Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 27/11/2015

FLAMNET RETRO : 28 novembre : INAL, la face sanglante de l’indépendance mauritanienne

Les 28 pendus d'Inal. Crédit : DR

Difficile d’évoquer les festivités qui s’annoncent pour le 28 novembre 2014, jour de l’accession au pouvoir de la Mauritanie. Ce jour rappelle à toute une communauté du pays un moment de son histoire, où le système d’état à sa tête a tenté, littéralement d’oblitérer les forces vives, militaires et intellectuelles noires mauritaniennes. Le 28 novembre 1990, 28 militaires, marins et policiers, tous noirs et pulaars, sont pendus à Inal près de Nouadhibou, après d’innommables séances de tortures rapportées par un des rescapés, Mahamadou Sy, dans son témoignage biographique, “L’enfer d’Inal”.

 

Il y a un an et demi, j’étais invité au Lycée français Théodore Monod à présenter mon dernier recueil de poèmes, «Les musulmans d’Inal» à des élèves de Première L. Devant l’assistance, sera lue le poème éponyme, lecture suivie d’une mise en perspective de ces éléments. Quel choc terrible et inoubliable, de la bouche d’un gamin de 17 ans, à la fin de la présentation :

 

«S’ils ont été pendus c’est qu’ils le méritaient» juge-t-il laconique et visiblement énervé.

 

Cet enfant n’était pas né au moment de cet événement intervenu le 28 novembre 1990, un an et demi après le début des «évènements». Mais j’entendais plutôt son père, et son discours qui reflétait le déni d’une élite du système politico-tribalo-financier en place depuis l’avènement des militaires, qui le lui a inculqué dans la tête. Et le refus de mémoire, donc le refus de cautériser une plaie, parmi d’autres qui tâche le contrat social entre concitoyens, qui pose la question de la cohabitation, qui n’est qu’une question au final politisée par une minorité d’un système.

 

«En quoi le méritaient-ils?» demandai-je, essayant de le pousser dans ses retranchements. Autour de lui ses camarades le regardaient ahuris. Dans l’assistance d’une vingtaine d’élèves, seule une avait entendu parler des pendus d’Inal. «Un ami de mon père y a été pendu» explique-t-elle simplement.

 

«Ils ont voulu faire un coup d’état !» s’enhardit le jeune homme. «Mon père est colonel ; il me l’a dit» continue-t-il. «Et puis les sénégalais nous faisaient la guerre» ajoute-t-il, comme pour paraître informé devant ses camarades qui le regardaient avec gêne.

 

«Laissez-le monsieur, il dit n’importe quoi» soupire une de ses camarades.

 

Mais c’était révélateur d’un malaise social : comment admettre, honnêtement, justement, sans aucun parti pris, que l’horreur a déferlé sur les consciences lors de cet événement. Que tout ce qui s’est passé à Inal durant cette période, était la même forme de manifestation haineuse que ce qu’on a vu quatre ans seulement après au Rwanda, dans des proportions beaucoup plus atroces : la déshumanisation d’un groupe ethnique, social ou culturel, sur la base d’une «infériorité» supposée, pour mieux la liquider. Des «cafards» au Rwanda, des «juifs» à Inal, comme en témoigne Mahamdou Sy dans «L’enfer d’Inal».

 

«Ue civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. (…) … Que déférée à la barre de la conscience, comme à la barre de la raison, cette Europe-là est impuissante à se justifier ; et que de plus en plus elle se réfugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle a de moins en moins de chance de tromper. L’Europe est INDEFENDABLE» commence Aimé Césaire dans «Discours sur le colonialisme». Remplacez «Civilisation» et «Europe» par «système d’état mauritanien» ou «groupe politique criminel» et vous pouvez transvaser ces propos en Mauritanie par rapport à cette question de 1989, qui n’était en réalité, et il faut le dire de temps à autres, par honnêteté historique et intellectuelle, qu’une tentative avortée d’épuration ethnique.

