Daily Archives: 24/04/2011
Commémoration des déportations à Paris : Déclaration et reportage-photos
Le 24 avril 1989 l’Etat mauritanien, dirigé à l’époque par le Colonel MaouyaOuld Sidi Ahmed OuldTaya, procédera à la déportation de près de 200.000 Noirs mauritaniens non arabes. En très peu de jours toutes les villes du pays, particulièrement celles du Sud se retrouveront en état de siège, et leurs populations martyrisées par une soldatesque raciste mobilisée par un pouvoir ethno fasciste. Aux humiliations, tortures, expropriations et exécutions sommaires et autres cruautés, ce seront des villages, des familles entières, qui seront jetés hors de leur pays ; la Mauritanie. Aussi, aucune frange des populations noires ne fut épargnée : des fonctionnaires de l’Etat aux éleveurs et agriculteurs, des grands-parents aux petits-enfants, des familles seront séparées.
Si, à partir de 2008, suite aux accords tripartites HCR, Gouvernements du Sénégal et de la Mauritanie, près de 20.000 des déportés ont été rapatriés, près de 5000 inscrits pour leur retour dans leur pays d’origine se sont vu signifier la fin du programme de rapatriement par le gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz. Le fils spirituel du Nazi Ould Taya, qui refuse de reconnaître aux déportés noirs mauritaniens au Mali la qualité de déportés, a décidé de manière unilatérale de mettre fin à cet engagement international contracté par la Mauritanie sous Sidi Ould Cheikh Abdellahi.
A la reconnaissance par Sidi Ould Cheikh Abdallah suivie de la symbolique prière aux Morts de Mohamed Ould Abdel Aziz, force est de constater que les 20.000 rapatriés se retrouvent aujourd’hui déportés chez eux et dans le dénuement le plus abject. Parqués aux abords immédiats de leurs anciennes maisons et terres, humiliés par l’impossibilité de leur rétablissement administratif (refus systématique des autorités administratives de leur rétablir leurs documents d’état civil), quelques-uns d’entre eux ont, d’ailleurs, repris le chemin de l’exil. Le rapatriement est vécu dans l’amertume et l’impossible « vivre ensemble » par les populations noires.
Les Noirs de Mauritanie sont convaincus que l’essentiel reste à faire, à savoir :
· Le retour de tous les déportés sous la garantie et la supervision de l’Union Européenne, des Etats–Unis, de l’Union Africaine, des Nations Unies et du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) en collaboration avec les pays d’accueil : le Sénégal et le Mali ;
· Le rétablissement dans leurs droits absolus de l’ensemble des déportés qui passe obligatoirement par leurs réinstallations respectives dans leurs villages d’origine, la restitution de leurs terres de culture et de leurs papiers d’Etat civil, la réintégration des fonctionnaires dans la Fonction publique, et en règle générale la réinsertion dans le tissu économique de toutes les victimes de cette tragédie ;
· La mise en place d’une Commission internationale d’enquête pour identifier et juger les coupables avec à leur tête Maouya Ould Sidi Ahmed Taya pour crime contre l’humanité.
Nous exigeons une solution définitive de cette tragédie pour instaurer une paix pérenne dans une Mauritanie juste et égalitaire pour tous.
Le principe moral du système maure (féodalité et Etat) repose sur l’infériorité du Noir. La communauté noire de Mauritanie a deux composantes : Les Haratine et les Négro-mauritaniens.
La première est victime de l’esclavage, la seconde du racisme. Là où règne l’esclavage, le racisme n’est pas nécessaire parce que l’esclavage recèle en lui-même une dimension raciale (l’infériorité du groupe qui subit l’esclavage). Cependant, là où l’esclavage ne peut être pratiqué, le racisme devient un recours inévitable pour exclure et exploiter le groupe visé.
