Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 23/12/2014

L’écrivain Bios Diallo: “La littérature mauritanienne existe malgré son manque de vulgarisation”

L’écrivain Bios Diallo: Le Courrier du Sahara – La cinquième édition des rencontres littéraires internationales, «Traversées Mauritanides », a baissé ses rideaux vendredi 19 décembre à Nouakchott.

L’événement a ravivé le débat sur l’existence ou pas d’une littérature mauritanienne et sur “l’incompréhension” entre les auteurs mauritaniens et “le fossé” séparant écrivains et lecteurs dus au choix de la langue d’écriture.

Certains doutent de l’existence d’une littérature propre à la Mauritanie. Et si elle existe les maux ne manquent pas. Les publications souvent faites en langue arabe ou française ne sont pas mutuellement traduites.

Conséquence, certains écrivains avouent qu’ils ne se comprennent pas et qu’ils sont coupés d’une partie des lecteurs selon la langue de production. Une production qui est d’ailleurs en recul dans les langues nationales: Hassanya (arabe dialectal), Poulaar, Soninké et Wolof. L’écrivain mauritanien Bios Diallo dénonce le « manque d’espaces d’activités et de maisons d’éditions.» Le Courrier du Sahara l’a interrogé en sa qualité de directeur et promoteur de Traversées Mauritanides.

Le festival Traversées Mauritanides a baissé ses rideaux. Que peut-on retenir du thème principal : «Diaspora, entre Ecriture et identités » ?

A mon sens la richesse des débats ! Nous avons eu plusieurs regards, croisés par moments, sur la diaspora que je désignais comme étant un autre continent. En effet, beaucoup ont parlé de cet espace comme une zone d’inspiration et d’interrogations. Inspiration parce qu’en résidant loin de chez eux, les écrivains surtout, on trouve matière à cogiter sur des situations par moments en relations directes avec leurs vécues quotidiens mais également ce qui se passe dans leur pays d’origine. Dans ces instants d’interrogations, chacun prend alors le temps de réfléchir sur sa condition. Autrement dit à se demander s’il va rester poursuivre son séjour ou s’il va repartir chez lui. Pendant les différentes tables rondes et rencontres, en milieux scolaires, nous avons entendu les uns et les autres évoquer ces dilemmes.

Vos auteurs se sont-ils laissés prendre au jeu ?

Oui, ils répondaient presque tous à la thématique, même avec des parcours quelques peu différents ! Ils ont tous, Samir Marzouki, le Tunisien, la Marocaine Siham Benchekroun, la Sénégalaise Sokhna Benga, le Malien Ousmane Diarra, mais aussi les Mauritaniens, entre autres le Professeur Cheikh Saadbouh Kamara, Oumoukhayri Bâ, l’ancien ministre et diplomate Mahjoub Ould Boye ont vécu à l’étranger avant de revenir dans leurs pays. Seule Marième Mint Derwich est encore implantée en France, sa seconde patrie, mais elle dit elle aussi se préparer au retour [en Mauritanie] ! Du coup ces rencontres étaient surtout des échanges, des leçons des uns pour les autres. Et les auteurs mauritaniens également, nombre d’entre eux font des allers et retours à l’étranger, donc observateurs de ce qui se passe là-bas et ici !

Vous citez Mariem Derwich parmi vos invités qui a constaté que les auteurs francophones sont “inaudibles” en Mauritanie. Selon vous, qu’est ce qui explique cela ?

Sans doute que Marième Mint Derwich, tout en vivant en France est partie de son observation. Et ce constat est réel. Qu’est-ce qui l’explique ? Sans doute que les différentes réformes du système éducatif, scolaire, sont passées par là. A cela il faudra ajouter le manque de cadres, c’est-à-dire, d’espaces d’activités. Et surtout, et c’est fondamental, de maisons d’éditions. Je crois qu’on aurait disposé de maisons d’éditions on aurait plus publié et les rencontres se seraient faites naturellement, d’une manière plus régulière. Mais il reste que c’est aux acteurs culturels d’innover.

