Daily Archives: 15/05/2011
Campagne contre les Flam: témoignage d´un petit-frère
Depuis quelques temps on assiste à une campagne haineuse et malsaine contre les Flam et contre Kaaw plus particulièrement sur un certain site mauritanien.Je pense que vous vous acharnez sur un homme que vous connaissez très mal dont le seul tord est de dire non au Système et vos attaques stériles envers cet homme telle une horde… ne servent pas la cause ébène au moment ou nous avons tant besoin de l’unité des opprimés. Que dieu pardonne les mauvaises langues!
Mon grand-frère je n´ai pas eu la chance de le connaitre de près, séparés depuis ma tendre enfance à cause de son exil et de son engagement politique. J’ai pas vécu avec lui plus de trois mois depuis les années de braise et tous ses problèmes et ennuis avec le régime militaire ce sont pratiquement déroulés tous devant moi.Je pense que certains ont tord de remettre en cause son arrestation et de falsifier l´histoire de la résistance négro-mauritanienne. Kaaw a connu sa première arrestation en 1986 avec 45 jeunes autres djeolois suite aux manifestations contre le régime. Kaaw etait le plus jeune du groupe d´ailleurs, arrêté avec deux autres frères de notre famille saïdou Baaba Touré et Ousmane Baaba Touré et par solidarité d´autres frères et talibés (étudiants en coran)de notre famille se sont rendus à la garnison militaire pour être arrêtés mais ces derniers seront libérés car on ne cherchait que Kaaw et Ousmane. Tellement il etait jeune que les gendarmes qui l´ont arrêté et qui avaient son nom en tête de liste ne croyaient pas que c´était lui le fameux Kaaw qu´ils cherchaient. Notre maman s’est déplacé vers Kaëdi pour être auprès d’eux afin de les préparer les repas et de l´amener chaque jour en prison en compagnie de notre cousine Coumba Sow épouse de Ibra Mifo.
En decembre 1987 après l´arrestation des officiers et sous-officiers noirs et l´exécution des martyrs Ba Seydi, Sy Saidou et Sarr Amadou, alors que je faisais ma première année au college, ils devaient tenir leur dernière réunion de préparation de la grève au lycee dans la chambre de Kaaw et Diaz Dia, le directeur du lycee Cheikhna Sanokho est venu les informer que leur vies sont en danger et que les autorités sont au courant de leur mouvement et qu´ils doivent prendre leurs dispositions pour échapper à une arrestation mortelle. Ils étaient obligés d´entrer en clandestinité et de quitter la ville de Kaëdi pour Djeol et traverser de l’autre côté du fleuve pour le Sénégal et ils m´ont chargé de se tenir devant la porte du lycee pour tenir informés aux éventuels camarades qui penseraient participer à la réunion.
Sa deuxieme arrestation était à Djeol en octobre 1996 pendant les élections législatives et c’était au moment où AC avec Tidjane Koita faisaient feu et flamme dans le Gorgol, Kaaw était de passage à Djeol pour présenter clandestinément ses condoléances suite au décès de notre grand-père et après une manifestation monstre et en force du parti de l´opposition AC, les ténors locaux du Prds(parti au pouvoir) ont eu peur de perdre les élections et ont dénoncé les jeunes en disant que ce sont “des flamistes qui sont venus du Sénégal pour faire campagne” et Kaaw fut une deuxième fois arrêté avec notre frère Ousmane Baba et cousin Altou Wélé(10 ans après sa 1ere arrestation)et ils seront libérés après une forte mobilisation des jeunes du village devant les locaux de la gendarmerie. Mais plus tard la gendarmerie saura que l´homme qu´ils avaient liberé était un dirigeant des FLAM et ils sont revenus à nouveau pour l´arrêter mais Kaaw était déjà averti encore à temps et repris son chemin d´exil et des camps des réfugiés au Sénégal.
Kaaw de part son éducation et de sa lignée ne souffre d’aucun complexe comme ses détracteurs et ceux qui l’accusent de tous les maux derrière des pseudos ne servent pas notre lutte. Je pense que vous le connaissez très mal et pour certains c’est un jugement de valeur qu’ils sont entrain d’avancer ressaisissez vous et revenez sur le droit chemin et priez pour que le seigneur vous accorde son pardon et n’y ajoutez pas de vos pechés en racontant des ballivernes sur des hommes d´honneur que vous ne connaissez pas.
