Daily Archives: 26/04/2011
Avril 89, peur sur la ville! Par Bocar Daha Kane- FLAM-Europe de l´Ouest- Bordeaux- France
Début avril 1989 : Des paysans du village de DIAWARA sont tombés sous les balles des mauritaniens (des gardes d’après le Sénégal, -des éleveurs d’après la Mauritanie). Le ministre sénégalais de l’intérieur se rend en Mauritanie pour s’entretenir avec les autorités mauritaniennes sur le sujet. Le ministre mauritanien de l’intérieur fait le déplacement porteur d’un message de son président à son homologue sénégalais. Malgré ce balai diplomatique, la situation s’envenime et devient explosive. Des sénégalais s’en prennent aux mauritaniens, pillent surtout les boutiques. La guerre des ondes s’installe. Radio Mauritanie annonce que Ould Merzoug diplomate mauritanien à Dakar est grièvement blessé ainsi qu’un autre diplomate. L’atmosphère devient surchauffée ; un climat anti-sénégalais en particulier et anti-nègre en général s’installe en Mauritanie.
24-04-89 : Des bandes de badauds exclusivement Hratin, parcourent tous les quartiers de la ville et font la chasse aux nègres. Devant les domiciles, tous les noirs aussi bien mauritaniens qu’autres nationalités sont priés de brandir la carte nationale d’identité. Cette chasse à l’homme se solde par des centaines de morts.
Le soir, le ministre de l’intérieur le fameux Djibril Ould Abdallah annonce gravement à la télévision que les mauritaniens « tiédis » sont considérés comme traitres à la nation. Le lendemain, 25-04-89 : Des bandes de tueurs se déploient presque au même instant dans tous les quartiers de Nouakchott. Elles s’attaquent systématiquement aux nègres sans discernement. Ainsi d’anciens ministres, de hauts fonctionnaires en activités, des diplomates d’ethnie noire n’ont pas échappé à l’action des bandes. Il faut souligner que des maures enturbannés précédaient ou suivaient ces tueurs pour les encadrer. A chaque fois que ces bandes rencontraient de résistance, la police intervenait pour briser celle-ci. Cette activité macabre dura toute la journée. Une brume épaisse couvre toute la ville. On entend de temps en temps des sirènes des ambulances qui circulent dans toutes les directions guidées par les voitures de la police.
La morgue de l’hôpital nationale est jonchée de cadavre. Plusieurs salles de l’hôpital sont également remplies de blessés et de moribonds. On voit partout en ville de scène horrible et vraiment on se croirait à une époque révolue.
Des scènes pareilles se déroulent dans presque toutes les grandes villes du pays, notamment à Nouadhibou. Dans cette localité, les massacres se déroulent non seulement sur terre mais également en mer. Le bilan de ces deux jours de folies se chiffre à environ un millier de morts….
Le lendemain les blessés sénégalais sont évacués à Dakar et le rapatriement des mauritaniens vivants au Sénégal et des sénégalais vivants en Mauritanie, commence. Ces blessés sont acheminés au centre traumatologique où ils reçoivent à leur arrivée la visite du président Abdou Diouf. Ce dernier dans un discours musclé, les larmes aux yeux, stigmatise le comportement des autorités mauritaniennes. Aussitôt dans presque toutes les villes du Sénégal, des bandes de tueurs massacrent des mauritaniens notamment des maures. Là également des scènes horribles de barbarie sont à déplorer. L’homme perd sa raison, guidé par son instinct animal il répand partout la mort la plus atroce et sème la désolation. Les morts se comptent par milliers, et les biens pillés se chiffrent à des centaines de millions….
Témoignage: Avril 1989, je me souviens de ma déportation par Ibrahima Aly Dia dit Yaya Maabel- FLAM-Europe de l´Ouest -Paris-France
C’est toujours un moment émouvant de repenser à toutes les exactions commises par le système raciste mauritanien dont les séquelles sont visibles à nos jours, de revivre cet instant qui ne rappelle pas des jours glorieux. Célébrer cette journée que nous avions vécu dans la douleur, est un devoir de mémoire, un devoir pour tout mauritanien épris de justice. Je crois qu’ il faut surtout vivre cet évènement pour le porter à sa juste valeur. Le vivre personnellement ou être un proche de ceux qui l’ont subi donc être mauritanien. Il ne faut pas être un mauritanien de papier ou à la quête de ce précieux sésame pour être en règle sur un territoire donné et venir scander des slogans qui ne sortent que des lèvres. Pour ceux qui étaient mobilisés à cette manifestation du 24 avril 2011 à Paris, les cris sortaient du coeur et cela se sentait, se lisait sur les visages. Le 29 mai, jour inoubliable pour mes compagnons d’infortune de la traversée du désert.
