Daily Archives: 21/12/2014
Mauritanie-Union Européenne : Qui veut noyer le poisson ?
Est-ce le début d’une crise politique entre le Gouvernement mauritanien et l’Union Européenne ? La question mérite d’être posée au regard de l’intervention personnelle du président Aziz en réaction à la condamnation dont a écopé son régime en relation avec le maintien en prison de Biram Ould Dah Ould Abeidi, président de l’Ong anti-esclavagiste Ira.
Un mélange de genre du gouvernement mauritanien ou un alibi dont use l’Union Européenne pour faire pression sur la Mauritanie pour le renouvellement de l’accord de pêche ?
Ce qui est sûr c’est que le président Mohamed Abdelaziz semble outré par les européens qui lui ont promis de l’argent, 25 millions d’euros dans la lutte contre le terrorisme, et qu’il n’aurait pas reçu « à ce jour aucun euro » pour reprendre son expression.
Côté pouvoir mauritanien, c’est donc le temps des suspicions avec l’Union Européenne. La condamnation par le Parlement de l’emprisonnement du président de l’Ira ne serait qu’un « alibi » pour faire pression sur le Gouvernement mauritanien pour l’amener à reconsidérer sa position quant à la contrepartie financière réclamée pour l’accès à la ressource. Soixante sept millions que l’Ue estime un peu cher pour que l’accord fini en queue de poisson le lundi 15 décembre 2014 soit rentable. Elle en proposerait 47. C’est d’ailleurs la seule objection sur toutes les mesures acceptées dans le dernier protocole 2012-2014 qui assurent à la Mauritanie une mauritanisation de 60% des équipages, la donation gratuite de 2% de la capture débarquée dans le pays et l’exclusivité du poulpe aux nationaux.
Mais tout n’est évidemment pas parti par-là. Ce climat délétère a été usé depuis quelques semaines par les défenseurs de Cheikh Ould Baya qui ne voulaient voir dans ses propres déclarations sur sa propre fortune qu’une autre tentative de l’Union Européenne via une « partie mauritanienne » tendant à le décrédibiliser.
Dans cette nouvelle partie où apparemment le président Aziz a décidé de descendre dans l’arène pour porter main forte à son ami, Cheikh Ould Baya, au risque de susciter une crise dans un verre d’eau, avec l’Union Européenne, la mayonnaise du mélange de genre est bien préparée.
La coïncidence de la condamnation par le Parlement Européen du maintien du président d’Ira en même temps que d’autres de ses disciples, à un moment où la Mauritanie abrite le processus de Nouakchott est présentée comme une tentative de l’Union Européenne à pousser la pression à son paroxysme contre le régime en place pour l’amener à signer des accords de pêche. La réponse cinglante du président Aziz qu’ « il n’y pas d’esclavage en Mauritanie » est quelque peu contrariée par les campagnes tous azimuts dans le pays présentant cette tare comme un crime. Des Imams ont même été invités à mener la guerre contre ces pratiques.
De son côté, même si la condamnation n’est pas contraignante, l’Union Européenne, l’un des principaux pourvoyeurs bilatéraux et multilatéraux du pays, semble jouer à des relations incestueuses avec le Pouvoir en place dont elle a besoin pour la lutte contre le terrorisme mais surtout contre l’immigration clandestine. Une vanne que la Mauritanie a fermée grâce à la coopération opérationnelle avec l’Espagne notamment. Un dossier géré techniquement et financièrement par l’ex-colonel Baya. Encore lui!
Dans cette partie d’échec, l’ancien délégué Cheikh Ould Baya est apparemment un pion que le président Aziz utilise pour éviter un «échec et mat» dans ses négociations en sourdine avec l’Union Européenne. Car malgré les déclarations intempestives, les relations y compris l’accord de partenariat de pêche ne peuvent être rompues. Le pion trop en avant de ses lignes y laissera-t-il sa peau? Rien n’est moins sûr.
Si l’Ue a besoin des protéines mauritaniennes, le régime en place à Nouakchott a encore besoin d’euros pour faire face à la crise de vente des matières premières qui lui assuraient, avec la pêche, ses principales recettes. Alors où se dirige-t-on avec ce nouvel épisode d’une relation qui commence à faire des vagues ?
A l’affût, les requins chinois, voraces et spécialistes des dessous de table, se frottent les mains en espérant qu’après l’investissement de 100 millions de dollars de polyhondone, sans respect des engagements pris, profiteraient d’un éventuel divorce entre Bruxelles et Nouakchott.
Un chant de sirène que le Pouvoir, dans son intérêt bien compris, devrait exorciser d’autant que Paris est entrée dans la danse exhortant le Pouvoir au respect des militants des droits de l’Homme.
Alors qui vraiment tente de noyer le poisson ?
En attendant le Gouvernement mauritanien peut mettre en place son budget 2015 sans compter sur cette contrepartie. Cette affaire, sans compter les soubresauts avec quelques pays voisins est la première crise d’envergure pour le Pouvoir de Aziz. Elle intervient pour lui la veille de la remise de témoin de la présidence de l’Ua. Une position qui va probablement le fragiliser davanatage.
Source: mauriweb
Deux policiers assassinés à New York, leur agresseur voulait se venger
Deux policiers ont été tués samedi à New York dans leur voiture, “assassinés” par un homme qui s’est ensuite suicidé. Un message sur internet évoque un acte de vengeance pour la mort d’un Noir lors d’un incident cet été avec la police de New York.
Un homme a abattu samedi 20 décembre deux policiers à New York avant de se suicider, a annoncé le chef de la police de la ville. Un message laissé sur internet évoque un acte de vengeance pour la mort d’un Noir désarmé lors d’un incident cet été avec les forces de l’ordre new-yorkaises.
L’auteur des coups de feu, Ismaaiyl Brinsley, âgé de 28 ans, a tiré à l’aide d’un pistolet semi-automatique sur les deux policiers assis à bord de leur véhicule de patrouille dans le quartier de Brooklyn aux environs de Bedford Stuyvesant à 14H50 locales (19H50 GMT), a expliqué la police new-yorkaise. Il s’est ensuite engouffré dans une station de métro, où il s’est tiré une balle dans la tête.
Des médias américains ont montré un message diffusé samedi sur Instagram et émanant apparemment du suspect, qui profère des insultes contre la police: “Je donne des ailes aux porcs aujourd’hui. Ils prennent un des nôtres (…) Prenons deux des leurs.”
Dan son message, les hashtags évoquent Eric Garner et Michael Brown, deux Noirs morts cette année dans des incidents impliquant des policiers blancs, le premier à New York, le second à Ferguson dans le Missouri.