 

Il n’y a pas d’argumentaire à cela, de propos justificatifs. Il y a cette froide et horrible réalité. Il faut l’accepter, en faire la catharsis et avancer, pour le salut du pays entier. Mais la politique de l’autruche, le déni, le mensonge ne sont pas possibles. Comment faire un deuil sans corps ? Comment pardonner sans accusés ? Comment pardonner sans dire la faute ? Une chimère religieuse, morale, sociale et intellectuelle : ça ne passe pas dans le monde réel que l’on vit. Comment justifier cela ? Il n’y a pas de justification, sinon une haine terrible, qui a donné la démence de faire, ce que peu d’êtres humains doués de conscience pourraient faire, chapelets à la main, ablutions apprêtées…

 

C’est le même hébétement qui touche Mahamadou Sy rescapé de cet «enfer d’Inal», au moment même où il assiste à des pendaisons :

 

«Entre deux pendaisons, Khattra s’assoit sur un cadavre pour siroter son verrre de thé ou au pied d’un pendu en récitant le coran. Il va d’un pendu à l’autre, achevant ceux qui tardent à mourir à coups de barre de fer, s’appliquant à porter les coups dans la région du cou. Pendant ce temps Souleymane et les autres préparent les prochaines victimes tout en veillant à respecter l’ordre des numéros.

 

Quand arrive le tour du numéro onze, Diallo Sileye Beye ne peut s’empêcher de pousser un cri. Il recoit un violent coup de pied pour avoir osé perturber le déroulement de la cérémonie. Ses yeux ne se détachent plus de cet homme à qui on est en train de passer la corde au cou. Cet homme qui n’est autre que son petit frère, le matelot Diallo Abdoul Beye, qui cessera d’exister dans moins de trois minutes et que plus jamais il ne reverra. Abdoul Beye ne proteste même pas, il est hissé au bout de la corde sous le regard ahuri de son frère. Il n’y a pas de mots pour exprimer la douleur de Diallo Silèye Beye. Quand arrive le tour de Diallo Oumar Demba et son frère le soldat Diallo Ibrahima Demba (le hasard a voulu qu’ils soient,tous les deux séléctionnés pour les pendaisons et que leurs numéros se suivent, ils ont toujours tenu à rester ensemble), chacun d’eux, ne voulant pas assister à la mort de l’autre, demande à passer en premier.

 

Un tirage au sort organisé par les bourreaux les départage, Ibrahima Demba l’ainé, passe le premier. Le soldat de première classe, Ndiaye Samba Oumar, le chauffeur qui conduisait le véhicule le jour de mon arrstation, fait partie du lot. Le deuxième classe Samba Demba Coulibaly de Djeol, un soldat de mon escadron, qui porte le numéro 28 ferme cette macabre liste. Les pendaisons durent plus d´une heure. Après cela, tel des bêtes excités par l´odeur du sang, le groupe de bourreaux, pris d´une euphorie collective, s´acharne sur les autres prisonniers et tape sur tout ce qui bouge.

 

Conséquences de cette folie collective, cinq morts supplémentaires. Parmi eux, le soldat de première classe Ly Mamadou Ousmane, le seul spécialiste de l´arme antiaérienne de calibre 14,5mm de toute la région militaire.(…) La démence a été poussée jusqu´à symboliser la date du trentième anniversaire du pays par 28 pendaisons. Vingt -huit vies humaines sacrifiées sur l´autel de la bêtise humaine. Plus jamais 28 novembre n´aura la même signification pour les Mauritaniens. Quand certains sortiront dans les rues des villes ou dans les campagnes brandissant fièrement les couleurs nationales sous les youyous des mauritaniens, pour d´autres, ce sera un jour de deuil et de recueillement à la mémoire de ces 28 militaires pendus.»

 

Cet événement doit être rappelé à tous les mauritaniens, pour leur montrer que malgré cette horreur, les choses peuvent être dépassées mais pas, jamais, sans justice. Quelle justice sans vérité ? Quel pardon sans identification de la faute et des tenants de celle-ci ? Ni en droit humain, ni dans le Saint Coran. Le refus d’une telle justice, donc d’une telle réconciliation des cœurs, l’un n’allant pas sans l’autre, a été légalisé par la loi de 1993.