Baba Touré dit Abdoulaye – Nouadhibou-Mauritanie.
Le Parti Al Asr entre dans la danse !
Le parti qui se revendique de la nouvelle génération dénommé « Al Asr », a annoncé hier la tenue de sa conférence de presse qui va consacrer sa première sortie publique.Une naissance qui n’avait pas manqué de provoquer des grincements de dents au sein de la majorité présidentielle qui y voit une main télécommandée du Président Aziz.A l’initiative de jeunes cadres, Voilà, piloté par le jeune Abderrahmane Ould Deddi, qui avait soutenu l’actuel président en 2009, le nouveau parti entame son baptême de feu. Les observateurs politiques restent cependant sceptiques sur les chances de ce nouveau-né de faire un bon parcours dans un paysage politique marqué par des coups de ping –pong entre des acteurs politiques qui se ne se font pas des cadeaux, y compris au sein de la majorité où la naissance de ce parti promet de rudes empoignades. Sans expérience et mal encadrés, ces jeunes entrent dans une arène dominée par de vieux loups qui commencent déjà à pousser des hurlements. Son existence va changer en bien ou en mal la donne et scellera le destin politique de son géniteur réel.
Amadou Diaara –LE RÉNOVATEUR
La rectification démocratique fait-elle son chemin ?
Le vaste chantier de la démocratie mauritanienne reste une œuvre complexe mais surtout fragile.Il est, dès le début de son fondement bâti sur un socle précaire qui nécessite une refondation plus rigoureuse. Notre démocratie a des défis énormes à relever. Elle a besoin d’évoluer dans un espace de libertés politiques, syndicales, médiatiques qui constituent les trois piliers essentiels d’une bonne gouvernance démocratique, gage d’une stabilité politique et d’une alternance démocratique.
Comme beaucoup de pays d’Afrique, les mauritaniens ont expérimenté des modèles de démocratie tropicalisée et taillées sur mesure. Ils rêvent de passer d’une démocratie de façade à une démocratie pluraliste, responsable et fonctionnant sur des principes de l’alternance pacifique par les urnes. Il est encore trop tôt de réaliser ce schéma. Mais tant que des gardes-fous ne sont pas pris, nous ne sommes pas à l’abri d’une conservation illimitée du pouvoir par des dirigeants qui usent de la méthode de diversion pour s’agripper au fauteuil présidentiel. Les signes de cette propension au monopole du pouvoir ne trompent pas. Ils se traduisent par un refus de s’ouvrir aux principaux acteurs politiques, d’une indifférence aux revendications sociales, d’une incohérence dans les décisions et au bout du compte d’une tendance au repli sur soi. Après une bonne période de retour à l’ordre constitutionnel mais pas encore à l’ordonnancement dans le paysage politique, le pouvoir en Mauritanie n’a pas encore rompu avec ses tâtonnements, et ses airs teintés de populisme. On est toujours sur une ligne de front marquée par ses opérations de lutte contre la gabegie, ses visites inopinées qui ne changent rien aux méthodes de gestion d’une administration au ralenti, de la promotion arbitraire des cadres et d’une justice qui a les plombs dans les ailes. Imaginez que plus de mille personnes de droit commun croupissent en prison sans être jugées. Des présumés voleurs de portables et autres petits délinquants encombrent les cellules augmentant de jour en jour la population carcérale avec les conséquences qui en découlent. Et on nous parle avec grandiloquence d’un appareil judiciaire assaini. Il y a quelques mois une campagne a été lancée tambour battant pour la construction d’une muraille verte tout autour de la capitale. Depuis c’est le silence radio sur une opération qui avait séduit l’opinion publique. La lutte contre les squattes a plus aggravé les problèmes de la maîtrise de la géométrie urbaine qu’elle n’a apporté de solutions réelles. Le nombre de chasseurs de « gazra » ne cesse de se gonfler. Le président ne manque pas de projets. Au contraire ! C’est la finalisation des actions qui fait défaut. Du capharnaüm tout ça si à la fin il n y a pas de résultats visibles. On voudrait bien voir le quotidien des mauritaniens changer par des réalisations concrètes ayant des impacts directs sur leur niveau de vie. La démocratie n’est pas un simple exercice puéril. C’est une construction qui doit se faire avec tous les acteurs de la vie politique économique et sociale…
Cheikh Tidiane Dia –LE RÉNOVATEUR
Ce qu´ils pensent des FLAM : le philosophe Hamdou Rabbi SY et l´historien-chercheur Abderrahmane NGAIDE
Vous êtes de la société civile, vos contributions sont jugées très pertinentes. Vos parcours et vos engagements y sont certainement pour quelque chose ?