Mariem Mint Derwich, toujours elle, a estimé que la langue française est « presque clandestine en Mauritanie ». Cela ne risque-t-il pas de freiner l’écriture francophone dans la pays?

Je ne crois pas. L’écriture est une affaire personnelle. Celui qui en sent le besoin, le fera quelque soit le contexte. Peut-on parler de l’existence d’une littérature mauritanienne à part entière?

Oui, la littérature mauritanienne existe malgré son manque de vulgarisation. Mais il ne faut pas désespérer car cette littéraire est jeune. Je crois, par contre, qu’il est impératif que les écrivains puissent bénéficier de soutiens. Et de l’Etat, en leur offrant un cadre, et des medias radios, télévisions, presse électronique et écrite. Plus on parlera d’eux, plus on exigera d’eux de la qualité. La visibilité est exposera à la rigueur !

Quelle est la place des langues nationales dans l’écriture mauritanienne ?

Je ne suis pas tellement imprégné de leurs réalités. Mais je constate que leur écriture a beaucoup reculé. Très peu s’engagent à écriture aujourd’hui en pulaar, soninké ou wolof, contrairement à ce qui se faisait au début des années 1975 ou 90. La seule publication que je vois c’est Foyre. Il faudra interroger les Départements de linguistique de l’université et l’IPN (Institut Pédagogique National).

Durant ces Rencontres littéraires certains ont posé la question: « Comment peut-on devenir écrivain ? » Quelle est votre réponse ?

C’est une question récurrente ! D’abord aimer une langue, le français, l’arabe, le pulaar ou autre. Car c’est dans la langue qu’on écrit, qu’on crée, qu’on construit des univers. Donc il faudra aimer une langue pour y trouver la voie de transmission de son inspiration. Puis viendra le temps du travail, se faire violence pour être à la hauteur de ses ambitions. Et cela, ça peu bien arriver sur le tard. Donc une invite à la patience aussi.

Comment étaient les élèves à cette 5e édition ?

Formidables ! Nous avons reçu de brillantes questions aux auteurs. Et je puis vous dire que c’est surtout de ces questions naïves, en apparence, que se trouvaient les leçons. Dans plusieurs écoles les écrivains sont ressortis avec de nouvelles interrogations sur eux-mêmes, le choix de leurs sujets, leurs modes d’écriture ! C’est donc toujours un plaisir d’aller à la rencontre de ces jeunes.

Propos recueillis par Mohamed Diop

Cridem

Béji Caïd Essebsi, président à la tête d’un pays divisé

Béji Caïd Essebsi, président à la tête d’un pays diviséBéji Caïd Essebsi a été élu au second tour de l’élection présidentielle tunisienne avec 55,68 % des voix. Ses supporters célèbrent la victoire à Tunis mais les fractures d’un pays divisé se font déjà sentir.

La victoire était attendue et déjà consommée. Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre et leader de l’alliance anti-islamiste Nidaa Tounès, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle tunisienne avec 55,68 % des voix lundi après-midi. Il devance ainsi le président sortant Moncef Marzouki, qui a obtenu 44,32 % des suffrages.

Après l’annonce du résultat par la commission électorale, les partisans du président ont laissé éclaté une joie plus discrète que la veille. BCE ou “Bejbouj”, de son petit nom, avait lui-même proclamé sa victoire dès dimanche soir, organisant devant le QG de son parti Nidaa Tounès, sur les bords du lac de Tunis, une fête qui a attiré quelque 2 000 sympathisants.

Lundi, les forces de l’ordre, mobilisées en masse dans le centre de la capitale, ont canalisé les explosions de joie spontanément exprimées dans les rues. Des personnes ont néanmoins défilé pendant plusieurs heures sur l’avenue Bourguiba, que les chauffeurs de taxi se plaisent à présenter comme les “Champs-Élysées” de Tunis. Au milieu des concerts de klaxons, hommes, femmes et enfants agitaient le portrait du président de 88 ans, en scandant “Bejbi, président !”

