Daily Archives: 27/10/2011
Entretien avec le président Messaoud Ould Boulkheir au lendemain de la signature de l’accord entre le pouvoir et une partie de l’opposition
Le Calame: Le pouvoir et l’opposition dont vous faites partie viennent de sceller, après un mois de négociations, un accord politique. Quel sentiment éprouve celui qui en aura été le principal artisan?
Messaoud Ould Boukheir: Un sentiment de satisfaction mais pas d’autosatisfaction, un sentiment de fierté d’avoir ajouté, avec d’autres, une pierre à l’édification d’une Mauritanie nouvelle, une Mauritanie plus consensuelle, plus démocratique. Il était de notre devoir, en tant que politiques, de contribuer à «performer», pour autant que le terme existe, les instruments de notre jeune démocratie. Ce dialogue aura été une occasion de s’y employer, avec d’autres, et le résultat, je le pense en toute modestie, est à la hauteur de nos espoirs. Il reste, maintenant, à voir ce qu’il en sera, demain, pour l’opinion nationale.
Parmi les nombreux points de l’accord, quel est celui qui vous satisfait le plus et pourquoi?
Celui qui me satisfait le plus concerne, bien évidemment, la recherche constante des garanties de transparence des scrutins, avec la mise en place d’une CENI indépendante, ayant, pour principale mission, le contrôle, en amont et en aval, des opérations électorales. La nouvelle structure vient mettre fin à l’interférence de l’administration, comme nous y avons été habitués, durant des décennies, lors de chaque élection. La mise en place de cet organe de contrôle et, surtout, de validation des résultats – car, comme vous le savez, pour nous, opposants politiques, ce qui nous intéresse, dans une compétition électorale, dans la lutte pour une alternance démocratique et pacifique, c’est de nous assurer que les résultats ne soient pas truqués, détournés ou confisqués, au profit de la partie adverse – cette mise en place, dis-je, constitue la principale garantie d’élections apaisées. Les élections transparentes sont, comme nous le savons tous, la clef de voûte de tout système démocratique. Observez partout, autour de nous, ce que les scrutins contestés ont engendré.
L’autre étape cruciale reste la mise en œuvre de l’accord. N’éprouvez-vous pas d’appréhensions, compte-tenu de la longueur de temps prise par les négociations?
Je n’ai aucune appréhension. Je ne doute, aucun instant, de l’exécution des termes de cet accord. Je pense que les acteurs qui ont décidé de s’asseoir autour d’une table – nous-mêmes, en tant qu’opposition, d’une part, et, d’autre part, le pouvoir – sont, tous, animés de bonne volonté. Si le pouvoir n’avait pas fait montre de sa disponibilité, quant à cette mise en œuvre, nous n’aurions jamais abouti à ce résultat. Je reste, donc, persuadé que le président de la République tient à respecter ses engagements, à prouver à l’opinion, comme il me le répète, à moi, chaque fois que nous avons eu l’occasion de nous rencontrer, que son souci, à travers ce dialogue, est de mettre sur pied une véritable démocratie, une démocratie apaisée, basée sur la concertation, une démocratie garantissant une alternance au pouvoir, par la voie des urnes et non plus jamais par la force des armes, et que la seule garantie de tout cela demeure des élections transparentes, pour que le pouvoir échoit à celui que le peuple se sera démocratiquement choisi, et plus jamais à celui qui s’en empare par des voies anticonstitutionnelles. La transparence des élections, ça a été et demeure notre combat permanent. Fort donc de tous ces paramètres, je n’ai aucune appréhension, aucun doute sur la mise en exécution de cet accord, mais si cela devait advenir, je n’hésiterais point à le manifester.
Une grande partie de l’opposition démocratique n’a pas pris part au dialogue. Que comptez-vous faire, une fois l’accord signé, pour les amener à s’y associer?
