Daily Archives: 11/05/2011
Conviction politique dans un discours à l’assemblée
L’ouverture de la session ordinaire de la rentrée parlementaire a accouché de deux discours, l’un du président du Sénat, l’autre du vice-président de l’assemblée nationale.Le contenu n’a pas beaucoup varié sauf que l’intérimaire de Messaoud Ould Boulkheir s’est fendu d’un discours, dit-il reflétant ses « convictions personnelles » et qui du coup a donné de la curiosité à une certaine opinion publique avide de lire entre les lignes.A défaut d’être trop originale, la prestation a au moins eu le mérite de rester dans le flou.
Et c’est là que réside son originalité. Le message véhicule des principes comme l’unité nationale à travers “(…) un dialogue sincère et responsable entre tous les acteurs politiques à condition que l’intérêt national prime sur toutes les autres considérations. Questions : c’est quoi un dialogue sincère Monsieur le député et qui refuse ce dialogue ? Sur quoi pensez –vous qu’il faut fonder l’unité nationale ? Etes vous au moins convaincu que des bavures graves ont été commises et que des responsables de tels crimes se la coulent douce dans ce bas monde en attendant l’ultime vérité. Etes –vous convaincu alors que l’unité nationale passe à travers le règlement de ces questions. La conviction personnelle doit aussi tenir compte des réalités et nécessite de pointer le doigt sur les vrais problèmes. C’est en ce moment et en ce moment seulement que non seulement vous allez être en accord avec vos convictions mais aussi convaincre l’opinion à laquelle ce discours est, en principe destinée ! Merci d’être un homme de conviction et il en manque beaucoup par les temps qui courent …
Amadou Diaara-LE RÉNOVATEUR
Apostrophe : On est où, là? Par Ahmed Ould Cheikh
Plusieurs sites d’informations ont fait état, la semaine dernière, d’une information extrêmement grave: le directeur du Bureau d’Etudes et de Documentation (BED), le contre-espionnage, est entré en négociation avec certains responsables du syndicat de la Santé, pour tenter de trouver une issue à la crise qui paralyse ce secteur. Au-delà du fait que ce général a mis son nez dans une affaire à laquelle il est totalement étranger, l’info nous rappelle une triste réalité: le pouvoir militaire est, bel et bien, encore là. A tel point que les ministres, pourtant censés gérer ce genre de situation, se retrouvent dépouillés de leurs prérogatives, au profit d’un képi étoilé.
Il y a quelques semaines, le chef d’état-major de l’Armée nationale est parti en tournée, dans le nord du pays, avec le ministre de l’Intérieur, pour expliquer, aux populations de ces régions, que le pays va bien. Une façon de couper l’herbe sous les pieds des détracteurs de notre guide bien-aimé. Comme si des paroles en l’air pouvaient suffire à calmer des ventres affamés. Oui, oui, on l’a bien compris: le pays, pour paraphraser Clémenceau, est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des civils.
De quel pays parle-t-on?
Une équipe d’experts du Fonds Monétaire International (FMI), venue évaluer, quinze jours durant, la situation économique du pays, a tenu un point de presse, la semaine dernière, en présence du ministre des Finances et du gouverneur de la Banque centrale. «Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel», a déclaré son chef de la mission, Amine Mati, «s’est chiffré à 5,2%, en 2010, grâce à l’affermissement de la demande extérieure et à la reprise de l’activité dans les secteurs non extractifs». Monsieur Mati a affirmé, en outre, que, pour la même période, «le taux d’inflation a été contenu à 6,1%, malgré la hausse des cours des matières premières, énergie et produits alimentaires notamment. […] La bonne tenue des exportations du secteur minier – fer, or et cuivre – a contribué à l’amélioration du solde courant de la balance des paiements et à consolider le stock des réserves de change qui a atteint 287 millions de dollars, soit l’équivalent de 2,1 mois d’importations».
«Nous avons réussi à rétablir les grands équilibres de l’économie et sommes engagés, en 2011, à stabiliser la croissance à 5,3%, l’inflation à 7%, en dépit des chocs exogènes, tout en poursuivant l’exécution de nos chantiers de réformes économiques et financiers», a indiqué, de son côté, le gouverneur de la Banque centrale, Sid’Ahmed Ould Raïss.
