Monthly Archives: October 2015
Un avion de ligne russe s’écrase dans le Sinaï avec 224 personnes à bord
Un avion de ligne russe s’est écrasé samedi dans le Sinaï, en Égypte. L’appareil transportait 224 passagers. Selon les autorités égyptiennes, le pilote avait déclaré un problème technique peu de temps après le décollage.
Un avion de ligne russe s’est écrasé, samedi 31 octobre au matin, dans le centre du Sinaï, annoncent les services du Premier ministre égyptien. L’appareil transportait 224 passagers à son bord, des touristes russes, pour la plupart, et 7 membres d’équipage. Selon l’agence de presse russe RIA Novosti, il y aurait 200 adultes et 17 enfants parmi les passagers.
D’après l’agence russe RIA Novosti, l’avion est un Airbus A-321 de la compagnie russe Kolavia, qui reliait la cité balnéaire égyptienne Charm el-Cheikh à la ville de Saint-Pétersbourg, en Russie.
Dans un premier temps les contrôleurs aériens égyptiens avaient annoncé avoir perdu le contact avec cet avion peu après son décollage. Selon la correspondante de France 24 à Moscou, Veronika Dorman, les autorités russes ont confirmé le crash de l’avion.
La journaliste rapporte que, selon les agnces russes, le pilote de l’avion aurait demandé peu de temps après le décollage à atterir à l’aéroport le plus proche en raison d’un problème technique.
Le Sinaï, un théâtre d’affrontements régulier entre l’Égypte et l’EI
Elle ajoute qu’une cellule psychologique a déjà été mise en place pour les familles des passagers à l’aéroport de Pulkovo, à Saint-Pétersbourg, où devait arriver l’Airbus.
Alexandre Buccianti, le correspondant de France 24 en Égypte, assure que les services de secours sont arrivés sur la zone du crash.
Selon les services de sécurité, l’appareil serait “complètement détruit”. Les secours sont en route. Les corps seront ramenés au Caire.
— Samuel Forey (@SamForey) October 31, 2015
En fin de matinée, les corps des premières victimes ont pu être extraits des débris de l’avion russe.Le Kremlin a, de son côté, annoncé l’envoi de services de secours russes en Égypte.
La péninsule du Sinaï est régulièrement le théâtre d’affrontements entre les forces égyptiennes et des groupes jihadistes, affiliés à l’organisation État islamique (EI).
Robert Galan, ancien pilote de ligne, contacté par téléphone, déclare sur l’antenne de France 24 que “d’une façon générale, les compagnies sont informées des zones où il y a des problèmes. En particulier dans l’est de l’Ukraine”.
“Ici la zone est particulièrement dangereuse à cause des gens qui s’y produisent et il est déconseillé aux compagnies de passer par là. Mais la région de Charm el-Cheikh est extrêmement fréquentée et on ne peut pas empêcher les pilotes de passer par là”, ajoute le pilote.
Parmi les cause qui ont pu provoquer le crash, selon Xavier Tytelman, spécialiste de la sécurité aérienne, la thèse de la panne de moteur semble exclue en raison de la vitesse de l’avion : “On dirait une descente d’urgence volontaire”, détaille-t-il.
Le spécialiste précise par ailleurs que “rien n’indique que cela puisse être une cause terroriste […] Les systèmes d’armes comme celui utilisé en Ukraine sont extrêmement complexes […] et on sait que les terroristes n’en ont pas dans la région”.
Une réunion de crise a été annoncée par le Premier ministre égyptien qui a annulé sa visite au canal de Suez et est rentré au Caire à la suite de l’annonce de l’accident.
Selon l’agence RIA, le comité russe d’investigation a ouvert une enquête pour “violation des règles de vol” à la suite de l’accident.
Condoléances
François Hollande a appelé samedi matin son homologue russe Vladimir Poutine pour lui adresser “les condoléances de la France”, a déclaré le président à son arrivée au Mont-Saint-Michel, où il devait assister à une présentation du projet de rétablissement du caractère maritime du site.
“Aujourd’hui, seules la compassion à l’égard des victimes et notre solidarité à l’égard des familles méritent que l’on puisse exprimer des paroles”, a-t-il affirmé. “Nous n’avons pas d’autres informations”.
Le président Poutine a, lui aussi, présenté ses condoléances aux familles des victimes, précisent des agences de presse russes.
Avec Reuters et AFP
france24.fr
Autour d’un thé
L’autre soir, aux environs de vingt heures, je buvais un verre, de thé bien sûr, avec des amis, quelque part à Charm el-Cheikh. Pas en Egypte. Ici, à Nouakchott. Mais il y a tout à Nouakchott. Le monde entier. Avec ses villes et ses quartiers : Dubaï, Baghdad, Gaza, Jéricho, Las Vegas. Y a tout ici. Charm el-Cheik de Nouakchott, c’est là-bas, vers les pauvres. Du côté de Veloudja et M’sid Ennour. Une poche laissée en rade par les « spécialistes » de l’Agence du développement urbain. Des semblants de maisons, des hangars, de vastes clôtures inachevées, des amas de briques, des « tentettes » et « hangarettes » d’infortune qui trompent la désolation et la privation. Chiens errants, chats égarés, charognes décomposées ou en voie de l’être, odeurs pestilentielles, voilà l’essentiel de notre Charm el-Cheik national. Un peu comme ce qui se passe chez nous. Pompeusement. Le Stade olympique de Nouakchott. L’unique. Dans toute la Mauritanie. Vous savez quoi ? C’est tout simplement pas sérieux. L’aéroport international de Nouakchott. Plus les aérodromes de quelques villes de l’intérieur. Plus les espaces aménagés occasionnellement, pour faire atterrir un hélico et un président. Un président qui vole. C’est pas tous les jours qu’on voit ça. Il faut des ailes pour voler. Beaucoup de légèreté. Trop de manœuvres pour ne pas cracher ; pas dans la soupe ; dans le désert. Surtout pour ne pas être un œil blanc. Introuvable. Ni sur les marchés. Ni dans les boutiques de pièces détachées. Heureusement qu’il y aura bientôt « Le » vrai grand aéroport de Nouakchott et ses deux millions de passagers par an. Comme ça, les langues de l’opposition seront « coupées ». De milliers, on passe à millions. Jamais faire ni dans la dentelle ni dans la mesure. Quelques milliers à l’est de Nouakchott. Quelques millions à l’ouest. C’est une question de proximité marine ou océanique. Plus on est près de l’océan, plus les passagers affluent. Sinon, comment ? Comme cela. C’est ça. C’est tout. A prendre ou à laisser. A comprendre ou à ne pas comprendre. L’Université de Nouakchott ou les universités de Nouakchott ? Y en a plein les rues : universités islamiques, universités arabiques, universités coraniques, universités internationales, universités régionales… Les oulémas, Bilad Chinguitt, les illustres aïeux, les astres sauveteurs qui ont éclairé le monde, de Oualata à Khourou Nar, en passant par la Langue de Barbarie, Kébemer et autre Tivaouane et Touba. Chez Nou’zautres, on fait habituellement tout comme. En tout. Rien n’est plus « grand » que cela. Comme le disent les hommes d’une célèbre Nou’zautres tribu, l’étranger aurait pu passer inaperçu, si ce n’était le « trop d’affaires » des femmes et des enfants. Exactement comme les écoles, les dispensaires, les hôpitaux, les aéroports, les stades et les autres infrastructures pouvaient bien ne pas trop attirer l’attention n’eût été le « trop d’affaires » de certains qui, « mot deux mots », veulent comparer la Mauritanie au Sénégal, au Maroc, au Mali, à la France, aux Etas Unis… La Mauritanie, c’est la Mauritanie. Y a pas deux. C’est pas parce que il y a trois oppositions et plusieurs majorités qu’il faille y avoir deux Mauritanie. Impossible. Il y a qu’une Mauritanie. Il y a qu’un chef. Une seule troupe. Artistique ou militaire, c’est comme vous voulez. Il y a qu’un gouvernement. Un Panurge. Il y a ses moutons. Y a une présidence. Y a une première dame. Ce qui suppose qu’il y ait une dernière. Mais on n’est pas dans la logique. Il n’y a qu’une première dame, rassure-toi. Comme il n’y a qu’un premier homme. Rassure « lui ». Il n’y a qu’un BASEP. Juste à la porte de la Présidence. Pour garder les bureaux publics. Pas le Président, hein, que les choses soient claires ! Surtout pas de confusion. Genre cinq cents soldats mauritaniens envoyés pour combattre les Houthis au Yémen, contre quatre milliards qui ne devraient pas aller au Trésor public. Mais dans une certaine poche. Géante poche. Véritable puits sans fond, Gargantua national. Au secours !
