donc réviser la constitution dans le sens d’un exécutif bi-céphale.
Le groupe parlementaire se mit donc au travail , et après d’âpres discussions , se mit d’accord , pour l’essentiel , sur la proposition. Il fallait passer à exécution .
Mais Ould Daddah , en fait secrétement hostile à l’idée , saborda la proposition le 8 Mai 1959, pour la raison qu’il révéle ici lui même :” les rivalités entre les candidats potentiels à la vice-Présidence empêchaient tout accord sur une personnalité acceptable par tous les représentants de la Vallée “, disait-il .
Puisqu’il y’avait rivalité entre différents postulants , il fallait enterrer l’idée , soutient apparemment Daddah . Raison fallacieuse , s’il en fut , qui cachait mal un cynisme et une hypocrisie manifeste, en vérité ! car Daddah ignorait délibéremment les recommandations des Négro-Africains et les principes arrêtés par le groupe parlementaire , stipulant « que le candidat Négro-Africain issu de la Vallée devrait être élu , au même titre que le Président de la République , pour bénéficier d’une plus grande légitimité ».
Pourquoi exigea –t-il un consensus autour d’un candidat pour ressortissants de la vallée qui n’avait pas de raison d’être, logiquement parlant, alors que ce critére n’avait pas été retenu par le groupe parlementaire chargé de la question ?
Pourquoi n’avoir pas imaginé plutôt, organiser des primaires entre les candidats, ou simplement les laisser compétir , et que le meilleur gagne ?
Non ! la vraie réponse est qu’en fait Ould Daddah ne souhaitait pas résoudre ce problème , et cette apparente dissension au sein des Nègres fut un prétexte , une aubaine …pour enterrer l’idée .
Ould Daddah évacua donc ainsi la Question , de maniére cavaliére.
Cette question politique , comme on le verra , allait toutefois ressurgir de manière récurrente , mais déviée… ou rebaptisée “ question culturelle “ , à travers l’Arabisation .
Alors que la Communauté de la vallée du fleuve n’avait pas fini de s’inquiéter sur son avenir , le second Congrès de 1961 – congrès de l’unité- adopta le principe de l’officialisation de la langue Arabe , attisant le feu comme par provocation . Ce qui naturellement accrut l’inquiétude nègre, et suscita une atmosphére encore plus tendue .
Ould Daddah le confirme en page 294 , décrivant l‘atmosphére du Congrès : ” d’un côté , les maures dans leur écrasante majorité voulant l’officialisation et l’application immmédiate de cette mesure . Quant aux noirs de la vallée , ils ne voulaient pas l’entendre évoquer “.
Ce fut là le point de départ de l’appelation “probléme culturel” occultant la dimension politique fondamentale initiale .
Manière subtile de faire oublier aux Négro-Africains, (par diversion ?) la dimension politique de la problématique négre ? Sans nul doute !
Cette question , à son tour , – officialisation de la langue Arabe – fut différée au cours des assises , comme du reste celle de la suppression de la chefferie traditionnelle , pour avoir suscité de vives controverses , une tension élevée , par l’ambiance surchauffée pendant les assises du Congrès .
Les seuls points de “convergence” au cours de ce Congrès furent : l’admission du principe de « prédominance du Parti sur l’Etat », l’adoption du régime présidentiel_ c’est à dire la suppression du Régime parlementaire_ ( début de la dérive autocratique), et la révision des accords avec la France .
Le Bureau Politique National (BPN) élu fut chargé , au sortir du Congrès , de trouver des solutions à la question culturelle , laissée en suspens , pour l’horizon du Congrès 1962 .
Ainsi le BPN , à son tour, mit en place une commission chargée d’étudier les question qui s’étaient posées au Congrès . Cette commission était composée de Youssouf Koita, Ahmed Baba Ould Ahmed Miske, Dr Racine Toure , Mohamed Ould Cheikh.
Pas de solution pendant toute l’année 1962 où la question des garanties constitutionnelles fut resoulevée de nouveau, simultanément à l’officialisation de la langue Arabe.
