Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Un Retour Historique sur le Discours de Moussa Sall au Congrès d’Aleg en 1958

La famille de Moussa Sall, président de l’Association des Originaires de la Vallée du Sud, a souhaité revenir sur son discours mémorable prononcé au Congrès d’Aleg en 1958, un moment fondateur pour la construction d’une Mauritanie indépendante et unifiée. Le congrès d’Aleg recèle bien des mystères.

Ce discours de Moussa Sall le président des originaires de la vallée du Fleuve que le gouvernement avait gardé secret pendant 5 décennies illustrant la volonté des habitants du sud de former une Mauritanie démocratique incluent toutes ses couches sociales a été dévoilé.

Moussa Sall, l’auteur de ce discours, s’est, plus tard, exilé à Washington DC où il est décédé en 1987. Voici l’intégrale du discours : Ce discours, empreint de lucidité et d’engagement, a marqué les esprits par sa profondeur et sa vision avant-gardiste.

Dans son adresse aux congressistes, Moussa Sall a décrit l’ambiance de doute et de méfiance qui régnait autour de la tenue de ce Congrès. Cependant, il a souligné que cet événement n’était pas un simple rassemblement politique, mais un examen de conscience collectif, une occasion de poser les bases de la Mauritanie de leurs rêves. Pour lui, ce Congrès était un moment clé pour dépasser les divisions ethniques et construire une unité nationale solide.

Moussa Sall a également exprimé des préoccupations concernant les départs de certaines figures politiques mauritaniennes vers le Maroc, qu’il qualifiait de menace pour l’unité territoriale et l’indépendance du pays.

Tout en appelant à la fraternité entre les différentes communautés, il a insisté sur l’importance pour l’élément noir de Mauritanie de conserver son autonomie dans ses choix politiques et économiques, loin de toute subordination. Il a appelé à une Mauritanie tournée vers une fédération forte avec ses voisins africains, notamment le Sénégal et le Soudan, plutôt qu’à des alliances hasardeuses et éloignées.

Selon lui, le fleuve Sénégal, au lieu d’être un élément de séparation, devait symboliser la solidarité et l’interdépendance entre les populations riveraines. Voici l’intégralité du discours « Messieurs les Congressistes Chers Compatriotes Voilà quatre mois que toute la Mauritanie s’interroge sur ce qui peut sortir d’un Congrès.

Ce mot de « Congrès » désormais magique soulèverait en d’autres Territoires des passions adverses. Chez nous, il a rencontré de l’indifférence chez certains, de la méfiance chez d’autres, chez tous une certaine perplexité.

Puis, peu à peu, le préjugé favorable a prévalu, et nous voilà nombreux venus dans la certitude qu’il ne s’agit plus, comme par le passé, de se rassembler pour monter une entreprise électorale.

Pour nous ce Congrès revêt une importance exceptionnelle à plus d’un point de vue. Convoqué dans un Territoire où pratiquement tout est aux mains d’un seul parti, il ne peut être qu’un minutieux examen de conscience; le linge sale, tout le linge sale va se laver en famille.

Répondant à votre appel, toutes les bonnes volontés ici présentes vont 3 jours durant mêler leur sueur à celle des leaders et des élus pour essayer de bâtir la Mauritanie de nos rêves.

L’enthousiasme qui avait envahi nos compatriotes à l’installation des Gouvernements autochtones s’est évanoui, faisant place à une profonde lassitude, à un découragement qui risque de rendre notre peuple désormais peu réceptif à toute action d’un organisme quel qu’il soit, serait-il d’utilité publique.

Comme si cela ne suffisait pas, le mois de Mars a vu le départ pour le Maroc de personnalités Mauritaniennes marquantes, qui étaient de longue date investies de notre confiance, et placées à des postes-clés de notre Gouvernement et de notre Assemblée. Nous avons voulu croire à une fugue, telle qu’il arrive à ceux qui, écrasés de responsabilités, vont changer d’atmosphère.

Nous avons dû déchanter depuis: nos compatriotes ont prêté serment d’allégeance à un souverain étranger et demandent notre rattachement au Maroc. Quels qu’aient été les apaisements prodigués, ces départs ne doivent pas être minimisés.

Au risque de passer pour séparatistes – nos compatriotes Maures ont pourtant beaucoup de raisons de croire le contraire – nous ne роuvоns nous empêcher d’être inquiets quant à l’avenir de notre unité territoriale.

Les besoins d’une politique ont créé de toutes pièces une barrière entre des ethnies qui, dans le passé, avaient pourtant réussi à régulariser leurs relations. Aujourd’hui, cette unité est en danger, car qu’on le veuille ou non, tout ce qui se transpose sur le plan racial devient d’un règlement plus délicat, Pour notre part, nous n’avons jamais douté de la possibilité de ménager entre Maures et Noirs de Mauritanie une fraternité pouvant survivre aux manœuvres dissolvantes de l’Administration coloniale dont la dominante de la politique était une ségrégation à peine déguisée.

Nous n’avons jamais cessé de nous sentir solidaires d’un Maroc qui cherchait à conquérir son indépendance par la voie qui lui a paru la meilleure. Nous n’avons jamais cessé de formuler des vœux pour sa réussite dans le concert des Nations.

Mais ses visées officiellement exprimées sur notre pays ne sont pas pour rassurer des voisins qui se voudraient des frères. Au demeurant ses revendications territoriales ne nous gênent qu’autant que nous ne tenons pas à passer pour séparatistes aux yeux de nos compatriotes Maures.