Nous exigeons l’abolition effective du racisme et de l’esclavage
Seule l’unité nous permettra de mettre fin à l’esclavage et le racisme en Mauritanie
Fait à Paris, le 24 avril 2011
Les signataires : AHME, CAMME, FLAM, IRA-M/F, OCVIDH, OTMF, PLEJ
Témoignage sur les expulsions de 1989, le rapport de Human Rights Watch
La grande majorité de ceux qui furent expulsés étaient des éleveurs peuhls. Selon une étude réalisée par Christian Santoir pour le compte de l’agence française de recherche ORSTOM , en août 1990, 67% des campements peuhls de la rive droite du fleuve Sénégal avaient été vidés de leurs habitants originels. L’étude indique que quelque 21.500 Peuhls furent expulsés, ce qui représente au moins 57% de la population peuhle des départements de Kaédi, Monguel, Mbout et Maghama. Ces chiffres sont indiscutablement en deçà de la réalité, puisque l’étude fut menée uniquement dans le département de Matam au Sénégal et ne tint pas compte des Peuhls qui fuirent vers d’autres régions du Sénégal ou du Mali.
Les Peuhls étaient ciblés en partie pour des raisons économiques; leur bétail constituait un atout tangible qui apportait une richesse immédiate pour les bergers beydanes. Les animaux furent souvent considérés comme une “compensation” des pillages des boutiques mauritaniennes à Dakar. La majorité des Maures avaient été des bergers nomades eux-mêmes jusqu’à la sécheresse des années soixante-dix; ils étaient donc plus souvent intéressés par le bétail que par les terres. En outre, bien que ne disposant pas de beaucoup de terres cultivables, les bergers bénéficiaient de l’accès aux quelques meilleurs pâturages qui restaient, ainsi qu’aux sources de la vallée.
Traditionnellement, les Peuhls avaient toujours cherché à se tenir à distance des centres administratifs pour éviter les diverses formes de contrôle et d’imposition. Ils déplaçaient leurs troupeaux d’une rive à l’autre du fleuve Sénégal, profitant des changements climatiques saisonniers pour garantir à leurs animaux des pâturages convenables. La rive mauritanienne, moins peuplée, est meilleure pour le bétail pendant la saison des pluies, alors que la rive opposée offre des pâturages en période de sécheresse. Ainsi, après la sécheresse de 1972, beaucoup de bergers peuhls et maures traversèrent le fleuve pour s’installer au Sénégal et au Mali. Du fait de leurs déplacements incessants entre les trois pays bordant le fleuve Sénégal– la Mauritanie, le Sénégal et le Mali– les Peuhls eurent des difficultés au moment des expulsions pour faire établir leur identité nationale. Les autorités mauritaniennes profitèrent de cela pour justifier leur expulsion. En revanche, les bergers maures, qui circulaient également entre les trois pays, ne connurent pas les mêmes difficultés.
Enfin, les éleveurs peuhls avaient tendance à vivre en petits campements isolés, de quelques familles, éparpillés sur de vastes zones (particulièrement dans les départements de Kaédi, Monguel, Maghama et Mbout). En raison de leur isolement, ils furent plus faciles à attaquer et expulser que les habitants des villages plus établis et sédentaires. Les gendarmes et l’armée organisèrent de fréquentes attaques surprises pour expulser les éleveurs peuhls.
Les attaques des campements peuhls par les forces de sécurité mauritaniennes furent généralement violentes et accompagnées de vols et de pillages considérables. Les hommes furent ligotés, battus puis expulsés. On s’assura ainsi que les familles seraient séparées. Ceux qui essayèrent de s’échapper furent abattus. Des Haratines se trouvaient parmi les militaires impliqués dans ces attaques. Ils pillèrent systématiquement et brûlèrent souvent ce qui restait du campement. Avant de les expulser, les Peuhls furent rassemblés et dépouillés des tous les biens qui leur restaient: bijoux, papiers d’identité et autres documents, quelquefois même les habits (25).
Toute résistance à ces attaques fut durement réprimée, comme l’illustre le cas de ces deux frères, Yero et Abdaramane Lam, bergers originaires de la région de Foum Gleita. En juin 1989, les frères Lam essayèrent d’empêcher les gendarmes de prendre leur bétail. Yero fut arrêté et détenu sans charge ni procès et Abdaramane fut abattu. Leur famille fut expulsée au Sénégal.
