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Conflit et démocratie : le dilemme africain

Analyse · Les Africains sont-ils fondamentalement opposés à la démocratie ? Ou plutôt, sont-ils poussés, dans un réflexe de survie, à recourir à des moyens non démocratiques pour se protéger et exister ? Apparemment naïve, cette question est fondamentale pour les chercheurs qui travaillent sur la démocratie et les conflits sur le continent.
Analyse · Les Africains sont-ils fondamentalement opposés à la démocratie ? Ou plutôt, sont-ils poussés, dans un réflexe de survie, à recourir à des moyens non démocratiques pour se protéger et exister ? Apparemment naïve, cette question est fondamentale pour les chercheurs qui travaillent sur la démocratie et les conflits sur le continent.
De nombreux Africains interrogés sur le sujet adoptent une approche binaire : démocratie ou dictature. Cela conduit à qualifier de démocratie une autocratie électorale, simplement parce que des élections y sont organisées. Or, même si les élections constituent la forme d’expression la plus visible et l’une des plus importantes de la démocratie, elles ne suffisent pas : la démocratie exige bien plus. La classification des régimes du monde proposée par Anna Lührmann, Marcus Tannenberg et Staffan Lindberg est organisée en quatre groupes2, bien que certaines typologies en proposent davantage : les autocraties fermées, les autocraties électorales, les démocraties électorales et les démocraties libérales. Dans de nombreux pays africains, nous observons principalement des autocraties électorales, où, derrière une façade démocratique assurée par l’organisation d’élections, les régimes en place restent, en réalité, des autocraties.
En 2023, les variations des niveaux de démocratie entre différents pays sont saisissantes. Par exemple, la Norvège affichait un score de 0,84, la France de 0,80 et les États-Unis de 0,75, selon l’indice V-Dem3. Cela signifie que la Norvège et la France étaient perçues comme plus démocratiques que les États-Unis.
Penser au-delà des élections
L’indice V-Dem classe les pays en fonction de leur niveau de démocratie. Le chiffre 0 y représente une autocratie totale, c’est-à-dire un régime fermé et répressif, tandis que 1 correspond à une démocratie libérale idéale, où les libertés et les droits sont pleinement respectés. Pour faciliter l’interprétation des scores, ces indices sont souvent convertis en pourcentages. Ainsi, la Norvège se situe à 84 %, la France à 80 % et les États-Unis à 75 %. De la même façon, l’Afrique du Sud, avec un score de 0,75, et le Ghana, à 0,57, sont considérés comme des démocraties. En revanche, le Burkina Faso, avec un score de 0,13, et la Côte d’Ivoire, à 0,25, sont classés parmi les autocraties. Le Burkina Faso est une autocratie fermée, car son score est inférieur à 0,20, tandis que la Côte d’Ivoire, avec un score supérieur à 0,20, est qualifiée d’autocratie électorale, où les élections ne garantissent pas pleinement les principes démocratiques.
Il est donc essentiel de concevoir la démocratie au-delà des seules élections et d’intégrer d’autres dimensions fondamentales, telles que la liberté d’expression et de la presse, la liberté d’association et d’organisation en société civile, ainsi que le pluralisme démocratique, notamment4.
Un autre élément important ressortant des enquêtes d’Afrobarometer est la forte proportion des Africains qui estiment qu’en période de crise un régime militaire devrait prendre le pouvoir (environ 81,1 %). Ce groupe se répartit en trois sous-groupes : 16,5 % souhaitent qu’un tel régime se maintienne tant que cela est dans l’intérêt du pays ; 27,7 % pensent qu’il faut progressivement aller vers une transition civile ; et 36,9 % estiment qu’il faut restaurer un pouvoir civil le plus tôt possible.
