Daily Archives: 04/11/2015
Samba Thiam, président des FPC
C’est pour moi un immense honneur de porter un regard neuf sur le parcours parsemé d’embûches de notre presse écrite, en général, et du Calame, en particulier. D’emblée, je puis dire qu’il y a, particulièrement en Afrique, deux types de presse : celle qui a choisi d’être au service du pouvoir et celle qui a opté pour le chemin, ô combien périlleux et ingrat, de l’objectivité, du non-alignement. Le Calame, résolument, se classe dans cette seconde catégorie ; au regard de sa ligne éditoriale juste, de son ouverture à toutes les opinions, à tous les courants de pensée, pour le seul bénéfice du choc des idées et des projets contraires… Longue vie au Calame, et puisse son objectivité inspirer d’autres media !
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Hommage au Calame pour son millième numéro : L’espoir d’une élite, le rêve d’un peuple
La liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques. Elle repose sur la liberté d’opinion, la liberté d’expression. Cependant elle a toujours été la bête noire des dictatures, qui cherchent constamment à l’apprivoiser. Les régimes d’exception, qui ont abouti chez-nous à la démocratie militaire, soutenus par l’occident, n’ont pas fait exception. Même quand ils proclament la liberté d’expression, pour faire semblant d’être démocrates, ils cherchent toujours à mettre la presse sous leurs bottes par des dispositions d’ordre administratif ou judiciaire afin d’étouffer cette liberté.
Tantôt ils utilisent le bâton en intimidant ou en menaçant les journalistes, tantôt ils utilisent la carotte en corrompant les gérants de journaux et écrits périodiques pour que la presse demeure, sous étroite surveillance, au service du pouvoir politique.
Le Calame est l’un des rares journaux de la place, à subir les effets du bâton – interdit de paraitre à plusieurs reprises, censuré trente-trois fois – sans courber l’échine. Il est aussi l’un des plus sollicité par la carotte sans jamais obtempérer. Parce qu’il a choisi le combat pour la liberté d’expression, pour la liberté d’opinion, pour la liberté des hommes. Parce qu’il a choisi le combat pour la vérité, pour la justice et contre l’impunité. Parce qu’il a choisi le combat pour une vraie démocratie.
Le fondateur et premier directeur général du Calame, le génie feu Habib Ould Mahfoudh était membre fondateur de SOS esclaves, son journal est parmi les premiers à dénoncer et à combattre ce fléau encore tabou, qui gangrène notre société. Il est aussi le premier à dénoncer les massacres extrajudiciaires, les humiliations et les viols subis par les populations négro-mauritaniennes pendant l’occupation de la vallée et durant les années de braise.
Le calame est aussi l’un des rares journaux à avoir dénoncé les fraudes massives pendant la mascarade d’élection présidentielle en 1992 ; ainsi caricaturée par le talentueux. Feu Habib Ould Mahfoudh écrivait dans ce cadre : « Un Négro-Mauritanien se présente au bureau de vote le 24 janvier (1992). Tout est conforme : Numéro carte d’identité, numéro carte d’électeur, numéro d’enregistrement, tout, tout. Le président du bureau de vote le refuse. Motif : il mesure 1mètre 68 alors que sur la carte d’identité on a porté 1 m 70. Ainsi 2 cm sont suffisants en Mauritanie pour qu’on vous refuse un droit garanti par la Constitution. Nous savons maintenant la distance qui sépare la démocratie de la dictature en Mauritanie : deux centimètres.”.
Au plan de la littérature français, Le Calame est l’unique journal mauritanien à avoir donné aux lecteurs francophones un best- seller avec la publication de la centaine de chroniques écrites par son fondateur, sur une période de dix années, dans un livre intitulé, “Mauritanides: chroniques du temps qui ne se passe pas.”