Dans les deux cas, des grands jurys ont décidé de ne pas poursuivre les policiers. Ces décisions avaient provoqué des manifestations à New York et dans d’autres villes des États-Unis pour dénoncer le traitement des Noirs par la police et l’impunité dont jouiraient les forces de l’ordre.
Tensions avec la police
C’est la première fois depuis 2011 que des policiers new-yorkais sont tués par arme à feu et cet événement pourrait alimenter les crispations entre les forces de l’ordre et le maire démocrate de la ville, Bill de Blasio, qu’elles accusent de ne pas les soutenir face à la contestation actuelle.
Dirigeant de la Patrolmen’s Benevolent Association, premier syndicat de policiers municipaux aux États-Unis, Patrick Lynch a estimé qu'”il y a du sang sur beaucoup de mains ce soir”. “Ceux qui ont encouragé la violence dans la rue sous couvert de manifestation, qui ont essayé d’anéantir ce que les agents de la police de New York accomplissent au quotidien”, a déclaré Patrick Lynch lors d’une conférence de presse.
Prié de dire lors de sa conférence de presse si un lien pouvait être établi entre le mouvement de protestation et Ismaaiyl Brinsley, le chef de la police Bill Bratton a pour sa part répondu: “Il y a (…) actuellement un ensemble très puissant d’initiatives anti-police, anti-système judiciaire, anti-société et un des aspects malheureux parfois est que certaines personnes se retrouvent prises là-dedans et prennent des directions qu’elles ne devraient pas prendre.”
>> À lire sur France 24 : Les incroyables largesses de l’armée américaine aux policiers
La famille d’Eric Garner scandalisée
À la différence, le pasteur Al Sharpton, figure des droits civiques, très proche des familles Brown et Garner, a dénoncé samedi soir toute association entre la mort des policiers et l’affaire Garner.
“J’ai parlé avec la famille Garner et nous sommes scandalisés par les informations sur la mort des policiers à Brooklyn. Toute utilisation du nom d’Eric Garner ou Michael Brown, en relation avec toute violence ou meurtre de policier est répréhensible et va contre la poursuite de la justice dans ces deux affaires”, a-t-il écrit dans un communiqué.
Le meurtrier, Ismaaiyl Brinsley, avait aussi blessé par balle samedi matin son ex-petite amie à Baltimore, avant de partir pour New York, a indiqué le chef de la police Bill Bratton, qui a précisé que le suspect utilisait apparemment le compte instagram de la jeune femme pour ses commentaires anti-police.
Avec AFP et Reuters
Littérature : L’aventure ambiguë d’«Un Breton chez les Soninkés», de Zakaria Soumaré
Dans son nouveau livre “Un Breton chez les Soninkés” (éditions Edilivre 2014), l’écrivain mauritanien Zakaria Soumaré plonge son lecteur au cœur de la société soninké.
Face à Kobel, le vieux sage de Toulel, village situé au sud de la Mauritanie, Paul, le Breton découvre avec curiosité ce peuple installé en Mauritanie depuis le XIIIème siècle. Du mythe fondateur de l’empire du Ghana, de la légende de Dingha jusqu’à l’âge d’or du Wagadu, ou encore le récit de l’épopée du pieux Kanka Moussa (1307-1332) tout est scientifiquement exposé dans ce dialogue inter-culturel. Par quel canal les soninkés communiquaient-ils? Aujourd’hui, comment les femmes s’organisent-elles dans ce village avec l’exode rural et l’émigration? Que reste-t-il des traditions et des mœurs de ce peuple? Comment les ressortissants de Toulel en France arrivent-ils à maintenir les liens et contribuer au développement de leur village? Ainsi sont formulées les questions de Paul.
Entre un Breton fier de l’inscription de sa langue maternelle sur les panneaux de signalisation de Brest et un Mauritanien qui s’indigne du manque de la « cohésion sociale digne de ce nom dans son pays », le dialogue ne peut qu’être riche et constructif. Dans un monde où « les identités minoritaires » se banalisent, Zakaria Soumaré nous offre ainsi un roman pédagogique et foisonnant sur la diversité culturelle.
Dans la salle des profs : « C’est où la Mauritanie ? »
C’est la rentrée des classes : avant de rejoindre leurs « difficiles élèves », les enseignants sympathisent et se racontent leurs pérégrinations et villégiatures de vacances. L’auteur, Zakaria, était à Toulel, son village natal. Son collègue Paul revient de Miami. Les premiers échanges sur l’éducation nationale dominent naturellement les discussions. Nos deux professeurs tirent la sonnette d’alarme : « Nous courrons dangereusement vers la catastrophe si réellement nous ne trouvons pas une solution aux problèmes de l’école en France ». Parmi tant d’autres raisons, la détérioration du niveau des élèves, les décrochages scolaires et la démotivation, voire la démission des parents suscitent l’ire des deux enseignants. Une phrase lancée par Paul ne peut laisser personne indifférent : « L’école est un passe-temps ; les enseignants sont des guignols. Et nous les profs, nous avons l’impression d’être dans une garderie où on vient nous confier des enfants qui n’ont rien à faire à la maison ». Voilà qui est dit par un averti.
Au fil de la discussion, d’autres sujets s’invitent. Soudain, à sa grande surprise, Zakaria découvre que son collègue français ignore où se situe la Mauritanie. Il interroge “C’est où la Mauritanie?”. Et d’ajouter « je n’ai jamais entendu parler de ce pays ». L’écrivain s’improvise alors géographe, guide touristique, puis convainc Paul d’effectuer un court séjour en Mauritanie afin de découvrir le peuple qui fonda jadis les plus grandes dynasties de l’Afrique de l’Ouest.

De Paris à Toulel : bienvenue chez les Soninkés
Lorsque Zakaria s’introduit avec Paul chez le sage Kobel, toutes les facettes de la culture soninké s’ouvrent à eux. Courtoisement accueilli, le Breton s’intéresse à l’organisation de cette société qui, selon les propos du vieil homme, est l’une des plus hiérarchisées d’Afrique de l’Ouest. Depuis l’empire du Ghana, ce peuple a toujours conservé son système social pyramidal. Les castes soninkés se subdivisent en trois grands ensembles. Au sommet, les Tunkalemu (nobles) contrôlent l’exercice du pouvoir, les Niahamalu (dépendants) dépendent de ces derniers, tandis que les Komo (esclaves) se retrouvent au bas de la pyramide. On apprend que l’esclavage s’y est institutionnalisé par la capture dans les contextes des guerres, des razzias et l’extrême pauvreté. Kobel le sage s’accorde Paul et son collègue pour marteler qu’: « aujourd’hui, il est inhumain sinon révoltant de continuer à les appeler esclaves ». Il faut combattre les survivances liées à cette pratique « honteuse » afin de les évacuer de la mémoire collective en milieu soninké. Sans ces efforts conjugués, note l’auteur, la gestion symbolique de la représentation sociale ainsi que la politique du Debe (village) et le Jaamane (pays Soninké) resteront inégalitaire et discriminatoire.
