Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 01/06/2015

Humeurs entre Setif et Tidiane N’Diaye…

Oui il fallait évoquer ce 8 mai 2015 les massacres de Setif du 8 mai 1945. Je remercie monsieur le maire d’avoir eu le cœur de mettre en exergue le côté sombre de notre commémoration. Il s’agit de la même date et notre devoir est de rappeler qu’alors en métropole nous nous libérions du nazisme en même temps nous réprimions en Algérie une volonté d’émancipation en opérant un massacre. J’évoquais déjà ces massacres sur ce blog en 2010 dans un post intitulé: 8 mai un week-end chargé. Et tout dernièrement encore en avril dernier…http://www.michel-tabanou.net/2015/04/8-mai-1945-la-france-avec-70-ans-de-retard.html . Alors assurément il fallait mettre en lumière cette Marianne républicaine qui tel un Janus en ce 8 mai 1945 présentait deux visages; celui de la liberté retrouvée de la nation fêtant la fin d’une odieuse et criminelle occupation allemande et celui d’un refus de l’émancipation d’un peuple soumis qui avait participé de son sang à notre propre libération!

Et aujourd’hui veille du 10 mai comment ne pas évoquer ce crime odieux contre l’humanité: l’esclavage? Certes l’esclavage est illustré aujourd’hui par ce Crime du commerce triangulaire mais ne peut se contenter de ce segment trop réduit tant dans son histoire l’humanité n’a eu de cesse de développer cette sorte d’économie, de domination. Prendre conscience comment même des textes “sacrés” entérinent l’esclavage… Et qu’aujourd’hui plane sur cette question un déni que certains auteurs courageux finissent par aborder. J’en veux l’exemple de Tidiane N’Diaye. On s’apprête à fêter la “Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition” axée principalement sur la traite transatlantique. Pan tragique de notre histoire mis en exergue. Mais… Mais l’Europe n’a pas eu le monopole de la traite. Il y a eu d’autres traites, au moins et sinon plus importantes, à savoir les traites orientales et transsaharienne s organisées par les Arabes. Ces dernières furent tout aussi violentes et dévastatrices pour l’Afrique et leurs descendants que la traite transatlantique, et cautionnées par l’islam tout comme le christianisme a pendant longtemps justifié l’esclavage. Importance du livre ” sacré” dont les remises en question impossibles ont autorisés les justifications de la mise en esclavage et surtout de sa permanence comme système économique de domination. J’en reviens donc au courage de ceux qui s’opposent au déni et mettent au défi ceux qui veulent tout simplement ne pas regarder leur histoire droit dans les yeux. Tidianne N’Diaye écrit: ” Alors que la traite transatlantique a duré quatre siècles, c’est pendant treize siècles sans interruption que les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne ” ” La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains et de la castration généralisée “.

Aujourd’hui j’ai cette neuve de rappeler l’interview qu’il a accordé à la chaîne Outre-Mer 1ère lors de la publication de son ouvrage ” le génocide voilé ” publié chez Gallimard. Ce n’est pas la première fois que je cite les travaux de l’économiste et historien sénégalais. C’est un homme absolument remarquable qui mérite toute l’attention des humanistes.