Les effets politiques du stress
Les études empiriques et théoriques montrent qu’en période de crise ou de traumatisme les populations réagissent soit par le stress (la « stress response »), soit par la résilience (« growth response »). Cette dynamique est au cœur de la théorie de la réponse politique post-traumatique développée par Wayde Z. C. Marsh, dans « Trauma and Turnout : The Political Consequences of Traumatic Events » (American Political Science Review, 2023).
La première réaction face à un conflit est souvent la peur et l’anxiété. Dans ce contexte, l’individu dont la vie est menacée cherche une solution rapide contre cette situation intolérable. Des études en psychologie et en analyse comportementale montrent qu’en période de crise ceux qui éprouvent de la peur ou de l’anxiété sont souvent plus réceptifs aux discours populistes et aux narratifs proposant des solutions radicales et agressives, comme l’ont souligné Vázquez, Pérez-Sales et Matt5 ainsi que Vasilopoulos, Marcus, et Foucault6. Ces auteurs montrent que, dans des moments de vulnérabilité, les gens se rallient souvent à des « hommes forts » pour les tirer d’affaire. Les militaires et autres partisans des régimes non démocratiques profitent de ces opportunités pour proposer des solutions radicales et identifier des boucs émissaires, transformant la peur en colère contre une communauté « ennemie ». Ce narratif explique pourquoi, en période de crise, les « hommes forts » sont bien placés pour prendre le pouvoir.
Cette situation n’est pas nouvelle. Bainville et Dickès7 analysent les formes de dictature et établissent les profils des dictateurs dans l’Europe antique. Ils montrent qu’il existait, dans l’Antiquité romaine, un dictateur bienveillant choisi pour une période de six mois afin de rétablir l’ordre constitutionnel en période de guerre. Mais cette situation a souvent conduit à des dérives, les dictateurs bienveillants ayant accaparé le pouvoir et ainsi provoqué chaos et instabilité. La même dynamique permet de comprendre l’émergence des régimes autoritaires et des dictateurs en Afrique.
Le temps des « hommes forts »
En 2021, trente conflits interétatiques ont fait 19 325 morts, dont 8 917 en Éthiopie, selon Palik, Obermeier, et Rustad8. Les conflits non étatiques ont causé 3 498 décès, tandis que la violence unilatérale – c’est-à-dire les attaques ciblant des civils ou des groupes non armés et perpétrées par des acteurs étatiques ou non – a fait 4 170 victimes, dont la majorité attribuée aux forces gouvernementales.

Pour en sortir, les populations, selon la théorie de la réponse politique post-traumatique, se tournent vers tout leader qui leur semble solide et capable de répondre à la crise par la force. Cela donne lieu au règne des militaires et des régimes dictatoriaux.
Cependant, cette situation n’est pas désespérée pour les défenseurs de la liberté, des droits humains et des principes démocratiques. Car la deuxième réponse face à la guerre et à la violence est la résilience. Cette approche théorique de Marsh (2023) suggère qu’en cas de conflits chroniques les populations développent des formes de résilience orientées sur les réseaux familiaux, une réorganisation des institutions et des structures politico-économiques. Dans cette situation, l’individu distingue peu de perspectives de sortie de crise à court terme, et devient de moins en moins réceptif aux discours populistes et autoritaires car il a eu le temps d’observer les échecs des solutions violentes et non démocratiques.
Dans un régime militaire, l’audience est la junte
Quand la sécurité tarde à venir, les populations réclament à nouveau leur liberté, et entrent alors en conflit avec un régime non démocratique qui se maintient par la répression. Dans cette situation, le régime est susceptible de devenir de plus en plus violent et paniqué.
En utilisant la théorie du « coût de l’audience », Weeks9 montre que, dans une démocratie, le gouvernement en place doit tenir compte de l’opinion publique car celle-ci peut entraîner un changement de régime. Mais dans le cas de régimes militaires, l’audience est la junte. Le peuple peut se révolter, mais il est difficile, voire impossible, de changer la situation politique en place. Lorsque les mouvements populaires se multiplient et que la répression s’intensifie, une junte peut organiser un coup d’État pour remplacer un leadership impopulaire par un autre, prétendant représenter le peuple et lutter contre l’oppression. Et ainsi, le cycle recommence.