Dans les grandes villes, les autorités ciblèrent les Noirs fonctionnaires, employés d’institutions privées, syndicalistes, anciens prisonniers politiques et, dans certains cas, leurs épouses.
Dans les villes principales, comme Nouakchott et Nouadhibou, les fonctionnaires noirs — notamment les professeurs, les officiers de l’armée, les policiers et les salariés des entreprises privées — furent convoqués par la police, interrogés et contraints à donner leurs pièces d’identité. Ils furent ensuite transportés dans des camions, avec ou sans leur famille, vers la rive du fleuve où des bateaux les amenèrent vers le Sénégal. Nombreux moururent en chemin, apparemment du fait de la surcharge des camions. Parmi eux, deux personnes moururent étouffées alors qu’elles étaient transportées de Nouakchott à Rosso dans une petite camionnette avec trente autres personnes afin d’être expulsées. Kane Ndiawar, un ancien conseiller du Président Taya, et Bâ Abdoul, le directeur d’une grande société de pêche de Nouadhibou, figurèrent parmi les personnes expulsées en 1989. Des syndicalistes de la société hydroélectrique de Nouadhibou et de l’administration de la Sécurité Sociale de Nouakchott furent également expulsés au début du mois de mai 1989. Plusieurs diplomates noirs en service à l’étranger furent rappelés, dépouillés de leurs lettres de créance puis expulsés (27).
Les expulsions dans les zones urbaines visèrent incontestablement le leadership effectif et potentiel de la communauté noire. Un ancien étudiant de l’Université de Nouakchott expliqua que les étudiants furent particulièrement visés:
Bien qu’affectant un grand nombre de personnes, les expulsions étaient suffisamment sélectives pour assurer qu’un nombre disproportionné d’étudiants soient concernés. Il est évident que l’on a voulu casser la communauté noire et la priver de son intelligentsia. Ils savaient aussi que nous aurions des difficultés financières à continuer nos études, même si nous étions en mesure de nous inscrire dans des universités étrangères. La plupart des étudiants qui sont venus n’ont pu continuer leurs études et ceux qui sont actuellement à l’université ou au collège ont perdu du temps et ont dû redoubler au moins une année .
Les fonctionnaires furent aussi particulièrement visés. Un réfugié raconta à Human Rights Watch/Africa comment un groupe de fonctionnaires fut emprisonné et finalement expulsé:
Juste après le début du conflit, lors de la fête de Aïd-el-Fitr [fête marquant la fin du ramadan], tous les fonctionnaires noirs qui travaillaient dans le département de Moudjerea, à savoir six, ont été détenus pendant quatre jours. On leur a dit qu’ils devaient être interrogés pour savoir s’ils étaient sénégalais. [Les noms de ces six fonctionnaires ne peuvent être dévoilés car leurs familles vivent toujours en Mauritanie. Il y avait parmi eux des enseignants et un agent des postes]. Ils ont été conduits dans la capitale régionale, Tidjikdja, où ils ont été interrogés. On leur a ensuite dit de rejoindre leur poste, excepté pour ceux d’entre eux qui travaillaient à Tidjikdja ou dans ses environs, qui ont été détenus pendant trois ou quatre semaines supplémentaires.
Ceux qui avaient été renvoyés ont été subitement rappelés par le gouverneur, de même que d’autres agents dont des enseignants et infirmiers. Ils ont été conduits à la gendarmerie de Moudjeri pour être déportés le 31 mai, c’est-à-dire quelques jours après. Trente à quarante d’entre nous (sans nos familles) avons été entassés dans un camion et conduits dans un camp à Boghé. On nous a amené dans un grand hall, fouillé un par un et dépouillé de tout ce que nous avions sur nous: montres, chaînes, parfois radios, chaussures et boubous [vêtement traditionnel]. On nous a donné une chemise et des pantalons. Nos papiers d’identité ont été confisqués; on nous a mis dans une pirogue et envoyé au Sénégal.