Sur un plan historique, écrivez-vous, la traite négrière est une invention du monde arabo-musulman. Comment cela ? 
Tidiane N’Diaye :
“J’ai l’habitude de rappeler que mon travail ne cherche à communautariser ni l’histoire ni les mémoires. Ce qui serait la porte ouverte à une hiérarchisation victimaire, donc une approche dénuée de tout caractère scientifique. Par conséquent pour ce qui nous intéresse ici, puisque j’ai titré cet ouvrage ” Le génocide voilé “, faisant allusion à la castration massive que subissaient les captifs africains, au cours de la traite arabo-musulmane, je n’ai pas oublié de rappeler d’abord, que les premières victimes de cette calamité furent les Slaves, que les Vénitiens et les Marseillais allaient razzier en Europe centrale et orientale, pour les vendre aux notables du monde arabo-musulman. Cela devait durer toute l’époque carolingienne au Xème siècle sous les monarques saxons Henri l’oiseleur et Otton Ier. Comme on sait, il fallut l’émergence d’États puissants en Europe de l’Ouest et l’arrêt de l’expansion arabe aux Pyrénées pour que cela cesse. Et c’est pour combler ce déficit en eunuques et esclaves blancs, que les Arabo-musulmans allaient massivement se tourner vers les peuples négro-africains. Ainsi on trouve traces d’hommes ou de peuples asservis, sous diverses formes à travers toutes les aires de l’histoire de l’humanité et sur tous les continents. C’est un fait universellement connu et qui n’est donc pas spécifique aux peuples noirs. Ce qui est moins connu cependant, c’est que la traite négrière arabo-musulmane, fut inaugurée par les Arabo-musulmans et a duré près de treize siècles sans interruption, avec la mutilation généralisée d’un nombre incalculable de captifs noirs. Déjà il faut dire que le plus loin qu’on puisse remonter, c’est en Égypte pharaonique qu’on trouve traces d’hommes noirs, soumis à des formes d’exploitation comparables à de l’esclavage. Après les Hébreux, les Égyptiens avaient aussi réduit en servitude de nombreux peuples voisins essentiellement originaires d’Éthiopie et des régions nubiennes comme le Darfour. Mais en fait, ces importations de populations n’avaient pas encore pris une dimension industrielle ou véritablement planifiée.”

“Cette pratique devait durer jusqu’à l’invasion arabe de ce pays. Une invasion qui date du VIIème siècle de notre ère et qui correspond aussi à la première traite négrière en grand. Puisque après avoir occupé l’Égypte, les Arabes qui étaient sur le sentier du Jihad, c’est à dire de la guerre sainte, avaient décidé aussi d’envahir la Nubie. Comme le seul point commun entre tous les peuples négriers ravitaillés par les Arabes était la religion, voilà pourquoi dans cet essai, j’emploie souvent le vocable d’arabo-musulmane, pour qualifier cette première traite négrière en grand, qui fut non seulement la plus longue de l’histoire de l’humanité, puisqu’elle a duré treize siècles sans interruption, mais aura également opéré une ponction humaine largement supérieure à celle de la traite transatlantique vers les Amériques. Et le plus triste dans cette tragédie, est que la plupart des déportés n’ont jamais assuré de descendance, du fait de la castration massive que pratiquaient les Arabes.”

Humeurs entre Setif et Tidiane N'Diaye...

Quelles ont été les caractéristiques de la traite arabe par rapport à la traite transatlantique ?
Tidiane N’Diaye :
“Pour la traite transatlantique, en dépit de la monstruosité des traitements, des humiliations et autres calamités, un esclave avait une valeur vénale. Le maître le voulait productif et rentable à long terme. Le but n’était donc pas l’extermination d’un peuple malgré la querelle sémantique opposant certains chercheurs à ceux qui veulent qualifier ce crime contre l’humanité de génocide. Alors que pour ce qui est de la traite arabo-musulmane, plus que le crime des occidentaux, les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne pendant treize siècles. La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés, ont presque tous disparu du fait des traitements inhumains, de l’infanticide et de la castration généralisée, pour qu’ils ne fassent pas souche dans le monde arabo-musulman. Il faut dire qu’à partir du moment où l’Afrique noire devenait leur principale source d’approvisionnement en esclaves, dans l’inconscient collectif des Arabes, l’homme noir devenait aussi symbole ou synonyme de servitude. Et sa couleur de peau sera même associée à un déni d’islam. Alors que cette religion comme toutes les autres, a hérité du joug de l’esclavage. Et si l’islam tolérait, voire recommandait l’asservissement de non convertis, il n’a jamais clairement ciblé les peuples noirs comme particulièrement prédestinés à l’asservissement. Mais des érudits respectés et très écoutés dans le monde arabe, allaient interpréter les textes sacrés, pour justifier et perpétuer la traite et l’esclavage des Noirs. Ainsi bien avant que les chercheurs européens de l’anthropologie physique n’élaborent au 19ème siècle les théories raciales fantaisistes que l’on sait, dans le monde arabe on avait déjà figé dans le temps et de manière presque irréversible l’infériorité de l’homme noir. Ce qui explique sans doute que les traitements inhumains et la mutilation généralisée des captifs noirs étaient acceptés et passaient pour un moyen commode pour empêcher que ces ” animaux ” ne prolifèrent sur leurs lieux de déportation. Le résultat est que de nos jours, ils ont presque tous disparu en Turquie, au Yémen, en Irak et on en trouve très peu au Maghreb ou en Arabie Saoudite.”