Les deux hommes ont juste oublié de préciser de quel pays parlaient-ils. De la Mauritanie, de la Chine ou de la Suisse?
Une pique acérée d’Ould Hamza
A l’occasion de la cérémonie de la signature du jumelage entre les capitales sénégalaise et mauritanienne, le président de la Communauté urbaine de Nouakchott, Ahmed Ould Hamza, a reçu une forte délégation de ce pays frère. Outre le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, la délégation comprenait trois ministres, dont deux d’Etat. A la grande surprise des observateurs, aucun membre de notre gouvernement n’a fait le déplacement, pour accueillir ces hôtes de marque ou assister à la signature de l’acte. On savait que les relations entre Ould Abdel Aziz et Ould Hamza, étaient loin d’être au beau fixe mais de là à ordonner le boycott, pur et simple, d’une délégation d’une telle importance, parce qu’elle se déplaçait pour un maire de l’opposition, il n’y a qu’un pas que celui qui devait être le président de tous a allègrement franchi.
Pourtant, le maire de Dakar appartient à l’opposition socialiste. Mais cela n’a pas empêché trois ministres du gouvernement libéral de l’accompagner. Ould Hamza louera, d’ailleurs, l’ouverture d’esprit et la vision du président Wade. Une pique bien acérée, décochée à bout portant, que chacun a appréciée à sa façon.
AOC -LE CALAME
Une hypothèse qui n´est plus à exclure : Et si le Général Ould Abdel Aziz s´auto-proclamait empereur ?
A l’époque d’Ahmed Ould M’Hamed, émir de l’Adrar, la flagornerie était une asymptote du système féodal-vassalique. Sous la république azizienne, cette entorse à l’éthique est en passe de devenir une gangrène. Pourtant, les peuples, même sans défense ni droit, à la différence du temps de la «seïba», ont toujours voulu s’émanciper de la pression, «protectrice» mais combien étouffante, de leurs suzerains. L’insurrection, certes éphémère des Teizegués d’Atar, à l’égard de l’émirat des Oulad Amonni, nonobstant son aspect bouffon-humoristique, véhiculée par la légende populaire, était-elle un pas vers l’auto-détermination? Les Teizegués, lassés de payer une dîme autant excessive qu’avilissante, à leurs yeux, décidèrent de se rendre, un matin, à la cour émirale, afin de donner un «coup d’arrêt» à leur vassalité. La «sorba» attendit que l’émir Ahmed Ould M’Hamed, encore endormi, se réveillât. Et lorsque le «pur-sang» arabe, justement comme un cheval sentant son écurie, se mit à s’étirer et se tourna vers les Teizegués, pour s’enquérir de leurs doléances, les «insurgés», pris de panique, chantonnèrent, d’une seule et même voix: «Votre Altesse, émir de l’Adrar, nous sommes venus vous offrir le double de la dîme». Sans doute la mine répulsive, désinvolte et altière, couplée à la carrure de fantassin turc du prince arabe, selon les chroniqueurs, auront eu raison de la témérité des résidents de Kenewal (camp de Noël). A supposer que cette «tare morphologique» qu’est la laideur d’un guerrier eût contribué, également, dans les deux Hodhs, à raffermir le système feudataire des princes Sidi Ould Hanené, de Bassiknou, et Ethmane Ould Bakar, chef traditionnel des Oulad Nacer, d’Aïoun El Atrouss, il n’en sera, donc, pas de même pour notre général-président, beau comme le mythique Narcisse. Qu’importe car l’anecdote des Teizegués sévit, encore de nos jours, sous une autre enseigne et de manière aberrante. Les tributaires, loin d’être, cette fois, des personnes peu éduquées ou sans défense, sont, plutôt, des universitaires, d’éminents érudits de père en fils, des officiers supérieurs «républicains», fils de «grandes tentes», plus rarement de grandes cases.