Nous sommes tous 100% mauritaniens. Les arrières-arrières-arrières-grands-parents de la plupart d’entre nous sont enterrés en terre mauritanienne. Beaucoup, parmi les personnes expulsées, ont affirmé qu’ils n’avaient jamais vu le fleuve .
Zeinaba, une fonctionnaire âgée de trente ans, fut expulsée de Sélibaby où elle travaillait; elle décrivit l’opération systématique d’expulsion:
Je n’étais pas le seul fonctionnaire noir à être expulsé à ce moment-là de Sélibaby. Cent vingt-huit personnes ont été expulsées lors de la première vague d’expulsions le 6 mai. Quatre-vingt-dix fonctionnaires ont également été renvoyés.
Les expulsions dans les villes furent tout aussi arbitraires et abusives que celles opérées dans les zones rurales. Une femme, qui travaillait à Nouadhibou au moment de son expulsion, expliqua:
Je venais d’arriver au bureau et je venais juste de retirer mon salaire lorsque j’ai réalisé qu’un membre de la brigade me suivait. Il m’a demandé de lui donner l’argent puisque, selon lui, je n’étais pas mauritanienne. Il m’a arrêtée sur le champ. Il ne m’a même pas permise d’aller à la maison prendre mes enfants. Heureusement, ma famille connaissait quelques-uns de ses collègues qui l’ont persuadé de m’autoriser à aller chercher mes enfants. Il a pris ma carte d’identité et l’a déchirée devant moi. J’allaitais mon enfant de sept mois en ce temps-là. Comme ils m’ont conduite à la maison, ils ont donc pu la repérer. J’ai appris par la suite qu’ils sont revenus et ont tout pris. Nous avons dû attendre un avion toute la nuit. On nous a finalement mis dans un avion pour Dakar .
Les femmes des prisonniers politiques noirs furent aussi la cible des expulsions. Leur cas est particulièrement tragique dans la mesure où elles n’ont pas seulement été surveillées, harcelées et marginalisées en raison de l’emprisonnement de leur époux, mais elles ont également été expulsées de force sans pouvoir contacter leurs maris. Les femmes citées ci-dessous faisaient partie des épouses de prisonniers politiques expulsées en 1989.
Aissatou Ly, dont le mari, Moussa Ly, un homme d’affaires de Nouadhibou, fut emprisonné en septembre 1986 (son mari fait partie de ceux qui seraient morts en détention en 1991);
Djeinaba Kane, la femme de Harouna Kane, un officier de l’armée emprisonné fin 87;
Faty Kamara fut expulsée alors que son mari, Haby Toumbou, était en prison. Elle travaillait à la SNIM à Nouadhibou;
Habsa Banor, agent des douanes et femme de Ibrahima Sall, qui se trouvait toujours en prison, fut kidnappée dans la rue le 29 mai 1989 et expulsée, laissant derrière elle, à Nouakchott, ses trois enfants.
A suivre.
HUMAN RIGHTS WATCH
Déclaration de la FONADH: Avril 1989, avril 2011 : vingt deux ans déjà ! Vingt deux ans de souffrance et d’amertume.
Depuis avril 1989, une partie de la population mauritanienne vit le calvaire des conséquences désastreuses de ce qu’il est convenu d’appeler la crise sénégalo-mauritanienne. Ces évènements ont été marqués par des violations très graves de droits humains (exécutions extra – judiciaires, déportations, licenciements abusifs, extorsions de biens, viols, etc.). Tous ces crimes et délits ont été commis contre la personne des populations négro-africaines, dans un mouvement soutenu de délit de facies, sous-tendu par une politique de chauvinisme officiel. Pendant plusieurs années, ces crimes ont été couverts par le régime sanguinaire du dictateur, le Colonel Maouya Ould Sid’Ahmed Taya. En dépit des dénonciations par les victimes ellesmêmes, la communauté internationale et différents démocrates à traves le monde, le colonel / dictateur a développé la politique de l’omerta en direction de la composante arabo – berbères de la population mauritanienne, justifiant ainsi les pratiques discriminatoires et d’exclusion, maintes fois dénoncées par des pans entiers de la population négro – africaine. Et, pour couronner la politique d’impunité, le dictateur a fait adopter une loi d’amnistie en 1993, en faveur des criminels.