“Pour ce qui est du bilan, j’ai dû croiser mes trouvailles dans les archives de ces pays, avec des variables que sont les témoignages directs d’explorateurs comme Cameron, Stanley, le Dr Livingstone ou Mgr Lavigerie, sans oublier les récits effrayants de marchands arabes qui opéraient dans les centres de mutilation des captifs où 70 à 80 % périssaient. Ces données confrontées ensuite aux travaux plus récents de mon confrère américain Ralph Austin, dégagent une estimation qui donne froid dans le dos. Rien que pour le Sahara, plus de 9 millions de captifs africains ont été transportés dans des conditions inhumaines dont 2 millions ont péri ou sont restés en bordure du désert. Quant à la traite orientale qui se déroulait dans les régions proches de l’océan Indien et de la mer Rouge, on évalue à plus de 8 millions le nombre de victimes. On arrive ainsi à une évaluation proche des 17 millions de morts ou de déportés dont la plupart étaient des survivants castrés par les Arabes. Force est donc de reconnaître, que cette traite arabo-musulmane fut un véritable génocide de peuples noirs par razzias sanglantes, massacres et castration massive. A titre de comparaison, si de nos jours près de 70 millions de descendants ou de métis d’Africains peuplent le continent américain, des États-Unis au Brésil passant par les Iles de la Caraïbe, seule une infime minorité de Noirs a pu survivre en terres arabo-musulmanes.”

Humeurs entre Setif et Tidiane N'Diaye...

Quel a été l’impact de cette traite sur l’Afrique subsaharienne ?
Tidiane N’Diaye (photo) :
 “Bien qu’il n’existe pas de degrés dans l’horreur ni de monopole de la cruauté, l’on peut soutenir sans risque de se tromper, que le commerce négrier et les expéditions guerrières provoquées par les Arabo-musulmans, furent pour l’Afrique noire et tout au long des siècles, bien plus dévastateurs que la traite transatlantique. De même que l’islamisation de nombreux peuples négro-africains et tout ce que cela a engendré, comme les jihads, n’en fut pas moins à la source d’innombrables implosions. 

“Pour avoir une idée du mal, il faut savoir que les observateurs avaient constaté que pour chasser et enlever de force cinq cent mille individus, il fallait en faire périr près de deux millions d’autres (résistants ou fuyards.) Ainsi si les naissances avaient cessé à l’époque, en moins d’un demi-siècle, les régions de l’intérieur de l’Afrique ne seraient plus de nos jours, qu’une solitude désolée. Ces implosions précoloniales ont indéniablement éreinté les peuples africains, qui n’ont pas eu de répit depuis l’arrivée des Arabes. Leur conquête du continent noir, avait inauguré l’ère des ravages permanents des villages et de terribles guerres saintes menées par les convertis, pour se procurer des captifs chez des voisins qualifiés de païens. Lorsque cela ne suffisait pas, ils razziaient d’autres supposés ” frères musulmans ” et confisquaient leurs biens. Sous cette traite arabo-musulmane, les peuples africains étaient ponctionnés et pris en otage en permanence. Aussi, force est de reconnaître que les misères, la pauvreté, la longue stagnation démographique et les retards de développement actuels du continent noir, ne sont pas le seul fait des conséquences du commerce triangulaire, comme bien des personnes se l’imaginent, loin de là. Rien n’est comparable à l’infamie qui a ravagé les populations africaines, avec l’arrivée des Arabes et la traite négrière à grande échelle qu’ils inaugurèrent. L’Afrique en subit encore les conséquences.”
Pourquoi la traite arabo-musulmane est-elle si peu connue et étudiée, sinon carrément occultée ?
Tidiane N’Diaye :
 “En fait cette traite, qu’il est difficile de ne pas qualifier de génocide de peuples noirs par massacres, razzias sanglantes puis castration massive, chose curieuse, très nombreux sont ceux qui souhaiteraient le voir recouvert à jamais du voile de l’oubli, souvent au nom d’une certaine solidarité religieuse, voire idéologique. C’est comme un pacte virtuel scellé entre les descendants des victimes et ceux des bourreaux, qui aboutit à ce déni. L’entente tacite est bien réelle. Parce que dans cette sorte de ” syndrome de Stockholm à l’africaine “, Arabo-musulmans et Africains convertis s’arrangent sur le dos de l’Occident. Les descendants des victimes sont devenus des obligés, amis et solidaires des descendants des bourreaux, sur qui ils décident de ne rien dire. Ce silence ou la sous-estimation du mal arabe permet de mieux braquer les projecteurs, uniquement sur la traite transatlantique. Ceci comme un ciment devant réaliser la fusion des Arabes et des populations négro-africaines, longtemps ” victimes solidaires ” du colonialisme occidental.”

