Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 07/04/2011

Au lendemain des ruptures ! par Abdarahmane Ngaïdé

altIl est parfois pénible de lire quelques uns des messages postés par-ci et par-là. Que les insultes soient distribuées une à une cela ne me surprends pas. Que chacun d’entre nous s’attende aux insultes cela ne me surprendra pas aussi. Ce qui m’aurait surpris c’est bien l’assainissement de nos discussions et le règne de la maturité constructive [Comme cette rubrique salvatrice : Nécessaire contradiction]. Mais depuis 2000 que je suis de manière régulière (sauf l’année 2008) nos forums j’ai vu toutes les insultes défiler et presque tout le monde y est passé comme si chacun d’entre nous devait être « déchiré » en public. Comme un passage initiatique quoi ! C’est ainsi qu’on agi tout en prônant que « la lutte continue » ou je ne sais autre slogan démobilisateur. Les insultes continuent oui ! C’est cela notre triste vérité. Nous sommes virtuoses en la matière. Tant que nous n’auront pas levé ce petit coin de notre voile social en public, nous ne sommes pas contents. C’est terrible comme constat. Au lieu de penser le devenir avec sérénité, on s’enlise dans la fange espérant pouvoir un jour, qui est encore lointain, tirer notre épingle du jeu.

Il est de mon droit, libre que je suis et que je serai pour toujours, de dire non aux erreurs commises délibérément ou par manque de recul. D’un message posté on pense piratage, d’un congrès annoncé on s’étripe. Alors que nous assistons à des moments importants qu’il faut plutôt analyser avec la froideur nécessaire pour décrypter les dessous des événements. Beaucoup de choses se cachent derrière les événements souvent considérés, à tort, comme des épiphénomènes alors qu’ils annoncent des choses intéressantes et qui doivent être analysées en dehors du chemin de la simplicité, de l’invective et de l’insulte. Pour cela il nous faut beaucoup de sérénité. Les mois à venir seront peut être décisifs, mais quand on se cantonne au constat puéril et à l’insulte abjecte on perd le nord et on ne comprend absolument rien de ce qui pourrait advenir de nos trajectoires.

Il faut qu’on arrête de s’insulter pour lire cet avenir si proche qui demande la conjugaison des efforts car sans cette conjugaison et ces sacrifices sur soi nous ne pourrons rien faire de notre présent ni de notre avenir. Nous sommes à la confluence de ce que les anglophones traduisent par le concept de « turning point », il est donc judicieux d’accompagner ce moment.

Bien heureux celui qui saura profiter de ces bifurcations qui se dessinent pour sortir de ce champ sémantique des vilénies et s’atteler à l’essentiel : reconstruire toutes ces disjonctions devenues si profondes.

Abderrahmane NGAIDE (Bassel)
Dakar, le 07/04/2011

FORUM-FLAMNET

Qui est vraiment Aziz ?: Les multiples facettes du général-président

altLa boutade de l’émir du Tagant, Bakar Ould Soueid’Ahmed, qui disait, en bon guerrier, ne craindre, parmi tous ses contemporains, que la seule tribu Ideyboussatt, pourtant réputée pacifique voire impassible, relevait-elle de la prémonition ou de la sainteté déguisée? A la stupéfaction de ses cousins et du parterre de courtisans se hâtant à se gausser des propos du grand résistant à la pénétration coloniale, l’illustre héros d’ajouter: “si cette tribu qui a investi, des siècles durant, toute son énergie dans la paix, en faisait autant dans la belligérance, nulle force ne pourra la stopper”. Bakar est mort, l’arme à la main, en défendant ses valeurs. Des années s’écoulèrent et les normes socioculturelles des Mauritaniens, toutes tendances confondues, commencèrent à changer. Un Etat centralisateur moderne, se voulant débarrassé de toutes les contingences obsolètes, voire réactionnaires, est né, en 1960.
Les propos, non moins perspicaces d’un observateur averti de son époque, l’administrateur colonial de l’Assaba, Gabriel Ferral, qui affirmait, péremptoire: «le seul régime qui sied aux Maures, c’est l’anarchie», sont en passe d’être démentis. En sollicitant l’inconscient collectif des Mauritaniens, nous verrions surgir le légendaire capitaine Ideyboussatt, secondé par son fameux lieutenant Messoumé et… même plus.