 

La loi d'amnistie de 1993 empêche les familles des victimes de voir leurs plaintes recevables par la justice mauritanienne. Crédit : MLKLa loi d’amnistie de 1993 empêche les familles des victimes de voir leurs plaintes recevables par la justice mauritanienne. Crédit : MLK

 

La loi «scélérate» de 1993

 

La loi «N° 93-23 du 14 juin 1993 portant amnistie» dont l’article 1er disposait qu’une «amnistie pleine et entière est accordée aux membres des forces armées et de sécurité auteurs des infractions commises entre le 1er janvier 1989 et le 18 avril 1992 et relatives aux événements qui se sont déroulés au sein de ces forces et ayant engendré des actions armées et des actes de violence».

 

Pourtant cette loi est reconnue par les avocats qu’elle n’est pas valable. «Elle repose sur une conception erronée de la notion même d’amnistie et viole des normes impératives du droit international auxquelles il ne peut être dérogé. Elle ne peut, donc, faire obstacle à la recevabilité de plaintes, l’investigation des faits, la poursuite, l’arrestation et la punition des auteurs de ces violations» explique l’avocat Omar Ould Dedde Ould Hamady.

 

Le président du collectif des victimes de la répression (COVIRE), Mamadou Kane, victime lui-même de la répression d’état de 1992, va au-delà de cet aspect illégal de cette loi d’amnistie : «On parle d’unité depuis quelques années maintenant dans ce pays. Allez voir ces orphelins et veuves qui sont à dix mètres de nous, qui n’ont jamais pu prier sur le corps de leur parent. Allez leur dire qu’il n’y aura ni vérité, ni justice, ni réparation décente, ni mémoire pour le mal innommable qui leur a été fait. C’est cela que cette loi empêche : déposer des plaintes pour mettre en branle ces quatre points qui constituent la base de la réconciliation dans ce pays».

 

Le cas symbolique d’El Arby Ould Sidi Aly Ould Jiddeine

 

L’ex-colonel El Arby Ould Sidi Aly Ould Jiddeine, ancien vice-président de l’assemblée nationale, est symbolique et significatif à plus d’un titre : il est un des rouages essentiels de l’institution qui devrait permettre l’abrogation de cette loi d’amnistie, et dans le même temps, leCOVIRE le dénonçait clairement et précisément par rapport aux officiers torturés et abattus, dans une liste de ses victimes parue il y a trois ans. «Il a sur les mains le sang de 89 personnes. 89 Bon Dieu ! Et il se trémousse librement sur son fauteuil à chaque session de l’assemblée nationale !» enrageait l’an passé Aboubacri Sy, représentant du collectif des rescapés militaires, (COREMI), lors d’une marche pour l’abrogation de la loi de 1993.

 

Mamoudou Lamine Kane

 

 

 

Mahamadou Sy, auteur de l’Enfer d’Inal, dans une interview exclusive

Mahamadou Sy, auteur de l’Enfer d'Inal, dans une interview exclusive:Le Calame‘’La célébration du 28 novembre à Nouadhibou, chef -lieu de la sinistre base d’Inal, est une insulte officielle à la mémoire des martyrs, une caution à l’impunité’’

Le Calame : Dans une dizaine de jours, la Mauritanie va célébrer le 55ème anniversaire du pays, à Nouadhibou située à quelques encablures de la localité d’Inal, toile de fond de votre célèbre ouvrage, L’Enfer d’Inal dans lequel vous racontez minutieusement comment ont été exécutés, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, des officiers, sous-officiers et soldats négro-mauritaniens par leurs frères d’armes maures. Que signifie, pour le rescapé d’Inal que vous êtes, cette journée du 28 novembre ?

Mahamadou Sy : La décision de délocaliser les commémorations du 55ème anniversaire du pays à Nouadhibou où le président Mohamed Ould Abdel Aziz a tenu ces propos au début de son accession au pouvoir : « Nous savons ce qui a été fait et par qui », Nouadhibou, chef -lieu de la sinistre base d’Inal où plusieurs militaires ont perdu la vie, dont 28 furent pendus pour la célébration du 28 novembre 90, est une insulte officielle à la mémoire des martyrs, une caution à l’impunité.