“Alors, que des lettrés et autres intellectuels arabo-musulmans, tentent de faire disparaître jusqu’au simple souvenir de cette infamie, comme si elle n’avait jamais existé, peut encore se comprendre. Ces derniers ne se décident toujours pas à regarder leur histoire en face et à en débattre avec leurs compatriotes. Ce qui explique que ce pan de l’histoire de l’humanité, reste encore profondément enfoui dans la mémoire coupable de ces peuples qui en sont responsables. En revanche, il est difficile de comprendre l’attitude de nombreux chercheurs – et même d’Africains américains qui se convertissent de plus en plus à l’Islam – qui n’est pas toujours très saine et fortement animée par une sorte d’autocensure. Comme si évoquer le passé négrier des Arabo-musulmans revenait à essayer de minimiser la traite transatlantique. C’est ainsi qu’un voile de silence a longtemps recouvert cette sombre page de notre histoire commune, parce qu’on y observe une étrange amnésie même de la part des élites noires. Elles ont du mal à passer d’une vision mémorielle affective de ce génocide, pour des raisons de solidarité religieuse, à tout simplement une approche distanciée et scientifique de l’histoire qui elle, ne traite que de faits avérés, comme c’est le cas pour la traite transatlantique. Voilà pourquoi le but de mon travail à travers cet ouvrage est tout simplement de lever le voile et sans complaisance, sur cette sombre page de notre histoire commune, pour éviter aussi que le travail de mémoire engagé sur les traites négrières et plus généralement sur le martyr des peuples noirs, ne continue que dans un sens hypocritement sélectif en braquant uniquement les projecteurs sur le crime des Occidentaux. Car à mon sens, par une telle approche, la démarche historique ne saurait en aucun cas en être éclairée.”

Tidiane N’Diaye, ” Le génocide voilé ” – éditions Gallimard, 2008, 254 pages.

Tidiane N’Diaye a également publié aux éditions Gallimard 
” Le jaune et le noir ” (2013), une enquête historique sur la stratégie économique et politique de la Chine en Afrique, ainsi que ” Par-delà les ténèbres blanches ” (2010), un ouvrage sur la résistance des Sud-Africains à l’apartheid et le parcours de Nelson Mandela.