Partant de cet axiome, endogène à la Mauritanie, qui prouve l’inéluctabilité du changement de société, l’heure n’est plus aux atermoiements. C’est la marche de l’Histoire. D’ailleurs, le réveil des peuples arabes, après un «long sommeil hivernal» va dans ce sens. En cette année 2011, toutes les dictatures militaires arabes seront, soit anéanties, soit en pleine déconfiture. La Mauritanie arabe et africaine (encore un avantage) ne pourrait souffrir d’exception. Il est, donc, inopportun, pour le général Ghazwani, en intellectuel avisé et bien éduqué, au sens pédagogique du terme, de vouloir s’arroger le rôle, peu enviable, du général égyptien Omar Souleymane, le sbire du dictateur Hosni Moubarak. Rien ne saurait arrêter, désormais, la volonté du peuple mauritanien, vers un avenir meilleur, pour plus de démocratie, de justice sociale, de partage des richesses, etc. Après sa fuite de Tunisie, en laissant, derrière lui, sa bibliothèque plus riche en magots qu’en manuscrits, le très général Ben Ali, que l’écrivain Gilles Perrault qualifie de «voyou de sous-préfecture», nous enseigne que les hommes d’Etat ne sont que des «êtres pour la mort», comme nous, souvent médiocres, aux préoccupations oiseuses, comme l’argent, l’agio, le coffre-fort. Le pharaon Moubarak parti, le mégalomane Ali Abdallah Saleh sur orbite, le psychopathe Kadhafi dans la tourmente, les peuples arabes et africains veulent prendre leur destin en main. La soldatesque à la vision linéaire et rustique, peu prompte à l’alternance démocratique et au débat d’idées, aimant la gloriole, affichant les paillettes et  brandissant le glaive, à la moindre tentative de revendication citoyenne légitime, est en voie d’extinction. Il arrive que ces képis étoilés s’érigent en sauveurs, mais jouent parallèlement, aussi, les «godillots», au profit de puissances étrangères, dans le seul but de se maintenir sur le strapontin olympique, au détriment des aspirations de leur peuple. Il est temps que la Mauritanie soit dirigée par un universitaire qui n’a pas falsifié son baccalauréat ou trafiqué son diplôme. Nous voulons un citoyen responsable, frugal, altruiste, humaniste, juste, de bonne moralité; bref, un président qui fasse l’accord, unanime, de tous les esprits compétents.


Manipulateur accompli
Le consensus au règlement du passif humanitaire est-il comparable à la quête du Graal, le calice encore introuvable? Si le Graal est un objet mythique, recherché depuis des lustres, donnant lieu à de multiples interprétations symboliques, ésotériques et autres illustrations artistiques, notre passif, lui, est synonyme de désolation, de constriction à la renonciation et de hoquets, récurrents à tous les pouvoirs publics successifs de Mauritanie. Le général Aziz a-t-il la compétence étendue à lui trouver une solution définitive? Appréhendons ce que le génie de l’Inchiri peut nous sortir de son chapeau. Deux hommes tiennent le haut du pavé, en ce qui concerne cet épineux dossier: le colonel Dia Adama Oumar et l’ancien lieutenant Sy Abou Bocar, dit Djalaldé, qui a connu le sous-lieutenant Aziz, en 1980, à Tidjikdja, alors 4ème région militaire, avant sa dislocation, au profit du Secteur Autonome de Kaédi (SAK) fondé en mars de la même année. C’est à Kaédi, en novembre 1980, que j’ai connu le futur président, alors que j’étais l’adjoint du sous-lieutenant Sarr Amadou, collègue de promotion du sous-lieutenant Aziz. Les deux hommes, malgré trois années passées ensemble, à Meknès, ne s’appréciaient point. Avant la mort de Sarr, en 1987, les deux officiers se parlaient-ils? Je l’ignore encore car, au moment fatidique, j’étais en stage en France. Le commandant du SAK, le lieutenant Bellahi, officier patriote, ne portait pas, lui non plus, Aziz dans son cœur. Est-ce la raison pour laquelle ce dernier, trente ans plus tard, voue une aversion abyssale à un autre patronyme Maouloud, actuel président de l’UFP? L’attitude vindicative du général Aziz, qui ne puise son énergie qu’en broyant son vis-à-vis, nous permettra-t-elle de franchir le Rubicon? En manipulateur accompli, le général ira jusqu’à feindre de vouloir apporter une solution au passif humanitaire. Le discours de Sy Abou, lors du second anniversaire de la prière de l’Absent, est un non-événement. La rencontre de Sarr Ibrahima, de l’AJD-MR, avec le chef d’état-major particulier, Dia Adama, sur injonction du général Aziz, dans le cadre du règlement du passif humanitaire, est à mettre sur le compte de l’animation des chrysanthèmes. D’ailleurs, les Peuls ne sont pas les seuls à «attendre Godot» ou la figure transcendantale qui viendrait les sauver, selon le dramaturge Samuel Beckett. Il ya aussi les Maures blancs, les Maures noirs, les HPB (Hartani Presque “Biwani”), les Soninkés, les Wolofs, les Bambaras etc., qui aspirent, tous, à des lendemains radieux. Car le général polymorphe a déçu plus d’un. Impérieux, impavide (ce qui est suicidaire), comme l’inconscient freudien qui se veut amoral, le général est comme le temps, cruel compagnon, qui ne se retourne pas et ne «pouvant créer, décrète, débarque, cherche à donner le change sur sa nullité». En terrorisant ses collaborateurs, ses collègues officiers du défunt HCE, ce «machin» fondé pour le mettre sur rampe de lancement, en stigmatisant ses adversaires, le général n’a jamais été défié, depuis 2005, sauf une fois. C’était le jour du putsch contre Sidioca, le 6 août 2008, à l’état-major où le colonel Hamada Ould Boïdé a dit: «niet!» Il l’aurait pris au téléphone, pour le convaincre, et ce n’était pas leur premier litige (voir mémoires). Si, ce jour du 6 août le colonel Abderrahmane Ould Boubacar avait revêtu son harnachement de guerrier, le cours de l’Histoire aurait changé.

