Mauritanie, le régime présidentiel en cause ! par Synaps Diallo FLAM-Amérique du Nord- Sherbrooke- Québec
C’était un certain août 2005 que des forces militaires avaient mis fin à 20 ans de tyrannie sans précédent dans l’histoire de cette jeune nation d’Afrique du nord-ouest. La Mauritanie venait en effet de sortir d’un long coma qui fut caractérisé par le népotisme, le racisme, la xénophobie, le chauvinisme, la corruption, le pillage des ressources, des fosses communes, des déportations massives, l’esclavage, l’assassinat économique de certaines communautés et le trafic de drogue. Tous ces crimes érigés en politique d’état, sévissaient dans un décor d’impunité sans la moindre inquiétude des auteurs. A l’autel de la barbarie gratuite, les guerriers d’hier se terraient sous le silence de la complaisance, tandis que les autres se forgeaient une bravoure virtuelle dans la fiction mélodieuse de leurs griots. A cette heure de crépuscule du pays des mille et un poètes, tout fut indigne à la hauteur de l’inaction des Hommes intègres. C’est dans ce climat délétère que des putschistes ont suscité un sentiment de grand espoir matérialisé par une liesse populaire et un soupir de soulagement murmurant le vent de la liberté. Le Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) avait alors déclaré, je cite : “unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années”.
Deux ans de transition ont par la suite abouti à un vote référendaire unanime, limitant le mandat présidentiel à deux années et à l’élection d’un président civil.
Cependant le peuple avait tort de se réjouir trop tôt, le soleil apparaissant à l’horizon fut aussitôt obscurci par des nuages téméraires signant la désillusion nationale. À travers les méandres illuminés de ses obscures incompréhensions, les mauritaniens tentaient tant bien que mal à garder le dernier de leurs optimismes.
En réalité, tout ceci ne fut qu’une mascarade. Comme par le passé le peuple n’avait rien décidé du tout. Comme toujours il fut manipulé et couvert de vernis pour bouffonner la légendaire hypocrite communauté internationale. Le président civil, Sidi Ould Cheikh Abdallah, ne fut en fait jamais élu par le peuple, mais choisi par les bien-futés militaires. Ils se sont convenus de calmer l’ardeur des « pseudo-opposants » par des nominations à la rigolote: Ould Boulkheir devient président du parlement, Ould Daddah chef de l’opposition, Ould Zeidane premier ministre. Ayant trop compris la pusillanimité de l’opposition qui valse entre l’opportunisme et l’attentisme, les militaires n’avaient jamais compté établir un équilibre et un partage de pouvoir. Le seul pouvoir en réalité ne fut que militaire, et cela depuis 1978. Mais cette supercherie n’engage que ceux qui y croient. Il semble fatalement que l’histoire dans ce désert n’est qu’un éternel recommencement.
La démocratie (du grec démos : le peuple, cratos : le pouvoir) signifiant le pouvoir au peuple, ne fut jamais qu’une symphonie dans l’imaginaire de cette nation à l’agonie.
Malgré tout la Mauritanie ne fait pas l’exception mais est la règle dans ce continent. En effet, l’Afrique est une pure invention de l’occident, car depuis la conférence de Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 on lui a imposé des frontières qui n’ont jamais respectées les uniformités identitaires de ses populations autochtones. Cette situation fait qu’un président sera toujours le président d’une ethnie au détriment des autres. Logiquement même dans un pays où le vote est transparent, cela ne conduit pas à la démocratie, puisque c’est l’ethnie majoritaire qui en sortira gagnante. Ou au contraire ce sera une tribu, une ethnie minoritaire qui détiendra par les armes une suprématie oligarchique sur les autres communautés. L’Homme africain, ce métissé culturel, n’a que trop peu profité de sa diversité pour construire son unité. Alors le président élu ou autoproclamé met en œuvre un gouvernement mono-ethnique, poursuivant son propre idéal et celui de son clan. Il a le rôle d’un chef qui décide tout et ce qu’il veut, allant jusqu’à réprimer dans le sang une manifestation pacifique ou ordonner une épuration ethnique. C’est pourquoi les militaires s’y retrouvent avec grand zèle pour appliquer leur culture anti-démocratique. Afin de masquer la terreur de l’état, quelques personnes sans scrupules issues des communautés marginalisées sont figurativement nommées à des postes de responsabilité au prix du silence meurtri des siens. Les populations exclues deviennent alors le lumpen prolétariat à qui on donne le juste nécessaire pouvant maintenir la force du travail dans un environnement de vie qui frôle l’enfer. Ces états mafieux qui bâillonnent et affament, érigent la rapacité en culte. L’argent des riches sous-sols et des aides est dilapidé sous le silence complice de la communauté internationale. Les contrats d’exploitation des richesses sont souvent d’ailleurs signés sans transparence à titre personnel. Les élites gouvernantes assurent leur avenir et ceux de leurs proches dans les pays développés : éducation, santé, sécurité alimentaire, emploi, etc. ; tant qu’il en existe ailleurs, le développement de leur propre pays parait être le dernier des soucis. L’Etat est considéré comme une cagnotte où il faut se servir en toute impunité. Les capitaux que les bras des millions de travailleurs ont produits avec leurs sueurs, sont dépensés sans limites dans ces pays étrangers, écroulant au passage l’économie nationale.