Sneiba
Source : Le Calame
Yahya O El Waghf à Biladi: “…Il n’existe plus d’institutions et notre administration a tout simplement volé en éclat”
Biladi: Il parait que la majorité présidentielle vient de prendre contact avec le FNDU pour demander la relance u dialogue. Quelle appréciation faites-vous de cette nouvelle démarche ?
Y. A. El Waghf : Je ne peux que m’en féliciter, si réellement cette démarche est en rupture par rapport aux démarches précédentes. Si la majorité répond à la plateforme du FNDU, ce dernier va sans doute évaluer cette réponse et le dialogue préliminaire pourrait reprendre si cette réponse est positive.
Biladi : Comment expliquez- vous l’enthousiasme qu’affiche le pouvoir pour le dialogue et son refus de répondre au FNDU ?
Y. A. El Waghf : J’ai toujours eu de la difficulté à comprendre l’attitude du pouvoir, particulièrement en ce qui concerne cette question du dialogue. Il a toujours défendu l’idée selon laquelle le pays vit une situation normale et que la crise politique dont parle l’opposition n’existe que dans l’esprit de certains égarés.
Depuis quelques mois, il a brusquement changé son discours pour ne parler que des vertus du dialogue et sa nécessité pour la paix et la stabilité du pays, tout en refusant d’expliquer à ses partenaires et à l’opinion publique ce qu’il attend de ce dialogue.
Au lieu de chercher à discuter avec le FNDU, il cherche à le diviser, en faisant toutes les pressions possibles et imaginables sur toutes ses composantes et sur tous ses éléments individuellement. C’est une démarche contradictoire. L’objectif du dialogue est le consensus.
Hors les journées que la majorité a organisées et les pressions qui les ont précédées ont consacré la division. Le FNDU est en droit de douter des véritables intentions du pouvoir. C’est le FNDU qui a intérêt à ce qu’un dialogue sérieux et sincère soit organisé le plus rapidement possible et çà était toujours sa position de principe.
Si le pouvoir est sincère et s’il souhaite réellement un dialogue dont l’objectif est la construction d’un consensus national, il doit commencer à apaiser la situation politique, en libérant les prisonniers politiques, en cessant d’instrumentaliser l’Etat au profit d‘un camp et contre un autre, en commençant à corriger les injustices commises contre certains citoyens par les pouvoirs précédents ou celui en place, en respectant les lois et règlements de la République, etc.
A ce jour, aucun indice positif n’est encore perceptible au niveau de la gestion du pays pour pouvoir espérer un dénouement rapide de la crise politique.
Biladi : Des rumeurs persistantes parlent d’une participation de la Mauritanie à la guerre au Yémen au côté de l’Arabie Saoudite, quelle est la position du FNDU par rapport à la participation de notre pays dans cette guerre ?
Y. A. El Waghf : Le FNDU n’a pas encore exprimé une position officielle par rapport à cette question. On ne dispose encore que de rumeurs. L’Arabie Saoudite est un pays frère qui a toujours apporté son soutien au développement économique et social de notre pays et à sa sécurité et sa stabilité.
Nous ne pouvons qu’être solidaires avec lui si sa souveraineté ou son intégrité est menacée. Pour ce qui concerne la situation au Yémen, la Mauritanie, de mon point de vue, doit apporter tout son soutien politique et diplomatique à la coalition arabe tout en œuvrant pour une solution pacifique qui préserve l’unité et l’intégrité du Yémen.
Quant à l’envoie des troupes, je pense personnellement que la Mauritanie fait face à des risques terroristes multiples et qu’il nous sera difficile de se passer d’une partie de nos forces militaires dans un tel contexte.
Biladi : Mais nous avons besoin d’argent et l’Arabie Saoudite pourra conditionner son soutien financier par notre participation à cette guerre…
Y. A. El Waghf : Je pense que cette propension à tout vendre est dangereuse pour notre pays et sa crédibilité. Les saoudiens nous ont toujours apporté leur soutien sans contrepartie politique et le fait de leur demander dans le contexte actuel un appui financier est immoral. Ils viennent de nous accorder un appui budgétaire et un soutien à la balance des payements, il y a moins de cinq mois.
Biladi : Au niveau du FNDU, vous avez toujours critiqué la politique économique du gouvernement alors que ce dernier prétend que dans toute l’histoire du pays, on n’a jamais connu autant de prospérité, avec des budgets record, des taux de croissance qui ont dépassé les 7%, des fondamentaux économiques saints, un rythme d’édification d’infrastructures sans précédent, etc. On peut être opposant tout en restant objectif par rapport à des résultats qui sont visibles et incontestables.
Y. A. El Waghf : Vous avez raison de dire qu’on peut s’opposer à un pouvoir et reconnaitre les aspects positifs de ses politiques. J’ai toujours, personnellement, essayé de respecter cette règle, particulièrement pour ce qui concerne la question économique.
Il n’est pas de notre devoir de vanter les mérites des politiques d’un pouvoir auquel on s’oppose, mais nous avons l’obligation de respecter l’opinion en ne lui disant que ce dont on est convaincu.
Si on revient à votre question, le discours de l’opposition sur les politiques économiques est resté inaudible pendant plusieurs années, en raison d’une bulle minière que le gouvernement a instrumentalisé à son profit, en faisant croire à l’opinion publique que l’inflation des chiffres des exportations, des recettes budgétaires, des investissements public et privé, de l’investissement direct étranger (IDE), etc., sont le résultat de sa politique économique.
Chacun sait qu’il n’en est rien. Les prix des minerais sont déterminés par le marché international. Les prix du fer, par exemple, ont pratiquement été multipliés par trois au cours de la période 2008-2013. Les recettes d’exportation du secteur minier ont été multipliées par deux au cours de cette période (3 milliards de dollars en 2013 contre 1,5 milliard en 2008).
Les recettes budgétaires et les investissements publics ont également doublé au cours de la même période (l’investissement public est passé de 50 milliards d’ouguiyas en 2008 à 110 milliards en 2013 et les recettes de 200 à 400 milliards d’ouguiyas).
L’investissement direct étranger, quant à lui, est passé de 81 milliards d’ouguiyas en 2008 (négatif en 2009 de 800 millions d’ouguiyas) à 338 milliards d’ouguiyas en 2013 (410 milliards d’ouguiyas en 2012). Le gouvernement n’a pratiquement aucune responsabilité et aucun mérite par rapport à cette situation. Le seul mérite qu’il peut revendiquer est de gérer correctement cette manne, ce qui n’a pas été malheureusement le cas.
Biladi : Qu’est-ce que le gouvernement aurait du donc faire ?
Y. A. El Waghf : Une bonne politique du gouvernement aurait dû être l’augmentation de la production minière pour profiter au maximum de cette bulle. Une bonne politique du gouvernement aurait dû être une utilisation efficace de ces ressources pour obtenir le plus grand niveau possible de croissance économique et pour pouvoir réduire de façon significative le chômage et la pauvreté au niveau du pays.
Une bonne politique du gouvernement aurait dû être une gestion prudente de ces ressources, prenant en compte les aléas liés aux variations des prix et leur impact sur les équilibres macroéconomiques à moyen et long terme.