A cette considération près, l’élément noir de Mauritanie n’a jamais eu l’embarras du choix, et ce qu’un décret fit, un autre peut le défaire. Loin de nous l’idée de vouloir détourner nos compatriotes Maures de l’appel du sang et du romantisme juvénile de la nostalgie des origines, si telle était leur vocation. Il ne peut être pour nous question de leur en vouloir d’aller là-bas si le cœur leur en dit.

La logique en retour veut que nous soyons de notre côté libre de nos options. L’élément noir de Mauritanie n’a jamais appartenu. Ses intérêts matériels et moraux sont authentiquement siens, et il ne se sent aucune obligation – ni aucune vocation – de servir de trait d’union.

Dans notre esprit, communauté de culture et de religion n’est pas synonyme de sujétion. Ce Congrès devant être celui de la propreté chez soi: il semble que nous ne devrons parler ici que d’organisation intérieure, de conjonctions de toutes nos forces vives.

Comme nous venons de toucher d’un mot les derniers événements que vous connaissez tous et qui ont été diversement commentés, il est à remarquer que jusqu’à présent, l’élément noir de Mauritanie s’est gardé de toute prise de position tapageuse. Mais est-ce à dire que nous nous désintéressons totalement de toutes les questions brûlantes qui appellent des solutions? Que non ! Nous appelons de tous nos vœux l’unité Mauritanienne au sein d’une Fédération d’A.O.F. qui tiendra compte de ses particularités, une Fédération d’A.O.F. de plus en plus forte.

Comme le Président Mokhtar Ould Daddah vient de le réaffirmer avec force, ce but nous tient tellement à cœur que nous ne voulons même pas envisager d’autre éventualité qui ne saurait être en toute occurrence, que la solution du pire, pour les uns et les autres.

Notre communauté d’intérêt est plusieurs fois séculaire et sa nécessité sera de plus en plus évidente au fur et à mesure que des cadres de plus en plus valables, de plus en plus imprégnés de grands problèmes, de vrais problèmes, accéderont aux leviers de commande.

Les préjugés de tous ordre disparaitront d’eux-mêmes le jour où se lèvera le soleil de la compréhension mutuelle. Il est à remarquer que, au moment où les Territoires de la Fédération ont fait appel à toutes les valeurs intellectuelles , techniques et morales de leurs enfants pour présider à l’avènement d’une société nouvelle, la jeunesse noire de Mauritanie n’a manifesté aucune exigence, et n’a fait preuve d’aucun opportunisme.

Elle a fait preuve d’une discipline et d’un sens civique exemplaire que d’aucuns ont interprété comme de la veulerie. Elle a préféré la confrontation amicale et fraternelle des points de vue à l’indécence d’un criticisme impudiquement étalé. Elle n’a pas craint de sembler coupablement inexistante à certains spectateurs du dehors. Elle a réussi la gageure de rester hors d’un système sans sembler le bouder.

Ce faisant, elle a prouvé mieux que dans certains territoires combien elle avait, d’affectueuse et compréhensive sympathie pour son jeune Vice-Président; elle a prouvé combien l’opinion publique devait en des circonstances historiques, faire preuve de la plus grande indulgence.

Mais, sous la pression des événements, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation morale de clamer : le sentiment est une chose l’avenir de tout un peuple en est une autre, Il n’est que temps pour ce pays qu’on sache où l’on va. Il n’est que temps pour ce pays que la chose publique passe avant les intérêts privés et que le revenu national cesse de servir au seul bien-être de quelques-uns seraient-ils élus du peuple. Nous sommes loin derrière nos voisins.

Il faut que cela change. Le projet d’exécutif Fédéral nous a semblé à son moment devoir servir de facteur d’Union. A la conférence de fusion des Partis à Dakar, nous n’avons été capables ni de donner notre adhésion, ni d’opposer un refus à l’image du R.D.A.. N’y-a-t-il pas là de quoi réfléchir.

Ne nous est-il pas permis de nous poser certaines questions. En qui désormais placer notre confiance ? Il est temps que la Mauritanie définisse nettement sa position. Nous estimons quant à nous, devant la conjoncture actuelle, que le Regroupement des Partis Africains est une nécessité inéluctable, devant laquelle aucun mouvement ne saurait indéfiniment se dérober.

Nous disons oui à l’Exécutif Fédéral tel que les Territoires en sentent la nécessité, car il est la solution d’avenir la seule perspective qui assure force, prospérité et vraie indépendance.

La thèse de Mauritanie trait d’Union a été rendu caduque par les prises de position marocaines. Il est urgent en conséquence d’axer toute l’activité du Territoire vers la Fédération en général, le Soudan et le Sénégal en particulier, car les trois Territoires se complètent heureusement et leur symbiose est non seulement vitale pour les trois, mais inévitable.

Un fleuve n’a jamais été un élément de séparation même sous l’arbitraire de 1910, et ici plus qu’ailleurs la population riveraine de droite et de gauche est indissolublement solidaire, C*est une réalité historique, géographique, économique et sociale.

Ne pas s’en convaincre tout de suite, expose à des mécomptes certains et fait augurer de douloureuses divergences. Sur un autre plan, et dans le cadre même de l’Union Française, certains lunatiques, en mal de spéculations et habitués à des attentions toutes particulières, songent à nous entraîner vers un lointain port d’attache extra fédéral.

Ayant si près Bamako, Abidjan ou Dakar, nous leur disons solennellement de ne pas compter sur nous pour une pareille invitation à l’aventure. Il reste que nous sommes prêts à tous les sacrifices pour faire une Mauritanie démocratique et prospère.

Vive la Mauritanie nouvelle dans le Cadre de la Fédération d’A.O.F. et de la Communauté Franco-Africaine.

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