Après une semaine de tractation entre la police, la gendarmerie et la garde nationale, on finit par arrêter tous les négro-mauritaniens de la région du Tagant pour les rassembler au commissariat de Tidjikjat. Transféré à la prison, je me retrouvais dans la même cour que les ba’athistes. Voyant comment ces derniers sont traités: bien habillés, ayant tout à leur disposition même des esclaves, je fus dégouté et voulus entamer une grève de la faim. En regagnant ma cellule, je rencontre un grand frère sur qui nous comptions beaucoup et croyions être épargné par les arrestations, feu Sileye Gacko de Kaédi chez qui tout le monde se réunissait chaque soir. Après un long silence, il me dit :” tu as tort de ne pas manger. J’ai entendu tes plaintes mais saches qu’on ne restera pas longtemps ici. Soit on va être déportés au Sénégal ou mourir ici mais nous n’aurons plus la même vie qu’avant”. Avant même de finir ma phrase, car je ne sais pas ce que j’ai pu répondre mais avant même de terminer ma phrase, je me retrouve jeté à terre et traîné jusque dans ma cellule. On m’interdit d’ouvrir la bouche toute la soirée; Je ne revis plus Sileye qui lui est décédé après notre départ.
Le lendemain, on me ramène rejoindre les autres camarades rassemblés au commissariat et entassés dans une pièce de 10m2. Et c’est de là bas, vers 13h, sous un chaud soleil qu’on nous fit monter tous dans un camion, sans nous laisser le temps d’emporter quoique ça soit, pour la route de l’exil. Cet exil que certains qualifient de « doré ». Certains qui n’ont jamais connu ces affres, cette humiliation, certains qui ont utilisé et ce prétexte de déportés ou de militants des FLAM pour pouvoir travailler en France, aller acheter des maisons, faire des va et vient entre ici et l’Afrique et même ramener des épouses, frères voire des neveux, beaux-frères, nièces, etc. Le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Aujourd’hui le fait que nous soyons divisés les arrange. Au lieu de jouer aux sapeurs pour essayer d’éteindre cet incendie, ils jouent aux pyromanes parce que cela les arrange. Nous mauritaniens, refusons cette division, rassemblons nous et unissons nos forces pour lutter contre ce système pour qui cette division réconforte son installation au gouvernail de notre pays. Plus jamais un 24 avril dans la division. Je rappelle que lors des déportations, le régime avait procéder ainsi: on a utilisé des hommes de tenues négro-mauritaniens pour arrêter leurs frères et lorsque tous les civils ont été arrêtés, tués ou déportés ce fut leur tour de suivre les autres. Cela devait nous servir de leçon mais hélas….
Et la lutte continue !
Mauritanie, le régime présidentiel en cause ! par Synaps Diallo FLAM-Amérique du Nord- Sherbrooke- Québec
C’était un certain août 2005 que des forces militaires avaient mis fin à 20 ans de tyrannie sans précédent dans l’histoire de cette jeune nation d’Afrique du nord-ouest. La Mauritanie venait en effet de sortir d’un long coma qui fut caractérisé par le népotisme, le racisme, la xénophobie, le chauvinisme, la corruption, le pillage des ressources, des fosses communes, des déportations massives, l’esclavage, l’assassinat économique de certaines communautés et le trafic de drogue. Tous ces crimes érigés en politique d’état, sévissaient dans un décor d’impunité sans la moindre inquiétude des auteurs. A l’autel de la barbarie gratuite, les guerriers d’hier se terraient sous le silence de la complaisance, tandis que les autres se forgeaient une bravoure virtuelle dans la fiction mélodieuse de leurs griots. A cette heure de crépuscule du pays des mille et un poètes, tout fut indigne à la hauteur de l’inaction des Hommes intègres. C’est dans ce climat délétère que des putschistes ont suscité un sentiment de grand espoir matérialisé par une liesse populaire et un soupir de soulagement murmurant le vent de la liberté. Le Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) avait alors déclaré, je cite : “unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années”.
Deux ans de transition ont par la suite abouti à un vote référendaire unanime, limitant le mandat présidentiel à deux années et à l’élection d’un président civil.
Cependant le peuple avait tort de se réjouir trop tôt, le soleil apparaissant à l’horizon fut aussitôt obscurci par des nuages téméraires signant la désillusion nationale. À travers les méandres illuminés de ses obscures incompréhensions, les mauritaniens tentaient tant bien que mal à garder le dernier de leurs optimismes.
