Daily Archives: 10/11/2015
Mauritanie/CEDEAO : l’épineuse question des engagements consolidés de la Mauritanie à l’OMC !
Mohamed Ahmed El Kory – Comme l’ont si bien deviné, les différents experts qui ont assisté la Mauritanie dans le cadre des études d’impact des Accords de Partenariat Economique (APE) sur son économie, les éventuelles retombées bénéfiques des APE seront meilleures dans le cadre d’un accord d’association avec la Communauté des Etats de l’Afrique l’Ouest (CEDEAO) dont la population va dépasser les 400 millions de personnes en 2020.
Aujourd’hui, tout porte à croire que la Mauritanie va adhérer au Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO et, progressivement, à tous les mécanismes des échanges de cette organisation sous-régionale dont la Mauritanie, membre fondateur, s’était retirée en 2001.
Ce nouveau TEC CEDEAO va entrer en vigueur en janvier 2016 entraînant la chute des barrières douanières entre les 15 pays de la CEDEAO que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée Conakry, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, le Togo et le Cap-Vert.
Bien que les effets du TEC de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) aient donné des résultats en dents de scie selon les pays, la CEDEAO, avec son nouveau TEC, compte renforcer sa capacité d’offre, créer des emplois et relancer un commerce intra-régional biaisé par le poids des importations principalement en provenance de l’Europe.
Initialement, la CEDEAO avait repris les quatre bandes (avec des droits de douane variant de 0 à 20%) de l’UEMOA mais le besoin de protéger certains secteurs stratégiques s’est posé avec de plus en plus d’acuité, si bien que l’ajout d’une 5ème bande (50%) comme l’avait très tôt réclamé le Nigeria est devenu évident. Finalement, les membres de la CEDAO ont trouvé un consensus, mi-figue mi-raisin, pour ramener cette 5ème bande à un taux de 35%.
Un enjeu important de la nouvelle stratégie d’intégration de la CEDEAO consistera donc à mettre en place une liste régionale (à l’image de celle des produits sensibles – APE) de produits à inclure dans cette 5ème bande.
Pour la Mauritanie, les services concernés (Ministère du commerce) doivent plancher, sans délais, sur cette question pour reconsidérer le reclassement des produits nationaux en tenant compte de cette nouvelle donne. Vaste programme comme dirait l’autre… !
Autre bémol et pas des moindres, certains pays de la CEDEAO ont des engagements multilatéraux auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce OMC) qui risquent de constituer des goulets d’étranglement malgré leur volontarisme en matière d’intégration régionale.
Le Dr El Hadji Abdourahmane Diouf, juriste sénégalais, ancien de l’Université de Genève a mis en évidence dans ces nombreuses contributions que « cet état de fait pose juridiquement deux problèmes : le fait que le TEC soit supérieur aux engagements consolidés à l’OMC pour certains pays de la CEDEAO ; et l’impact négatif possible du relèvement des droits de douane de la CEDEAO sur les pays tiers (membres de l’OMC). »
Pour les non initiés, il est utile de rappeler ici que la consolidation tarifaire est « l’engagement de ne pas relever un taux de droit de douane au dessus d’un niveau convenu.
Une fois qu’un taux de droit est consolidé, il ne peut pas être relevé sans qu’une compensation soit accordée aux parties (pays) affectées. » Les taux consolidés par les pays de la région varient considérablement selon que l’on se place dans le secteur agricole ou le secteur industriel.
L’auteur constate que généralement les taux consolidés pour les produits agricoles sont relativement élevés et dépassent les 35% prévus avec quelques exceptions comme le Sénégal (29,8%) et la Côte d’Ivoire (14,9%).
Pour ce qui est des produits industriels, il y a un groupe de pays qui vont poser problème, de l’avis de l’auteur. Ce sont la Côte d’Ivoire qui a consolidé à 9%, le Bénin à 11.4 %, le Burkina Faso à 13.1%, la Guinée Conakry à 10%, le Mali à 15.5%, la Mauritanie à 10.5%, le Sénégal à 30% et dans une moindre mesure, le Ghana à 34.7%.
Ainsi donc, l’application du nouveau TEC CEDEAO, tant pour les produits agricoles que pour les produits industriels, butera sur le niveau des engagements pris individuellement à l’OMC, notamment pour les Etats de la région dont les droits appliqués sont supérieurs aux droits consolidés.
Voilà des questions importantes pour la Mauritanie (avec un taux consolidé dans la ligne rouge) auxquelles les cadres du Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme doivent trouver des réponses techniques dans les meilleurs délais pour réussir les velléités d’arrimage à la CEDEAO.
Mohamed Ahmed El Kory
Economiste
Expert en Droit de la Propriété Intellectuelle
medahmedd@yahoo.fr
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