Le BPN -nous relate Ould Daddah- y consacra , aprés le retour des travaux de la commission , plusieurs réunions dont la plus longue dura une semaine du 27 juill au 2 Août 1962). Les discussions achoppérent , toutes “.
Nouvelle commission mise sur pied-encore- en juillet 1962, chargée de “la mise en forme des garanties constitutionneles accordées à chaque Ethnie ( notez la filouterie …comme si l’inquiétude, ou le besoin de garantie existait de part et d’autre !) , de l’officialisation de la langue arabe, l’institutionalisation d’une vice Présidence de la république dont le titulaire n’appartiendrait pas à la même Ethnie que le chef de l’Etat, mais serait élu dans les mêmes conditions que lui ; l’identification de critéres légaux pour l’équité au recrutement aux fonctions publiques , l’Organisme paritaire veillant au respect des garanties “ , fin de citation .Tel fut l’exposé de motifs du travail confié à la commission .
On croirait entendre les FLAM !
Les quatre membres précédents de la commission antérieure sont renforcés par Dah Ould Sidi Heiba , Kane Tidjane , Kane Elimane , Mohamed Mamoune , pour constituer une nouvelle commission.
Celle-ci à son tour crée une Sous-commmission technique ; laquelle sous commission technique adopte les propositions suivantes : Rejet du bilinguisme Arabe peu viable par manque de cadres , rejet de l‘unilinguisme français ,vu les différences sociales et politiques et la mutilation culturelle qu’il entraine , formation de maîtres bilingues , perspective d’une réforme du Secondaire .
Notez encore la filouterie , par cette maniére de louvoyer !
Ces propositions sont soumises au BPN pour adoption ; mais discussions, longues , âpres et passions exacerbées empêchent tout accord . Nouveau report…encore.
La question ( en suspens ) est reportée donc , pour le Congrès de 1963 . Aucune solution, à la fin des travaux de celui-ci ; elle alors reconfiée au BPN ( nouveau ) qui charge sa commmission d’orientation de la tâche .
Octobre 1965 … le problème refait surface mais de maniére plus aigue; L´assemblée nationale désormais inféodée à Ould Daddah vote une loi en 1965 réorganisant L´Enseignement secondaire , entendez rendant obligatoire l ´Enseignement de l´Arabe à partir de la 6éme , à côté du Français . La suite vous la connaissez ;… Manifeste des 19 , émeutes à Kaëdi , Boghé . Discours musclé et plein de menace de Ould Daddah face à l’agitation Négro-africaine ; discours Daddah dirigé contre les 31 cadres Noirs soutenant la gréve scolaire de 1966, et les 19 signataires du Manifeste.
Désapprobation à ce discours côté Négre , et en réaction … démission du Président de l’assemblée nationale ( Mamoudou Samboly Ba ) et des membres Noirs du Gouvernement. Daddah refusera ces démissions sur le coup, par stratégie , mais sanctionnera de maniére humiliante plus tard Mamoudou Samboly, et Elimane Kane .
Sanction, à pas de course , des 19 cadres signataires du Manifeste qui soutenaient l’action des Eléves Noirs .
Il faut dire que Ould Daddah tenta d’abord de faire prendre la mesure de sanction contre les 19 par le BPN ; « ce fut un échec , du fait d’un profond désaccord tranché entre la tendance maure et Négro- africaine, nettement divisée sur la question en deux blocs , à l’exception de un ou deux maures qui soutenaient le clan négre_ » c’est toujours Ould Daddah qui parle .
Ayant échoué au niveau de cette plus haute instance , Ould Daddah fait prendre la mesure en Conseil de Ministres, plus inféodé .
Le Pays est en pleine crise . La tension ne baisse pas .
Nouvelle Commission nationale en juin 1966, choisie par le BPN, au sortir du Congrès d’Aioun , dont l’objectif était ,disait- on “de maximiser tous les aspects de relation entre les deux communautés nationales, en faisant le point de la situation et en dégageant les perspectives d’avenir “, de réaliser en même temps “un bilinguisme plaçant l’Arabe au même pied que le Français .” sous le couvert de la “repersonnalisation dépouillée de tout chauvinisme et de toute xénophobie “. Fin de citation.