En réalité, tout ceci ne fut qu’une mascarade. Comme par le passé le peuple n’avait rien décidé du tout. Comme toujours il fut manipulé et couvert de vernis pour bouffonner la légendaire hypocrite communauté internationale. Le président civil, Sidi Ould Cheikh Abdallah, ne fut en fait jamais élu par le peuple, mais choisi par les bien-futés militaires. Ils se sont convenus de calmer l’ardeur des « pseudo-opposants » par des nominations à la rigolote: Ould Boulkheir devient président du parlement, Ould Daddah chef de l’opposition, Ould Zeidane premier ministre. Ayant trop compris la pusillanimité de l’opposition qui valse entre l’opportunisme et l’attentisme, les militaires n’avaient jamais compté établir un équilibre et un partage de pouvoir. Le seul pouvoir en réalité ne fut que militaire, et cela depuis 1978. Mais cette supercherie n’engage que ceux qui y croient. Il semble fatalement que l’histoire dans ce désert n’est qu’un éternel recommencement.
La démocratie (du grec démos : le peuple, cratos : le pouvoir) signifiant le pouvoir au peuple, ne fut jamais qu’une symphonie dans l’imaginaire de cette nation à l’agonie.
Malgré tout la Mauritanie ne fait pas l’exception mais est la règle dans ce continent. En effet, l’Afrique est une pure invention de l’occident, car depuis la conférence de Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 on lui a imposé des frontières qui n’ont jamais respectées les uniformités identitaires de ses populations autochtones. Cette situation fait qu’un président sera toujours le président d’une ethnie au détriment des autres. Logiquement même dans un pays où le vote est transparent, cela ne conduit pas à la démocratie, puisque c’est l’ethnie majoritaire qui en sortira gagnante. Ou au contraire ce sera une tribu, une ethnie minoritaire qui détiendra par les armes une suprématie oligarchique sur les autres communautés. L’Homme africain, ce métissé culturel, n’a que trop peu profité de sa diversité pour construire son unité. Alors le président élu ou autoproclamé met en œuvre un gouvernement mono-ethnique, poursuivant son propre idéal et celui de son clan. Il a le rôle d’un chef qui décide tout et ce qu’il veut, allant jusqu’à réprimer dans le sang une manifestation pacifique ou ordonner une épuration ethnique. C’est pourquoi les militaires s’y retrouvent avec grand zèle pour appliquer leur culture anti-démocratique. Afin de masquer la terreur de l’état, quelques personnes sans scrupules issues des communautés marginalisées sont figurativement nommées à des postes de responsabilité au prix du silence meurtri des siens. Les populations exclues deviennent alors le lumpen prolétariat à qui on donne le juste nécessaire pouvant maintenir la force du travail dans un environnement de vie qui frôle l’enfer. Ces états mafieux qui bâillonnent et affament, érigent la rapacité en culte. L’argent des riches sous-sols et des aides est dilapidé sous le silence complice de la communauté internationale. Les contrats d’exploitation des richesses sont souvent d’ailleurs signés sans transparence à titre personnel. Les élites gouvernantes assurent leur avenir et ceux de leurs proches dans les pays développés : éducation, santé, sécurité alimentaire, emploi, etc. ; tant qu’il en existe ailleurs, le développement de leur propre pays parait être le dernier des soucis. L’Etat est considéré comme une cagnotte où il faut se servir en toute impunité. Les capitaux que les bras des millions de travailleurs ont produits avec leurs sueurs, sont dépensés sans limites dans ces pays étrangers, écroulant au passage l’économie nationale.
Le peuple se meurt tandis qu’une minorité se désaltère allégrement. Dans la jungle les vautours ne se nourrissent que du désespoir ! La rapacité allant de plus belle, bientôt ce ne sera plus sur une base ethnique que l’injustice se manifestera, mais des conflits d’intérêt entre membres d’une même communauté surgissent, réveillant alors d’anciennes querelles que les autres ethnies « bouc-émissairisées » avaient servi à inhiber. Le phénomène prend alors une tournure nationale, puis d’une seule voix, le peuple finit par hurler son ras-le-bol contre l’Union des Profiteurs de la République (UPR). La discrimination des uns créant l’insécurité des autres, il arrive forcément un moment inéluctable où tout bascule.
Voilà pourquoi la gestion et le partage équitable des richesses est une nécessité pour une nation et non de la rhétorique bien-pensante servant à embellir les discours politicards et opportunistes. Ainsi la nature tend toujours vers l’équilibre, c’est une certitude presque mathématique tant la relation de causalité a été récurrente depuis la nuit des temps. Guerre civile ou révolution, il est de toute évidence certain que plus rien ne sera comme avant. Les profiteurs d’hier sont poursuivis, chassés. L’histoire témoigne, les exemples sont nombreux, c’est ainsi depuis l’aube des nations. L’Homme a seulement trop souvent la mémoire courte, mais le passé est une école pour ceux qui prennent le temps de méditer. Rien n’est immuable ici-bas, le changement est la loi de la vie.
