Daily Archives: 11/03/2011
A-t-elle vraiment pris en Mauritanie ?
L’information a circulé, d’abord, sur la toile, à travers les forums sociaux. Puis, peu à peu, elle est évoquée, d’une manière sommaire, dans les médias. Ensuite, elle est reprise par l’opinion, sans qu’elle ne soit véritablement prise au sérieux, la révolution de la jeunesse mauritanienne. Or, celle-ci semble être décidée à marquer sa journée. A l’instar de la jeunesse tunisienne et égyptienne, qui chacune se réclame d’une date, respectivement, le 17 janvier et le 25 janvier, la jeunesse militante mauritanienne s’identifie, désormais, à la journée du 25 février. La veille de cette date, le Premier ministre, comme par hasard, s’était déplacé dans un quartier déshérité et avait promis, en plus de dix-sept mille emplois, une journée de grande générosité. Tout en rappelant le droit à manifester garanti, dit-on, par la Constitution. En plus, c’était un vendredi. Dans un pays musulman, c’est une journée de charité, propice pour les offrandes. Où, justement, les populations pauvres de la ville ont pu profiter d’une distribution gracieuse de poissons et même de terrains.
Pour les jeunes, qui se mobilisaient déjà depuis quelques temps, sur le tentaculaire Facebook, le poisson frais, de premier choix soit-il, ne figurait, visiblement, pas, en priorité, sur la liste de doléances, ce jour-là. Après la prière du vendredi, quelques petits groupes de jeunes commençaient à investir la place des blocs, baptisée, pour l’occasion, ‘’Place de la Liberté’’. La journée était, particulièrement, chaude et poussiéreuse. A 17 heures, le nombre de manifestants est considéré, par certains organisateurs, en deçà, des espérances. De l’autre coté, les soutiens du pouvoir, dans un élan euphorique se délectaient de ce qu’ils n’hésitaient pas à qualifier d’échec. ‘’ Cela, réconforte ce qu’on a toujours dit et répété.’’ La Mauritanie n’est pas comme la Tunisie, ni comme l’Egypte.’’ Vers dix-huit heures, l’affluence s’était relativement améliorée, mais certains initiateurs espéraient beaucoup plus, même si d’autres jugeaient qu’il s’agissait d’un bon départ. La police qui s’était positionnée, à proximité, n’était mandatée qu’à réguler la circulation de la grande avenue, qui a connu, une fébrilité inhabituelle, dans une journée de repos.
Les pancartes et banderoles brandies déclinaient des slogans aussi variés que le sont les origines des différentes groupes qui constituaient la manifestation. Chacun roulait pour son propre agenda. En tout cas, on pouvait lire des slogans inspirés d’ailleurs. Sur les pages facebook animées par les jeunes contestataires, on ne peut qu’être surpris par le grand intérêt qu’accordent ces jeunes à ce qui se passent dans les pays arabe et, en particulier, l’Egypte et la Tunisie où les jeunes ont déjà gagner leur bataille. C’est une école d’apprentissage pour les révolutions cybernétiques. Une information, par exemple, relative à un exploit réalisé par la jeunesse égyptienne, au Caire, est passée en boucle. Les Tunisiens s’en inspirent, non sans jalousie, et l’accommodent au contexte tunisien, en lui apportant des améliorations. La jeunesse mauritanienne se nourrit de cet univers, où les jeunes arabes rivalisent dans les techniques de révolutions technologiques.
Après cette première sortie, les débats, dans les forums sociaux ont porté essentiellement sur la nécessité d’améliorer le niveau de mobilisation.
Le second rendez-vous, pour une autre manifestation, qui était fixé pour le mardi d’après avait drainé plus de monde. Le slogans et discours étaient plus homogènes. Les différents groupes, qui ne se communiquaient que virtuellement, ont pu faire connaissance, les uns les autres, et ont parvenu à travailler, ensemble, dans le réel, sur les actions à futures. La troisième manifestation était sensiblement plus imposante que les deux premières.
Si le pouvoir a adopté une politique de retenue, en évitant toute logique de force, il n’en demeure pas moins qu’il s’est investi, par personnes interposées, à véhiculer une image quelque peu réductrice sur cette jeunesse. Certains milieux proches des sphères du pouvoir évoquaient une manifestation à caractère tribale.
Le mouvement prend désormais de l’ampleur. Les jeunes révoltés se sentent de plus en plus en forme. On s’accommode de la solution contestataire. Ces jours-ci, plusieurs floués et frustrés de l’Administration publique et des sociétés étatiques s’inspirent de cette méthode.