Nouvelle sous-commission (encore !) chargée de traduire ces idées en terme de réforme.
Seck Mame N´diack, Mohameden Ould Babbah, Baro Ali, Mohamed El Moctar O/ Bah , Ahmed Ben Amar , Baro Abdoulaye , Abdellahi O/ Maouloud O/ Daddah , en seront les membres designés.
Remise des travaux trois mois plus tard au BPN ; désaccord ?, insatisfaction ? Daddah n’en dit rien dans son livre. En tout état de cause rebelotte ; le BPN décide d’en reconfier l’étude approfondie à une sous-commission technique…encore une autre !
Babacar Fall, Mohameden O/ Babbah, Elimane Kane , Ba Alassane , Mohamed El Moctar O/ Bah, Sidi Mohamed O/ Deyine, Abdoulaye Baro, Salem Fall , Ely O/ Alaf, en seront les membres . Cette sous-commission fait les recommandations suivantes :
Accent mis « sur la recherche de l’efficacité et de la justice , repersonnalisation dépouillée de tout chauvinisme , renforcement et consolidation de l’unité nationale , ne pas couper l’enfant de son milieu ». Sur la base de ces recommandations , nait la réforme de 1968 instituant la 1ére année du primaire entiérement arabisée, puis celle de 1973 , où les 2 éres années seront entiérement arabisées ; pour le cours élémentaire et cours moyen, l’horaire sera moitieé Arabe , moitié- Français .
Cette réforme consacra , en 1978 , l’échec le plus massif des écoliers Négro-africains.
Vous aurez compris que si cette question culturelle n’a cessé de rebondir , sans trouver de solution c’est bien parceque Ould Daddah n’y tenait pas , en réalité . Son projet de reéquilibrage ethnique au sein de l’Administration – les maures étaient lésés par le fait colonial- la repersonnalisation de l’homme mauritanien , entendez maure-arabe , lui tenait trop à coeur .
Ce fut pourquoi également , je me permets ici une digression , il jugea et sanctionna différemment les personnalités qui, disait -il, avaient été impliquées dans les émeutes de 1966 . Ainsi, faisant semblant d’être à égale distance de ces leaders en cause, que sont Mohamed Ould Mohamed Salah (appelé ministre des Maures par la vox populis ) et Mohamed Ould Cheikh ( appelé ministre des Noirs) tous deux têtes de pont de son régime ,Ould Daddah opta , en fait , pour un parti pris manifeste en faveur…de la réaction.
Mohamed Ould Cheikh qu’il dépeignait comme généreux et progressiste fut sacrifié au profit de Mohamed Ould Mohamed Salah qu’il dépeignait comme traditionnaliste et conservateur . Il limogea tous les partisans de Mohamed Ould Cheikh , tel Yahya Ould Menkhouss et Bamba Ould Yazid , sans toucher à ceux de Mohamed Ould Mohamed Salah…Qu’il réhabilitera du reste plus tard au congrés d’Aioun…
Des hommes justes , progressistes et généreux – dépeints par lui- même comme tels-furent limogés parcequ’ils avaient eu le courage de leurs idées face au problème nègre, et pensé comme le groupe nègre dans la gestion de cette question politico-culturelle, Ould Daddah choisit donc de liquider le clan progressiste au profit du clan réactionnaire et raciste … le tout sous le couvert de l’équité …quelle filouterie !
Je me suis permis cette digression pour mieux vous éclairer sur le penchant et les motivations sécrétes du marabout, lecteur ,… mais revenons à nos moutons .
De 1958 à 1978 , cette question culturelle sera donc balottée de commissions en sous-commissions ; Daddah avait lu Clémenceau.
Elle continuera de l’être de 1978 à 2000 .
Sous la pression sociale des Négro-Africains , le systéme à filiére ( Arabe /Francais ) est institué sous Ould Haidalla . Léger changement , légére concession .
Mais là également , au fil des années et des manigances de maitres d’Ecole partisans d’une Mauritanie Arabe, la filiére française se retrécira comme une peau de chagrin dans les Ecoles du Sud, que l’on arabisera un peu plus , chaque année après l’autre , en dépit de la liberté de choix proclamé .