Malheureusement, la production minière n’a pas augmenté (les projets Guelb II, les projets de Xstrata/Glencore, le projet Tazadit) sont, soit toujours en cours (Guelb II) ou abandonnés (les autres)), le niveau de la croissance économique et son corollaire de réduction de chômage et de pauvreté sont largement en deçà des ressources générées par cette bulle minière au cours des six dernières années et la gestion a été tout sauf prudente.
Biladi : Vous oubliez que le niveau de la croissance économique, ces dernières années, a dépassé les 7%, que le chômage a été ramené de 30 à 10% et que la pauvreté a reculé de 11 points entre 2008 et 2014.
Y. A. El Waghf : Parlons d’abord de la croissance. L’évaluation de toute politique économique consiste à comparer les résultats obtenus, en matière de taux de croissance, par exemple, aux moyens mis en œuvre dans le cadre de cette politique.
Nous avons déjà vu que les niveaux des exportations, des recettes budgétaires et des investissements publics ont été, en moyenne, au cours de la période 2009-2014, deux fois plus importants que ceux de 2008. Nous avons vu que les IDE ont été multipliés par quatre et nous pouvons vérifier que l’investissement global (privé et public) est passé de 251 milliards d’ouguiyas en 2008 à 688 milliards d’ouguiyas en 2014.
En moyenne, au cours de cette période, le niveau d’investissement global est de l’ordre de 45% du PIB. Cette situation exceptionnelle, ces moyens exceptionnels devraient donner des résultats exceptionnels. Avec un taux d’investissement de plus de 40% du PIB, sur une période de cinq à six ans, on doit s’attendre à des taux de croissance à deux chiffres.
Or, le taux de croissance moyen sur la période 2009-2014 ne dépasse pas les 4,7%, alors que celui de la période 2002-2007 est de l’ordre de 4,2%, avec des moyens deux à trois fois moins importants.
La comparaison avec les pays au sud du Sahara (hors Afrique du sud) montre que la moyenne des taux de croissance pour cette région est de 5,9%, un taux largement supérieur à notre taux de croissance moyen pour la même période, bien que nous avons, avec le Mozambique, le niveau moyen d’investissement global en pourcentage du PIB le plus élevé (plus de 40%) au niveau de cette région.
Il y a lieu de noter également que malgré ce niveau de ressources exceptionnel, au cours de cette période, nous nous sommes lourdement endetté. En effet, l’encours de la dette est passé de 2,6 milliards de dollars en 2008 à l’ordre de 4 milliards de dollars en 2014 (3,4 milliards de dollars selon le rapport 2014 de la BCM et d’autres sources font état de plus de 4 milliards).
Le service de la dette est passé de 60,6 millions de dollars à 241,7 millions de dollars en 2014. Je pense qu’à partir de ces chiffres, le lecteur peut lui-même juger la performance de la politique économique du gouvernement au cours de ces six dernières années.
La politique économique c’est aussi le climat des affaires. Notre pays est classé parmi les mauvais élèves des indicateurs en matière de développement du secteur privé et de l’investissement.
On peut citer à titre d’exemple, le départ de TULLOW OIL, de XSTRATA/GLENCORE, des promoteurs chinois du projet TAZADIT, de BOUMI, des promoteurs du projet BOFAL et de tant d’autres (si ces entreprises minières avaient commencé leur activité en 2013, comme prévu, notre production minière serait deux à trois fois plus importante que la production actuelle).
Le secteur privé national a été mis à genou par de prétendues entreprises publiques moribondes pour des objectifs qui n’échappent à personne. L’Etat s’est impliqué à des niveaux sans précédent au niveau du secteur productif, sans études préalables et sans autres objectifs que de renforcer un pouvoir néo-patrimonial excessivement centralisé et personnalisé.
Il n’existe aucune frontière entre la sphère publique et la sphère privée. Il n’existe plus d’institutions et notre administration a tout simplement volé en éclat.
Biladi : Et par rapport au chômage et à la pauvreté ?
Y. A. El Waghf : Les données sur l’emploi ont jusqu’ici été fournies par le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) et l’Enquête Permanente sur les Conditions de vie des ménages (EPCV). L’Enquête Nationale de Référence sur l’Emploi et le Secteur Informel (ENRE/SI) réalisée par le gouvernement en 2012 et qui a estimé le taux de chômage à 10,1%, est une première expérience.
Je ne suis pas sûr que ce soit une expérience réussie. La plupart des professionnels contestent la vraisemblance de son produit principal, à savoir, un taux de chômage de 10,1%. Du point de vue statistique, la méthodologie de l’enquête est différente de celle de 2008 qui a donné un taux de plus de 30%.
On ne peut donc pas comparer les deux taux, à moins qu’on recalcule le taux de 2008, sur la base de la nouvelle méthodologie, ce qui n’a pas ou ne peut pas être fait. Quand on lit en profondeur les résultats de cette enquête on peut facilement se rendre compte que le taux de 10,1% n’a aucun sens.
En effet, l’enquête montre que Les actifs occupés par le secteur informel représentent environ 86,5% de la population occupée ayant l’âge légal de travail, que le taux d’emploi précaire est de 53%, que le taux d’auto-emploi est de 45%, que les travailleurs pour compte propre représentent 43%, que le taux de chômage en milieu rural est de 4,4% (peut-t-on dire à nos parents au niveau des villages de l’intérieur que leurs actifs sont occupés à 95,6% ?), etc.
Tous ces chiffres confirment que le taux de 10,1% ne reflète pas la réalité. Du point de vue économique, ce chiffre de 10,1% est également contestable. Les taux de croissance que nous avons vus plus haut ne peuvent pas permettre de créer le niveau d’emploi requis pour occuper les nouveaux arrivants sur marché du travail, à plus forte raison absorber une grande partie du stock des chômeurs lié aux années précédentes.
Ces taux de croissance ne peuvent pas inverser la courbe de chômage. Certains pays africains ont réalisé des taux proches de 10% et n’ont pas réussi à inverser la courbe. Il faut noter également que dans des économies comme la nôtre, le taux de chômage naturel n’est pas très loin de 10%, ce qui veut dire qu’avec 10%, c’est pratiquement le plein emploi. Nous savons tous que nous sommes très loin du plein emploi.
En fin, il est étonnant que le BIT qui a apporté son assistance technique à cette étude puisse noter dans son rapport de 2015 que la Mauritanie est le pays qui présente le taux de chômage le plus élevé au monde (30%), alors que cette étude a été publiée en 2013 (le BIT peut-il ne pas être au courant d’une étude dont il a assuré l’assistance technique ou la juge-t-il peu crédible ?).
Si cette étude était sérieuse, les organisations internationales auraient fait de la Mauritanie, le champion de la lutte contre le chômage, mais hélas, tel n’est pas le cas.
Pour ce qui concerne la réduction de la pauvreté, l’EPCV est une en quête solide (sixième enquête du genre). L’ONS a développé une bonne expérience dans ce domaine et l’on ne peut que prendre acte des résultats de cette enquête.
Mais en tous cas, certains résultats méritent d’être évoqués pour y attirer l’attention des lecteurs qui peuvent eux-mêmes juger. La réduction de la pauvreté de 11 points en cinq ans de conjoncture extrêmement favorable est un résultat en dessous des attentes.
Le fait que la réduction de la pauvreté ait été trois fois plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain (2,5% contre 0,7%) est quelque chose qui ne semble pas aussi évident, tout comme le fait d’affirmer que la part des consommations du décile inférieur de la distribution représente 5,8% de la dépense totale en 2014 contre 2,5% en 2008 et 2,7% en 2004.
Cette amélioration de la distribution du revenu, en faveur des pauvres, au cours de cette période, n’est pas suffisamment perceptible. Il faut noter aussi que bien que cette enquête ait été publiée en août 2015, la Banque Mondiale ne l’a pas encore intégré au niveau de ses données (s’agit-t-il ici d’une question de crédibilité aussi ?).