Je ne suis ni le porte-parole, ni le parrain, encore moins le tuteur de cette opposition; grande ou petite, c’est selon votre appréciation. Il s’agit de gens responsables et je pense qu’à un certain moment, j’ai fait ce que je pensais devoir faire, en mon âme et conscience et en toute transparence, avec la clarté requise. J’ai consacré toute mon énergie, pendant plusieurs mois, pour ne pas dire une année, avec ces ex-camarades – quand ils redeviendront mes camarades, je vous le dirais – pour essayer, avec bonne foi, de les convaincre à nouer le dialogue avec le pouvoir. Je me suis évertué à en prouver la nécessité et, au lieu de me suivre en cette voie, ils ont, tous, choisi de me bouder; pire, ils m’ont dépeint avec les traits d’un loup dans la bergerie, comme un agent ou une taupe, au sein de la COD, et ça, je ne le pardonne pas, je ne le leur pardonnerai jamais, parce que j’estime que j’ai choisi ma voie en toute conscience. Ils ont choisi la leur, c’est leur problème et il leur appartient de continuer sur leur lancée ou de réviser leur position. Pour tout vous dire, donc, je n’ai pas de proposition à leur communiquer, parce que j’ai choisi de faire de la politique, non pas par rapport à eux, mais, bien plutôt, par rapport à l’opinion nationale mauritanienne. C’est à elle de juger. A ce que je sais et sans exagération, cette opinion a salué notre initiative, avant d’accueillir, très largement aujourd’hui, l’accord qui vient d’être scellé, entre nous et le pouvoir. Que les partis de l’opposition en approuvent ou réprouvent les résultats, cela n’ôte, en rien, leur caractère réel. Allez promener votre micro à travers toute la Mauritanie, vous constaterez la forte adhésion de l’opinion nationale et, comme je vous le disais avant notre entretien, c’est le sentiment des Mauritaniens, par rapport aux résultats, qui importe, plus que le mien. Vous verrez, sans aucun doute, qu’ils applaudissent, tous, à cet accord. Pour ma part, j’en suis, évidemment, très fier, pour mon parti et pour l’ensemble de ceux qui ont bien voulu nous accompagner, dans cette entreprise de dialogue, afin de faire franchir, à la Mauritanie, ce grand pas décisif.
Celui qui est considéré, par l’opinion, comme le Mandela mauritanien, ne doit-il pas, quand même, se lasser d’en appeler toujours au dialogue et au consensus?
Vous savez, au moment où ils se présentaient, tous, comme mes amis, toute la Mauritanie me voyait, comme on le dit chez nous, comme un «gougouh». Quelqu’un d’associable, qui suscite, çà et là, des divisions, sème la haine. C’est sous cette image qu’on m’a longtemps présenté. Au lieu de me décourager, j’ai continué, au contraire, mon petit bonhomme de chemin et, aujourd’hui, Dieu merci, l’opinion me présente sous d’autres traits, m’accorde toute sa confiance, parce qu’elle s’est rendue compte que ce qu’on racontait sur ma personne n’était que mensonges. Comme je l’ai dit tantôt, mon baromètre, c’est l’opinion publique nationale, directe, non à travers le prisme des acteurs politiques. Celui-ci m’importe très peu, parce que tout ce qu’ils diront sera en deçà de ce qu’auront dit de moi les différents pouvoirs qui se sont succédé, en Mauritanie, avec beaucoup de plus de forces et de moyens de propagande, mais cela ne m’a nullement empêché de rester débout. Que dix, vingt, voire trente partis tapent sur moi, cela ne changera rien de ma détermination. C’est Dieu qui a voulu que je reste moi-même, pas quelqu’un d’autre, en dépit des coups qu’on m’a assenés continuellement.
Un mot à l’endroit du président Boydiel?
C’est un grand homme, ma chaa Allahou, à tout point de vue. Le président Boydiel est un ami, nous avons accompli notre parcours politique, d’abord ensemble, avant de nous séparer, pour des raisons tout aussi politiques. Il a choisi son camp, j’ai choisi le mien mais nous avons gardé, l’un pour l’autre, un respect mutuel. Son soutien ne m’a jamais fait défaut et, dernièrement, sans aucune concertation, sans complot, nos idées se sont croisées, au sein de la COD, nos positions par rapport au dialogue aussi. Il s’est fortement investi en celui-ci, avec dextérité, avec honnêteté, et j’ose croire que, sans lui, sans son engagement sans faille et son ample vision, nous n’en serions pas là. Je dirai que le mérite revient beaucoup plus à lui qu’à moi.
Propos recueillis par Dalay Lam-LE CALAME
Dialogue inclusif national: Premiers couacs?
Opposition et majorité seraient-elles en passe de perdre leur pari? Les deux parties peinent encore aujourd’hui à dégager une commission chargée du suivi des résultats du dialogue national inclusif. Normalement une telle commission devait voir le jour le 19 octobre. Malgré tout, l’opposition reste tout de même optimiste.
«La mise en place d’une commission chargée du suivi des conclusions du dialogue ne saurait tarder», a rassuré ce mercredi Boidiel Ould Houmeid dirigeant d’El Wiam et président de la délégation des partis de l’opposition qui ont pris part aux pourparlers qui se sont déroulé au palais des congrès. Selon Ould Houmeïd, «les membres qui devaient siéger au sein de la commission sont désormais connus». Du côté de l’APP, on ne s’alarme pas outre mesure; l’essentiel pour le parti de Messaoud étant de respecter la parité en ce qui concerne la constitution de la commission. Le nombre des membres de l’opposition qui devaient siéger en son sein doit être égal à celui des membres de la Coalition des partis de la majorité. Cependant à l’AJD/MR de Sarr Ibrahim Moctar, l’heure est au mécontentement: Le parti dénonce le fait qu’il soit mis à l’écart, et réclame une implication dans la constitution de la commission chargée du suivi des résultats du dialogue.
Samba Camara
Noor Info