Au moment d’évoquer le fonctionnement de cette société au sein de la cellule familiale, Paul est surpris par l’évocation des valeurs en voie de disparition en France. Le sage affirmera que sans le maintien du tissu familial, la réputation du soninké telle que connue aujourd’hui n’existerait pas. La foi et la famille façonnent donc l’équilibre chez un soninké. La preuve en est que lorsque le Kagumé (chef de famille) dit son dernier mot, les propos précédents des membres de la fratrie deviennent nuls et non avenus. Des palabres futiles auxquelles même les cadets de la Kâ (famille) ne donneront aucun crédit. Le droit d’ainesse demeure une valeur sûre chez les Soninkés et structure encore les foyers toulellois. Lorsque Paul demande pourquoi les Soninkés sont des émigrés par excellence, l’ancien convoque la légende selon laquelle leur aïeul Dingha écouta le conseil d’une hyène en émigrant à la recherche de pâturage et d’eau. Il ajoute que, avant de s’installer massivement dans l’Hexagone, les Soninkés étaient des Jula (commerçants) qui sillonnaient les pays limitrophes de la Mauritanie et la sous-région. D’autres encore séjournaient dans le bassin arachidier au Sénégal ou en Gambie pendant la période des Navétanes (hivernage).
Le chemin de l’Occident n’a commencé qu’après les deux guerres mondiales avec la forte demande d’une main-d’œuvre bon marché. Ici, le sage Kobel s’arrête pour déplorer les effets pervers de l’émigration. Le dépeuplement de villages entiers à cause de l’exode, la fuite des cerveaux, le désintéressement des jeunes pour les études et la jalousie que provoquent les nouvelles richesses sont autant de malheurs qui révoltent le vieil homme. D’où le fait qu’aujourd’hui seul “celui qui a migré hors du village” a droit au respect et à la parole, rapporte l’auteur. L’exemple des dépenses faramineuses contractées pour des noces illustre parfaitement ce que Kobel appelle “la perte des valeurs”. Le vieil homme fustige le snobisme extravagant des jeunes émigrés qui rivalisent de faste dans leurs cérémonies de mariage. Constatant que certaines dérives affectent même le baadé (période de deuil), il s’attriste : “de nos jours, dans la société soninké, le deuil est devenu une véritable manifestation d’ostentation, d’orgueil et d’étalage des richesses”. En revanche, la contestation de l’ordre établi et des logiques ancestrales ne le gêne pas. Il admet que les mutations sociales et l’ouverture sur le monde occidental entraînent l’évolution des mentalités. Pour éviter le conflit de générations, il préconise simplement de faire un “tri positif et raisonnable dans les meurs empruntés de l’Occident”.

Lorsque le matériel détermine le statut social et devient le centre de l’existence, pourquoi s’étonne-t-on de l’obsession des jeunes à vouloir gagner, morts ou vifs, leur eldorado imaginaire ? La réponse de Paul est sans attente : ” Les jeunes Soninkés devraient comprendre que leur avenir se joue en Afrique. Il n’y a rien maintenant en Occident”. Alors que l’Europe se débat dans son marasme économique, l’écrivain invite les élites africaines à montrer l’exemple. En retournant dans leur pays d’origine, elles aideront les jeunes Africains à construire leur personnalité et contribueront à l’émergence de nouvelles dynamiques sur le continent.
Bâ Sileye
sileye87@gmail.com
Né en 1977 en Mauritanie, Zakaria SOUMARE a étudié à l’université de Nouakchott puis au Sénégal où il a obtenu un DEA en littérature africaine francophone. Il a soutenu en 2010 une thèse de doctorat à l’Université de Limoges. Il est aujourd’hui professeur de lettres modernes à l’Académie de Limoges et chercheur associé à FRED (Francophonie, Éducation et Diversité) à l’université de Limoges. Il est aussi l’auteur de «Le Fils d’un rescapé du génocide des Tutsi, Edilivre, 2013».
Droits de l’Homme : Aziz nargue le Parlement Européen
Le président Mohamed Ould Abdelaziz n’est pas allé par quatre chemins vendredi pour dénier la condamnation de son régime par le Parlement Européen au sujet de l’incarcération de Biram Ould Abeid et de ses codetenus de l’ira.
Pour le président Aziz la condamnation de l’arrestation du président de l’Ira aurait un objectif « inavoué ». L’insinuation est pourtant claire et fait directement allusion au non renouvellement du dernier protocole de pêche entre notre pays et l’Union Européenne, venu à expiration lundi dernier.
Pire encore, dans une conférence de presse tenue à l’issue du processus de Nouakchott, le président Aziz a accusé l’Ue de ne pas respecter les engagements pris avec le Gouvernement mauritanien. Il citera, à ce sujet, plusieurs accords de financements restés lettres-mortes.
Le président Aziz a, par ailleurs, nié catégoriquement l’existence de l’esclavage en Mauritanie estimant que c’est un créneau utilisé par certaines organisations pour semer la discorde dans le pays tout en profitant «des largesses de leurs manipulateurs». A ce sujet, le président Aziz précisera que l’organisation Ira est non-reconnue en Mauritanie. Il a en outre accusé son président Biram Ould Dah de s’être approprié ce combat récemment pour son agenda personnel.
Jeudi, le Parlement Européen, rappelle-t-on, avait condamné dans un communiqué rendu public l’arrestation le 11 Novembre 2014 par les autorités mauritaniennes du président d’Ira Biram Ould Dah Ould Abeidi et exhorté à sa libération immédiate ainsi que ces codétenus.
Source: mauriweb
Le président sahraoui à Algeriepatriotique : «Notre armée est parée à toute éventualité»
Mohamed Abdelaziz : «Les gouvernements français et espagnol sont les principales causes du drame vécu par le peuple sahraoui.»
Algeriepatriotique : Des manœuvres militaires ont été effectuées dans les territoires libérés du Sahara Occidental en réponse aux gesticulations de Rabat. Est-ce les prémices d’un retour à la lutte armée après 23 ans de cessez-le-feu ?