Biladi: Les infrastructures que le gouvernement a réalisées au cours de cette période, pouvez les ignorer ?
Yahya A. El Waghf : Vous avez raison de parler des infrastructures. Les infrastructures comme priorité constituent un bon choix au niveau de toute politique économique, particulièrement pour des pays sous-équipés comme le nôtre.
Mais pour que ce choix puisse donner des résultats positifs, il faut que les projets soient bien étudiés et classés selon leur importance pour l’économie du pays. Vous savez comme moi que les projets n’ont pas fait l’objet d’études et l’objectif recherché n’a jamais dépassé le cérémonial.
On a inauguré tant de projets au cours de cette période, mais combien de projets ont effectivement été finalisés ? Vous savez que le secteur routier constitue la première priorité et qu’il absorbe plus de 50% des investissements publics. On peut le prendre comme exemple. Les deux principaux chantiers routiers sont la route Atar-Tidjikdja et celle Elghayra-Barkeol-Chegar.
Le premier chantier a commencé en 2010 et le second en 2009. Le niveau de réalisation pour les deux chantiers est en deçà de 60% (trois lots sur quatre sont encore en chantier pour Atar-Tidjikdja) alors que les routes devraient être réceptionnées depuis plus de deux à quatre ans selon les lots. On peut aussi citer le cas de la route Kiffa-Kankoussa lancée en février 2011 pour 36 mois, toujours en chantier après un retard 18 mois.
Vous avez le cas de la route Nouakchott-Rosso, la route Kiffa-Tintane (146 km) qui a pris plus de 120 mois pour 30 mois (contrat), la route Oueivia-Keurmacen, etc. Si vous examiner les délais de réalisation, vous pourrez remarquer que les taux d’exécution physique des projets n’atteint jamais les 30%, par rapport aux délais contractuels.
Ces retards génèrent des coûts considérables pour le pays et des manques à gagner importants. Ce qui m’a toujours étonné, c’est que les rapports d’exécution financière du budget d’investissement font état de taux de 95% alors que l’exécution réelle des projets est en deçà de 30%. On peut donc constater qu’on a investi beaucoup d’argent mais les résultats sont là.
Il y a aussi la qualité et la durabilité de ce qui a été fait. Vous savez que des dizaines de km de voierie ont été réalisée par ATTM à Nouakchott en 2009-2010 et que cette même voierie a été reprise par l’ENER en 2012-2013, soit une durée de vie de deux à trois ans.
Biladi : Comment expliquez-vous la différence entre ces taux ?
Yahya A. El Waghf : Comment je peux l’expliquer ? J’espère que cela est dû aux projets extrabudgétaires. Cela veut dire qu’une partie des enveloppes programmées pour les projets budgétisés a été utilisée par des projets qui ne figurent pas sur le budget. Vous savez que depuis 2008, la loi des finances, comme toutes les autres lois, n’est pas respecté et chaque année une loi initiale est votée en début d’année et une autre dite rectificative en fin d’année.
Biladi : Il semblerait que le FMI est en désaccord avec le gouvernement et qu’il demande la dévaluation de l’ouguiya. Qu’en pensez-vous ?
Yahya A. El Waghf : Je considère personnellement que le FMI est aussi responsable que le gouvernement de la situation économique actuelle que vit notre pays. Il a signé un accord avec le gouvernement au titre de la facilité élargie de crédit (2010-2013) qui lui permettait de peser sur les décisions du pays. Au lieu de conseiller le gouvernement, pour faire les meilleurs choix économiques, le FMI s’est limité à faire l’éloge de ses politiques. Les conférences de presses communes avec le gouvernement se succédaient avec des discours identiques (aucune nuance entre les deux discours).
Les critiques de l’opposition ne pouvaient faire le poids face à la crédibilité du FMI. Tout le monde savait, le FMI en tête, que les prix des minerais pouvaient baisser à tout moment et que le secteur minier représente 75% des exportations et 30% des recettes budgétaires du pays.
La capacité d’anticipation de cette grande institution n’a pas été mise à contribution dans notre cas. On ne peut que se demander si le rôle du FMI n’est pas d’accompagner les pays dans leurs politiques, quelque soient ces politiques, pendant la période de vache grâce et de leur imposer ses conditions pendant les périodes de conjoncture défavorable.
J’aurai aimé que le droit international puisse permettre aux pays de pouvoir demander réparation au FMI en cas de complaisance ou de complicité avec les gouvernements. Maintenant, il est vrai que notre économie a des problèmes et que des mesures urgentes doivent être entreprises pour corriger les déséquilibres. Dans ces situations, il faut que le gouvernement soit courageux et prenne les mesures qu’il faut, fussent-elles douloureuses.
Biladi : êtes-vous donc favorable à la demande de dévaluation de l’ouguiya ?
Yahya A. El Waghf : Vous savez qu’en tant que politique et consommateur en même temps, je ne peux en aucun cas défendre la dévaluation. Mais au niveau technique, il faut savoir qu’il y a des problèmes et il faut leur trouver des solutions.
L’examen du rapport annuel 2014 de la Banque Centrale montre que notre économie fait face effectivement à des problèmes réels. Le déficit des transactions courantes a atteint 445 milliards d’ouguiyas en 2014, soit 29% du PIB. Le service de la dette a augmenté de 54% par rapport à l’année précédente.
Le déficit budgétaire s’est creusé pour se situer à 55 milliards (3,7% du PIB) contre un déficit de 14 milliards (0,9% du PIB) l’année précédente. Le déficit en ressources, c’est-à-dire, la différence entre le produit intérieur brut et la demande intérieure est de 403 milliards d’ouguiyas, soit 26% du PIB.
Comme l’année 2015 est beaucoup plus difficile pour notre économie que l’année 2014, étant donné que la baisse des prix du fer est plus importante, les déséquilibres seront encore plus graves. Il y a donc urgence à agir.
Dans de pareilles circonstances, les économistes conseillent de choisir les instruments qui ont le plus d’impact sur les objectifs recherchés. Dans notre cas, les objectifs prioritaires recherchés doivent être les deux principaux équilibres, interne (budget) et externe (balance des payements). Pour l’équilibre interne, il me semble que cela ne pose pas un grand problème.
L’instrument budgétaire est le plus approprié et nous disposons d’une marge de manouvre acceptable, surtout avec notre niveau d’investissement public et le niveau des transferts (c’est sans doute douloureux mais c’est nécessaire). La difficulté majeure est au niveau de l’équilibre extérieur.
L’instrument monétaire ne me semble pas en mesure de rétablir cet équilibre avec un niveau de restriction monétaire supportable par l’économie. Ni l’endettement (nous avons atteint notre seuil d’endettement), ni les dons ne me semblent pouvoir contribuer au rétablissement de notre équilibre externe. S’il n y a pas de retournement de conjoncture (favorable) d’ici 2016, je ne vois malheureusement pas d’autres solutions que la dévaluation.
Biladi : Le gendarme de la bourse américaine s’intéresserait au comportement de Kinross dans notre pays et ses relations douteuses avec le régime. Qu’est-ce que vous pensez de cette question ?
Y. A. El Waghf : Je n’ai pas plus d’informations que vous. Je sais seulement que la justice américaine est sérieuse et indépendante et ne peut être instrumentalisée par personne. J’ai lu comme vous la réponse du porte-parole du gouvernement à la question relative à ce sujet.
Le moins que l’on puisse en dire est qu’elle est surprenante. Cette entreprise est de droit mauritanien. Si une justice étrangère enquête sur des malversations au niveau de cette entreprise, quel que soit les personnes concernées, il est du devoir du pays de l’entreprise de mener lui-même sa propre en quête et de collaborer avec la justice étrangère pour faire la lumière sur les faits incriminés.
Bialdi: Par rapport à l’exploitation de la mine d’or de Tasiast, celle-ci a été cédée par son premier acquéreur contre la somme de sept milliards de dollars. Aucun sous n’est revenu à la Mauritanie. Est-ce normal ?