Du temps de Maaouya, ne lui avait-on pas offert le Saint Coran, en guise de «modeste présent», pour son «auguste personne»? Ne l’a-t-on pas «menacé» de poursuites judiciaires, pour non-assistance à peuple en danger, s’il ne venait pas à se représenter à l’élection présidentielle, encore et encore? Où est Maaouya, aujourd’hui? Et où sont ceux et leurs semblables qui tenaient ces propos enchanteurs? Personnellement, il m’a suffi de critiquer le général Ould Abdel Aziz, un droit que me confère la Constitution, pour me voir mis au ban de la société des laudateurs. Quand vos vieilles connaissances, vos proches ont peur de vous prendre au téléphone, il y a lieu de s’interroger. Que craignent ces directeurs de départements, ses officiers médecins ayant tenu le serment d’Hippocrate donc contraints de soigner même un ennemi, ces intellectuels «compradores”? S’ils croient tenir leur subsistance du général Aziz, qu’ils cessent de faire leurs prières quotidiennes pour mieux aduler le lion de l’Inchiri. A supposer que ces officiers aient peur réellement du général-président en ami, qu’adviendra-t-il pour ces matamores face à l’ennemi?
Car les mécanismes psycho-physiologiques qui engendrent la peur chez l’homme ne sont point discriminatoires. La peur de se voir couper les vivres, de quitter un poste “juteux” ou de mourir face à un ennemi ont le même dénominateur commun. On peut comprendre que des “niais du parterre» puissent être tentés de s’approprier la logomachie de l’écurie azizienne tenant pour l’instant le haut du pavé. Que des fonctionnaires de l’Etat, concept eternel et transcendantal, de professions libérales, que des officiers auxquels on a inculqué le sens de l’honneur, et que rien n’oblige à entretenir la doxologie, veuillent s’ériger en thuriféraires du régime, il y a de s’inquiéter. Qu’il est loin ce jour où ces mêmes personnes sollicitaient mon concours afin de juguler un litige entre elles et le capitaine, le commandant, le colonel Aziz. Ce dernier, même s’il n’est nanti que du BEPC, sait lire néanmoins entre les lignes. Lorsqu’Aziz était en disgrâce de Maaouya, surtout de 1994 à 2000, tout le monde le fuyait comme la peste. En dehors de son beau-frère Smail Ould Melainine, se calfeutrant au fond du salon et du soutien matériel de Ghazwani alors commandant le BB, destiné à financer les périmètres agricoles à Rosso, rares étaient les visiteurs. Aziz, qui rongeait son frein, étant adjoint opérationnel à la 6ème région militaire, s’était adonné à la pratique sportive afin de mieux purger son désœuvrement. Si Aziz méprise tant les mauritaniens, c’est parce qu’il les a vus du temps de Maaouya se comporter indignement. Personnellement, j’ai vu de mes propres yeux des officiers après 2005, plus anciens qu’Aziz se mettre au garde à vous pour lui; d’anciens présidents de la République tenus d’attendre à la salle d’audience (souvent fait exprès) pour mieux les dompter. C’est ainsi que les flagorneurs ouvrent des boulevards propices à la dérive dictatoriale. Il suffit d’être un homme médiocre, refusant le progrès à son peuple pour s’y engouffrer. Et de cette allégeance qui ne dit pas son nom peut germer la tentation de vouloir un jour s’éterniser au pouvoir en s’autoproclamant premier empereur de Mauritanie.