Le président Mohamed Abdelaziz : L’armée sahraouie a effectivement mené une manœuvre militaire avec utilisation de munitions réelles dans la zone libérée du Sahara Occidental, plus exactement à Taouinit. Cet exercice entre dans le cadre d’activités classiques et ordinaires que l’armée sahraouie entreprend chaque fin ou début d’année pour tester l’efficacité du matériel, et le degré de préparation et le moral des troupes. Mais la manœuvre de cette année revêt un caractère particulier au vu du volume et de l’intérêt porté pour celle-ci. Je peux citer deux raisons essentielles pour cet aspect particulier. D’abord, il va de soi que l’armée sahraouie a le devoir de libérer le pays. Durant ces dernières années, nous attendions l’organisation du référendum pour l’autodétermination et la reprise des négociations. Mais le Maroc a décidé d’interrompre le processus et mettre fin à la coopération avec les Nations unies. En novembre dernier, le roi du Maroc a prononcé un discours incendiaire et annoncé une confrontation directe avec l’organisation onusienne dont il rejette les décisions et le plan visant à organiser un référendum libre et démocratique. Aussi, ceci impose à l’armée sahraouie de se tenir prête pour parer à toute éventualité, jusques et y compris la possibilité de voir le Maroc s’aventurer à expulser la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso) et violer l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur unilatéralement en 1991. Nous serions, dans ce cas, obligés de nous défendre et de reprendre la lutte armée dans le cadre de la légitime défense. Ensuite, tout le monde sait que la région de l’Afrique du Nord, et le Sahel en général, est menacée par le terrorisme et le crime organisé. Le Maroc est le premier pays producteur et exportateur de drogue, et la drogue est la principale source de financement du terrorisme et du crime organisé. Tout le monde sait aussi que la République sahraouie et le Front Polisario sont un facteur réel de stabilité, de modération et de paix dans la région depuis quarante ans. C’est ce projet pour lequel nous militons. Nous avons donc des devoirs et des responsabilités à assumer, lesquels consistent à défendre le Sahara Occidental et les zones dans lesquelles nous sommes présents contre les organisations criminelles et les groupes terroristes. Aussi préparons-nous notre armée pour qu’elle puisse être capable de faire face à ce genre de menaces.
Pensez-vous que le rapport de force est équilibré en cas de reprise des hostilités ?
La puissance du colonisateur n’est jamais comparable à celle du peuple colonisé, ni en hommes ni en matériel. Nous avons la force du droit et les Marocains ont le droit de la force. Nous avons, quant à nous, une longue expérience de la guerre qui a duré seize ans de 1975 à 1991. Nous avions, à l’époque, une armée dotée d’effectifs moins nombreux, moins expérimentée et moins bien équipée qu’aujourd’hui. Notre cause n’était pas connue sur le plan international. Pourtant, cette armée-là avait pu convaincre le gouvernement marocain – de l’aveu même du défunt Hassan II – de l’impossibilité pour le Maroc de gagner la guerre et de la nécessité de régler le conflit politiquement dans le cadre des Nations unies à travers le référendum pour l’autodétermination, lequel processus devait aboutir à des négociations parrainées par l’ONU afin de mettre en place un plan de paix. Donc, pour répondre à votre question, le problème de l’équilibre des forces ne se pose pas. L’ennemi peut être plus fort, mais le droit et la légitimité sont de notre côté. Notre volonté est très forte et si nous menons un combat, c’est pour la vie. Nous triompherons alors comme a triomphé le peuple algérien sous la conduite du Front de libération nationale dans les années 1950 contre la plus puissante force militaire du monde, c’est-à-dire l’Otan. L’armée algérienne a vaincu grâce à son stoïcisme et le droit du peuple algérien à son indépendance a fini par défaire l’ennemi. Nous aussi sommes confortés par la justesse de notre cause. Et pour cela, nous vaincrons.
Le Maroc multiplie les obstacles entravant le processus d’organisation du référendum. Cela se traduit par le report, encore une fois, de la visite de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Christopher Ross, au Maroc. Pourquoi le Conseil de sécurité de l’ONU n’arrive-t-il toujours pas à contraindre le Maroc à se conformer aux lois internationales ?
Il faut dire que certaines puissances traitent le dossier du Sahara Occidental avec une certaine froideur. Je dirais même qu’elles font preuve de négligence, d’indécision, voire de démission. Le dossier sahraoui est clair : c’est une affaire de décolonisation. Le plan de paix onusien de 1991 est tout aussi clair et la Minurso a été chargée d’organiser un référendum libre et démocratique dans un délai qui ne devait pas dépasser une année. Vingt-trois ans se sont écoulés depuis et le Maroc continue de louvoyer et de tergiverser jusqu’à affirmer, maintenant, qu’il refuse carrément la tenue de ce référendum et de traiter avec le représentant du secrétaire général des Nations unies. Les choses sont désormais claires et les blocages de la partie marocaine sont flagrants. Le Conseil de sécurité de l’ONU se devait de sanctionner le royaume du Maroc et le contraindre à appliquer l’accord qu’il a signé sous l’égide de ce même Conseil. Nous attendons avril prochain [pour prendre une décision]. Dans son dernier rapport, le secrétaire général de l’ONU a affirmé que si aucune avancée n’était enregistrée dans les négociations, le Conseil de sécurité serait appelé à aborder la question sahraouie sous un autre angle ou selon une autre approche. Quelle sera cette approche ? L’ONU imposera-t-elle des sanctions contre le Maroc ? La question sahraouie passera-t-elle de l’article VI de la Charte des Nations unies au chapitre VII qui stipule que les résolutions du Conseil de sécurité doivent être appliquées y compris par l’usage de la force ? Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir dans cette déclaration au regard du contexte dans lequel cette idée a été incluse dans le rapport du secrétaire général de l’ONU, c’est que le Conseil de sécurité est appelé à faire preuve de plus d’intransigeance et de plus de sévérité avec le Maroc. C’est ce que nous souhaitons.
Les spécialistes du dossier sahraoui estiment que la France et l’Espagne, trouvant un intérêt avec le Maroc, empêcheraient tout progrès du processus d’autodétermination du peuple sahraoui. Peut-on connaître votre avis à ce sujet ?