“Alors, que des lettrés et autres intellectuels arabo-musulmans, tentent de faire disparaître jusqu’au simple souvenir de cette infamie, comme si elle n’avait jamais existé, peut encore se comprendre. Ces derniers ne se décident toujours pas à regarder leur histoire en face et à en débattre avec leurs compatriotes. Ce qui explique que ce pan de l’histoire de l’humanité, reste encore profondément enfoui dans la mémoire coupable de ces peuples qui en sont responsables. En revanche, il est difficile de comprendre l’attitude de nombreux chercheurs – et même d’Africains américains qui se convertissent de plus en plus à l’Islam – qui n’est pas toujours très saine et fortement animée par une sorte d’autocensure. Comme si évoquer le passé négrier des Arabo-musulmans revenait à essayer de minimiser la traite transatlantique. C’est ainsi qu’un voile de silence a longtemps recouvert cette sombre page de notre histoire commune, parce qu’on y observe une étrange amnésie même de la part des élites noires. Elles ont du mal à passer d’une vision mémorielle affective de ce génocide, pour des raisons de solidarité religieuse, à tout simplement une approche distanciée et scientifique de l’histoire qui elle, ne traite que de faits avérés, comme c’est le cas pour la traite transatlantique. Voilà pourquoi le but de mon travail à travers cet ouvrage est tout simplement de lever le voile et sans complaisance, sur cette sombre page de notre histoire commune, pour éviter aussi que le travail de mémoire engagé sur les traites négrières et plus généralement sur le martyr des peuples noirs, ne continue que dans un sens hypocritement sélectif en braquant uniquement les projecteurs sur le crime des Occidentaux. Car à mon sens, par une telle approche, la démarche historique ne saurait en aucun cas en être éclairée.” 

Tidiane N’Diaye, ” Le génocide voilé ” – éditions Gallimard, 2008, 254 pages.

Touche pas à ma nationalité dénonce les rafles au faciès d’étrangers

La campagne engagée par  les forces de l’ordre du système raciste et esclavagiste de Mohamed Ould Abdel Aziz contre les étrangers en situation irrégulière est une nouvelle preuve du peu de cas que fait le régime des populations noires. En effet, les seuls étrangers ciblés par cette campagne sont, comme par hasard, les ressortissants ouest-africains, en particulier les Sénégalais et les Maliens. Si l’on est en droit d’exiger des étrangers de disposer de la carte de séjour et d’être en règle vis-à-vis de la loi, il n’est pas en revanche permis, sous quelque prétexte que ce soit,  de ne cibler qu’une seule catégorie d’étrangers et encore moins d’exposer cette catégorie aux scènes de brutalités, d’humiliations et de rackets auxquelles l’on assiste au quotidien à Nouakchott. Mais ces rafles au faciès, pour insupportables qu’elles soient, ne concernent pas que les seuls étrangers ouest-africains, elles touchent également des citoyens mauritaniens noirs privés de leur état-civil à cause de l’enrôlement raciste encore en cours.

Ces exactions perpétrées par la police aussi bien que par le GGSR viennent s’ajouter aux vexations et humiliations que vivent au quotidien les populations de la vallée du fleuve. Les expropriations des terres de culture au nom de la loi domaniale de 1983  continuent de plus belle et ne concernent que les seules populations noires du sud. Thiambène et Dar El Barka se démènent encore contre ces spoliations. La récente prise en otage de Niabina par une tribu, les Oualds Berrou, pour ne pas les nommer, aidée des autorités administratives et sécuritaires de la région du Brakna  pour la supposée disparition d’un berger appartenant à la tribu en question et la violente répression des jeunes manifestants hostiles à la visite du Président Ould Abdel Aziz à Boghé, pour ne citer que ces cas, démontrent à souhait le degré d’estime du régime vis-à-vis des populations noires.

Touche pas à ma nationalité rappelle qu’un régime, non seulement incapable de respecter les droits inaliénables de son peuple, mais en plus coupable d’une politique ouvertement discriminatoire et raciste envers une partie de ce peuple, ne peut respecter les doits d’autrui, en l’occurrence les étrangers ouest africains vivant parmi nous.

Touche pas à ma nationalité dénonce avec la dernière énergie les exactions commises envers nos hôtes ouest-africains et met en garde contre la tentation de la réciprocité que de tels comportements pourraient susciter contre nos compatriotes établis à l’étranger.