Y. A. El Waghf : Normalement, il y a une taxe sur la plus-value de cession que l’entreprise qui a vendu les actifs doit payer au pays, selon la réglementation en vigueur (ou suivant un arrangement). En général, les cessions sont soumises à l’accord du gouvernement qui doit normalement exiger le payement des taxes.
Nos juristes doivent examiner ce cas et la société civile, dans le cadre de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives(ITIE), doit elle aussi vérifier si le pays n’a pas été lésé dans cette transaction.
Biladi : Selon des informations révélées par la presse, la SNIM aurait cédé à l’Etat ou à des privés quelques-unes de ses filiales. Comment vous voyez l’avenir de cette entreprise, jadis fleuron de l’industrie nationale ?
Y. A. El Waghf : J’ai parlé plus haut de la mauvaise politique économique du gouvernement. Le cas de la SNIM est un véritable gâchis. Si l’Egypte est un don du Nil, la Mauritanie est aussi un don de la SNIM (MIFERMA). La SNIM a connu des périodes très difficiles, depuis pratiquement sa prise en charge de la MIFERMA (la guerre du Sahara, la baisse des prix, le problème de la sidérurgie européenne, les déboires du projet Guelb I, etc.) jusqu’au milieu des années deux mille.
Les différents managements de cette époque avec l’appui du personnel de l’entreprise, ont fournis des efforts considérables pour la maintenir en activité dans des situations extrêmement difficiles (jusqu’en 2004, le prix est resté en deçà de 20 dollars). Entre 2010 et 2014, les prix ont atteint des niveaux record (entre 100 et 190 dollars).
Le chiffre d’affaire cumulé de la période 2009-2014 est de l’ordre de 2000 milliards d’ouguiyas. Les bénéfices nets pour la même période ont dépassé les 800 milliards d’ouguiyas. C’était donc une occasion rêvée pour la SNIM et pour le pays. Cette occasion a été malheureusement ratée, en raison d’une gestion catastrophique.
Au lieu de centrer son activité sur son cœur de métier et profiter de la conjoncture pour augmenter sa production et encourager ses partenaires (Glencore et les chinois de Tazadite) à faire autant, la SNIM s’est lancé dans des programmes de prestige (création de nouvelles filiales et prise de participation dans des sociétés à l’extérieur de son domaine d’intervention, financement d‘activités économiques et sociales sans aucun rapport avec la société, financement de sociétés privées, etc.) qui ont englouti les ressources considérables qu’elle a réalisées grâce à la flambée des prix.
Malgré cette conjoncture exceptionnelle, la plupart des professionnels du secteur estime que la SNIM est aujourd’hui au bord de la faillite. Il semblerait qu’elle est descendue sur le marché financier pour emprunter de l’argent.
Les banques sérieuses ne peuvent pas prêter à un management qui a gaspillé 7 milliards de dollars sans se soucier de son lendemain. L’écroulement éventuel de la SNIM peut sérieusement mettre en danger l’existence même de la Mauritanie. Ce n’est pas le bradage de ses filiales qui m’inquiète, c’est plutôt la SNIM elle-même qui m’inquiète.
Propos recueillis par Moussa O. Hamed
Éducation/rapport 2015 « The Global Competitiveness Report : La Mauritanie, dernier de la classe
Malgré les milliards investis dans e système éducatif dans le cadre du méga-programme du Projet d’appui au programme national de développement du système éducatif (PNDSE, 2001-2020) ,la Mauritanie reste à la traine et son système moribond est classé parmi les plus exécrables de la planète.
C’est ainsi que notre pays trône lamentablement à la queue du rapport 2015 « The Global Competitiveness Report »(GCI), publié par le Forum Économique Mondial.
La Mauritanie occupe la 134ème place sur 140 pays.
Ce rapport publié annuellement évalue la qualité des systèmes éducatifs dans le monde sur la base d’une quarantaine de critères objectifs.
Ce résultat somme toute catastrophique met à nu le délabrement de notre système éducatif et devrait mettre la puce à l’oreille des autorités de tutelle qui ont le devoir de cesser de jouer à l’autruche en occultant la réalité et de prendre des mesures concrètes et énergiques pour tenter de circonscrire le mal.
Rien ne sert de continuer la fuite en avant en essayant de colmater les brèches béantes en se fondant sur une politique bâtie sur l’improvisation et l’amateurisme.
Le ministère de l’éducation est truffé de compétences qui ne demandent qu’à être fructifiés et les moyens ne manquent pas mais, il se trouve que la politisation à outrance du système le condamne à s’enfoncer dans les abysses des ténèbres.
Donc, pour redresser la barre, il va falloir procéder à une cure anti politicienne et faire appel aux compétences avérées en appliquant une politique rigoureuse et sans concessions.
Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourrait redresser notre école, une école moribonde qui aujourd’hui traine l’image du pays dans la boue.
Bakari Guèye
La tentative de coup d’Etat du 22 octobre 1987 : L’intention vaut-elle l’acte ? / Par le colonle (E/R) Oumar Ould Beibacar
Le noyau concepteur du coup d’Etat est né fin 1986-début 1987. Il était composé de six lieutenants : Sarr Amadou, Diacko Abdoul Kérim, Boye Alassane Harouna, Bâ Abdoul Khoudouss, Bâ Seydi et Sy Saïdou. Le lieutenant Sarr Amadou en était le chef, l’animateur et le coordinateur. De multiples erreurs, fautes et dérives avaient fait que beaucoup de personnes s’étaient retrouvées embarquées dans cette affaire sans y être conviées.
Au départ, il s’agit donc d’un groupe restreint de six officiers, contaminés par le syndrome putschiste local, déjà endémique. Leur première option était de construire patiemment et progressivement une solide organisation militaire clandestine au niveau national, puis, le moment venu, envisager un coup d’État. La deuxième option, plus classique, celle d’agir en déclenchant immédiatement le putsch, l’emporta et aboutit aux résultats, que l’on sait.
Leur objectif était de prendre le pouvoir, en contrôler la réalité, jouer à fonds la carte de l’apaisement, rassurer le pays et les Mauritaniens, tout en préservant le pouvoir conquis. C’est dans ce sens que le colonel Mohamed ould Lekhal était pressenti pour occuper la fonction de chef d’État-major de l’armée nationale. Il avait été jugé que cet officier était intègre, qu’il avait de l’aura et qu’il pourrait, sous contrôle, incarner l’autorité nécessaire à la consolidation du nouveau pouvoir. Le principe du partage du pouvoir avec les arabo-berbères était retenu. Mais son contenu et ses modalités restaient à définir. Changer le nom du pays, le nom de la monnaie nationale, tout cela n’est que de l’affabulation. Des mensonges diffusés par les renseignements généraux pour diaboliser les conspirateurs, largement repris par Jeune Afrique à l’époque.
Victimes d’injustice
Au bout du compte c’est un commissaire de police, treize officiers dont deux capitaines et 11 lieutenants parmi lesquels deux de la gendarmerie, 21 sous-officiers comprenant cinq de la gendarmerie et deux de la Garde nationale, les brigadiers Djibril Ali Malik Sy dit Samuel Do et Kane Ibrahima qui seront reconnus coupables et condamnés par la cour spéciale de justice le 3 décembre 1987. Tous négro-mauritaniens, recrutés pour la plupart en pleine guerre du Sahara, issus, en majorité, de la féodalité toucouleur, victimes de beaucoup d’injustice et de discrimination dans leurs promotions, dans leurs avancements, dans leurs mutations, dans leur vie sociale et professionnelle de tous les jours. Ils avaient agi par orgueil, plus pour défendre leur dignité que pour autre chose.