L’espace politique et l’éducation politique sont des armes fondamentales contre les régimes autoritaires. Lorsque les populations réagissent avec résilience et refusent de sacrifier leur liberté en échange d’une sécurité incertaine, il est crucial que l’espace politique soit occupé par des discours radicaux en faveur de la démocratie, plutôt que par des « hommes forts » issus des forces armées. Le conditionnement de l’opinion en période de crise est très important. Changer le narratif est essentiel si l’on veut modifier le rapport entre le peuple et les régimes autoritaires en période de guerre.
La guerre, fabrique de l’État profond
Chong et Druckman10 montrent que la manière dont l’information est présentée au public influence la façon dont elle est perçue et interprétée. C’est la théorie du cadrage. De même, la manière dont les conflits armés et le terrorisme sont présentés aux populations affecte leur perception du risque et de leurs besoins urgents. Lorsque les informations sur les conflits sont présentées en termes de menaces pour la vie et pour la sécurité personnelle, le public a tendance à y répondre en renonçant à sa liberté au profit d’une sécurité accrue et en recherchant un « homme fort ». En revanche, lorsque l’information est présentée en termes de menace pour la liberté individuelle et comme un instrument de domination et d’aliénation des droits, les populations adoptent une posture prodémocratique et refusent de renoncer à leur liberté. C’est pour cela que le contrôle de l’information en période de guerre se transforme en une course effrénée et mortelle pour les entrepreneurs de la guerre.
Un autre point essentiel est que les régimes militaires et autoritaires dans les pays en développement ne peuvent pas être véritablement révolutionnaires. L’économie politique de la guerre montre que celle-ci est contrôlée par des acteurs qui détiennent d’importantes parts de l’économie et se disputent des intérêts. Un État pauvre engagé dans la guerre sera, tôt ou tard, contraint de devenir un « État profond », en traitant avec des acteurs criminels pour financer et mener la guerre. Défini par Michaels11, l’« État profond » désigne un réseau parallèle de pouvoir officieux, caché et non responsable, opérant en dehors des structures démocratiques et transparentes de l’État. Plus la guerre dure, plus les leaders, même de bonne foi, se retrouvent impliqués dans des réseaux souterrains, tandis que leurs collaborateurs deviennent des « entrepreneurs de guerre » au détriment du peuple.
Finalement, la démocratie se voit contestée en Afrique non pas parce que les Africains rejettent ses principes, mais parce que, face à la crise et aux conflits, le besoin de sécurité prime souvent sur celui de liberté.
Une démocratie à l’africaine
Renforcer la résilience des populations, surtout en proie aux crises, est essentiel pour protéger la démocratie car la résilience est l’une des réactions possibles identifiées par la théorie de la réponse post-traumatique. De plus, la théorie du cadrage suggère qu’en présentant la démocratie comme le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme, surtout en période de conflits, on peut accroître le soutien populaire. Les travaux de Yameogo, Neundorf, et Aykut12 et Windsor13 confirment cette dynamique.
La démocratie – ou, du moins, les aspirations qui la composent, telles que le besoin de liberté, de s’exprimer et de pouvoir critiquer la gestion de la cité – n’est pas étrangère à l’Afrique, selon les travaux de Cheikh Anta Diop14. S’il est vrai que ces éléments ont été conceptualisés et vulgarisés par les Occidentaux, d’autres peuples auraient pu revendiquer ce concept sous une autre forme, tout en conservant ses composantes essentielles en matière de liberté et de droit à la vie. Certains proposent même aujourd’hui de penser la démocratie à l’africaine. Ce qu’ils expriment, c’est simplement la volonté de s’identifier aux principes et aux valeurs démocratiques à travers une approche endogène qui reflète leur réalité. Cela permettrait de définir, pour chacun, les limites objectives de son besoin de liberté et la manière dont les écarts peuvent être sanctionnés.