Nouakchott, le 1er juin 2015

Pour le Bureau Exécutif,

Le Président,

Alassane DIA

 

La convention de libre circulation n’a pas mis fin aux tracas des Ivoiriens en Mauritanie

Dune Voices « Nous ivoiriens résidents en Mauritanie sommes traqués nuit et jour par la police mauritanienne pour une histoire de carte de séjour. Carte censée être supprimée selon nos autorités. Ce n’est peut être pas la meilleure solution mais appliquer la réciprocité (refouler les mauritaniens de Côte d’Ivoire) aura le mérite d’alerter la partie mauritanienne sur les conséquences du nom respect de ces accords ».

C’est le témoignage d’un ivoirien – qui a souhaité garder l’anonymat – rencontré au 6ème arrondissement, quartier périphérique de Nouakchott où il y a une forte communauté ivoirienne.

En Mauritanie, les migrants subsahariens sont très souvent victimes de tracasseries policières qui aboutissent à des rafles et déportations vers la frontière sénégalaise. Qu’ils soient sénégalais ou pas, il suffit qu’ils soient noirs.

En effet, la chambre basse du parlement mauritanien a adopté le projet de loi sur la libre circulation des personnes et des biens entre la Mauritanie et Côte d’Ivoire lors de sa session du 17 décembre 2014. Convention signée, le 16 Mars 2014 entre le ministre des affaires étrangères mauritanien d’alors Ahmed Ould Teguedi et son homologue ivoirien Charles Koffi Diby.

Suppression de visas et carte de séjour

Devant la chambre basse du parlement, le ministre de l’économie et du développement, Sidi Ould Tah, ministre des affaires étrangères par intérim lors de l’adoption de la convention, déclarait « la convention stipule la suppression de visas d’entrée entre les deux pays ainsi que la carte de séjour, rappelant toutefois que les citoyens des deux pays désirant se rendre dans l’un ou l’autre pays doivent être munis de passeports ou de documents similaires comme la carte d’identité nationale, une carte consulaire ou une attestation d’identité ».

Le message est clair. D’autant plus que, le compte rendu de la séance au cours de laquelle la convention a été adoptée par l’assemblée a été publié par l’agence mauritanienne d’information, agence de presse officielle le 18 Décembre 2014.

Mais les expulsions continuent

« Certains des nôtres sont expulsés vers Rosso, pour ne pas dire vers le Sénégal au lieu de les expulser vers Gogui à la frontière malienne, près de la ville de Nioro. Alors nous ne comprenons pas pourquoi, sachant que les accords de coopération sont clairs. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz a promulgué la loi adoptée par l’assemblée nationale.

Mais quand nos compatriotes sont arrêtés, les policiers nous disent qu’ils n’ont pas la moindre preuve de la signature de la dite convention. Qu’on ne leur a pas notifié officiellement que les ivoiriens en Mauritanie sont exonérés de la carte de séjour. Ce, même si nous allons au commissariat munis des copies certifiées de ces accords, c’est toujours la même réponse : nous ne sommes pas au courant de ça ». Confie SEI Alain, secrétaire général de l’Association de la Communauté Ivoirienne en Mauritanie (ACIM).

Ne pas parler hassaniya, un facteur discriminant

Dire que la barrière linguistique n’y est pour rien dans cette situation serait mal connaitre le sujet, au moment où des mouvements de négros-mauritaniens continuent de taxer l’Etat et le régime en place de « discriminatoire et raciste ». Cet autre ivoirien qui lui aussi requiert l’anonymat est de cet avis « Arrivé au commissariat on te dit de signer un papier écrit en arabe pour être relâché alors que c’est pour te déporter. Quand tu ne parles pas Hassaniya, tu n’as aucune chance ».

Une convention, plusieurs interprétations ?

« Les ivoiriens font une interprétation abusive du contenu de la convention », ces mots sont attribués à l’actuel ministre de la défense Diallo Mamadou Bathia et au Directeur Général de la Sûreté. Propos qu’ils auraient tenus lors d’une rencontre avec des représentants de la communauté ivoirienne selon SEI Alain, secrétaire général de l’Association de la Communauté Ivoirienne en Mauritanie.