J’en arrive donc à déduire que le régime présidentiel est arbitraire et est incompatible avec nos réalités. La république française d’où nous tirons le modèle présidentiel est entrain d’expérimenter des discriminations au fur et à mesure que sa population se diversifie. Les Etats-Unis ont rajouté le fédéralisme à leur modèle présidentiel pour gérer leur nation cosmopolite. Le régime présidentiel n’est donc pas un choix judicieux pour la Mauritanie ni pour aucun pays africain.
L’homme providentiel fusse-t-il de bonne volonté, ne peut être à lui seul au service de l’ensemble d’une nation aussi diverse que la Mauritanie. Je persiste donc à penser qu’il est absurde de donner la responsabilité à un seul homme de commander l’avenir de millions de gens aux sensibilités aussi plurielles.
Le résultat est d’ailleurs évident en Mauritanie, le nouvel homme fort du pays comme se plaisent de le rappeler les médias occidentaux, autoproclamé général, auto-élu président pour devenir président-général, est là pour sa tribu et son ethnie. Le reste du peuple peut se contenter de la citoyenneté de seconde zone. Pour preuve, demandons-nous quelle est la part représentative des autres communautés dans la gestion du pays ? Demandons-nous pourquoi les tortionnaires les plus zélés d’hier son aujourd’hui promus ? Ould Abdel Aziz propose même d’assurer la sécurité à Ould Thiaya plutôt que de réclamer son extradition. Pourquoi les défenseurs des droits humains contre l’esclavage sont diabolisés et emprisonnés ? Pourquoi les corrompus les plus ignobles sont nommés à des postes de responsabilité ? C’est sans doute dans le but de pervertir la république en essayant par la même occasion de ne donner au peuple que la voix de l’indignité. Ces Etats-voyous, justifient alors leur pouvoir antidémocratique en criant à qui veut encore le croire , que leurs nations ne méritent pas mieux que la dictature. C’est ainsi que le peuple est infantilisé pour justifier le paternalisme arrogant et ignare des esprits dirigeants.
Le président-général, habitué aux compliments hypocrites des soldats de la trahison, doit comprendre que l’enjeu n’est pas d’être l’hyper président qui à coup de baguettes magiques résoudra seul tous les problèmes. Aucun mortel ne peut y parvenir, celui qui le prétend est simplement atteint d’une folie de grandeur qui le mènera à une gestion autocratique de l’Etat. La vraie question est de savoir comment construire des institutions républicaines fiables garantes de la stabilité du pays et au service d’une démocratie participative?
A mon avis, un régime parlementaire plus représentatif des sensibilités du peuple serait mieux adapté à la Mauritanie. Le pouvoir désormais devrait se partager entre un parlement et un sénat élus par le peuple, puis d’un conseil des sages formé de personnalités morales à l’image de la diversité populaire. De plus, un premier ministre, mandaté par les députés élus, assure l’exécutif. Le conseil des sages coiffe le sénat et a un rôle d’arbitre tranchant les litiges dans les deux chambres. Une cours suprême de justice indépendante interprète la constitution et a une compétence d’appel. Le commandement de la police et les différents corps de l’armée devra être réparti entre le parlement, le sénat, le conseil des sages et le premier ministre. Ainsi c’est au peuple qu’il reviendra de construire la nation dans une démarche participative à travers ces institutions républicaines et démocratiques, mais également à travers la presse, des syndicats, des Ong, des ligues, des coopératives, etc.
C’est à cela que le président-général doit s’atteler. Je persiste et signe, sans la création de ces institutions républicaines indépendantes à la place du clientélisme matérialisé par l’ UPR (Union des Profiteurs de la République), l’histoire sera hélas un éternel recommencement dans ce pays.
Telle est la grande question et le lieu du vrai débat politique mauritanien !
A défaut de cette action providentielle du président-général, c’est au peuple qu’il reviendra d’écrire sa propre histoire. La révolution, la vraie cette fois-ci, à la mauritanienne sans doute, aura alors inéluctablement lieu. Ce jour-là, les rues des grandes villes de la nation mauritanienne seront inondées de sapiens, scandant : Liberté !! Justice !! Égalité !! Ou simplement Dégage !!!
Cependant considérer l’évènement d’aout 2005 ou d’aout 2008 comme une révolution, relève lamentablement du burlesque !