Malheureusement, les gouvernements français et espagnol sont les principales causes du drame vécu par le peuple sahraoui et – je dirais même – par toute la région en raison du problème du Sahara Occidental depuis 1975. En effet, l’Espagne et la France assument l’entière responsabilité des accords de Madrid de 1975, qui ont donné lieu au retrait de l’Espagne et à la partition du Sahara Occidental. Le peuple sahraoui a subi une guerre génocidaire financée et alimentée par ces deux pays. L’armée de l’air française est même intervenue directement. Jusqu’à ce jour, l’entêtement du Maroc trouve un soutien très solide et une protection auprès des gouvernements français et espagnol, alors même que des négociations ont eu lieu et qu’un plan de paix a été mis en place où il est admis que la question du Sahara Occidental est une affaire de décolonisation et que la solution doit impérativement passer par le principe de l’autodétermination à travers un référendum libre et démocratique. Ces deux gouvernements sont, dès lors, responsables de cette tragédie et cette situation. Après tout cela, ils ont recouru à toutes les méthodes pour faire plier le peuple sahraoui, mais ils n’ont jamais essayé une : permettre au peuple sahraoui de s’exprimer, bien que l’ONU soit présente sur le terrain et qu’elle ait tout préparé pour la tenue du référendum, y compris les listes des votants. Espérons que les gouvernements français et espagnol soient, cette fois-ci, une partie de la solution et qu’ils ne restent pas indéfiniment une partie du problème.
Des comités de soutien et de solidarité avec le peuple sahraoui s’organisent un peu partout dans le monde afin de faire pression sur les Etats pour accélérer le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Pensez-vous que ces actions pourraient faire bouger les choses ?
Nous nous sommes réunis en marge de la rencontre (d’Alger, ndlr) pour envisager l’organisation d’une grande conférence internationale à Alger sous le thème «Le droit des peuples à la résistance, cas du peuple sahraoui». Ce sera la cinquième édition de cette conférence dont le nombre et la qualité des participants progressent d’année en année. Beaucoup de délégations venant des Etats-Unis, d’Europe, d’Amérique latine, d’une majorité de pays africains ainsi que du monde arabe et de l’Asie prendront part à cette conférence qui réunira des parlementaires, des journalistes, des écrivains et des militants des droits de l’Homme. Tous dénoncent la colonisation du Sahara Occidental par le Maroc et les atteintes aux droits humains commis dans les territoires occupés. Tous sont solidaires avec le peuple sahraoui. Cette action a une valeur politique, mais aussi morale, si bien que ce large mouvement de solidarité envoie un message très fort au Maroc, aux Nations unies et à tous les Etats pour mettre fin à la dernière colonisation en Afrique. Cette conférence aura un écho extrêmement positif. Il est très difficile pour les Nations unies de ne pas prêter attention à toutes ces voix, et il est très difficile aussi pour tous ces Etats de demeurer sourds au cri de leurs propres peuples et de leurs propres sociétés civiles dans leur action de défense de la cause sahraouie. Le mouvement de solidarité international avec le peuple sahraoui se développe de jour en jour et la crédibilité du Front Polisario et de la République sahraouie et de la lutte du peuple sahraoui grandissent de même. Et cela a son impact et son importance.
L’escalade verbale des autorités marocaines contre l’Algérie ne cesse de s’intensifier depuis quelques mois. Doit-on attribuer cela au soutien indéfectible de l’Algérie pour la cause sahraouie ou alors le Makhzen cache-t-il d’autres objectifs derrière ces attaques récurrentes et ce double langage ?
Malheureusement, ces campagnes menées par le Maroc contre l’Algérie font partie, à mon sens, d’une action principale qui consiste à détourner l’attention de l’opinion publique marocaine et à lui cacher la vérité, dans un hypothétique espoir de retarder les mouvements de contestation populaires contre le régime en place. A chaque fois, le régime avertit de l’existence d’un ennemi extérieur et met en garde contre l’Algérie comme étant l’«ennemi» du Maroc pour l’occuper et le faire taire. Nous condamnons cette politique de fuite en avant, d’autant que la véritable source de malheur pour la région en général et pour l’Algérie, la Mauritanie et le Sahara Occidental en particulier, sans oublier le sud de l’Europe, c’est bel et bien le Maroc. Le Maroc est le premier producteur de cannabis dans le monde et il est de notoriété publique que les organisations criminelles se développent autour de la vente et de l’exportation de cette drogue et de la prolifération des réseaux de trafic. C’est donc le Maroc qui empoisonne les jeunes [avec son kif] et nourrit le crime organisé dans la région. C’est aussi le Maroc qui est animé par des velléités expansionnistes dans la région, puisqu’en 1963, c’est-à-dire au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, il a déclaré une guerre injuste contre l’Algérie en revendiquant une partie importante des territoires algériens. C’est encore le Maroc qui n’a reconnu l’indépendance de la Mauritanie qu’en 1968, alors qu’il l’a recouvrée en 1956. Et, depuis 1975, ce même Maroc mène une guerre injuste contre le peuple sahraoui. Le Maroc est donc une source d’invasion et d’expansionnisme avec l’aide d’autres pays, évidemment.
Le Maroc mène, avec la complicité de certaines entreprises étrangères, des activités illégales – au regard du droit international – sur les ressources naturelles au Sahara Occidental, dans les domaines de la pêche et des phosphates notamment, mais aussi dans d’autres domaines. Quelles suites ont été données à la protestation et aux démarches de la RASD visant à dénoncer ce pillage ?
Nous avons exposé ce problème sur le plan international et nous avons abouti à des résultats importants. Le premier de ces résultats, c’est que le secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des affaires juridiques a, après une profonde étude, déclaré illégale l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental par le colonisateur marocain et par d’autres parties qui coopèrent avec lui. A la lumière de ce résultat, plusieurs compagnies qui avaient conclu des accords avec le Maroc dans les domaines de la pêche, de l’extraction du phosphate et de l’exploration de minerais, se sont retirées de la zone pour se conformer aux lois internationales. Le dossier reste ouvert et nous avons déposé une plainte auprès de tribunal de l’Union européenne à Strasbourg pour juger de la légalité ou non des accords signés entre l’Union européenne et le Maroc dans le domaine de la pêche au Sahara Occidental. Nous sommes optimistes quant au verdict final, car celui-ci ne saurait contredire les résolutions des Nations unies et le droit international. De toute façon, le combat continue. Nous avons enregistré des objectifs et le Conseil de l’ONU est appelé à considérer le cas du Sahara Occidental de la même manière qu’il a considéré celui de la Namibie. Les Nations unies avaient décidé de geler toute exploitation des ressources naturelles de la Namibie jusqu’au référendum.
Le Maroc multiplie les atteintes aux droits de l’Homme (arrestations et détentions arbitraires, pratique de la torture, mauvais traitement des détenus) dans sa répression contre les militants sahraouis. Les partenaires du royaume, comme l’Union européenne, ont-ils réagi à cette situation rapportée par de nombreux témoins et observateurs étrangers ?