Une chose est certaine : un tel processus favorisera le désir de vivre, de s’exprimer, de critiquer la gestion des dirigeants choisis pour gouverner la cité, ainsi que le droit de protester en cas de désaccord. La démocratie possède une dimension universelle qui touche à l’essence même de l’être humain, même si les communautés ont le droit d’en proposer un contenu local.
La dynamique de souveraineté au Sahel face au péril démocratique

Le Rénovateur Quotidien – Dans un contexte où les États africains cherchent à se libérer du poids des anciennes puissances coloniales, une dynamique de souveraineté se dessine en Afrique, particulièrement dans la région du Sahel.
Les récents développements, notamment l’opération conjointe des armées de la Confédération des États du Sahel (AES), mettent en lumière une volonté forte de renforcer les capacités régionales, notamment face aux menaces terroristes et aux ingérences extérieures. L’Afrique, et spécifiquement le Sahel, a longtemps été perçue comme une zone où la présence française jouait un rôle central dans la lutte contre les groupes armés terroristes.
Cependant, après des années de coopération marquée par des ambivalences, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer une indépendance stratégique, une autonomie militaire et une redéfinition des relations avec les puissances extérieures, y compris la France.
Aujourd’hui, l’initiative de la Confédération des États du Sahel (AES) offre une alternative à ce modèle. La coopération entre les pays du Sahel — le Mali, le Niger, et le Burkina Faso — a permis une approche commune pour renforcer la sécurité dans cette région cruciale, où la menace terroriste est omniprésente. Ces pays se sont unis, mettant en place des stratégies militaires coordonnées et des échanges de renseignements renforcés, tout en évitant les failles qui ont souvent permis aux groupes terroristes de se déplacer sans entrave.
Le 28 mars 2025, une opération militaire symbolique a marqué un tournant, lorsqu’un convoi de terroristes a été intercepté grâce à une collaboration sans précédent entre les forces sahéliennes. L’opération, rendue possible par des renseignements précis et des moyens technologiques avancés, a montré que la guerre moderne ne se gagne pas uniquement par des frappes militaires, mais aussi par le contrôle des informations, des flux logistiques et des territoires.
Wagner : une solution éphémère aux défis du Sahel
Le retrait progressif des forces françaises, longtemps un pilier de la stratégie antiterroriste en Afrique, a été accompagné de l’arrivée du groupe paramilitaire Wagner, qui s’est installé pour combler le vide. Cependant, cette nouvelle alliance n’est pas sans conséquence pour les populations locales. Loin de garantir une victoire rapide contre le terrorisme, la présence de Wagner dans la région semble avoir exacerbé les souffrances des civils. Les attaques menées par des groupes armés se sont intensifiées, et les communautés sans défense sont devenues des cibles faciles.
Dans ce contexte, la guerre menée contre le terrorisme dans le Sahel ne se résume pas à une simple question de domination militaire. Au contraire, elle met en lumière les défis colossaux auxquels les États du Sahel doivent faire face : maintenir l’unité interne tout en résistant à l’ingérence étrangère, assurer la sécurité de leurs citoyens tout en évitant les abus de pouvoir et la répression aveugle.
Le défi d’une souveraineté affranchie du joug colonial
La sortie de la France du Sahel et la montée en puissance de l’AES offrent un espoir de souveraineté retrouvée, mais les défis restent immenses. Le Sahel doit apprendre à naviguer entre ses propres ressources et l’influence de puissances étrangères. Le vrai test pour ces États sera de parvenir à garantir une sécurité durable tout en préservant les droits des populations locales. L’attaque des racines logistiques des groupes terroristes, menée par l’AES, est un premier pas dans cette direction. Mais il faut également s’attaquer à la racine du problème : les fractures sociales, l’exclusion, et la gouvernance fragile.