L’histoire démontrera un jour que ces officiers étaient de braves guerriers, honnêtes, bons croyants, bons citoyens, fiers d’appartenir à cette Mauritanie et dépourvus de sentiments racistes ou ségrégationnistes quelconques. Ils ont été victimes malheureusement de cette redoutable et impitoyable justice d’exception, expéditive et aux ordres, qui a condamné puis exécuté à la hâte ce dimanche 6 décembre 1987, soixante-douze heures seulement après la lecture du verdict, trois officiers considérés comme les chefs de ce groupe, avec pour motif principal d’être les premiers à se réunir pour décider du projet du coup d’Etat.
En dehors du redoutable et téméraire lieutenant de la Marine, aucun des deux autres n’avait un commandement au moment de cette « tentative », le lieutenant Sarr Amadou était en mission d’inspection à Nouadhibou pour le compte de la direction du matériel et le lieutenant Sy Saidou, qui revenait d’Espagne où il effectuait un stage d’application, était encore à l’état-major de la Gendarmerie, en instance de mutation. Le reste du groupe a été condamné à des peines allant de la perpétuité à 5 ans de prison ferme. Seuls sept parmi eux dont le colonel ANNE Amadou Babaly, le taciturne, ont été reconnus non coupables. « Il suffit d’ajouter ‘’militaire’’ à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi, la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique, …», disait Clemenceau.
Certains putschistes accusent un officier de la gendarmerie servant hors de la garnison de Nouakchott, d’autres accusent un officier de la marine de les avoir dénoncés par le biais du BED ou du ministère de l’Intérieur. Mais l’hypothèse la plus vraisemblable accuse un sous-officier de la gendarmerie, de l’escadron de la sécurité présidentielle, qui aurait vendu la mèche par l’intermédiaire du commandant, directeur du cabinet militaire, qui aurait présenté l’intéressé directement devant le président du CMSN afin de déjouer la conspiration en procédant immédiatement à l’arrestation des meneurs.
Enorme bavure
Il semble que c’est cette vigilance exceptionnelle, qui a fait défaut aux différents services des renseignements des forces armées et de sécurité, Police, Armée, Gendarmerie et Garde qui n’ont rien vu venir malgré les moyens mis à leur disposition, qui est à l’origine de la propulsion de cet officier supérieur au poste de ministre des affaires étrangères, puis au poste de ministre de l’intérieur avant d’être chargé de conduire la démocratisation militaire, pour ne pas dire la tribalisation de la Mauritanie, qui aboutira au CMSN ère nouvelle, période qui va durer jusqu’au 3 aout 2005.
Si le projet de ces putschistes d’octobre 1987 avait été dénoncé, en dehors de la période d’exception, ils auraient été tout simplement traduits devant un conseil de discipline et rayés des contrôles des forces armées nationales. L’exécution de ces trois officiers constitue incontestablement, la plus grande bavure du régime d’exception. Il n’est pas évident que ce groupe d’officiers ait commis une quelconque infraction au code pénal car l’infraction se compose de trois éléments : un élément légal, un élément moral et un élément matériel.
Or dans leur cas, l’élément matériel et l’élément légal qui sont déterminants, sont absents. Il n’y avait pas eu d’élément matériel, dans la mesure où il n’y avait pas eu début d’exécution,car l’article 88 stipule : « Lorsque l’une des infractions prévues aux articles 83, 85, 86 et 87 aura été exécutée ou simplement tentée avec usage d’armes, la peine sera la mort. » ; tenter c’est commencer en vue de réussir. Il n’y avait pas eu de tentative puisqu’il n’y avait pas eu de commencement. Le 8 juin 2003, il y avait eu une tentative avec usage des armes, puisqu’il y avait eu début d’exécution.
Il n’y avait pas non plus d’élément légal, puisque les attentats ou complots objets des articles 83 à 87 du code pénal, ne sont considérés comme infractions contre l’autorité de l’Etat, que « quand ils sont dirigés contre des régimes constitutionnels ». Or le 22 octobre 1987, la Mauritanie était dirigée par un régime d’exception, usurpateur, qui avait dissout la constitution et qui gouvernait en maître absolu, comme dans un territoire conquis. Certes il y avait bien une intention de prendre le pouvoir par la force qui constitue l’élément moral mais il n’est pas suffisant pour constituer l’infraction.
L’exécution de ces trois officiers constitue donc un assassinat extrajudiciaire, assimilable à un accident de travail comme pour le cas, de deux de leurs compagnons, morts de mauvais traitements et de malnutrition dans le mouroir d’Oualata. Dans ce cas l’Etat mauritanien doit payer la diya aux ayant-droits, et les intéressés doivent tous figurer en bonne place sur la liste de nos martyrs. Les martyrs de la nation. Les autres victimes rescapées doivent aussi obtenir une juste réparation pour tous les malheurs qu’ils ont subis, y compris pour l’exil.
Les véritables acteurs, qui pouvaient agir efficacement ce 22 octobre et qui avaient échappé miraculeusement à la peine capitale, étaient le capitaine Sy Bocar, directeur adjoint du cabinet militaire et les lieutenants Ngaidé Aliou Moktar, commandant de l’escadron de sécurité présidentielle qui aurait eu pour mission de neutraliser le président du CMSN et ses proches collaborateurs, Dia Abdarrahmane, officier de permanence à l’état-major national, Kane Mamadou de la 6ème région militaire, et Diacko Abdoul Kerim du 1er BCP.
Le cas du colonel ANNE Amadou Babaly
Le colonel ANNE est un brillant intendant, l’un des pères fondateurs de l’armée nationale, réputé pour son intelligence, sa modestie, sa courtoisie et surtout pour son honnêteté intellectuelle. C’est lui qui, deux années auparavant presque jour pour jour, le 29 octobre 1985, avait décliné poliment l’offre du chef de l’Etat le nommant chef d’état-major national, en remplacement de son frère, feu le colonel Yall Abdoulaye, au prétexte qu’en sa qualité d’intendant il n’était pas le mieux indiqué pour commander l’armée nationale. Il avait proposé au président de nommer à sa place, le colonel Jibril Ould Abdallahi qui avait, selon lui, de meilleures prédispositions pour cet emploi. C’est ainsi que ce dernier avait été nommé le même jour, chef d’état-major national.
Cette réaction digne et spontanée, on ne peut plus correcte, faite dans le bureau du chef de l’Etat et en présence du colonel Jibril, démontre à elle seule que cet excellent officier n’avait aucune ambition pour prendre le pouvoir par la force, et qu’il n’était animé d’aucun sentiment sectaire ou ségrégationniste quelconque. Au contraire, ce comportement montre toute la noblesse de l’homme, sa très grande vertu, son sens élevé de l’honneur, du devoir, de la fraternité, de l’amitié, et son respect absolu de la déontologie de l’officier.
Aveuglé par le pouvoir, le président du CMSN avait oublié ce noble geste du 29 octobre 1985, et avait cherché en vain, à compromettre inutilement, son compagnon d’armes, dans cette désagréable aventure.
Ainsi, ce grand officier s’était trouvé en très mauvaise posture, devant une confrontation surréaliste, qu’on lui imposait avec de jeunes officiers dont la plupart pouvaient être ses enfants, et qui n’étaient liés à lui que par le respect dû à son rang, à son âge et à la considération réciproque, sentiments très appréciés en milieu poular. A l’issue de cette épreuve difficile, le colonel Anne était sorti grandi.