Nous avons organisé, depuis le 21 mai 2005, un mouvement de protestation civile pacifique, que nous avons appelé «intifadha de l’istiqlal» (soulèvement pour l’indépendance), à travers lequel les Sahraouis revendiquent l’indépendance, la tenue du référendum, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt des atteintes aux droits de l’Homme et le droit au rassemblement et à la protestation. La réponse du gouvernement marocain fut violente et sauvage. Il y eut des assassinats, des arrestations et des procès expéditifs. Nous comptons des dizaines de détenus politiques dans les prisons marocaines. Certains d’entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, à l’exemple de M’barek Daoudi qui a été jugé par un tribunal militaire, en violation du droit international, puisque c’est un citoyen civil dont le seul tort est d’avoir réclamé la tenue d’un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Il a entamé une grève de la faim depuis quarante jours et sa vie est menacée. Il a été arrêté avec cinq de ses enfants, dont certains ont passé une année en prison et d’autres y sont toujours. Rappelez-vous Guedim Izik, les pratiques horribles du régime marocain et le nombre élevé de militants qui ont été exécutés. En tout état de cause, ces atteintes marocaines aux droits humains sont désormais flagrantes et connues de tous, en ce sens que les organisations de défense des droits de l’Homme, le département d’Etat américain, l’Union européenne et le Parlement européen ont tous émis des rapports qui recensent les atteintes aux droits de l’Homme par le Maroc au Sahara Occidental de façon claire et nette. Par conséquent, beaucoup d’Etats, dont les Etats-Unis, sont maintenant convaincus de la nécessité d’intégrer la question des droits de l’Homme dans la mission de la Minurso. Ce que le Maroc refuse malheureusement. Cette question n’a pas encore été intégrée à la mission de la Minurso pour le moment.
Ont-ils prévu des sanctions ou d’autres formes de pression contre le Maroc pour l’amener à respecter les droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés ?
Comme je l’ai dit auparavant, à cause de la position de l’Espagne et de la France, ni le Conseil de sécurité ni le secrétariat général des Nations unies n’ont réussi à imposer des sanctions contre le Maroc.
Les choses vont-elles en rester là ?
Nous attendons le mois d’avril. Nous souhaitons que le Conseil de sécurité agisse avec une certaine fermeté à l’encontre le Maroc.
Et si cela ne se réalise pas, quelle sera votre réaction ?
Nous coopérerons avec l’ONU tant qu’elle s’engage à organiser le référendum d’autodétermination et tant qu’elle exerce des pressions sur le Maroc pour qu’il avance dans cette direction. Mais vu que le Maroc adopte, depuis 2014 et notamment après le discours de Mohammed VI, une position basée sur une logique de confrontation claire vis-à-vis du peuple sahraoui, des Nations unies, du Conseil de sécurité et des organisations de défense des droits de l’Homme, nous prévoyons une exclusion par le Maroc de la Mission des Nations unies du Sahara Occidental. Cela signifierait une déclaration de guerre contre le Front Polisario et les Nations unies. Dans ce cas de figure, nous nous défendrons et reprendrons la lutte armée.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
Publié par Algérie patriotique
Algeriepatriotique : Des manœuvres militaires ont été effectuées dans les territoires libérés du Sahara Occidental en réponse aux gesticulations de Rabat. Est-ce les prémices d’un retour à la lutte armée après 23 ans de cessez-le-feu ?
Le président Mohamed Abdelaziz : L’armée sahraouie a effectivement mené une manœuvre militaire avec utilisation de munitions réelles dans la zone libérée du Sahara Occidental, plus exactement à Taouinit. Cet exercice entre dans le cadre d’activités classiques et ordinaires que l’armée sahraouie entreprend chaque fin ou début d’année pour tester l’efficacité du matériel, et le degré de préparation et le moral des troupes. Mais la manœuvre de cette année revêt un caractère particulier au vu du volume et de l’intérêt porté pour celle-ci. Je peux citer deux raisons essentielles pour cet aspect particulier. D’abord, il va de soi que l’armée sahraouie a le devoir de libérer le pays. Durant ces dernières années, nous attendions l’organisation du référendum pour l’autodétermination et la reprise des négociations. Mais le Maroc a décidé d’interrompre le processus et mettre fin à la coopération avec les Nations unies. En novembre dernier, le roi du Maroc a prononcé un discours incendiaire et annoncé une confrontation directe avec l’organisation onusienne dont il rejette les décisions et le plan visant à organiser un référendum libre et démocratique. Aussi, ceci impose à l’armée sahraouie de se tenir prête pour parer à toute éventualité, jusques et y compris la possibilité de voir le Maroc s’aventurer à expulser la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso) et violer l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur unilatéralement en 1991. Nous serions, dans ce cas, obligés de nous défendre et de reprendre la lutte armée dans le cadre de la légitime défense. Ensuite, tout le monde sait que la région de l’Afrique du Nord, et le Sahel en général, est menacée par le terrorisme et le crime organisé. Le Maroc est le premier pays producteur et exportateur de drogue, et la drogue est la principale source de financement du terrorisme et du crime organisé. Tout le monde sait aussi que la République sahraouie et le Front Polisario sont un facteur réel de stabilité, de modération et de paix dans la région depuis quarante ans. C’est ce projet pour lequel nous militons. Nous avons donc des devoirs et des responsabilités à assumer, lesquels consistent à défendre le Sahara Occidental et les zones dans lesquelles nous sommes présents contre les organisations criminelles et les groupes terroristes. Aussi préparons-nous notre armée pour qu’elle puisse être capable de faire face à ce genre de menaces.
Pensez-vous que le rapport de force est équilibré en cas de reprise des hostilités ?
La puissance du colonisateur n’est jamais comparable à celle du peuple colonisé, ni en hommes ni en matériel. Nous avons la force du droit et les Marocains ont le droit de la force. Nous avons, quant à nous, une longue expérience de la guerre qui a duré seize ans de 1975 à 1991. Nous avions, à l’époque, une armée dotée d’effectifs moins nombreux, moins expérimentée et moins bien équipée qu’aujourd’hui. Notre cause n’était pas connue sur le plan international. Pourtant, cette armée-là avait pu convaincre le gouvernement marocain – de l’aveu même du défunt Hassan II – de l’impossibilité pour le Maroc de gagner la guerre et de la nécessité de régler le conflit politiquement dans le cadre des Nations unies à travers le référendum pour l’autodétermination, lequel processus devait aboutir à des négociations parrainées par l’ONU afin de mettre en place un plan de paix. Donc, pour répondre à votre question, le problème de l’équilibre des forces ne se pose pas. L’ennemi peut être plus fort, mais le droit et la légitimité sont de notre côté. Notre volonté est très forte et si nous menons un combat, c’est pour la vie. Nous triompherons alors comme a triomphé le peuple algérien sous la conduite du Front de libération nationale dans les années 1950 contre la plus puissante force militaire du monde, c’est-à-dire l’Otan. L’armée algérienne a vaincu grâce à son stoïcisme et le droit du peuple algérien à son indépendance a fini par défaire l’ennemi. Nous aussi sommes confortés par la justesse de notre cause. Et pour cela, nous vaincrons.