Nous allons commencer par vous, Abderrahmane NGAIDE
D’abord je remercie les animateurs de cette rubrique intéressante ; qui change un peu le visage et le contenu des sites et forums mauritaniens de la diaspora. Il serait illogique de ma part de demander aux gens d’avoir la même vision des choses car nous sommes en présence d’un médium extraordinaire et dont l’impact sur nos consciences est encore difficile à mesurer. Pour répondre à votre question, je me sens obligé de faire un détour par l’histoire.
Je ne sais plus où me classer parmi tous ces tiroirs. Mais je sais une chose et à laquelle je tiens et advienne que pourra : mon indépendance d’esprit. Mon parcours est simple et ressemble un peu à celui des jeunes de mon âge même si aujourd’hui j’arbore mes presque 50 ans. Je ne suis plus le jeune Bassel courant les rues et sans aucuns soucis par rapport au monde qui m’entoure. Je pense avoir beaucoup mûri depuis que j’ai choisi, après les réticences paternelles, l’exil en septembre 1989. En effet, quand j’ai décidé de partir c’est non seulement pour pouvoir poursuivre mes études mais c’est aussi pour protester contre ce que nous avons vécu. Je ne pouvais continuer à vivre en Mauritanie même si je ne me sentais pas directement menacé à cause justement de la « couverture » d’un père qui a longtemps servi dans l’administration territoriale, puis centrale et qui je pense a contribué à sa manière à construire ce pays que j’aime malgré tout. Je pense d’ailleurs que c’est cette position non pas de privilégié mais de protégé qui me questionnait. C’est pour vous dire tout simplement que j’ai connu la Mauritanie à travers l’itinéraire administratif de feu mon père. Cela ne me donne aucune gloire ni vanité. Mais il est nécessaire de situer ce parcours pour mieux comprendre car beaucoup accusent sans connaître.
Mon père, s’est toujours opposé depuis Daddah jusqu’au qatari et j’ai vécu avec mes frères et sœurs dans ces « tourments » et j’ai eu la chance de le suivre, l’écouter et surtout être son scribe pendant les périodes où personne n’osait lever le petit doigt ou écrire un mot de protestation contre ce qui se passait dans nos localités. J’en garde les archives écrites par ma petite et frêle main. Des lettres « osées » et quand il me les dictait je ne tremblais pas mais je me concentrais surtout pour ne pas faire de fautes de français car la réprimande est vite arrivée. Je ne mesurais pas encore l’influence de l’engagement de ce père sur ma personne. Je ne pouvais pas savoir qu’il me faisait écrire une petite page d’histoire et qu’il m’inoculait une partie de sa rage contre l’injustice. Donc c’est sous la coupe de ce père intransigeant loin des compromissions que j’ai grandi. Donc je ne pouvais que me piquer ne serait-ce qu’à petites doses de la révolte intérieure de mon père. Il est vrai qu’un adage de chez nous que je considère comme une insulte enseigne ceci : « biddo artata arat ». Mais je pense avoir pris un peu du tempérament de papa chaud, redoutable devant tout ce qu’il considère comme de l’injustice, bagarreur mais en même temps très serein devant l’adversité. C’était un magma. Mais il reste inconnu de beaucoup et c’est tant mieux. Je ne peux avoir vécu sous l’autorité de cet homme et être le mou, le chercheur de poste ou le nègre de service que l’on pense. J’ai une démarche, une rigueur, une éthique et j’essaie de respecter ces vertus indispensables pour garder intacte ma sérénité.