Mais on ne devait guère s’attendre à mieux avec un pouvoir qui s’est fixé comme objectif la sécurisation à tout prix des bourreaux. C’est d’ailleurs, en compagnie de ces bourreaux qu’il applaudira ces mêmes soldats qui ont froidement assassiné leurs frères d’armes.

Le 28 novembre est désormais souillé depuis ce crime abject commis en son nom par l’armée qui s’est retournée contre ses fils en 1990. Quel homme (mauritanien ou non), sachant ce sinistre épisode de notre histoire, pourrait avoir le cœur à la fête ?

Qui pourrait s’en réjouir en pensant à ces deux frères départagés à la courte paille pour avoir le droit de partir le premier, à Abdoul Beye qui a hérité du numéro 11 de son frère ? Nous savons dans les détails tout ce qui a été fait à Inal. Absolument tout. Nous connaissons le rôle de chacun, y compris ceux qui ont déjà rejoint leurs victimes. La lumière doit être faite et la justice rendue. Autrement, le 28 novembre sera toujours associé à ce crime et prendra progressivement une allure de deuil.

Les chiffres parlent de 513 morts à avoir subi le même sort dans différentes casernes de l’armée : J’Reida, Azlat, Legat, …Comment, à votre avis, de telles exactions ont pu se produire au sein de cette armée mauritanienne ? Y’aurait-il un lien entre les massacres dans les casernes, les déportations de 89 avec la tentative avorté du coup d’état d’officiers négro-mauritaniens de 1987 et la publication du Manifeste du Négro-mauritanien opprimé de 1986 ?

-Beaucoup de personnes ramènent tout à la velléité de putsch de 87, je devrais dire au projet de 87. Il ne faut pas oublier qu’en 1966 déjà le malaise était déjà là. Et il n’a fait qu’empirer jusqu’à ce jour. Le mal n’a jamais été traité par les différents gouvernants. Certains ont même creusé le fossé entre les composantes du pays au point de dresser les uns contre les autres. Ould Taya a carrément basculé dans le génocide.

Ces arrestations dont on parle aujourd’hui visaient l’extermination de toute une communauté, purement et simplement. « Pas un de vous ne restera dans l’armée. Vos cadres y compris vos médecins, tous seront arrêtés … » ou encore « ne tuez pas ceux-là, j’en ai encore besoin ».

Ces propos du commandant de la base d’Inal, Capitaine Sidina, aujourd’hui Colonel et conseiller au Ministère de la Défense Nationale nous reviennent toujours à l’esprit et résonnent encore avec autant d’acuité. Il aurait même été décoré pour services rendus à la nation. C’est connu, «qui veut noyer son chien l’accuse de rage ». Et pourtant en 1990 aucun motif n’a été avancé au moment des arrestations. Il faut croire qu’il n’y en avait pas besoin.

Nul doute que la connexion entre ces différents événements procède d’une politique mûrement réfléchie, visant à la fois, essentiellement l’assimilation d’une communauté et sa marginalisation. Et encore, l’assimilation ne constitue nullement un gage d’acceptation. Il n’est point besoin d’investigation pour le prouver.

-En prenant le pouvoir en 2008, le président Mohamed Ould Abdel Aziz décide de régler ce qu’on appelle ici, « le passif humanitaire ». Dans ce cadre, il a octroyé des « aides » ou des « réparations », d’abord aux ayants droit des victimes, ensuite des rescapés, organisé la prière de Kaédi, reconnu la responsabilité de l’Etat, demandé le pardon puis clôturéle dossier. Quelle appréciation vous faites de la gestion par le pouvoir de ce passif humanitaire ?

-Le président Aziz, qui s’est révélé n’être que le prolongement de Taya, n’a rien réglé du génocide que vous appelez « passif ». Il a même profité de la fragilité des victimes pour protéger et récompenser les bourreaux. Argent contre renoncement aux poursuites. Au départ, il avait dit que son geste était une aide sociale qui toucherait d’abord les veuves.