Le Maroc multiplie les obstacles entravant le processus d’organisation du référendum. Cela se traduit par le report, encore une fois, de la visite de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Christopher Ross, au Maroc. Pourquoi le Conseil de sécurité de l’ONU n’arrive-t-il toujours pas à contraindre le Maroc à se conformer aux lois internationales ?
Il faut dire que certaines puissances traitent le dossier du Sahara Occidental avec une certaine froideur. Je dirais même qu’elles font preuve de négligence, d’indécision, voire de démission. Le dossier sahraoui est clair : c’est une affaire de décolonisation. Le plan de paix onusien de 1991 est tout aussi clair et la Minurso a été chargée d’organiser un référendum libre et démocratique dans un délai qui ne devait pas dépasser une année. Vingt-trois ans se sont écoulés depuis et le Maroc continue de louvoyer et de tergiverser jusqu’à affirmer, maintenant, qu’il refuse carrément la tenue de ce référendum et de traiter avec le représentant du secrétaire général des Nations unies. Les choses sont désormais claires et les blocages de la partie marocaine sont flagrants. Le Conseil de sécurité de l’ONU se devait de sanctionner le royaume du Maroc et le contraindre à appliquer l’accord qu’il a signé sous l’égide de ce même Conseil. Nous attendons avril prochain [pour prendre une décision]. Dans son dernier rapport, le secrétaire général de l’ONU a affirmé que si aucune avancée n’était enregistrée dans les négociations, le Conseil de sécurité serait appelé à aborder la question sahraouie sous un autre angle ou selon une autre approche. Quelle sera cette approche ? L’ONU imposera-t-elle des sanctions contre le Maroc ? La question sahraouie passera-t-elle de l’article VI de la Charte des Nations unies au chapitre VII qui stipule que les résolutions du Conseil de sécurité doivent être appliquées y compris par l’usage de la force ? Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir dans cette déclaration au regard du contexte dans lequel cette idée a été incluse dans le rapport du secrétaire général de l’ONU, c’est que le Conseil de sécurité est appelé à faire preuve de plus d’intransigeance et de plus de sévérité avec le Maroc. C’est ce que nous souhaitons.
Les spécialistes du dossier sahraoui estiment que la France et l’Espagne, trouvant un intérêt avec le Maroc, empêcheraient tout progrès du processus d’autodétermination du peuple sahraoui. Peut-on connaître votre avis à ce sujet ?
Malheureusement, les gouvernements français et espagnol sont les principales causes du drame vécu par le peuple sahraoui et – je dirais même – par toute la région en raison du problème du Sahara Occidental depuis 1975. En effet, l’Espagne et la France assument l’entière responsabilité des accords de Madrid de 1975, qui ont donné lieu au retrait de l’Espagne et à la partition du Sahara Occidental. Le peuple sahraoui a subi une guerre génocidaire financée et alimentée par ces deux pays. L’armée de l’air française est même intervenue directement. Jusqu’à ce jour, l’entêtement du Maroc trouve un soutien très solide et une protection auprès des gouvernements français et espagnol, alors même que des négociations ont eu lieu et qu’un plan de paix a été mis en place où il est admis que la question du Sahara Occidental est une affaire de décolonisation et que la solution doit impérativement passer par le principe de l’autodétermination à travers un référendum libre et démocratique. Ces deux gouvernements sont, dès lors, responsables de cette tragédie et cette situation. Après tout cela, ils ont recouru à toutes les méthodes pour faire plier le peuple sahraoui, mais ils n’ont jamais essayé une : permettre au peuple sahraoui de s’exprimer, bien que l’ONU soit présente sur le terrain et qu’elle ait tout préparé pour la tenue du référendum, y compris les listes des votants. Espérons que les gouvernements français et espagnol soient, cette fois-ci, une partie de la solution et qu’ils ne restent pas indéfiniment une partie du problème.
Des comités de soutien et de solidarité avec le peuple sahraoui s’organisent un peu partout dans le monde afin de faire pression sur les Etats pour accélérer le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Pensez-vous que ces actions pourraient faire bouger les choses ?
Nous nous sommes réunis en marge de la rencontre (d’Alger, ndlr) pour envisager l’organisation d’une grande conférence internationale à Alger sous le thème «Le droit des peuples à la résistance, cas du peuple sahraoui». Ce sera la cinquième édition de cette conférence dont le nombre et la qualité des participants progressent d’année en année. Beaucoup de délégations venant des Etats-Unis, d’Europe, d’Amérique latine, d’une majorité de pays africains ainsi que du monde arabe et de l’Asie prendront part à cette conférence qui réunira des parlementaires, des journalistes, des écrivains et des militants des droits de l’Homme. Tous dénoncent la colonisation du Sahara Occidental par le Maroc et les atteintes aux droits humains commis dans les territoires occupés. Tous sont solidaires avec le peuple sahraoui. Cette action a une valeur politique, mais aussi morale, si bien que ce large mouvement de solidarité envoie un message très fort au Maroc, aux Nations unies et à tous les Etats pour mettre fin à la dernière colonisation en Afrique. Cette conférence aura un écho extrêmement positif. Il est très difficile pour les Nations unies de ne pas prêter attention à toutes ces voix, et il est très difficile aussi pour tous ces Etats de demeurer sourds au cri de leurs propres peuples et de leurs propres sociétés civiles dans leur action de défense de la cause sahraouie. Le mouvement de solidarité international avec le peuple sahraoui se développe de jour en jour et la crédibilité du Front Polisario et de la République sahraouie et de la lutte du peuple sahraoui grandissent de même. Et cela a son impact et son importance.
L’escalade verbale des autorités marocaines contre l’Algérie ne cesse de s’intensifier depuis quelques mois. Doit-on attribuer cela au soutien indéfectible de l’Algérie pour la cause sahraouie ou alors le Makhzen cache-t-il d’autres objectifs derrière ces attaques récurrentes et ce double langage ?