Je me suis exilé avec ce sérum pour me retrouver à Dakar avec tous mes aînés et amis que je connaissais déjà à l’université de Nouakchott : Ciré Bâ, Boubacar Diagana, Alpha Diallo, Maître Diallo, Diagana Ousmane, Amadou Lam, mon désormais marabout Mouhamed Lamine Sakho et mon ami d’enfance Mohamadou Abdoul Diop dit Mody. J’ai connu aussi les AbdaWone et son frère Ibrahima, Kaw Touré, Thiongane, Salah Eddine, Amar Bâ et tant d’autres aujourd’hui dispersés à travers le monde. Ces différentes générations qui portèrent très haut le flambeau de la contestation pendant que les aînés étaient encore en prison. Je garde d’excellents souvenirs de tout ce beau monde. On formait une communauté malgré les divergences de vues et les projets personnels que chacun d’entre nous poursuivait. Quelques temps après beaucoup d’entre eux s’envolèrent pour l’Europe [comme par hasard] et d’autres beaucoup plus tard aux USA. C’est pour vous dire que le centre de gravité du noyau des Flam se déplaça avec toutes les conséquences.
J’avoue, ici, qu’en arrivant à Dakar, mon idée était de militer au sein des FLAM comme tous les jeunes de mon âge meurtris par la blessure. Mais malheureusement la porte me fut fermée de manière incroyable et je ne me l’explique pas encore aujourd’hui. Mais je pense que les luttes alimentaires et de positionnements, teintées d’un régionalisme sourd avaient pris le dessus sur la solidarité. En effet, je me rappelle de cette réunion au département d’allemand de la FLSH où je fus stupéfait d’entendre ces termes : « nouveaux étudiants et anciens boursiers ». Je me sentais déjà exclu. Ce jour-là d’ailleurs je me suis permis de prendre la parole et de brandir ma carte de réfugié et j’étais l’un des rares à en avoir dans la salle. J’ai tenu à peu près ces propos : « Il est incroyable que nous puissions parler de nouveaux et d’anciens étudiants dans cette réunion. Nous sommes tous victimes du même régime et d’ailleurs vous, vous avez choisi de rester et nous nous étions contraints de fuir. Si nous ne pouvons pas nous unir je ne sais pas comment nous pourrons lutter contre le régime ». Depuis ce jour, je pense que j’ai pris mes distances par rapport à toute organisation. J’étais peut être un naïf car les tendances politiques minaient en réalité cette nouvelle association d’étudiants en gestation. J’ai baigné dans cette atmosphère sans faire attention aux enjeux car mon tempérament me fait croire qu’il m’est impossible d’être prisonnier de situations où les tiraillements pour la visibilité battent le plein. C’est pour vous dire que l’union des forces est indispensable pour combattre l’adversité. Elle se fait dans la douleur du renoncement et des compromis. Et les grands hommes ne se reconnaissent que quand ils cèdent une partie d’eux-mêmes pour que le Tout retrouve son unité et sa dynamique.
Finalement je suis devenu un incompris et j’ai du encaisser beaucoup de choses sans pleurnicher sur les rebords de la douleur qui me rongeait. On m’a même soupçonné d’être un agent des renseignements. J’ai l’habitude de pardonner mais franchement cette accusation était lourde car j’en souffre encore aujourd’hui, mais je pardonne à ceux qui ont pensé un jour que je les épiais pour le compte de la police du qatari. C’est avec ce lourd œil sur moi que je continuais à discuter avec tous dans un air qui peut paraître flegmatique alors que c’est simplement un trait de caractère : je n’entre pas dans les salades des autres.
La suite beaucoup la connaissent mieux que moi. Depuis lors j’ai pris la décision de me consacrer à la lecture, la réflexion et l’écriture. Luxe insolent ? Mais très utile pour tous. J’ai l’habitude de prendre l’exemple des Juifs pour me disculper. L’épreuve doit conduire à la réflexion sur la tragédie. Nous avons vécu une tragédie et il nous faut des gens partout et dans tous les domaines pour relever les défis. J’ai pris sur moi cette lourde tâche de réfléchir. On pourrait me dire que c’est égoïste et pourtant non. Il suffit de jeter un coup d’œil sur ma bibliographie pour comprendre que je combats et que je suis engagé. Cette littérature scientifique est accessible. J’écris à partir de notre tragédie. Tout ce que je fais je le fais avec en arrière plan notre situation au point que je suis souvent accusé par mes collègues sénégalais de me lamenter tout le temps et que je dois arrêter de me présenter comme réfugié et plus grave comme mauritanien. Mais j’ai pris sur moi, la décision irrévocable de garder ma nationalité jusqu’à la fin des temps pour signifier à la face du monde mon refus d’entériner la déchéance de ma nationalité tout en étant pas contre la double, triple nationalité. Donc je garde l’originale.