Le bataillon commandé depuis quelque temps, par Ahmed Ould Cheikh, qui a repris le flambeau après la disparition du fondateur, continue son offensive contre vents et marées pour que la vérité et la justice triomphent et que la démocratie s’installe. Il est le porte-parole des sans voix. Il est la voix des victimes d’esclavage. Il est la voix des ayants droit, victimes de massacres extrajudiciaires, de viols, d’humiliations et de frustrations qui attendent depuis plus d’un quart de siècle que justice leur soit rendue.
Il est l’espoir d’une élite, il est le rêve d’un peuple.
Oumar Ould Beibacar
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Mille, contre vents et marées
Le Calame fête son millième numéro. Mille numéros ! Mais avec le numéro 0 qui entama la série, un fameux 14 Juillet 1993, c’est bel et bien mille-et-une nuits fiévreuses, mille-et-un exercices hebdomadaires, mille-et-un combats contre l’arbitraire et l’injustice, pour la démocratie, l’égalité, le respect des droits de l’Homme. Mille numéros : que de chemin parcouru, depuis le numéro zéro ! Cinq jeunes, tout aussi insouciants les uns que les autres, avaient décidé de lancer, ensemble, un journal totalement indépendant, avec, pour seuls moyens, la ferme conviction que la liberté d’expression ne se décrète pas mais s’arrache. Ils en firent les frais. Le journal sera saisi une trentaine de fois et fermé sept mois, au total des quatorze années de démocratie de façade, octroyée par Maaouya, pour se maintenir au pouvoir en de nouveaux atours. Quand d’autres, découragés par tant d’injustice, décidaient de jeter l’éponge, jamais, au Calame, nous n’avons songé, ne serait-ce qu’un instant, à rendre nos tabliers.
Combat de longue haleine… Il fallait avoir le souffle long pour que l’imbécilité n’ait pas raison de l’idéal. Feu Habib nous disait toujours, pour remonter le moral de l’équipe : « Tenez bon ! Ils partiront. Nous, nous resterons ». Il ne croyait pas si bien dire. Maaouya et son régime ont été, finalement, balayés par la première bourrasque et, avec eux, les baillons, la censure, la saisie des journaux. Oui, nous avons tenu bon ! Et nous avons gagné. Mais seulement une bataille. Malgré les sacrifices, les censures et l’ostracisme qui nous avaient si durement frappés, ceux qui ont pris, depuis, possession de notre pays ne nous ont jamais témoigné la moindre gratitude. Nous ne demandons, certes pas, qu’on nous tresse des lauriers – ce n’est pas dans nos habitudes – mais le bon sens aurait voulu qu’on ait droit à un minimum de reconnaissance.
Serait-ce trop demander au dernier (?) avatar du système Maaouya de considérer une presse qu’il ne parvint jamais à amadouer ? Vingt-quatre ans de « démocratie » n’ont pas amélioré notre situation. Si la censure a été abolie, en vertu de la nouvelle loi sur la presse, votre journal est toujours frappé d’exclusion. Il est banni, de fait, de toute activité officielle (voyages présidentiels, conférences de presse, rencontres avec les journalistes etc.) et ce, depuis un certain 6 Août 2008 de triste mémoire. Pourquoi, selon vous ? Parce qu’on a dit non à un coup militaire contre un président civil. Parce qu’on continue à soulever les sujets qui fâchent. Parce qu’on refuse de prendre pour argent comptant un discours populiste qui ne trompe plus personne. Parce qu’on dénonce l’enrichissement d’une petite minorité et l’appauvrissement de tout un peuple. Parce qu’on dit non aux avantages inconsidérés accordés à l’Armée, au détriment du reste du pays. Parce qu’on rejette l’érection, en méthode de gouvernement, du népotisme et du tribalisme. Parce qu’on considère que l’injustice, les inégalités et le communautarisme peuvent menacer jusqu’à notre existence. Parce que nous avons décelé, dans le bradage du foncier, une volonté manifeste de faire main basse sur des zones idéalement placées. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, tant il y a d’infamies dont la seule évocation donnerait un haut-le-cœur aux âmes les moins sensibles. C’est pour toutes ces raisons que Le Calame continuera d’exister. Contre vents et marées.
Ahmed Ould Cheikh
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