Malheureusement, ces campagnes menées par le Maroc contre l’Algérie font partie, à mon sens, d’une action principale qui consiste à détourner l’attention de l’opinion publique marocaine et à lui cacher la vérité, dans un hypothétique espoir de retarder les mouvements de contestation populaires contre le régime en place. A chaque fois, le régime avertit de l’existence d’un ennemi extérieur et met en garde contre l’Algérie comme étant l’«ennemi» du Maroc pour l’occuper et le faire taire. Nous condamnons cette politique de fuite en avant, d’autant que la véritable source de malheur pour la région en général et pour l’Algérie, la Mauritanie et le Sahara Occidental en particulier, sans oublier le sud de l’Europe, c’est bel et bien le Maroc. Le Maroc est le premier producteur de cannabis dans le monde et il est de notoriété publique que les organisations criminelles se développent autour de la vente et de l’exportation de cette drogue et de la prolifération des réseaux de trafic. C’est donc le Maroc qui empoisonne les jeunes [avec son kif] et nourrit le crime organisé dans la région. C’est aussi le Maroc qui est animé par des velléités expansionnistes dans la région, puisqu’en 1963, c’est-à-dire au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, il a déclaré une guerre injuste contre l’Algérie en revendiquant une partie importante des territoires algériens. C’est encore le Maroc qui n’a reconnu l’indépendance de la Mauritanie qu’en 1968, alors qu’il l’a recouvrée en 1956. Et, depuis 1975, ce même Maroc mène une guerre injuste contre le peuple sahraoui. Le Maroc est donc une source d’invasion et d’expansionnisme avec l’aide d’autres pays, évidemment.
Le Maroc mène, avec la complicité de certaines entreprises étrangères, des activités illégales – au regard du droit international – sur les ressources naturelles au Sahara Occidental, dans les domaines de la pêche et des phosphates notamment, mais aussi dans d’autres domaines. Quelles suites ont été données à la protestation et aux démarches de la RASD visant à dénoncer ce pillage ?
Nous avons exposé ce problème sur le plan international et nous avons abouti à des résultats importants. Le premier de ces résultats, c’est que le secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des affaires juridiques a, après une profonde étude, déclaré illégale l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental par le colonisateur marocain et par d’autres parties qui coopèrent avec lui. A la lumière de ce résultat, plusieurs compagnies qui avaient conclu des accords avec le Maroc dans les domaines de la pêche, de l’extraction du phosphate et de l’exploration de minerais, se sont retirées de la zone pour se conformer aux lois internationales. Le dossier reste ouvert et nous avons déposé une plainte auprès de tribunal de l’Union européenne à Strasbourg pour juger de la légalité ou non des accords signés entre l’Union européenne et le Maroc dans le domaine de la pêche au Sahara Occidental. Nous sommes optimistes quant au verdict final, car celui-ci ne saurait contredire les résolutions des Nations unies et le droit international. De toute façon, le combat continue. Nous avons enregistré des objectifs et le Conseil de l’ONU est appelé à considérer le cas du Sahara Occidental de la même manière qu’il a considéré celui de la Namibie. Les Nations unies avaient décidé de geler toute exploitation des ressources naturelles de la Namibie jusqu’au référendum.
Le Maroc multiplie les atteintes aux droits de l’Homme (arrestations et détentions arbitraires, pratique de la torture, mauvais traitement des détenus) dans sa répression contre les militants sahraouis. Les partenaires du royaume, comme l’Union européenne, ont-ils réagi à cette situation rapportée par de nombreux témoins et observateurs étrangers ?
Nous avons organisé, depuis le 21 mai 2005, un mouvement de protestation civile pacifique, que nous avons appelé «intifadha de l’istiqlal» (soulèvement pour l’indépendance), à travers lequel les Sahraouis revendiquent l’indépendance, la tenue du référendum, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt des atteintes aux droits de l’Homme et le droit au rassemblement et à la protestation. La réponse du gouvernement marocain fut violente et sauvage. Il y eut des assassinats, des arrestations et des procès expéditifs. Nous comptons des dizaines de détenus politiques dans les prisons marocaines. Certains d’entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, à l’exemple de M’barek Daoudi qui a été jugé par un tribunal militaire, en violation du droit international, puisque c’est un citoyen civil dont le seul tort est d’avoir réclamé la tenue d’un référendum pour l’autodétermination du peuple sahraoui. Il a entamé une grève de la faim depuis quarante jours et sa vie est menacée. Il a été arrêté avec cinq de ses enfants, dont certains ont passé une année en prison et d’autres y sont toujours. Rappelez-vous Guedim Izik, les pratiques horribles du régime marocain et le nombre élevé de militants qui ont été exécutés. En tout état de cause, ces atteintes marocaines aux droits humains sont désormais flagrantes et connues de tous, en ce sens que les organisations de défense des droits de l’Homme, le département d’Etat américain, l’Union européenne et le Parlement européen ont tous émis des rapports qui recensent les atteintes aux droits de l’Homme par le Maroc au Sahara Occidental de façon claire et nette. Par conséquent, beaucoup d’Etats, dont les Etats-Unis, sont maintenant convaincus de la nécessité d’intégrer la question des droits de l’Homme dans la mission de la Minurso. Ce que le Maroc refuse malheureusement. Cette question n’a pas encore été intégrée à la mission de la Minurso pour le moment.
Ont-ils prévu des sanctions ou d’autres formes de pression contre le Maroc pour l’amener à respecter les droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés ?
Comme je l’ai dit auparavant, à cause de la position de l’Espagne et de la France, ni le Conseil de sécurité ni le secrétariat général des Nations unies n’ont réussi à imposer des sanctions contre le Maroc.
Les choses vont-elles en rester là ?
Nous attendons le mois d’avril. Nous souhaitons que le Conseil de sécurité agisse avec une certaine fermeté à l’encontre le Maroc.
Et si cela ne se réalise pas, quelle sera votre réaction ?
Nous coopérerons avec l’ONU tant qu’elle s’engage à organiser le référendum d’autodétermination et tant qu’elle exerce des pressions sur le Maroc pour qu’il avance dans cette direction. Mais vu que le Maroc adopte, depuis 2014 et notamment après le discours de Mohammed VI, une position basée sur une logique de confrontation claire vis-à-vis du peuple sahraoui, des Nations unies, du Conseil de sécurité et des organisations de défense des droits de l’Homme, nous prévoyons une exclusion par le Maroc de la Mission des Nations unies du Sahara Occidental. Cela signifierait une déclaration de guerre contre le Front Polisario et les Nations unies. Dans ce cas de figure, nous nous défendrons et reprendrons la lutte armée.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
Publié par Algérie patriotique