Loin d’être une simple victoire militaire, cette dynamique de souveraineté soulève des questions cruciales sur la manière dont les États africains, aujourd’hui plus que jamais, devront s’affirmer sur la scène internationale. Et si l’avenir semble prometteur, le chemin reste semé d’embûches, car la véritable bataille reste celle de l’harmonie sociale et de la stabilité interne face à un contexte mondial de plus en plus complexe.
Ainsi, l’Afrique, et en particulier le Sahel, se trouve à un carrefour historique. Le processus de décolonisation n’est pas uniquement politique, il est aussi militaire et stratégique. Cependant, la victoire contre le terrorisme et les ingérences extérieures ne pourra être célébrée tant que les populations continuent à souffrir des violences quotidiennes. C’est là que réside le défi : une souveraineté qui doit d’abord protéger les vies humaines avant tout.
L’ombre d’un autoritarisme grandissant
Cette dynamique de souveraineté, pourtant porteuse d’espoir, a toutefois du mal à occulter une réalité inquiétante : la volonté de certains régimes au Sahel de confisquer les libertés et de conserver le pouvoir à tout prix. En effet, si la région aspire à une véritable autonomie, à l’indépendance face aux anciennes puissances coloniales, elle se heurte également à un défi interne majeur : la consolidation des régimes autoritaires, qui freinent les aspirations démocratiques des populations.
Dans certains cas, les gouvernements au pouvoir préfèrent recourir à des méthodes répressives pour maintenir leur emprise sur le pouvoir plutôt que de favoriser des transitions démocratiques réelles. La volonté de rétablir la souveraineté nationale semble parfois se traduire par des manœuvres politiques visant à limiter la participation civile et à empêcher le retour au pouvoir par les urnes. Ces régimes, parfois soutenus par des acteurs extérieurs, prennent prétexte des menaces sécuritaires pour justifier leur refus d’instaurer des processus démocratiques ouverts et inclusifs.
Cette réalité complexe souligne un paradoxe majeur : alors que la souveraineté nationale est revendiquée, l’espace politique interne se rétrécit. Le défi pour les pays du Sahel sera donc de parvenir à concilier souveraineté et démocratie, en préservant les acquis de la lutte contre le terrorisme sans sacrifier les libertés fondamentales des citoyens.
Amadou Diaara/
LE RENOVATEUR-Mauritanie
Sénégal: le FMI évoque une dette «cachée» d’environ 7 milliards de dollars entre 2019 et 2024

RFI Afrique – Au Sénégal, le Fonds monétaire international affirme qu’entre 2019 et 2024 une dette d’un montant de 7 milliards de dollars environ a été « cachée » par l’administration Macky Sall, confirmant ainsi les conclusions de la Cour des comptes. Dans son rapport publié en février 2025, l’organe pointait une dette sous-évaluée et des manquements dans la gestion des finances du pays.
« Il y a eu une décision très consciente de sous-estimer le stock de la dette » pendant les cinq dernières années, affirme Eddy Gemayel à la tête de la délégation du Fonds monétaire international (FMI).
« Donc on est d’accord avec la conclusion du rapport de la Cour des comptes », continue Eddy Gemayel. Un montant délibérément « caché » qui s’élève à environ 7 milliards de dollars, selon l’institution financière et qui correspond à la différence entre les deux estimations de la dette publique.
Celle déclarée sous l’administration Macky Sall à plus de 70 % du produit intérieur brut (PIB) et celle calculée par la Cour des Comptes qui se situe à près de 100 % du PIB.
« Il y a une sous-estimation. On a une partie de la dette qui a été caché et ceci a permis aux autorités de pouvoir s’endetter plus sur les marchés, de donner un signal plus positif aux marchés financiers et aussi de pouvoir s’endetter à des taux plus favorables que ce que ces taux auraient été si la dette était plus élevée », explique le chef de la délégation du FMI.