Ould Taya , le plus grand despote de tous les temps arrive entre-temps , radicalise l’Enseignement de l’Arabe ; 90% des Ecoles mauritaniennes sont arabisées , les 10% restant ont toutes les peines du monde à dispenser les quelques cours de Français encore existant , de 1984 à 1999.
Au bout de son oeuvre , l’impasse et un gâchis énorme pour des générations d’écoliers sacrifiés .
Suite à ce constat d’échec Ould Taya entreprend une nouvelle réforme …celle de 2000, sous prétexte ‘’ d’unifier le système’’; Il fera supprimer l’Institut des langues, qui pourtant réussissait,…on ne supprime pas quelque chose qui reussit à moins de….… .
Mais , comme toujours l´idéologie de la Mauritanie Arabe- permanent soubassement des politiques racistes – prend le pas sur la raison ; L’unification se fait à nouveau au détriment des Ecoliers Négro- Africains .
En effet, dans cette nouvelle réforme l’Enseignement des matiéres définies comme « matiéres culturelles » comme la philosophie , la langue , l’histoire , la géographie , l’instruction civique , la morale et la religion , sera dispensé en Arabe. Les 2 premiéres années du primaire _ comme ce fut pour la réforme de 1978 _ sont entiérement arabisées . Les Ecoliers engagés dans cette réforme sont aujourd’hui ,en 6 éme année , leur niveau plus bas que jamais . Encore des sacrifiés de la vie …des sacrifés à vie !
Il ressort de ce témoignage , pour conclure , que manifestement Ould Daddah lui-même reconnaissait l’existence du problème nègre –comme problème politique qui se posait en termes de garanties constitutionnelles , voir de partage du pouvoir. Ce fut progressivement que l’aspect culturel prit le pas sur l’aspect politique , comme certaines forces l’avaient conçu , pour conduire à l’appelation « probléme culturel ». Ce glissement ne se fit par hasard . Il et ne fut ni gratuit ni innocent , nous l’avons dit !
A entendre encore aujourd’hui beaucoup de leaders politiques , comme Mohamed Ould Maouloud de l’UFP (cfrt récente déclaration )… comme Conscience et Résistance qui ne retient de notre problématique que l’aspect culturel et humanitaire (déportés,)… comme Ould Daddah Junior dont le mutisme de carpe sur ces questions est encore plus révélateur, nous sommes frappés par la continuité de pensée !
Cette dimension politique que nos leaders politiques s’évertuent à nier ou à gommer , Ould Daddah lui même , à travers ses Mémoires , la reconnaît pourtant . Seul CHBIH Ould Cheikh Malainine osa, par honnêteté, faire entendre une voix discordante. La fuite en avant n’a jamais réglé les problèmes … Elle contribue plutôt à toujours les aggraver , en les faisant durer.
Depuis 1958 il en fut ainsi ; même idéologie de domination , même négation de l’autre personnalité de la Mauritanie , même obstination absurde à vouloir assimiler les Négro- Africains …mais également , même résistance timide, timorée et velléitaire du Négro- mauritanien . Hélas !
Sommes-nous suffisamment indignés par notre Condition dans ce pays ?
A chacun d’en faire l’examen de conscience.
La lutte continue !
BARA BA
Dakar- Sénégal
Sources : FLAMNET-ARCHIVES- mars 2007
FLAMNET-RÉTRO: De l’identité des Haratines ! par Bara Ba
Les Haratines, cette force montante, constitueront, de plus en plus, un enjeu important dans l’évolution future des rapports de force inter- communautaires. Voilà pourquoi ce groupe ne laisse personne indifférent . Voilà pourquoi, également, le doute, la réflexion et un questionnement qui traversent actuellement certains segments de ce courant sur la meilleure voie devant mener à leur liberation interpellent chacun de nous. Lorsque j’ai lu la réponse de Samory à Nany, suite à une lettre, naïvement, adressée aux Nations-unies, j’ai décidé, à mon tour d’entrer dans le débat . à ma manière. Prenant d’emblée le contre-pied de Ould Nany, je pose que la libération de l’esclave – tout esclave- passe par une rupture ombilicale d’avec le maître , nécessairement.