Cette aide s’est très vite transformée en une vaste campagne d’indemnisations visant à banaliser un génocide. Un fourre-tout où des putschistes aux mains tâchées de sang (1981 et 2003) se retrouvent sur le même banc que des victimes sur lesquels aucune charge n’a jamais pesée. Ces dernières étaient simplement des négro-mauritaniens et cela suffisait pour justifier un génocide.

Ces « réparations » aussi cachent bien des choses dont nous allons énumérer ici un exemple : Un officier maure renvoyé de l’armée en 1988 a perçu la somme de 8.535.244 UM (huit million cinq cent trente cinq mille deux cent quarante quatre ouguiyas) alors que la veuves d’un officier négro-mauritanien, de même grade aura reçu 2.000.000. Tandis qu’un officier rescapé de 1990 aura droit, lui, à 1.200.000. Aucune explication ne peut logiquement justifier cet écart. Le critère ayant déterminé l’évaluation des indemnisations fut l’appartenance ethnique et le clientélisme.

Ce fait montre que les décideurs ne peuvent s’affranchir des fondements racistes d’un système propre à saper toute concorde dans le pays. La lointaine prière de Kaédi aurait dû être une amorce de solution au problème et non une fin en soi, apte à effacer l’ardoise.

Il est clair aujourd’hui que ces « indemnisations » n’ont pas réglé quoi que ce soit. On ne peut pas avoir des centaines d’hommes en mission de défense nationale assassinés, des milliers de civils disparus, des fosses communes essaimées dans tout le sud du pays sans un seul coupable.

L’impérieuse nécessité de la justice se justifie pleinement, en ce sens qu’elle permet d’indexer la gravité des faits et impulser dès lors la mise en œuvre de mécanismes de prévention. C’est la seule voie viable pour le pays. C’est quand même un paradoxe que de tout demander à la victime et rien au bourreau, pas même des excuses. Le mépris est la pire des choses qu’on pouvait infliger aux victimes et ces mesurettes sont une insulte à la mémoire de tous les mauritaniens.

La gestion de ces « réparations » a hélas contribué à diviser COVIRE, collectif des rescapés, en deux tendances, ce qui a affaibli leur combat, en occasionnant le blocage des dossiers des omis et autres revendications. Qu’en pensez-vous ?

– En excellent élève de Taya, le Président Aziz est un as du « diviser pour mieux régner ». Je déplore cette division qui ne peut servir que le régime. De plus elle ne se justifie guère si on considère que l’objectif à atteindre est le même.

-Comprenez-vous pourquoi, dans le cadre de sa volonté politique de régler ce dossier, le pouvoir ne soit pas allé jusqu’à accepter le devoir de vérité et de justice ?

-Ce dossier ne sera jamais réglé par un de nos militaires au sommet de la pyramide actuelle. Beaucoup d’entre eux sont des acteurs de notre passé récent. Ils se cramponnent au pouvoir et se reconvertissent dans la politique pour assurer leurs arrières. Bien entendu, ils auront pris le soin d’envoyer le fiston faire une formation d’officier avant cela, histoire de poser les jalons de la continuité. Beaucoup de dirigeants se croyaient indéboulonnables, mais que sont-ils aujourd’hui devenus ? Tiens, n’y en a-t-il pas un justement au Qatar ? Les autres aussi atterriront dans les poubelles de l’histoire.

– Pourtant les ayants droit des victimes et les rescapés disent être disposés à pardonner, une fois la vérité connue pour faire leur deuil.

-Partout où des drames similaires ont eu une issue acceptable, il a fallu discuter et trouver une voie. Je comprends que chaque peuple ait sa particularité, mais on ne peut sauter l’étape de la justice. Les coupables qui jadis, étaient des officiers subalternes, pour ne parler que de ce rang, sont aujourd’hui des colonels et des généraux, donc investis d’un pouvoir de destruction multiplié par cent. Le négro-mauritanien n’est pas un individu belliqueux et revanchard, c’est quelqu’un de profondément patriote, l’histoire nous le démontre. Il est capable de se dépasser et faire preuve de lucidité dans l’intérêt de son pays.