Cette politique a été malheureusement inculquée aux jeunes générations, qui étaient déjà officiellement séparées par un système scolaire à deux vitesses (arabophone pour les arabo- berbères et soit disant francophone pour les Négro – Africains). Ce système a grandement contribué à isoler les composantes négro-africaines de la population hassanophone. En effet, pendant plus de deux décennies, les enfants arabo- berbères et négro-africains ne se croisaient même plus dans des cours de récréation…Et, tout le système éducatif était bâti sur le terreau
du chauvinisme d’Etat : « la Mauritanie est un pays arabe ». Même si des démocrates sincères arabo- berbères n’approuvaient pas ce raisonnement, leurs voix discordantes étaient étouffées par la clameur raciste.
Aujourd’hui encore, on peut dire avec une observatrice avertie de la scène politico-sociale de la Mauritanie que « les Négro – Africains sont translucides pour les Maures », pour souligner la non prise en considération de cette composante dans les schémas mentaux de la plupart des compatriotes arabo- berbères.
C’est une des raisons qui explique que les lourdes conséquences des douloureux évènements sont presque exclusivement portées par les seules populations négro – africaines et, particulièrement, les principales victimes parmi elles. En effet, si jusqu’en 1992, des pans entiers de l’opinion arabo- berbères était abusée par la propagande du chauvinisme officiel, force est de constater qu’avec l’éclosion de la presse privée et du multipartisme, des révélations importantes ont été portées à l’opinion publique nationale et internationale. Toutefois, hormis des déclarations sporadiques de certains partis d’opposition, seules les organisations de droits humains et les associations de victimes ont
bravé l’hostilité du régime dictatorial de Taya, pour dénoncer ce qui est un véritable génocide.
Aujourd’hui encore, les victimes de ces douloureux évènements attendent toujours des solutions adéquates, susceptibles de renforcer réellement la cohésion entre les différentes composantes de la population mauritanienne.
En effet, si le discours du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, du 29 juin 2007 était un acte courageux, d’une part et la prière de l’absent du Président Mohamed Ould Abdel Aziz du 25 mars 2009, un acte symbolique d’autre part, force est de constater qu’aucune demande de pardon, de la part d’un des responsables des nombreux crimes et exactions n’a été enregistré depuis 1989.
En outre, si le retour organisé des déportés mauritaniens au Sénégal a permis un petit soulagement de la part des victimes, c’est grâce à une action concertée de l’Etat mauritanien, celui du Sénégal et du HCR ; et ce, en dépit de la mauvaise volonté manifeste des représentants locaux des pouvoirs publics. Comment en effet expliquer que depuis 2008, début des opérations de rapatriement volontaire, aucun rapatrié ni aucune communauté de rapatriés n’ont récupéré un lopin de terre de culture. Or, les terres du bassin du fleuve Sénégal, leurs terroirs d’origine, sont réputées être leurs terres ancestrales. Nulle part le geste symbolique du député Ghassem Ould Bellali, qui a rendu 220 ha de terres irrigables au Trarza, n’a été imité…
Il est en effet pour le moins curieux de constater qu’aucun règlement de litige foncier, depuis 2008, n’a abouti à une restitution de terre cultivable à des rapatriés, en dépit des vociférations quotidiennes sur la nécessité de l’unité nationale (…) et des montages alambiqués d’opérations pompeusement baptisées « prévention et gestion de conflits… » .