Cette rupture ombilicale d’avec le maître se justifie en raison de la nature même de la relation d’intérêt maitre-esclave, par essence conflictuelle, antagonique; En effet l’un cherche à asservir, à aliéner une liberté, l’autre cherche à recouvrer cette liberté, à se soustraire à l’asservissement. On entend souvent dire, comme par définition, que « l’esclave est celui-là qui manque de tout, qui fait tout et qui n’a aucun droit, et que le maître est celui qui a tout, qui ne fait rien et qui a tous les droits ».
Par ailleurs l’histoire enseigne qu’en général, l’esclave recouvre rarement sa liberté, par la volonté du maître, ou au gré de celui-ci ! L’esclave se libère ou rompt les chaînes de servitude, par la seule force de sa volonté, dans certaines conditions favorables.
Il me paraît alors normal et tout naturel, pour revenir au cas mauritanien, que le ? “haratine -abeid ?”, pour se libérer, empruntât, lui aussi, cette même voie de rupture; il devra, pour se faire, s’affranchir du lien tribal , psychologique et économique .
J’ai dit s’affranchir du lien tribal car celui-ci participe de l’instrumentalisation du groupe Haratine par le montage, à dessein, d’une « majorité maure », dont les bénéfices et retombées positives reviennent presqu’exclusivement au seul sous- groupe dominant Bidhaan! La tribu, en fait, constitue un carcan subtil qui entretient un semblant de relations affectives inter-membres destiné, en réalité, à maintenir l’esclave dans la dépendance, sentimentalement et socialement .
Autre chaîne dont il faudrait se défaire: ce mensonge « religieux », grossier, déliberement entretenu par le maître, afin de renforcer la dépendance psychologique de l’esclave, qui stipule que ?’ ne pas obeir à la volonté du maître conduirait au purgatoire”; que le maître serait celui- là, seul , capable de lui garantir le paradis, chose au dessus du pouvoir même des prophètes !
Enfin dernière dépendance à briser, et non des moindres, la dépendance économique; ?’l’autonomie économique” de l’esclave vis-à-vis du maître est indispensable pour sa véritable libération. Il est heureux de constater que ce processus est dejà en marche en milieu urbain, forcé par les sécheresses des années 70; à ce niveau les Haratines qui vivent en milieu urbain ont un rôle majeur à jouer, dans le réveil de la multitude, encore endormie dans le fin fond du pays !
Rompre donc, en conclusion, les chaînes tribale, psychologique et économique , afin d’accéder à l’affranchissement définitif et irréversible, telle me paraît être la seule voie qui puisse mener vers la liberté ; mais attention à ne pas tomber dans l’illusion que cette liberté, une fois conquise, conduirait automatiquement à l’émancipation du haratine et surtout à sa pleine citoyenneté; il en faudrait beaucoup plus !
Tant que demeurera le racisme anti-Noir il serait illusoire de nourrir un tel espoir .
Sans l’élimination de la discrimination raciale, érigée en Système, contre les Négro -mauritaniens ( Haratines et Négro- africains ), les Haratines, en se libérant de l’esclavage, changeraient, simplement, de type de « ghetto » ; ils auront quitté le ?’ghetto” de l’esclavage pour retomber dans celui du racisme, ni plus ni moins !.
Voilà pourquoi ils devront comprendre que la voie la plus courte pour leur libération et émancipation totale passe, nécessairement, par la fin du racisme d’Etat .
Voie toute politique, on en convient !
Cette approche, on le voit, milite, par voie de conséquence, si tant est qu’elle est bien comprise, pour un changement dans la stratégie actuelle, adoptée jusqu’ici par certains leaders Haratines, axée essentiellement sur la dimension exclusive « droits de l’homme », qui se mène comme en vase clos ! L’engagement politique militant est nécessaire, qui prendrait en charge toutes les dimensions de la lutte devant mettre fin à l’esclavage …
Ici se situe mon incompréhension à voir certains militants activistes de cette cause, se tenir en marge des chapelles politiques, comme par évitement, alors que les choses restent fortement imbriquées !