Et la suite…
Si, le rendez-vous, bihebdomadaire (vendredi et mardi) place des blocs, continue crescendo, le pouvoir risque bien d’être pris de court. Même, si, aujourd’hui, le pouvoir peut faire facilement la traçabilité de certains segments des contestataires en les rattachant aux milieux d’opposition. Ce qui conduirait le pouvoir à un raccourci, en cas de pourrissement de la situation, en faisant appel sérieusement aux ténors de l’opposition pour amorcer le débat tant réclamé par celle-ci. Mais, là les jeunes, devenus, entre temps, de plus en plus nombreux, dans la Place des Blocs, ne se reconnaîtraient qu’eux-mêmes. Ce jour-là, ils n’appartiendraient qu’à cette place qu’ils ont baptisé ‘’ Place de la Liberté’’. Ils s’identifieront à cette place. Elle sera leur formation politique. Alors, les leaders de l’opposition n’auraient pas assez de marge de manœuvre et seraient contraints de rejoindre la foule. Quand ce mouvement prendra de l’ampleur dans la capitale politique, la contagion touchera bien des provinces.
Toutefois, le pouvoir pourrait recourir à l’usage de la force. Mais, en a-t-il vraiment les moyens ? On sait que le pays est en guerre, non déclarée, contre les mouvements terroristes. Mohamed Ould Abdel Aziz a déployé environs quatre mille hommes sur les frontières maliennes. L’effort de guerre est énorme. La pression de ce coté est assez forte. Elle pèse aussi bien sur le plan sécuritaire que sur le plan pécuniaire. Dans une guerre l’intendance doit suivre nécessairement ! Le président de la République aurait-il la force, dans pareilles conditions, de garder raison face à un mouvement de contestation qui s’étendrait sur toute l’étendue du territoire nationale ?
Serait-il entendu par ses hommes, quand il irait les impliquer dans une opération de maintien de l’ordre ? Ou bien, seraient-ils, ces hommes assourdis par les chants provenant des jeunes manifestants de la Place de Blocs ?
AVT- BILADI
Editorial:Une jeunesse”facebook”, un pouvoir médiocre, une opposition vieille
Il est clair que nous traversons une période trouble. Les répercussions de la révolution arabe ne peuvent nous épargner. Du Bahreïn à la Lybie, les peuples se réveillent et crient leur ras le bol. Les systèmes politiques tremblent mais aussi les arcanes qui soutiennent l’existence des nations. Sommes-nous assez bien assis pour résister au choc ? Il y a le fait que nous avons une classe politique qui ne sait pas lire avec les lunettes du présent. Le pouvoir se complait de plus en plus à écouter les voix chantantes de ses applaudisseurs. Le zèle malsain et hypocrite est souvent assimilé au militantisme. Les jeunes manifestants de notre « place Tahrir » si immatures et si peu nombreux se sont vus envahir l’autre jour par une masse de faux militants du parti au pouvoir venus crier leur dévolution aux autorités. Le résultat : ces héros d’un jour « prêts à défendre le Président » ont été obligés de s’enfuir honteusement devant une attaque menée par de petits voyous qui eux comprennent bien que ces « militants » ne sont venus que pour se faire voir et quémander des faveurs. Le malheur, c’est que cette race de « militants de l’UPR » se retrouve de plus en plus dans les arcanes de l’Etat et de l’administration. Le langage de bois reste aussi la règle dans les médias publics qui chantent chaque moment, à tue-tete, le Président, sa sollicitude pour les mauritaniens de l’extérieur, son poisson, ses boutiques… Tout ce qui se fait se fait en son nom. Vieux discours de tous les régimes et que connaissent bien ces pouvoirs arabes qui tremblent ou sont déjà tombés.
Dans nos médias comme d’ailleurs partout la médiocrité est un critère essentiel pour le choix des responsables, tant il est vrai que ce sont toujours les plus médiocres qui affichent le plus bruyamment leur amour immodéré du « Patron »
Ajoutez à cette insulte de chaque jour faite à l’intelligence des gens, l’appauvrissement visible de la classe moyenne, le grognement des plus pauvres et la mine des mauvais jours affichée par le monde des affaires.
L’opposition classique, qui aurait dû être prête à remplir l’office revendicatif, n’a plus de voix. La jeunesse ne sait plus se reconnaitre en ces vieux opposants au langage trop passéiste et qui ne comprennent plus le langage d’aujourd’hui. Leur totale incapacité à impulser le changement est connue et reconnue par les jeunes…
Que reste-t-il donc comme voix alternatives. Une jeunesse «facebook», fort peu cultivée, fort peu expérimentée, fort peu organisée et qui crie «changement» sans savoir au juste où aller. C’est là un danger certain pour l’avenir, un danger qui ne saurait être conjuré si la classe politique de tous bords n’accepte pas de s’écouter et d’écouter le peuple et la jeunesse.
BILADI