Dans tous les cas de figure, c’est un montant très élevé qui creuse le déficit public et qui a provoqué la suspension du prêt du FMI au Sénégal. Ce programme d’aides du FMI au Sénégal, d’un montant de 1,8 milliard d’euros, est suspendu depuis que les nouvelles autorités, arrivées au pouvoir il y a un an, ont révélé en septembre des erreurs dans les chiffres officiels des finances publiques sous l’ex-président Macky Sall.
Ce prêt ne pourra reprendre qu’une fois que les autorités sénégalaises auront identifié quels mécanismes ont permis de dissimuler la réalité de la dette. Il faut également que des mesures correctives soient adoptées, assure le FMI, pour éviter qu’un tel cas ne se reproduise. Avoir un compte unique pour le trésor public par exemple, centraliser aussi les entités en charge de la gestion de la dette.
Le FMI devra ensuite décider dans les semaines qui viennent si le Sénégal décroche une dérogation ou si l’institution internationale demande à Dakar de rembourser ce qui a déjà été prêté par le FMI avant de reprendre un nouveau programme. La décision sera prise à Washington, au plus tôt, début mai.
Avec notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff
RFI
LIVRE BLANC : dialogues, leurres et lueurs. Par Pr ELY Mustaphav – DEDICACE

Pr. ELY Mustapha — « Mon fils était brillant, il aimait l’école et voulait devenir ingénieur. Le jour de l’accident, il était si content car il devait recevoir un prix pour ses bons résultats. Puis le toit s’est effondré…”
A Mme Aïcha, mère de Moussa,
l’un des enfants tués lors de l’effondrement de l’école de Dar El Barka
Victime d’une gouvernance qui se perpétue par le Dialogue.
Un Livre, des illusions et de l’espoir
J’introduis, ici, ce livre blanc commencé il y a bien longtemps et muri par des articles et essais successifs qui, publiés sur mon blog et dans les médias nationaux et internationaux en constituent la chaine et la trame.
Aujourd’hui et au crépuscule d’un paradoxe, soit celui d’une nation qui, depuis près d’un demi-siècle, cultive l’art du dialogue comme rituel politique, étouffe méthodiquement la voix de son peuple, je publie ce livre blanc.
Ce livre blanc n’est ni une chronique de plus sur les échecs mauritaniens, ni un pamphlet vengeur.
C’est une radiographie que j’ai voulue sciemment critique, du fait de la gravité de la situation, d’un système où le dialogue, promesse de démocratie, s’est mué en outil de domination.
Imaginez un paysage politique où chaque décennie apporte son lot de tables rondes, de concertation nationale, de feuilles de route – des mots nobles vidés de leur sens.
Derrière ces termes se cache une réalité brutale : depuis le coup d’État de 1978, la Mauritanie a connu 14 processus de dialogue officiels, tous aboutissant au même scénario. Des opposants se transforment en complices, des révoltes s’éteignent dans des compromis truqués, et le peuple, spectateur impuissant, voit ses espoirs s’évaporer au rythme des déclarations solennelles.
Je pars d’un constat cruel : 45 ans de dialogues n’ont produit aucune alternance politique, aucune réforme structurelle, aucune justice pour les maux qui frappent le pays et ses habitants et moins encore pour ceux criants des victimes de l’esclavage ou des purges ethniques. Pire, ils ont permis à des régimes successifs de se recycler en « garants du consensus », tout en maintenant intactes les racines de l’autoritarisme.
Ce travail s’ancre dans les récits des oubliés : ces jeunes diplômés au chômage qui ironisent sur les « accords entre costards », ces femmes haratines exclues des négociations, ces opposants emprisonnés pour avoir refusé de jouer la comédie du dialogue.
Notre approche combine trois grilles de lecture :
1. L’histoire critique : De la junte d’Ould Salek (1978) aux « Assises pour la Réconciliation» de 2023, je retrace chaque dialogue comme un épisode d’une série tragique où le pouvoir réécrit les règles du jeu à son avantage. Pour entretenir la mémoire contre l’oubli, pour les jeunes générations et pour l’Histoire qui est le premier témoin des errements humains.