Bien entendu cet « engagement politique » ne se fera pas sans un choix .difficile, voire douloureux !
En effet cet engagement politique et militant suppose, au préalable, une clarification sur « l’identité des Haratines » !
Qui sont -ils ? Négro-africains ? Arabo-berbéres ? Une entité spéciale à part ? ou encore juste une classe sociale tout court ?
Il leur appartiendra de se définir, de déterminer leur identité ou ce qu’ils souhaitent devenir. Alors seulement se dégagerait une stratégie claire et adaptée, pour leur libération et émancipation !
Nous avons dit que ces choix ne seront pas sans douleur, ni sans passion et sans heurts, car le front Haratine n’est plus ce qu’il paraît , c’est- à -dire uni .
J’ai encore en mémoire certains propos de leaders Haratines, teintés d’une sorte de dilemme douloureux qui définit le Hartaani comme objet d’un double rejet, coincé entre « le mépris des uns et l’esclavage des autres », coincé entre« un déni de statut dans un cas, et un déni d’humanité dans l’autre », pour emprunter cette formule à quelqu’un.
J’avoue pour ma part ne pas bien comprendre ce dilemme, fondé sur des termes aux effets négatifs certains , mais dont les préjudices moraux et sociaux respectifs sont sans commune mesure, l’un de l’autre !
J’ai aussi entendu parler d’une certaine terminologie, comme de « Hartaani arabe », assumée de surcroît , que je trouve doublement absurde .
En s’identifiant au maître, l’esclave, quelque part, ne retardait-il pas ou pire, n’hypothéquait-il pas par là même, les chances mêmes de sa libération?
En second lieu, il m’avait toujours semblé que, biologiquement, l’Arabe était de race sémitique et le Hartaani nègre!
Hartaani arabe** ? Peulh arabe ? ces notions étaient pour moi un non sens, et cachaient une vaste tromperie !
J’affirme qu’il est faux de prétendre que le Hartaani « est essentiellement de culture arabe ».
Le fond culturel du Hartaani est nègre, encore une fois, fait de vestiges sur lesquels se sont déposés, progressivement, des éléments de culture arabe.
Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’habitat du Hartaani, d’observer son pas de danse rythmé par la “Taballa”, ses cérémonies festives qui rappellent étrangement celles de fin des travaux champêtres, cette manière bruyante et joyeuse de s’éclater, toute sédentaire, ces coeurs de l’Est qui vibraient au moindre grincement des cordes « noires » de Banzouman Sissoko, et j’en passe .
Ce sont là, sans aucun doute, des débris de culture négro- africaine, ensevelie sous le limon de l’apport arabo-berbère .
Le Hartaani est donc de culture hybride ; il n’est pas culturellement arabe mais « linguistiquement » arabe, comme le soutenait à juste titre quelqu’un, récemment à Flamnet. Et la nuance est de taille !
Ce fond culturel nègre est si présent chez le Hartaani, que l’intégration des Haratines en milieu négro- africain ne posait pas de problème. Cela est prouvé au Sénégal voisin, et cela a également été prouvé dans la région du Tooro où les évènements de 86 /89 ont révélé des groupes entiers insoupçonnés de Haratines qui s’étaient complétement fondus dans les populations Négro-africaines locales ; ces « Hartaanis assimilés » , se sont vus forcés de se démarquer, de s’expurger des villages sur exigence de l’Armée , afin d’éviter de se faire réprimer ou déporter .
Si l’intégration a pu être ainsi possible et même aisée dans ces milieux, c’est bien parce que le fond culturel nègre était là, enfoui dans leur inconscient collectif, qui ne demandait peut-être qu’à revivre !.
Alors, Hartaanis arabes ? Hartaanis nègres , ou « awlad hartaani » tout court ?
Quand le choix sera fait, les leaders du mouvement se devront alors d’identifier le camp des forces-partenaires ou des alliés naturels .
Il est à penser qu’ils se rangeront au coté de ceux avec qui ils partageaient cette commune discrimination profonde, cette commune oppression subie, cette commune exclusion imposée, côtoyant les forces avec lesquelles ils partageaient aussi, « cette communauté de résistance continue et de lutte opiniâtre pour la liberté et l’indomptable esperance » , pour citer Césaire .