Le héros
Le lieutenant Bâ Seydi de la Marine Nationale condamné à mort, s’était particulièrement distingué par son orgueil, son courage et sa témérité depuis l’enquête préliminaire jusqu’au poteau d’exécution. Pendant la phase instruction, lorsqu’il avait été confronté avec certains de ses subordonnés, il avait dit au juge d’instruction : « Monsieur le juge, mon honneur d’officier m’empêche d’accepter d’être contredit par mes subordonnés, c’est pourquoi je vous demande de considérer comme vrai tout ce qu’ils vous disent me concernant ». Après le verdict, il avait dit à ses avocats : « On avait aucune intention de massacrer qui que ce soit, mais on avait bien l’intention de prendre le pouvoir par la force. Et si c’était à refaire, je suis prêt à recommencer. »
A quelques minutes de son exécution, on lui avait demandé, comme en pareille circonstance, s’il avait quelque chose à dire ou des souhaits à formuler. L’audacieux lieutenant a répondu sereinement à son avocat maître Mohamed Cheine Ould Mouhamadou, avant de regagner le poteau d’exécution: “Oui maître, j’ai deux commissions et un témoignage. La première commission concerne mes parents, ma mère et mon père. Ils sont venus de Boghé et ont beaucoup souffert en apprenant mon arrestation. Ils souffriront encore plus en apprenant mon exécution, je te demande d’aller les voir pour leur demander de me pardonner. La deuxième commission concerne mon frère qui travaille dans une banque de la place, il faut le voir pour qu’il paye une dette de 7000 ouguiya à mon créancier, un boutiquier aux environs de l’hôpital national. Quant au témoignage je voudrais vous prendre à témoins.” Puis il prononça la chahada en arabe: «J’atteste qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que Mohamed est son prophète.”
L’avocat lui avait promis de payer lui-même cette dette et qu’il ferait sa commission pour ses parents immédiatement.
Attachés tous les trois sur les poteaux d’exécution, tenus en joue par trois tireurs à une distance de six mètres, les trois officiers attendaient dignement la fin de leur vie qui ne tenait plus qu’à un ordre du chef du peloton d’exécution. Puis vint le moment fatidique: ” Feu.” Les trois premiers coups partirent, le tireur chargé de tuer le lieutenant BA Seidi le blessa à la hanche, l’officier aurait dit, selon plusieurs témoins, à son bourreau : « Tu m’as blessé, lève le tir, vise très bien ». Seidi BAH. Seidi BAH. Seidi BAH.
Par ce comportement exceptionnellement courageux, ce martyr originaire du Fouta, avait démontré qu’il existait en Mauritanie le 6 décembre 1987 à Nouakchott, des hommes qui avaient, devant l’épreuve de la mort, autant de témérité que le martyr Saddam Hussein exécuté par pendaison le 30 décembre 2006 à Baghdad. Enfin, les trois officiers rendirent leur dernier souffle en implorant Allah au cri d’Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar. LA ILAHA ILLA ALLAH MOHAMEDOUNE RASSOULOU ALLAH.
Puisse ALLAH le tout puissant, accueillir nos martyrs dans son paradis. Puisse-t-il faire que la Mauritanie se réconcilie un jour avec ses enfants du Fouta, du Walo et du Guidimagha.
le calame
Le noyau concepteur du coup d’Etat est né fin 1986-début 1987. Il était composé de six lieutenants : Sarr Amadou, Diacko Abdoul Kérim, Boye Alassane Harouna, Bâ Abdoul Khoudouss, Bâ Seydi et Sy Saïdou. Le lieutenant Sarr Amadou en était le chef, l’animateur et le coordinateur. De multiples erreurs, fautes et dérives avaient fait que beaucoup de personnes s’étaient retrouvées embarquées dans cette affaire sans y être conviées.
Au départ, il s’agit donc d’un groupe restreint de six officiers, contaminés par le syndrome putschiste local, déjà endémique. Leur première option était de construire patiemment et progressivement une solide organisation militaire clandestine au niveau national, puis, le moment venu, envisager un coup d’État. La deuxième option, plus classique, celle d’agir en déclenchant immédiatement le putsch, l’emporta et aboutit aux résultats, que l’on sait.
Leur objectif était de prendre le pouvoir, en contrôler la réalité, jouer à fonds la carte de l’apaisement, rassurer le pays et les Mauritaniens, tout en préservant le pouvoir conquis. C’est dans ce sens que le colonel Mohamed ould Lekhal était pressenti pour occuper la fonction de chef d’État-major de l’armée nationale. Il avait été jugé que cet officier était intègre, qu’il avait de l’aura et qu’il pourrait, sous contrôle, incarner l’autorité nécessaire à la consolidation du nouveau pouvoir. Le principe du partage du pouvoir avec les arabo-berbères était retenu. Mais son contenu et ses modalités restaient à définir. Changer le nom du pays, le nom de la monnaie nationale, tout cela n’est que de l’affabulation. Des mensonges diffusés par les renseignements généraux pour diaboliser les conspirateurs, largement repris par Jeune Afrique à l’époque.
Victimes d’injustice
Au bout du compte c’est un commissaire de police, treize officiers dont deux capitaines et 11 lieutenants parmi lesquels deux de la gendarmerie, 21 sous-officiers comprenant cinq de la gendarmerie et deux de la Garde nationale, les brigadiers Djibril Ali Malik Sy dit Samuel Do et Kane Ibrahima qui seront reconnus coupables et condamnés par la cour spéciale de justice le 3 décembre 1987. Tous négro-mauritaniens, recrutés pour la plupart en pleine guerre du Sahara, issus, en majorité, de la féodalité toucouleur, victimes de beaucoup d’injustice et de discrimination dans leurs promotions, dans leurs avancements, dans leurs mutations, dans leur vie sociale et professionnelle de tous les jours. Ils avaient agi par orgueil, plus pour défendre leur dignité que pour autre chose.
L’histoire démontrera un jour que ces officiers étaient de braves guerriers, honnêtes, bons croyants, bons citoyens, fiers d’appartenir à cette Mauritanie et dépourvus de sentiments racistes ou ségrégationnistes quelconques. Ils ont été victimes malheureusement de cette redoutable et impitoyable justice d’exception, expéditive et aux ordres, qui a condamné puis exécuté à la hâte ce dimanche 6 décembre 1987, soixante-douze heures seulement après la lecture du verdict, trois officiers considérés comme les chefs de ce groupe, avec pour motif principal d’être les premiers à se réunir pour décider du projet du coup d’Etat.
En dehors du redoutable et téméraire lieutenant de la Marine, aucun des deux autres n’avait un commandement au moment de cette « tentative », le lieutenant Sarr Amadou était en mission d’inspection à Nouadhibou pour le compte de la direction du matériel et le lieutenant Sy Saidou, qui revenait d’Espagne où il effectuait un stage d’application, était encore à l’état-major de la Gendarmerie, en instance de mutation. Le reste du groupe a été condamné à des peines allant de la perpétuité à 5 ans de prison ferme. Seuls sept parmi eux dont le colonel ANNE Amadou Babaly, le taciturne, ont été reconnus non coupables. « Il suffit d’ajouter ‘’militaire’’ à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi, la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique, …», disait Clemenceau.
Certains putschistes accusent un officier de la gendarmerie servant hors de la garnison de Nouakchott, d’autres accusent un officier de la marine de les avoir dénoncés par le biais du BED ou du ministère de l’Intérieur. Mais l’hypothèse la plus vraisemblable accuse un sous-officier de la gendarmerie, de l’escadron de la sécurité présidentielle, qui aurait vendu la mèche par l’intermédiaire du commandant, directeur du cabinet militaire, qui aurait présenté l’intéressé directement devant le président du CMSN afin de déjouer la conspiration en procédant immédiatement à l’arrestation des meneurs.
Enorme bavure
Il semble que c’est cette vigilance exceptionnelle, qui a fait défaut aux différents services des renseignements des forces armées et de sécurité, Police, Armée, Gendarmerie et Garde qui n’ont rien vu venir malgré les moyens mis à leur disposition, qui est à l’origine de la propulsion de cet officier supérieur au poste de ministre des affaires étrangères, puis au poste de ministre de l’intérieur avant d’être chargé de conduire la démocratisation militaire, pour ne pas dire la tribalisation de la Mauritanie, qui aboutira au CMSN ère nouvelle, période qui va durer jusqu’au 3 aout 2005.