Pour Alain SEI, « c’est plutôt les autorités policières qui font une interprétation erronée de la convention. Elles croient que c’est un accord entre la Mauritanie et la CEDAO. Ce n’est pas le cas. C’est un accord entre deux Etats et les termes de ces accords sont clairs ».

Un cas parmi tant d’autres

Frank, un des membres du bureau de l’association représentative des ivoiriens en Mauritanie, a été arrêté récemment en partance pour Nouadhibou. « Quand nous sommes allés au commissariat, le commissaire nous a répété la même chose que les autres. Il disait ne pas être au courant de ces accords. Le lendemain, j’ai été déporté vers Rosso. Mon histoire est un cas parmi tant d’autres, y’en a marre ! ».

Service payé

« Pire, certains ivoiriens notamment ceux qui travaillent dans la restauration qui descendent à des heures tardives, sont obligés de s’acquitter de la carte de séjour pour ne pas avoir de problème. Nos compatriotes qui sont dans les banlieues, et les quartiers populaires de Nouakchott se font interpeller par les policiers dans leurs maisons, leur lieu de travail et les embarquent. Une fois au commissariat, il faut se débarrasser d’un billet bancaire pour recouvrer sa liberté » Ajoute-t-il.

Indignés, ils condamnent

Le consul de Côte d’Ivoire à Nouakchott, Tidiane Diagana, actuellement en déplacement en France s’était insurgé contre ce qu’il qualifie de « violations de la convention de libre circulation ». Selon plusieurs médias mauritaniens, il a fait part de son mécontentement à Fatma Vall Mint Soueina, actuelle ministre des affaires étrangères et de la Coopération. Toujours dans le chapitre des indignations, la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) a exigé l’arrêt des expulsions et invité l’état mauritanien à « respecter ses engagements vis-à-vis des conventions régionales et internationales qu’elle a signées et ratifiées, notamment la Convention internationale sur la protection de tous les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille ».

Terre d’accueil, pas accueillante

Selon le rapport 2010 de l’Organisation Internationale pour les Migrations, il y aurait plus de cent mille migrants subsahariens en Mauritanie. La grande majorité serait du Sénégal et du Mali. Les ivoiriens eux, ont commencé à venir en masse en Mauritanie lors de la crise postélectorale ivoirienne de 2011. Au moment où une forte colonie mauritanienne se trouve en Côte d’Ivoire depuis plus de 30 ans.

«Une question ne trouve toujours pas de réponse. Pourquoi signer une convention de libre circulation si on ne l’applique pas ? Une convention qui profite plus aux mauritaniens en Côte d’Ivoire qu’aux ivoiriens en Mauritanie ». C’est ce qui ressort des différents témoignages recueillis, à Nouakchott. Raisons invoquées : le nombre de mauritaniens en Côte d’Ivoire est plus important que ceux d’ivoiriens en Mauritanie ; l’intégration des mauritaniens en Côte d’Ivoire est plus facile grâce à leurs commerces prospères.

En Côte d’Ivoire, les mauritaniens ne font que « payer le timbre à 1000 franc CFA par an, ce qui fait 600 Ouguiyas. Au moment où l’ivoirien en Mauritanie est obligé de payer 30.000 Um pour une carte de séjour soit 50.000 FCFA ».

La journaliste Marie-Ange Kouassi dans son article sur l’intégration des mauritaniens en Côte d’Ivoire, estime à environ 40.000 le nombre d’immigrés venus de Mauritanie. Pour l’heure aucun chiffre officiel recensant les Mauritaniens en Côte d’ivoire. Ce, au moment où « la communauté ivoirienne en Mauritanie ne dépasserait pas les 2.000 personnes », affirme le président la communauté ivoirienne en Mauritanie. Il poursuit, « l’enseignement et le bâtiment sont les deux secteurs d’activités dans lesquels évolue la majorité de la diaspora ivoirienne en Mauritanie».

La Côte d’Ivoire compte plus de 16.000 boutiques tenues par des Mauritaniens implantés sur tout l’ensemble du territoire national, confiait le président des boutiquiers mauritaniens, Mohamed Brahim Ould Laghdaf, en décembre 2013 à l’hebdomadaire Top Visage.