Alliance du camp des opprimés dans leur marche pour l’émancipation et la conquête d’une pleine citoyenneté , non pas pour opprimer, à leur tour, qui que ce soit, mais pour jeter les bases d’un Etat de droit , respectueux de la dignité des uns et des autres, sans distinguo.
Une nation ne peut pas vivre moitié libre, moitié esclave, disait A Lincoln .
J’ai déjà dit que ces choix ne seraient pas sans passion, ni sans heurts.
De jeunes loups émergeaient enfin, au discours controversé, et dont la virulence du propos dérange les cercles du pouvoir, agace les figures de proue du mouvement .
Entre autres, Biram Ould Dah Ould Abeid – sorte de Malcom X des Haratines -.
Ould Abeid qui se voit accusé de précipiter la violence alors qu’il est, lui même, la victime première de cette violence exercée par ceux- là mêmes qui l’accablent aujourd’hui, et pourtant le condamnent à l’inhumaine indignité de l’esclavage !
Ould Abeid fait face, présentement, à la même situation qu’avait vécue Martin Luther King Junior, auprès des Blancs du Sud ( Etats-Unis), pendant les campagnes chaudes du “Civil rights movement”.
Je crois que Ould Abeid, tout comme Samory ( en plus timide ), tente d’une certaine manière, de s’inspirer de la méthode et des justifications du Dr King.
King rappelait, à travers une lettre écrite à partir de sa cellule de prison à Birmingham, la nécessité de ?’créer la tension?’, seule façon, disait -il, « d’amener en surface l’injustice vécue par les négros, et d’aider les honnêtes gens à se hisser au dessus de l’esclavage et du racisme, et à tendre vers la fraternité ».
Une différence essentielle toutefois entre les deux hommes, King, lui , bénéficia d’une complicité interne de taille à la maison blanche, en la personne de Lyndon B Johnson qui incita au jeu de rôle « inside-outside »*** ; circonstance favorable très éloigné de Ould Abeid, quand on sait que le « Président des pauvres » tergiversait et hésitait encore à s’attaquer aux problèmes de fond , en s’offrant quelque diversion !
King , songeur , soulignait par ailleurs sa déception à l’endroit « des Whites moderate »( Blancs modérés ) qui restaient plus dévoués à l’ordre qu’à la justice ; qui préferaient la paix négative -qui est absence de tension -, à la paix positive -ou présence de justice. Whites moderate qui, constamment, vous disent, ajoutait -il,« je suis d’accord avec vous sur vos objectifs, mais je ne puis être d’accord avec vos méthodes » !
Ces « whites moderate » sont symbolisés, chez nous, par Ould Nany et ce type de professeurs à l’image des Ould Bilal, Ould Maouloud et consort et qui sont légion …
Miské , Yehdih Bredeleil , Babaha, Mohameden Ould Babah symbolisaient le KKK !
Daddah et Jemil, eux, avancaient, masqués . mais non loin des seconds.
Ould Abeid, Samory, et tous ces jeunes loups, se devraient, je crois , de méditer cette maxime de Césaire , « une révolte qui n’est que révolte conduit à une impasse historique » !
Hartaanis arabes, Hartaanis-négro-africains ou « awlad Hartaani » tout court ?
La problématique est posée, qu’il appartiendra aux haratines de trancher !
Bara Ba – Militant FLAM- Dakar Sénégal
Le 30 Mars 2010
Notes
** Certains esprit retors se plaisent à arguer que « tous les Haratines ne sont pas noirs, et que tous les Bidhaans ne sont pas blancs » !… Nous fondons nos assertions sur l’immense majorité, et n’avons que faire de quelques rares cas d’exception isolés !
Aussi, ces quelques Bidhaans qui sont noirs de peau, se sentaient-ils ou se considéraient-ils dans leur tête , comme Noirs ? certainement pas !
*** « role inside -outside » .le Président Johnson s’etait entendu secrétement avec M L King dans la distribution des rôles : King devait agiter le système de l’exterieur en lui donnant le pretexte d’apporter les changements de l’interieur !