Si le projet de ces putschistes d’octobre 1987 avait été dénoncé, en dehors de la période d’exception, ils auraient été tout simplement traduits devant un conseil de discipline et rayés des contrôles des forces armées nationales. L’exécution de ces trois officiers constitue incontestablement, la plus grande bavure du régime d’exception. Il n’est pas évident que ce groupe d’officiers ait commis une quelconque infraction au code pénal car l’infraction se compose de trois éléments : un élément légal, un élément moral et un élément matériel.
Or dans leur cas, l’élément matériel et l’élément légal qui sont déterminants, sont absents. Il n’y avait pas eu d’élément matériel, dans la mesure où il n’y avait pas eu début d’exécution,car l’article 88 stipule : « Lorsque l’une des infractions prévues aux articles 83, 85, 86 et 87 aura été exécutée ou simplement tentée avec usage d’armes, la peine sera la mort. » ; tenter c’est commencer en vue de réussir. Il n’y avait pas eu de tentative puisqu’il n’y avait pas eu de commencement. Le 8 juin 2003, il y avait eu une tentative avec usage des armes, puisqu’il y avait eu début d’exécution.
Il n’y avait pas non plus d’élément légal, puisque les attentats ou complots objets des articles 83 à 87 du code pénal, ne sont considérés comme infractions contre l’autorité de l’Etat, que « quand ils sont dirigés contre des régimes constitutionnels ». Or le 22 octobre 1987, la Mauritanie était dirigée par un régime d’exception, usurpateur, qui avait dissout la constitution et qui gouvernait en maître absolu, comme dans un territoire conquis. Certes il y avait bien une intention de prendre le pouvoir par la force qui constitue l’élément moral mais il n’est pas suffisant pour constituer l’infraction.
L’exécution de ces trois officiers constitue donc un assassinat extrajudiciaire, assimilable à un accident de travail comme pour le cas, de deux de leurs compagnons, morts de mauvais traitements et de malnutrition dans le mouroir d’Oualata. Dans ce cas l’Etat mauritanien doit payer la diya aux ayant-droits, et les intéressés doivent tous figurer en bonne place sur la liste de nos martyrs. Les martyrs de la nation. Les autres victimes rescapées doivent aussi obtenir une juste réparation pour tous les malheurs qu’ils ont subis, y compris pour l’exil.
Les véritables acteurs, qui pouvaient agir efficacement ce 22 octobre et qui avaient échappé miraculeusement à la peine capitale, étaient le capitaine Sy Bocar, directeur adjoint du cabinet militaire et les lieutenants Ngaidé Aliou Moktar, commandant de l’escadron de sécurité présidentielle qui aurait eu pour mission de neutraliser le président du CMSN et ses proches collaborateurs, Dia Abdarrahmane, officier de permanence à l’état-major national, Kane Mamadou de la 6ème région militaire, et Diacko Abdoul Kerim du 1er BCP.
Le cas du colonel ANNE Amadou Babaly
Le colonel ANNE est un brillant intendant, l’un des pères fondateurs de l’armée nationale, réputé pour son intelligence, sa modestie, sa courtoisie et surtout pour son honnêteté intellectuelle. C’est lui qui, deux années auparavant presque jour pour jour, le 29 octobre 1985, avait décliné poliment l’offre du chef de l’Etat le nommant chef d’état-major national, en remplacement de son frère, feu le colonel Yall Abdoulaye, au prétexte qu’en sa qualité d’intendant il n’était pas le mieux indiqué pour commander l’armée nationale. Il avait proposé au président de nommer à sa place, le colonel Jibril Ould Abdallahi qui avait, selon lui, de meilleures prédispositions pour cet emploi. C’est ainsi que ce dernier avait été nommé le même jour, chef d’état-major national.
Cette réaction digne et spontanée, on ne peut plus correcte, faite dans le bureau du chef de l’Etat et en présence du colonel Jibril, démontre à elle seule que cet excellent officier n’avait aucune ambition pour prendre le pouvoir par la force, et qu’il n’était animé d’aucun sentiment sectaire ou ségrégationniste quelconque. Au contraire, ce comportement montre toute la noblesse de l’homme, sa très grande vertu, son sens élevé de l’honneur, du devoir, de la fraternité, de l’amitié, et son respect absolu de la déontologie de l’officier.
Aveuglé par le pouvoir, le président du CMSN avait oublié ce noble geste du 29 octobre 1985, et avait cherché en vain, à compromettre inutilement, son compagnon d’armes, dans cette désagréable aventure.
Ainsi, ce grand officier s’était trouvé en très mauvaise posture, devant une confrontation surréaliste, qu’on lui imposait avec de jeunes officiers dont la plupart pouvaient être ses enfants, et qui n’étaient liés à lui que par le respect dû à son rang, à son âge et à la considération réciproque, sentiments très appréciés en milieu poular. A l’issue de cette épreuve difficile, le colonel Anne était sorti grandi.
Le héros
Le lieutenant Bâ Seydi de la Marine Nationale condamné à mort, s’était particulièrement distingué par son orgueil, son courage et sa témérité depuis l’enquête préliminaire jusqu’au poteau d’exécution. Pendant la phase instruction, lorsqu’il avait été confronté avec certains de ses subordonnés, il avait dit au juge d’instruction : « Monsieur le juge, mon honneur d’officier m’empêche d’accepter d’être contredit par mes subordonnés, c’est pourquoi je vous demande de considérer comme vrai tout ce qu’ils vous disent me concernant ». Après le verdict, il avait dit à ses avocats : « On avait aucune intention de massacrer qui que ce soit, mais on avait bien l’intention de prendre le pouvoir par la force. Et si c’était à refaire, je suis prêt à recommencer. »
A quelques minutes de son exécution, on lui avait demandé, comme en pareille circonstance, s’il avait quelque chose à dire ou des souhaits à formuler. L’audacieux lieutenant a répondu sereinement à son avocat maître Mohamed Cheine Ould Mouhamadou, avant de regagner le poteau d’exécution: “Oui maître, j’ai deux commissions et un témoignage. La première commission concerne mes parents, ma mère et mon père. Ils sont venus de Boghé et ont beaucoup souffert en apprenant mon arrestation. Ils souffriront encore plus en apprenant mon exécution, je te demande d’aller les voir pour leur demander de me pardonner. La deuxième commission concerne mon frère qui travaille dans une banque de la place, il faut le voir pour qu’il paye une dette de 7000 ouguiya à mon créancier, un boutiquier aux environs de l’hôpital national. Quant au témoignage je voudrais vous prendre à témoins.” Puis il prononça la chahada en arabe: «J’atteste qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que Mohamed est son prophète.”
L’avocat lui avait promis de payer lui-même cette dette et qu’il ferait sa commission pour ses parents immédiatement.
Attachés tous les trois sur les poteaux d’exécution, tenus en joue par trois tireurs à une distance de six mètres, les trois officiers attendaient dignement la fin de leur vie qui ne tenait plus qu’à un ordre du chef du peloton d’exécution. Puis vint le moment fatidique: ” Feu.” Les trois premiers coups partirent, le tireur chargé de tuer le lieutenant BA Seidi le blessa à la hanche, l’officier aurait dit, selon plusieurs témoins, à son bourreau : « Tu m’as blessé, lève le tir, vise très bien ». Seidi BAH. Seidi BAH. Seidi BAH.
Par ce comportement exceptionnellement courageux, ce martyr originaire du Fouta, avait démontré qu’il existait en Mauritanie le 6 décembre 1987 à Nouakchott, des hommes qui avaient, devant l’épreuve de la mort, autant de témérité que le martyr Saddam Hussein exécuté par pendaison le 30 décembre 2006 à Baghdad. Enfin, les trois officiers rendirent leur dernier souffle en implorant Allah au cri d’Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar. LA ILAHA ILLA ALLAH MOHAMEDOUNE RASSOULOU ALLAH.
Puisse ALLAH le tout puissant, accueillir nos martyrs dans son paradis. Puisse-t-il faire que la Mauritanie se réconcilie un jour avec ses enfants du Fouta, du Walo et du Guidimagha.