 

Général milliardaire
Après la guerre de sécession (1861-1865) et la victoire des Yankees sur les Confédérés esclavagistes du Sud, les Noirs sortirent des plantations de coton, pour s’installer aux contours de centres administratifs, comme New York ou Washington, et industriels, tels Chicago ou Detroit, future capitale mondiale de l’automobile. Contrairement aux bourgeois de la vieille Europe, fuyant les bourgs, au sortir de la féodalité, afin de produire des richesses, à la faveur de la nouvelle ère industrielle, les anciens esclaves afro-américains ne parvinrent que difficilement à joindre les deux bouts. Il a fallu, pour l’administration américaine, inventer la discrimination positive, dans les écoles, les universités, en matière d’emplois, etc., pour permettre, aux Noirs, de prendre le train en marche. En Mauritanie, si l’esclavage est officiellement aboli, l’Etat n’a  pas eu, encore, la volonté politique d’accompagner les Haratines, au plan économique. L’initiative actuelle de l’IRA et de Aminetou Mint Moctar, qui consiste à faire des «sit-in», devant les commissariats de police, est une stratégie payante et, donc, louable. Elle engage la responsabilité de l’Etat et indexe les récalcitrants qui n’auront pas appréhendé l’inéluctable marche de l’Histoire, en foulant, au pied, les lois de la République. L’opinion sera beaucoup plus sensible à cette lutte non-violente qu’aux slogans creux, appelant à l’explosion communautaire, au risque de résultats mitigés et d’éventuels effets-boomerang. Si les anti-esclavagistes font un travail pédagogique remarquable, ils ne sont pas cotés en bourse. Dans ce cas de figure, ils doivent lorgner du côté du pouvoir, particulièrement chez le général milliardaire, prétendument «président des pauvres». On ne peut pas puiser dans la cagnotte du contribuable et vouloir, ensuite, colmater sa misère. Le populisme du général-président agresse, en premier chef, les pauvres parmi les pauvres, c’est à dire le lumpenprolétariat harratine. La lutte contre la gabegie? Expression creuse, imbibée d’égoïsme, pour celui qui connaît le caractère de cet officier, depuis sa sortie de Meknès, en 1980. Disons-le clairement: le but du slogan du général, sur la gabegie, est une caverne à deux portes. Premièrement, s’arroger les bienfaits de la bonne gouvernance; deuxièmement, disposer du maximum de capitaux, au Trésor public, à la BCM, afin que, lui, puisse se servir. Et tant qu’il n’aura pas surpassé, en richesses, son cousin le colonel Ely Ould Mohamed Vall, égaler les banquiers Noueygued et Ehel Abdallahi, les agents de l’IGE n’auront pas de répit. Les intellectuels mauritaniens ont une part de responsabilité, dans la conduite, calamiteuse, des affaires de l’Etat. Complices devant l’Histoire, ils n’auront pas joué leur rôle de catalyseurs, au profit d’un réalisme constructif et durable, plutôt qu’un hédonisme bancal.