Si mes contributions sont appréciées c’est tant mieux. Je lis toujours les réactions car elles me permettent de continuer à rêver et/ou de rire tout seul car cela me redonne encore envie de vivre. Mais l’objectif n’est point de faire l’unanimité sur mes positions ni pour me faire applaudir ni pour avoir la faveur de qui que ce soit. Je joue mon rôle. C’est ma façon de combattre même si quelques personnes pensent que tout cela relève de blabla d’un usurpateur de position : donneur de leçon. Il faut qu’on se dise la vérité : je n’ai pas besoin du Net pour montrer mes talents, j’ai d’autres tribunes et elles sont plus importantes car c’est avec elles que je serais jugé pour valoir ce que de droit. Je me rappelle bien d’un jeune contradicteur qui me traita de tous les noms d’oiseaux (rendant compte de ma soutenance de thèse) avant de conclure que je voulais passer pour « un intellectuel du Net ». Je pense que lui-même fut victime d’une campagne calomnieuse qui m’a horrifiée et depuis lors je l’ai perdu de vue. Car sur le Net, il faut faire attention. Il n’y a pas plus dangereux que l’écriture. Elle est redoutable. C’est sa situation transitoire qui la rend dangereuse. Donc avant d’écrire il faut bien réfléchir car l’écriture reste là et presque indélébile. Il faut avoir la suite dans les idées pour ne pas tomber dans le piège tendu par le fait de se dédire un jour. Je ne suis pas historien (histoirien dira l’autre) pour rien. Je veille à ce que j’écris et j’en assume les conséquences car elles n’entament pas mes convictions. Mes contributions je les tire du fond de mon âme pour les partager. Mon statut de chercheur m’interdit la complaisance puisque tout simplement je pense que des milliers de gens me lisent et que par respect pour mon métier, je dois savoir de quoi je parle, comment je le fais et à quel moment prendre ma plume. Puisque c’est une décision lourde de conséquences. Ce n’est pas un jeu que d’écrire, de prendre position, de donner un avis, de prétendre analyser une situation. Je pense, sans fanfare, que j’ai les capacités et surtout l’obligation de le faire que cela plaise à x ou que cela déplaise à y ce n’est pas là le problème. Le problème se situe ailleurs : accepter la divergence des idées, être poli et courtois et surtout comprendre une chose qu’on peut être contre l’idée d’une personne sans la haïr, le contraire est aussi valable. C’est-à-dire que je peux haïr une personne (physiquement parlant) et reconnaître ses talents. C’est paradoxale, mais c’est cela la vie aussi. Beaucoup n’aiment pas Alain Finkelkraut mais lisent ses livres et y trouvent de quoi conforter leurs hypothèses. Le problème majeur, dans nos rangs, c’est bien de tracer cette frontière. J’ai honte de dire que c’est typiquement africain. C’est agaçant voire décourageant, mais je reste persuadé que quand j’aurais un avis à donner je ne me l’interdirais jamais.
L’attitude la plus inconséquente c’est que quand un intellectuel prend position on l’insulte et quand il se tait on l’insulte et j’avoue que je ne comprends pas cette sentence maladroite et injuste.
C’est pour vous dire que je continue ce parcours difficile mais exaltant car les résultats sont là et palpables. Actuellement, mon engagement et mes forces sont réservées à la science. Et je suis aussi sûr que je contribue modestement à notre combat et à la marche de mon continent sans crier sur tous les toits.
OCVIDH : A vous Hamdou
A la lecture du parcours d’Abderrahmane, je ne suis pas sûr d’être à la hauteur de l’exercice au regard de la richesse de son périple et des contributions qu’il a apportées en termes de productions intellectuelles aussi bien des articles, des essais que de recueils de poésie. Je remercie les animateurs de cet espace de m’avoir offert l‘opportunité de mener cet échange avec lui.