2. Le miroir africain : En confrontant l’expérience mauritanienne à celles d’autres pays, tels le Tchad, le Congo pays que j’ai visités, je montre des mécanismes communs de confiscation du politique par les élites.
3. La théorie politique : Toute démarche pratique qui ne puisse être éclairée par un processus intellectuel théorique éclairant ses constats aux fin de compréhension et de partage est limitée Aussi de la « démocratie autoritaire » (Levitsky & Way) au concept de «résilience autoritaire » (Heydemann), j’essaie de décrypter comment les régimes mauritaniens ont détourné les outils démocratiques pour survivre.
Mais ce livre blanc va plus loin. Il démontre comment ces pseudo-dialogues ont hypothéqué le développement du pays :
– En détournant l’attention des urgences sociales (31% de pauvreté, 25% de chômage des jeunes).
– En légitimant un système économique de prédation (50% des richesses contrôlées par 0.3% de la population).
– En alimentant les fractures identitaires (discriminations persistantes contre les Haratines et les Négro-Africains, qui apparaissent tant dans la répartition des richesses que dans les droits aux emplois publics).
Ce travail est aussi un acte de foi. Je crois qu’en démontant les rouages de cette machinerie du faux-semblant, je participe humblement à éclairer la nécessité de renforcer une véritable démocratie par le bas.
Les pages qui suivent ne se contentent pas de critiquer positivement – elles esquissent les contours d’une citoyenneté consciente, nourrie par les leçons amères du passé et les aspirations d’une génération connectée, lucide, et déterminée à briser le cycle.
À toi qui tiens ce texte, ce livre blanc, – citoyen désenchanté, militant découragé, diplomate désireux de comprendre -, je te dis ceci : Ceci n’est pas un livre sur la Mauritanie, mais sur la condition humaine aux prises avec le pouvoir. C’est l’histoire d’un peuple qui, malgré les trahisons répétées, refuse d’abdiquer son droit à rêver.
C’est une plongée au cœur des leurres et des lueurs de la Mauritanie politique, à travers un dialogue, miroir aux alouettes, qui est la preuve manifeste et intangible des dégâts qu’il cause au devenir et au développement du pays. Et qui est, au-delà de ces aspects critiques, une offense à la conscience de tout un peuple.
Que ces pages soient à la fois un miroir, un maillet pour briser les illusions, et une boussole pour ceux qui osent imaginer l’impensable : un dialogue qui libère au lieu d’asservir.
La justice n’est pas un cadeau des puissants, disait si justement Me Fatimata M’Baye, mais une conquête des peuples. (Me Fatimata M’Baye, Avocate mauritanienne des droits humains. Discours à Genève, 2019)
Lien de téléchargement libre du livre :
Pr ELY Mustapha
Premier commentaire du gouvernement sénégalais sur l’affaire des migrants expulsés

Taqadoumy – Yacine Fall, ministre des Affaires étrangères sénégalaise, a déclaré que la Mauritanie s’est engagée à soumettre au gouvernement sénégalais, avant la fin du mois de mars en cours, un rapport sur les procédures d’obtention d’un permis de séjour pour les ressortissants sénégalais, conformément à un accord entre les deux pays.
La Cheffe de la diplomatie sénégalaise a confirmé, dans des déclarations relayées par les médias locaux, que « la Mauritanie fait actuellement face à des pressions liées à l’immigration irrégulière, qui se sont aggravées en raison de la crise que traverse la région ».
Elle a ajouté que « les autorités sénégalaises ont exprimé leur préoccupation concernant le traitement inhumain réservé aux personnes arrêtées par la Mauritanie et renvoyées de force dans leur pays ».
La ministre a annoncé l’entame de discussions entre les deux pays pour garantir le respect des droits des citoyens sénégalais et trouver des solutions durables à cette crise.