Indignez-vous !
La balkanisation des idées, relevant, surtout, de la doxa, empêche la société mauritanienne, toutes tendances confondues, de se prévaloir d’outils hétérodoxes, en prélude à un éventuel sursaut patriotique. L’histoire récente de notre pays est émaillée de soubresauts qui constituent autant d’écueils à l’esprit d’initiative et au militantisme citoyen. En effet, la succession des coups d’Etat, depuis 1978, les exactions extrajudiciaires, à l’encontre de telle ou telle entité, les séquelles de l’esclavage, les détournements de deniers publics, l’impunité, la paupérisation croissante, le manque de vision politique, du court au long terme, sont autant d’entraves au développement économique et social. La majorité maure, qui tient le gouvernail, depuis l’indépendance en 1960, n’a pu que difficilement maintenir le cap. Les Négro-mauritaniens, se disant exclus du cercle du pouvoir décisionnaire et se posant en victimes, depuis l’exécution des officiers Ba Saïdou, Sy Saïdi et Sarr Amadou, en 1987, boudent tout ou presque. Les Haratines, laissés-pour-compte, rabougris par les vicissitudes de l’Histoire, durant des siècles, sont, désormais, embarqués pour une longue et débonnaire «insurrection pacifique». Et si tous les Négro-mauritaniens, les Haratines, les Maures blancs aigris mettaient au rebut, pour un temps soit peu, leurs revendications, au bénéfice de la bonne cause? Car l’émergence devient possible, en 2011, d’une réelle Mauritanie nouvelle où les aspirations des uns et des autres peuvent se concrétiser, les barrières de la race et de la langue transcendées. La génération Facebook, du hip-hop et du rap, soucieuse pour son avenir, ignorant les mécanismes intercommunautaires et leur lot de turpitudes séculaires, se veut l’élément précurseur de cette Mauritanie nouvelle. Cependant, il est à se demander si cette jeunesse du 25 février ira jusqu’au bout de son auguste ambition. Car le général Aziz ne ménagera aucun effort pour l’infiltrer et la torpiller. Le réseau d’agents du renseignement qu’il a échafaudé, depuis son retour au BASEP, en 2000, minimise le travail des officines traditionnelles dudit renseignement. Le général ne parle, généralement, qu’avec ceux qui l’informent et, une fois à sa botte, il les bafoue. Il n’aura de considération qu’à ceux qui le défient. En ce qui concerne l’Armée, le récent tableau d’avancement, surtout pour le grade de général, a fait grincer plus d’une dent. En ouvrant la boîte de Pandore, par lui-même et pour lui-même, Aziz, en officier automobile n’ayant pas fait le CID (Ecole de Guerre) n’a pas droit au grade de général. C’était le chemin le plus court qui consistait à doubler les colonels plus anciens que lui. En carriériste «avantageux», à l’instar de ce que disait Victor Hugo de Napoléon III, le «petit», le général déteste ceux qui l’auront connu, jadis, dans son dénuement, ceux qui l’ont aidé, comme son cousin Ely Ould Mohamed Vall, ou commandé, tel le colonel Lemrabott Ould Sidi Bouna, actuel préfet de Bir Moghrein, le colonel Mohamed Ould Abdi, son logeur à Kaédi, de 1980 à 1982, et qui a joué un rôle, déterminant, pour son retour au BASEP, en 2000. Dans un souci de préservation de l’écosystème, le colonel Lemrabott reprochait, à Aziz, le déboisement de toute la région du Trarza, pour son hammam. Lemrabott, désormais colonel-fossile, croupit encore à Bir. La vertu, selon Platon, c’est commander aux hommes. Peut-on être porté sur l’argent, tout ce qui brille, et incarner la probité, le charisme, la bonne gouvernance, qualités indispensables à tout chef d’Etat? Non, le général Aziz n’est pas l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut. Ce général est un dictateur en puissance, il le sera en acte, sous peu, si le peuple mauritanien ne vient pas à prendre son destin en main. Il y va, aussi, de l’honneur de l’Armée, de sa place aux cœurs des Mauritaniens, à l’instar des armées égyptienne et tunisienne qui ont laissé émerger des pouvoirs civils, plutôt que de prendre les devants. Le seul officier qui s’oppose et s’opposera à l’inéluctabilité historique, c’est Mohamed Ould Abdel Aziz. Après les départs de Kadhafi et d’Ali Abdallah Saleh, la Mauritanie restera le seul pays arabe et africain de la sous-région à être encore dirigée par un militaire. L’exception du Mali prendra fin, en 2012, car le vrai général-commando, Amadou Toumani Touré (ATT), qui n’a ni parti politique ni envie insatiable du pouvoir n’aura guère fait d’émules. On sait toujours ce qu’on veut mais on ne sait pas ce qu’on va devenir. Comme le temps, l’Histoire est une compagne cruelle, la mégalomanie, la richesse, le glaive et l’étrier sont, parfois, incapables de dévier son inexorable cours. Aziz doit partir. Au slogan de Guizot «enrichissez-vous!», sous la Monarchie de juillet, faut-il opposer l’«indignez-vous!» de Stéphane Hessel, en cette cinquième République française chancelante?
Pour qui il n’y a que l’argent qui compte, on ne peut demander mieux. «Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé»…