D’ailleurs, il faut préciser que les promesses de restitution de biens, avant le début des opérations, les dispositions de la Circulaire No 003, du 04 mai 2009 du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation répétant les mêmes promesses, n’ont abouti à aucun règlement à ce jour. Pourtant, les populations rapatriées, ainsi que la plupart des populations d’accueil, ne manquent pas de manifester leur bonne volonté, pour des solutions apaisées. Il suffit simplement de constater qu’aucun acte de vengeance ou de justicier n’a été commis par les victimes depuis 1989…
Il est aussi affligeant de constater que près de la moitié des rapatriés, dans le cadre de l’Accord tripartite de novembre 2007, attend toujours de recevoir ses pièces d’état civil.
Quant aux réfugiés rapatriés avant l’Accord tripartite (soit auto – rapatriés, soit rapatriés dans le cadre du Programme Spécial d’Insertion Rapide), ils n’ont pas fini de ronger leurs freins. Non seulement ils n’ont reçu aucune assistance de la part de l’Etat, mais encore, ils courent toujours derrière la récupération tantôt d’un champ, tantôt d’une demeure, tantôt encore d’un emploi, tantôt enfin d’une pièce d’état civil.
On ne peut pas nier qu’avec l’ANAIR, les rapatriés bénéficient de quelques réalisations non négligeables (forages, aménagements hydro-agricoles, acquisition de vaches laitières, boutiques communautaires, etc.) ; même si ces réalisations sont en-deçà de leurs attentes.
Toutefois, les programmes d’insertion durable restent à être réalisés. D’une façon générale, les conséquences néfastes des évènements de 1989 demeurent intactes : les déportés ne sont pas tous rapatriés et ceux qui le sont, vivent dans une certaine précarité.
Ceux qui sont au Mali, leur cas n’a même pas encore été examiné. Et on déclare la fin des opérations de rapatriement…
Les victimes des exécutions extra – judiciaires (rescapés, veuves et orphelins) vivent une profonde amertume, après une opération de cosmétique politique de soit disant indemnisation des veuves. Cette opération n’a concerné qu’un nombre réduit de victimes. Et on déclare clos le dossier du passif humanitaire…
La régularisation de la situation administrative des fonctionnaires et agents de l’Etat est annoncée avec grand tapage, après une opération de recensement terminée depuis plus d’un an, les intéressés attendent toujours.
Le recrutement parmi ces victimes de 94 personnes relevant du ministère chargé de l’Education Nationale, n’a même pas permis un début de réparation. Et on déclare que la situation des enseignants est réglée.
Quant aux autres victimes, les plus nombreuses du reste, leur situation n’a même pas été évoquée à ce jour. En examinant l’ensemble de cette question, on peut déclarer que le pouvoir politique fait semblant de régler une situation, de plus en plus dure pour les victimes. Plusieurs d’entre elles vont même jusqu’à déclarer qu’il vaut mieux refuser d’aborder cette douloureuse question, plutôt que de faire semblant de s’en préoccuper. C’est pourquoi et en raison des réactions au pourrissement de situations économiques, politiques et sociales dans les pays qui nous entourent, il est urgent d’écouter enfin la voix des victimes et de chercher des solutions négociées, seules garantes du renforcementde la cohésion entre les composantes de la population de la Mauritanie. Une véritable réconciliation ne peut se faire sans justice.
Les organisations signataires:
1. Association des Femmes Chefs de familles (AFCF),
2. Association Mauritanienne des Droits cde l’Homme (AMDH),
3. Association Mauritanienne pour la Promotion de la Langue et de la Culture SOONINKE
(AMPLCS),
4. Association pour la Renaissance du Pulaar en RIM (ARPRIM),
5. Association pour le Renforcement de la Démocratie et de l’Education Citoyenne (ARDEC),
6. Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains en
Mauritanie(CSVVDHM),
7. Groupes d’Etudes et de Recherches sur le Démocratie et le Développement Economique et
Social (GERRDES),
8. Ligue Africaine des Droits de l’Homme (Section Mauritanie)
9. Ligue Mauritanienne des Droits de l’homme (LMDH),
10. Regroupement des Victimes des Evénements de 1989- 1991 (REVE),
11. Mouvement des Veuves, des Rescapés, Unis pour la Dignité Humaine (MVRUDH),
12. SOS – Esclaves.