“C’est une réussite pour la Tunisie, on a gagné !”, jubile Dalila, 50 ans, venue avec ses deux enfants célébrer la victoire. “BCE est un homme ferme et expérimenté, qui va enfin pouvoir mettre fin au terrorisme et nous ramener la paix”, espère-t-elle, avant de laisse exploser sa joie en youyou et force applaudissements. “Béji connaît tout et tout le monde. Cela fait soixante qu’il fait de la politique alors il va pouvoir faire du bien à l’économie, à l’emploi, arrêter le terrorisme et refaire la loi”, juge également Lakdhar, qui, du haut de ses 78 ans, ne voit pas en quoi les 88 printemps du nouveau président seraient un problème.

Les pro-Marzouki : entre acceptation et colère

Anisa ne le contredit pas. Cette femme de 43 ans a pourtant voté Marzouki mais elle est descendue dans la rue, lundi, pour joindre sa voix au chœur des félicitations : “Je suis contente car l’élection s’est bien déroulée, nous avons pu voter librement. Le peuple tunisien s’est exprimé et maintenant que l’on a un nouveau président, il va pouvoir mettre fin au chômage et au terrorisme”, déclare Anisa, qui a le sens de l’unité.

Tous n’ont pas la défaite si heureuse. Dans la ville de Tataouine, au sud-est de la Tunisie, région majoritairement pro-Marzouki et favorable au parti islamiste Ennahda, le siège du parti de Béji Caïd Essebsi a été incendié en partie lundi soir. Dans la localité d’El Hamma, dans le sud également, des débordements ont été signalés à l’annonce des résultats. “De 300 à 400 protestataires ont mis le feu à des pneus et tenté d’attaquer un poste de police à coups de pierres. Les forces de l’ordre ont riposté avec du gaz lacrymogène”, a expliqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui.

La gueule de bois de la gauche

“La cartographie électorale divisée entre le Nord et le Sud correspond au découpage de la marginalisation économique”, explique Hèla Yousfi, maître de conférence à l’université de Paris-Dauphine. “Cette démocratie gère les intérêts d’une politique dominante. L’alliance qu’il va y avoir de facto au Parlement entre Nidaa Tounès et Ennahda va soutenir un programme libéral appuyé par des bailleurs de fond”, déplore-t-elle.

Électrice du Front populaire “par loyauté”, elle a voté Marzouki par défaut, pour faire barrage au retour de l’Ancien régime. “L’aspect positif de ce vote, c’est que nous sommes sortis de l’ère des élections remportées avec 90 % des voix. Mais la victoire d’Essebsi signifie le retour en force de certains symboles de l’ancien régime”, regrette-t-elle.

Pour elle, ce scrutin signe surtout une terrible défaite de la gauche tunisienne. “Les partis de centre-gauche se sont tus et le Front populaire a appelé, certes avec ambiguïté, à voter BCE, considérant que la modernisation de l’État était plus importante que le social”, explique-t-elle, rappelant que les défis politiques et sociaux à relever sont nombreux en Tunisie.

Ce n’est pas Meriem Zeghidi qui la contredira sur ce dernier point. Militante de gauche, qui a voté pour le Front populaire au premier tour, elle a la victoire amère. Elle a glissé, au second tour, un bulletin d’Essebsi dans l’urne mais “sans aucune conviction”. Cette figure respectée du féminisme tunisien n’esquisse pas l’ombre d’un sourire en apprenant que celui pour qui elle a voté a gagné. “C’était un vote très difficile car on n’a pas eu le choix : c’était ou Marzouki, qui a mis la Tunisie dans une situation impossible (attentats, assassinats politiques, mauvaise gestion internationale) ou BCE, qui incarne l’ancien régime”.

Cette militante de la laïcité a choisi BCE par défaut pour contrer l’islamisme, mais elle prévient : “L’islamisme est là. Ennahda constitue une force importante au sein de l’Assemblée et ne lâchera jamais. Parler de démocratie c’est parler d’alternance : Ennahda pourrait revenir au pouvoir dans cinq ans”, explique-t-elle, assurant qu’elle ne relâchera pas sa vigilance et qu’elle est prête à retourner dans la rue au moindre signe de dérive autoritaire.

 

Source: france24