 

Ely Ould KROMBELE- LE CALAME.

Editorial: La vie est un choix

altDepuis quelques mois, des affaires d’esclavage ou d’«exploitation de mineures», selon la version officielle, défraient la chronique, avec, à la clé, descentes chez des familles accusées, par certaines ONGs, de pratiques esclavagistes, plaintes à la police, coups et blessures, grève de la faim, procès et condamnations. Au delà de la mauvaise publicité à notre pays, désormais banalement cité parmi les Etats où l’esclavage a encore cours, au 21ème siècle, ces affaires posent un véritable problème qui nécessite une solution urgente. Il ne suffit pas, en effet, de promulguer une loi criminalisant les pratiques esclavagistes, encore faut-il l’appliquer. N’indexons pas Birame et ses amis: ils mènent un combat juste et ne veulent plus, à raison, qu’une communauté, quelle qu’elle soit, soit exploitée par une autre. Indexons, plutôt, la société, sa hiérarchisation, ses inégalités, le socle sur lequel elle est bâtie, mais ne stigmatisons pas la seule communauté maure ; toutes les autres, au même titre, sont coupables d’esclavage et d’exploitation de mineur(e)s.

Accusons les pouvoirs publics de ne pas appliquer la loi et de ne pas prendre les mesures, courageuses, pour réunir les conditions d’une véritable intégration économique de toutes les couches défavorisées. Mettons les doigts sur les plaies dont souffrent les descendants d’esclaves et qui ont pour noms: carence en terres cultivables, par entretien quasiment institutionnalisé d’une féodalité anachronique; impossibilité d’accéder à l’école sinon ségrégation des résultats scolaires; enclavement,  pauvreté, inaccessibilité des soins de santé.
Pourtant et aussi impensable que cela puisse paraître, le combat que mènent ces nouveaux anti-esclavagistes produit des effets secondaires qui risquent de pénaliser, d’abord, ceux pour lesquels il est mené. Des familles entières, qui vivaient aux crochets d’un (ou d’une) des leurs, employé(e) souvent mineur(e), se retrouvent prises au dépourvu. Certes, laisser employer, à plein-temps, ses enfants, pour quelques milliers d’ouguiyas par mois, relève de l’esclavage moderne mais ces laissés-pour-compte ont-ils le choix? En cette période difficile, un ou deux salaires, même de misère, ne sont pas jamais de trop pour joindre les deux bouts.
Dans quelles mesures et limites – il en faut – ne pourrait-on pas laisser, à ces mineur(e)s exploité(e)s, une certaine liberté de décision? En tenant compte de leur avis et de leurs besoins exprimés? En conditionnant, par exemple, l’emploi, à mi-temps, chez des particuliers, à un taux horaire convenable et au suivi régulier, l’autre mi-temps, d’une formation scolaire ou qualifiante? Dans une situation où des centaines de milliers de personnes vivent en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, où la liberté de choix s’amenuise, au fur et à mesure qu’on descend dans l’échelle sociale, il s’agit moins d’interdire que d’ouvrir de nouvelles perspectives. Restreindre, certes, la liberté d’exploiter, n’importe comment, ceux qui n’en ont, pratiquement, aucune mais dans le but, concret et immédiat, de permettre, à ceux-ci, de conquérir plus de liberté, plus de capacité de choix. Ne dit-on pas que la liberté commence là où s’arrête celle des autres? Certains doivent, désormais et impérativement, le comprendre. Quant aux autres, ils doivent bien entendre que la vie est un choix.

 

Ahmed Ould Cheikh-LE CALAME