Par ailleurs, je ne revendique pas mon appartenance à la société civile, du moins ce qu’on entend par « société civile ». Mon engagement politique est radical et bien ancré dans une approche militante qui fait que très tôt , je me suis inscrit dans la logique de la résistance contre le système raciste et esclavagiste qui gouverne notre pays depuis les indépendances jusqu’à ce jour. Le système politique mis en place s’est fondé sur le principe de l’oppression et de la domination des Africains noirs mauritaniens.
Aucun régime ne s’est efficacement démarqué des pratiques politiques qui ont instauré et construit l’appareil d’Etat qui a organisé et structuré notre pays de manière cynique et injuste.
La question est fondamentalement politique avec comme qualification déterminée : l’apartheid à la mauritanienne. La racine culturelle et sociale du système est le tribalisme ; et sa version idéologique, l’arabisme. Les enjeux de la logique de la domination sont clairement identifiés dans notre pays au point qu’il n’y a aucun secteur de la vie publique du pays qui n’illustre pas cet état de fait. Toutes les pratiques institutionnelles de la Mauritanie, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, en constituent une amplification.
Mon parcours politique et intellectuel a pris ses marques à partir de la tragédie barbare faite à la communauté africaine mauritanienne et qui demeure, malheureusement, une déchirure qui ne préoccupe pas les privilégiés du système et leur élite dirigeante.
Je ne doute pas qu’il y a eu des hauts fonctionnaires rigoureux et honnêtes, mais que le régime a marginalisés depuis les indépendances et qui ont résisté contre le système, dans la solitude de leur conscience. Mais l’initiative historique et la décision politique ont constamment été du côté des oppresseurs. De manière efficace et redoutable, l’élite africaine noire a été divisée et continue encore à éprouver la difficulté à travailler ensemble. De manière significative jusqu’à ma mise à l’écart par mes camarades de l’AJD, je me suis toujours situé sur le terrain de l’opposition. Ces dernières années, par l’amitié et la confiance du Président de l’AVOMM, Ousmane Sarr, de son bureau et des militants, j’ai participé à l’animation de cette association en tant que conseiller. C’est une expérience formidable qui m’a permis de réfléchir et de contribuer à la dynamique du combat pour le devoir de mémoire, de la lutte contre l’impunité et de la mobilisation en faveur de l’avancement de la plainte contre Ould Taya déposée devant les tribunaux belges.
OCVIDH : L’actualité sur les fora de notre diaspora est largement dominée par la tenue du prochain congrès des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM). Pouvez-vous nous expliquer cet engouement ? Qu’attendez-vous de ce congrès ?
HAMDOU: Il est indéniable que les FLAM constituent l’organisation politique la plus représentative du combat contre le système raciste qui a sévi dans notre pays. A ce titre, les différentes péripéties de cette organisation nous concernent tous et ne laissent personne indifférent. Concernant l’engouement par rapport au prochain congrès, il est clair que la morosité politique générale de l’opposition en exil y est pour quelque chose. A cela s’ajoute la crise qui secoue les FLAM depuis le congrès de Cincinnati.
Il est triste de constater que des divergences ont eu raison de la vitale cohésion et du consensus pratique qui sont nécessaires à une organisation qui a reçu énormément de coups des partisans du régime et des adversaires de tous bords dont le seul objectif était de liquider toute perspective de résistance organisée contre le système devenu sanguinaire et barbare. Avoir porté un idéal aussi noble que l’éradication du racisme d’Etat et de l’esclavage, n’allait pas sans une éthique de la discussion au risque de sombrer dans des enjeux stratégiques qui ont fini par perdre de vue le socle de notre combat.
Un travail immense a été effectué et contribué à faire connaître au monde, l’apartheid à la mauritanienne. Les tensions qui traversent en interne les FLAM, alimentées par la difficulté d’un débat serein partagé ne font que susciter des passions, qui, me semble-t-il, provoquent un engouement certain. Il y a toujours eu une difficulté à faire un débat démocratique dans nos organisations au point que, c’est la dispersion qui en constitue la seule issue pour finir dans la dislocation. La culture de la préservation des épreuves communes partagées n’a pas encore fait son chemin dans notre façon de pratiquer la politique. Il nous manque l’esprit de tolérance et de rigueur pour faire vivre les contradictions sans pour autant tomber dans l’hostilité et l’animosité qui n’ont pas favorisé un climat sain et serein dans l’animation et l’encadrement de nos organisations politiques. Une culture de l’ostracisme s’est installée inhibant ainsi l’opportunité d’une victoire qui ne fait que se transformer en défaitisme.