-Pour dire non à l’omerta qui entoure ce dossier, les associations de défense des victimes, des rescapés, certains partis politiques et des mouvements dont IRA Mauritanie ont effectué un pèlerinage à Inal en 2011 et en 2012. Que reste-t-il de cette expédition ?

En effet, après 21 ans, deux pèlerinages ont été effectués à Inal en 2011 et 2012 grâce à l’engagement de certaines organisations internes dont Kawtal, IRA, SOS Esclaves, les Veuves, COVICIM, COVIRE, TPMN … plus d’autres venues de la diaspora, d’élus et des mauritaniens de toutes les composantes, sans oublier ces journalistes qui ont fait le voyage.

Ces pèlerinages ont permis de montrer qu’Inal n’était pas une fable. Mais une nouvelle fois, le Président Aziz essaie de noyer les martyrs dans un projet de campagne de cartographie des sépultures des victimes de 1981 à 1992. Il faut toujours qu’il y associe autre chose dès qu’il faut toucher au génocide.C’est là une forme de lâcheté, un manque de courage pour appeler un chat, un chat et un génocide, un génocide et le traiter comme tel.

D’ailleurs le ministère en charge du dossier de cette cartographie, semble avoir remisé le dossier au fond de ses tiroirs La construction d’un mémorial à Inal était envisagée pour le troisième pèlerinage. Bien entendu, il aurait été souhaitable que ce soit l’Etat qui érige ce monument, mais au contraire il fait tout pour maintenir les martyrs dans l’anonymat.

-Depuis quelques années, les populations de la vallée du fleuve dénoncent l’accaparement de leurs terres par les hommes d’affaires mauritaniens, d’abord et par des investisseurs étrangers avec l’appui de l’Etat. Les exemples se multiplient au Trarza et au Brakna. Que pensez-vous de la gestion par le gouvernement de ce dossier ?

-Depuis la construction des barrages de Diama et de Manantali, le sud du pays est devenu la convoitise des hommes d’affaires mauritaniens, et plus récemment des investisseurs des pays du Golfe. Ce serait une des raisons non avouées du pouvoir en place de l’époque qui ont conduit aux déportations à tour de bras de villages entiers. Avec ces barrages, les terres Sud pourraient constituer le vivier de la Mauritanie. Il fallait développer la zone sans les populations locales et Diawara a servi de détonateur.

Le retour des déportés n’est pas une idée du Président Aziz mais de son prédécesseur sous lequel la procédure, bien que très critiquable, a débuté. Critiquable sous Sidi Ould Cheikh Abdallah, elle a empiré, comme tout le reste d’ailleurs, sous Abdel Aziz Les autochtones qui sont rentrés de ces déportations n’arrivent pas à récupérer ni leurs terres ni leurs villages.

Ceux qui sont parvenus à se réinstaller chez eux sont à l’image de Donaye, condamnés à vivre encerclés par le fleuve d’un côté et de l’autre par des terres devenues désormais la propriété d’hommes d’affaires mauritaniens ou des pays du Golfe. On voit dans un film de Djibril Diaw, les villageois de Donaye traverser le fleuve pour enterrer leurs morts au Sénégal parce que même leurs cimetières ont été confisqués.

Les seules réponses apportées par le pouvoir, sont une nouvelle fois, la démonstration de sa capacité à réprimer sauvagement et l’arrestation arbitraire de Djiby SOW de, Brahim Ould BILAL et Biram Dah ould ABEID.

Cette arrestation ressemble plus à une volonté de casser cette dynamique de rapprochement des communautés négro-mauritanienne et haratine qu’à autre chose. En effet, depuis quelques années ces deux communautés ont de plus en plus travaillé ensemble.

-Après son retour en Mauritanie, la direction des ex Flam a décidé de créer un parti politique dénommé Front des forces du progrès (FPC). Les services du ministère de l’intérieur ont rejeté la demande de reconnaissance de ce parti. Un commentaire ?

-N’ayant pas discuté avec Monsieur Samba THIAM, président des FPC et ancien président des FLAM, mes propos ici n’engagent que moi. Je suppose qu’ils ont dû recevoir des garanties quant à la liberté d’apporter leur contribution à la construction du pays. L’autre a la promesse facile.