Le peuple se meurt tandis qu’une minorité se désaltère allégrement. Dans la jungle les vautours ne se nourrissent que du désespoir ! La rapacité allant de plus belle, bientôt ce ne sera plus sur une base ethnique que l’injustice se manifestera, mais des conflits d’intérêt entre membres d’une même communauté surgissent, réveillant alors d’anciennes querelles que les autres ethnies « bouc-émissairisées » avaient servi à inhiber. Le phénomène prend alors une tournure nationale, puis d’une seule voix, le peuple finit par hurler son ras-le-bol contre l’Union des Profiteurs de la République (UPR). La discrimination des uns créant l’insécurité des autres, il arrive forcément un moment inéluctable où tout bascule.
Voilà pourquoi la gestion et le partage équitable des richesses est une nécessité pour une nation et non de la rhétorique bien-pensante servant à embellir les discours politicards et opportunistes. Ainsi la nature tend toujours vers l’équilibre, c’est une certitude presque mathématique tant la relation de causalité a été récurrente depuis la nuit des temps. Guerre civile ou révolution, il est de toute évidence certain que plus rien ne sera comme avant. Les profiteurs d’hier sont poursuivis, chassés. L’histoire témoigne, les exemples sont nombreux, c’est ainsi depuis l’aube des nations. L’Homme a seulement trop souvent la mémoire courte, mais le passé est une école pour ceux qui prennent le temps de méditer. Rien n’est immuable ici-bas, le changement est la loi de la vie.
J’en arrive donc à déduire que le régime présidentiel est arbitraire et est incompatible avec nos réalités. La république française d’où nous tirons le modèle présidentiel est entrain d’expérimenter des discriminations au fur et à mesure que sa population se diversifie. Les Etats-Unis ont rajouté le fédéralisme à leur modèle présidentiel pour gérer leur nation cosmopolite. Le régime présidentiel n’est donc pas un choix judicieux pour la Mauritanie ni pour aucun pays africain.
L’homme providentiel fusse-t-il de bonne volonté, ne peut être à lui seul au service de l’ensemble d’une nation aussi diverse que la Mauritanie. Je persiste donc à penser qu’il est absurde de donner la responsabilité à un seul homme de commander l’avenir de millions de gens aux sensibilités aussi plurielles.
Le résultat est d’ailleurs évident en Mauritanie, le nouvel homme fort du pays comme se plaisent de le rappeler les médias occidentaux, autoproclamé général, auto-élu président pour devenir président-général, est là pour sa tribu et son ethnie. Le reste du peuple peut se contenter de la citoyenneté de seconde zone. Pour preuve, demandons-nous quelle est la part représentative des autres communautés dans la gestion du pays ? Demandons-nous pourquoi les tortionnaires les plus zélés d’hier son aujourd’hui promus ? Ould Abdel Aziz propose même d’assurer la sécurité à Ould Thiaya plutôt que de réclamer son extradition. Pourquoi les défenseurs des droits humains contre l’esclavage sont diabolisés et emprisonnés ? Pourquoi les corrompus les plus ignobles sont nommés à des postes de responsabilité ? C’est sans doute dans le but de pervertir la république en essayant par la même occasion de ne donner au peuple que la voix de l’indignité. Ces Etats-voyous, justifient alors leur pouvoir antidémocratique en criant à qui veut encore le croire , que leurs nations ne méritent pas mieux que la dictature. C’est ainsi que le peuple est infantilisé pour justifier le paternalisme arrogant et ignare des esprits dirigeants.
Le président-général, habitué aux compliments hypocrites des soldats de la trahison, doit comprendre que l’enjeu n’est pas d’être l’hyper président qui à coup de baguettes magiques résoudra seul tous les problèmes. Aucun mortel ne peut y parvenir, celui qui le prétend est simplement atteint d’une folie de grandeur qui le mènera à une gestion autocratique de l’Etat. La vraie question est de savoir comment construire des institutions républicaines fiables garantes de la stabilité du pays et au service d’une démocratie participative?
A mon avis, un régime parlementaire plus représentatif des sensibilités du peuple serait mieux adapté à la Mauritanie. Le pouvoir désormais devrait se partager entre un parlement et un sénat élus par le peuple, puis d’un conseil des sages formé de personnalités morales à l’image de la diversité populaire. De plus, un premier ministre, mandaté par les députés élus, assure l’exécutif. Le conseil des sages coiffe le sénat et a un rôle d’arbitre tranchant les litiges dans les deux chambres. Une cours suprême de justice indépendante interprète la constitution et a une compétence d’appel. Le commandement de la police et les différents corps de l’armée devra être réparti entre le parlement, le sénat, le conseil des sages et le premier ministre. Ainsi c’est au peuple qu’il reviendra de construire la nation dans une démarche participative à travers ces institutions républicaines et démocratiques, mais également à travers la presse, des syndicats, des Ong, des ligues, des coopératives, etc.
C’est à cela que le président-général doit s’atteler. Je persiste et signe, sans la création de ces institutions républicaines indépendantes à la place du clientélisme matérialisé par l’ UPR (Union des Profiteurs de la République), l’histoire sera hélas un éternel recommencement dans ce pays.
Telle est la grande question et le lieu du vrai débat politique mauritanien !
A défaut de cette action providentielle du président-général, c’est au peuple qu’il reviendra d’écrire sa propre histoire. La révolution, la vraie cette fois-ci, à la mauritanienne sans doute, aura alors inéluctablement lieu. Ce jour-là, les rues des grandes villes de la nation mauritanienne seront inondées de sapiens, scandant : Liberté !! Justice !! Égalité !! Ou simplement Dégage !!!
Cependant considérer l’évènement d’aout 2005 ou d’aout 2008 comme une révolution, relève lamentablement du burlesque !