Ainsi à travers des échanges peu courtois, s’expriment des batailles par procuration qui sont le lot quotidien des exilés et autres apatrides. Quand l’exil se prolonge, faute de perspective, l’enlisement nourrit une nostalgie qui favorise, par la lassitude, l’intolérance en lieu et place de l’ouverture d’esprit. A l’héroïsme du combat succède le fatalisme de la déception et de l’affaiblissement des forces.
Qu’est-ce que j’attends du prochain congrès des FLAM ? Rien, parce que je dispose de peu d’informations qui me permettent de formuler une mise en perspective conséquente. Si les dirigeants et les militants essaient de se serrer les rangs et de remettre au goût du jour la tragédie de notre peuple qui continue à subir l’injustice, le racisme et l’exclusion, il sera possible de remobiliser les énergies. Il est difficile de présager ce qui va en advenir au regard du contexte dans lequel va se tenir le congrès.
OCVIDH : Qu’en pensez-vous Abderrahmane ?
Il est très souvent difficile de se prononcer sur la vie du mouvement tellement les passions se déchaînent, les humeurs se réveillent et un langage injuste s’instaure. Je l’ai déjà dit mille fois et je le dirais encore : les FLAM est un mouvement national et si nous ne pouvons pas nous prononcer sur la vie d’un mouvement qui veut changer notre vie en Mauritanie je ne sais pas sur quel mouvement nous aurons droit. Je sais que ce ne sont pas les tenants du mouvement qui agissent et loin de moi cet amalgame malsain car je connais tous les dirigeants soit ils furent mes professeurs soit ce sont des parents proches soit des amis avec lesquels j’entretiens des relations cordiales depuis très longtemps. Au-delà de ces considérations, je pense que sérieusement ce mouvement a besoin de se réorienter encore et encore. Je ne nie pas les progrès enregistrés, les étapes franchies et les avancées notées. Mais il reste un travail colossal à abattre : le dépassement du sentimentalisme et du trauma. Soyons raisonnables enfin et regardons l’avenir avec plus de sérénité.
Si nous ne pouvons pas nous accorder sur le minimum, c’est-à-dire nous respecter mutuellement nous ne pourrons rien construire pour nos enfants et nos petits enfants.
Vous savez ce seul engouement prouve la vitalité des FLAM et cet amour que tout le monde voue à ses animateurs contrairement à ce que beaucoup croient. En effet, nombreux sont ceux qui croient que des gens comme moi, par exemple, sont contre les FLAM et plus grave contre certaines personnes. Le penser un seul instant c’est insulter ma mémoire et manquer de conséquence. Il est très difficile de prendre cette position sinon on croirait que je suis sur la défensive.
Donc la passion que suscite le congrès est légitime à plus d’un titre car il va de notre image générale en Mauritanie. Il ne faut pas oublier que les détracteurs du mouvement affinent une partie de la politique intérieure voire extérieure en fonction du discours et de la vitalité des FLAM. Je pense que beaucoup oublient cette dimension La vie du mouvement intéresse tout le monde, comme l’a souligné Hamdou, et c’est pourquoi je m’insurge très souvent contre la tentative de privatisation de son discours. C’est inacceptable voire inconséquent. Bon les soubresauts internes et strictement internes au mouvement doivent rester à l’intérieur et ceux qui détiennent quelques informations sensibles ont l’obligation d’observer le droit de réserve jusqu’à la fin de leur vie. Contrairement au philosophe, j’attends un sursaut salvateur : la conciliation des différences et un début de rajeunissement. C’est indispensable pour la survie du mouvement car la classe politique mauritanienne elle même est en phase de rajeunissement (en Afrique de manière générale) et donc le mouvement a besoin lui aussi d’un sang tout neuf, vigoureux, intelligent et tacticien qui rivalisera avec cette nouvelle élite montante. Des hommes capables existent si jamais les égos personnels sont sacrifiés et que la lucidité politique est convoquée. L’histoire des semaines à venir nous permettra d’y voir plus clair.
Propos recueillis par M. Dioum et C.BA-
Source : OCVIDH- mai 2011