Aziz est et restera un militaire : une éducation qui commence par « le chef a toujours raison » ne laisse aucune place à la démocratie. On aura beau aligner dialogues et élections, le chef aura toujours raison. En contorsionniste aguerri, il fait rejeter la création des FPC. Une décision illégale. Des partis mono-colores existent en Mauritanie.

A leur création, ils sont ouvert à tous les mauritaniens. Maintenant si les membres d’une communauté ne veulent pas y adhérer parce qu’ils ne s’y retrouvent pas, c’est leur droit. Il faut laisser les gens convaincre par leur travail sur le terrain. Tel devrait être l’attitude d’un dirigeant et non prendre position aussi tranchée.

Le Colonel Oumar Ould Beïbacar, à travers ses écrits, a levé le voile sur ce que beaucoup des mauritaniens ne voulaient pas voir. L’ogre mangeur d’enfants était en fait une création imaginaire pour servir les sombres desseins des tenants d’une Mauritanie mono culturelle. Le Sud accueille avec joie tous les partis, pourquoi refuser à nos compatriotes du Nord la possibilité de rencontrer ceux du Sud qui auraient un programme à leur soumettre légalement ? Et puis, le meilleurs moyen de résoudre le problème de la cohabitation, ne serait-il pas le partage du pouvoir voire même une alternance au sommet ? Pourquoi pas ?

-Que pensez-vous des différentes sorties de l’officier de l’armée à la retraite , Oumar Ould Beibacar qui est revenu sur qui s’est passé au sein de l’armée (exécutions sommaires des négro-africains, les FLAM et la tentative de coup d’état de 1987….) ?

-L’occasion de connaitre Monsieur Oumar Ould Beïbacar ne m’a pas été donnée. J’ai, comme beaucoup de mauritaniens, lu les lignes que lui consacrait Boye Alassane dans « j’étais à Oualata ». Ses sorties d’aujourd’hui ne contredisent pas ces lignes, pas non plus les propos de Feu LY Djibril Hamet (paix à son âme) dans une vidéo, sans oublier d’autres personnes qui l’ont connu à l’époque des faits en dehors de Oualata. C’est bien la première fois qu’un officier de son rang s’exprime aussi clairement sur ce sujet.

Ces témoignages constituent une importante contribution dans la recherche de la vérité pour un tribunal, objectif ultime de la lutte contre l’impunité. J’ai aussi vu des voix discordantes d’ex prisonniers de Oualata. Moi je n’y étais pas et ne peux donc m’appuyer que sur les dires et écrits des uns et des autres plus les faits actuels. J’aimerais voir d’autres compatriotes maures, tortionnaires ou pas s’exprimer sur le sujet parce qu’ensemble, nous trouverons plus vite une solution à ce drame. Une communautarisation de la solution n’en facilitera pas l’issue.

Propos recueillis par Dalay Lam

Fondation Mokhtar Ould Daddah: La Goutte qui fait déborder le vase !

altLe dernier conseil des ministres a entériné jeudi la décision de retrait de reconnaissance d’utilité publique de la Fondation Mokhtar Ould Daddah.

La décision prise en conseil des Ministres intervient après la déclaration faite par Marième Daddah, la présidente de la Fondation Mokhtar Ould Daddah, qui s’était insurgée contre l’attribution du nom de Oum Tounsi à l’aéroport en construction.

Le conseil a justifié cette sanction contre l’ex-première dame du pays par « un manquement manifeste de ladite fondation à s’acquitter de ses obligations conformément à la règlementation en vigueur ».

Néanmoins, il ne s’agit là que d’un alibi pour sortir l’association de ce statut après la déclaration largement diffusée par sa présidente. Une déclaration qui ne semble pas du goût des autorités en place.

Notons qu’une vive polémique a surgi lorsqu’un officier à la retraite, opposé au président Aziz, le Colonel Beibacar s’est déclaré contre l’appellation du nouvel aéroport encore en construction, 80 kms à l’ouest de Nouakchott. 

 

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