Déchéance morale et sociétale
Les Romains traitaient d’imperator les généraux victorieux, tout en leur vouant un culte digne de leur rang. Ces héros le méritaient bien, d’ailleurs, récoltant leurs premiers lauriers sur le champ de bataille. En Mauritanie, les officiers, plus souvent tentés par la gloriole – vieille dialectique des noblesses de robe et d’épée – ne franchissent jamais le périmètre du Palais ocre. Mais il y a des signes précurseurs qui ne trompent pas. Quand une atmosphère délétère s’improvise, à l’orée d’un mandat, lui-même à la légitimité tronquée, il n’est jamais trop tôt, pour dénoncer la déchéance morale ou sociétale, ni trop tard, pour prôner une alternative crédible et durable. Le grand théoricien du matérialisme, Karl Marx, dont certaines idées, comme la lutte des classes et la notion de propriété privée, sont, encore, d’actualité, disait : «les hommes font leur propre histoire. Ils ne la font pas arbitrairement mais à partir de circonstances héritées du passé». Que ce passé soit glorieux, pour les uns, ou amphigourique, pour les autres, il demeure le sanctuaire et le seul tremplin, pour bâtir le présent, qui sera, lui-même, demain notre futur. L’avenir nous appartient et à nous de le confectionner, à notre profit, vers des lendemains propices aux aspirations de bien-être et de progrès pour tous. Il arrive que des hommes sans scrupules, poussés par un élan égocentrique sans doute lié aux circonstances de leur enfance, veuillent se singulariser, par des comportements anachroniques, en s’obstinant à gripper, coûte que coûte, la roue de l’Histoire. Jean Bedel Bokassa, sous-officier issu de la coloniale et autoproclamé empereur de Centrafrique, ou le voyou Ben Ali de Tunisie, trompant son peuple 23 ans durant, pourront-ils faire des émules, désormais, dans notre sous-région? En Mauritanie, l’idiosyncrasie du général-président, synonyme d’autorité cassante – donc humiliante – mélangée à la passivité de ses administrés, la complicité des intellectuels du «carpe diem», la frilosité des hommes politiques aux abois, l’indifférence des syndicats, etc., constitue-t-elle, avec celles-ci, des ingrédients propices à l’unanimisme décadent?
Napoléon Bonaparte auquel le président veut, manifestement, ressembler, disait qu’«en politique, une absurdité n’est pas un obstacle». Cette antithèse, émanant d’un génie pas seulement militaire, capable de transcender une erreur d’appréciation ou un échec en succès, ne saurait être le domaine de prédilection du locataire du Palais ocre. Quand bien même le génie de l’Inchiri a, à son actif, la fondation du BASEP. C’est ce bataillon ou épée de Damoclès sans laquelle Ould Abdel Aziz ne saurait, probablement pas, exister, dans son ostensible dimension actuelle, qui régule les pressions et dépressions du microcosme sociopolitique du pays du million de poètes. Sanctuaire d’aberrations, pour les uns, alibi d’impériosité, pour les autres, le BASEP, qui occupe plusieurs hectares en centre-ville, rappelant le triste souvenir des dictatures latino-américaines des années 80, est le symbole même de la négation de la démocratie. La Garde présidentielle, lors de l’inauguration de la «défunte» compagnie Mauritania Airlines, n’a-t-elle humilié le numéro un du Sénat, Ba M’Baré? Ce camouflet, loin d’être un cas isolé, s’inscrit dans la logique d’une doctrine inhérente au caractère du général-président, visant à marginaliser, voire clochardiser, les hommes politiques, qu’ils soient avec ou contre lui. Cependant, ceux qui le défient, de manière frontale, ont plus de chance de survivre que ceux qui baissent la garde, aspirant à quelques subsides qui, d’ailleurs, ne viendront jamais au rendez-vous. Une artiste, amie commune, m’a dit, un jour, qu’Ould Abdel Aziz n’ouvre la main qu’une fois endormi. En ce cas, pourquoi Ba M’Baré n’a-t-il pas démissionné? Où est passée la fierté peulhe? Heureusement, pour moi, que j’ai connu d’autres Peulhs, imbus de cette valeur mais sous d’autres cieux. Lorsque le commandant Saleh Ould Hanené m’a informé, un jour, de son intention de rejoindre la majorité présidentielle, «c’est à tes risques et périls», lui répondis-je. Saleh est le prototype de «l’individu détesté», par le général-président. N’a–il pas voulu s’arroger des prérogatives, lui, le «petit commandant arabisant», en fomentant un coup d’Etat? Et, d’ailleurs, pourquoi le 8 juin 2003 est-il advenu avant le 3 août 2005? Pour le «lion de l’Inchiri», il n’y a qu’un seul «homme», lui-même. Dans la politique d’humiliation des Mauritaniens, toutes tendances confondues, le général orchestre des dols dignes de Machiavel. Le récent report des sénatoriales, surtout dans la moughataa de Kobenni et la désignation, par l’UPR, d’un chérif de Tenwajiw, afin de contrer le candidat soutenu par le chérif de Nioro du Sahel, Mouhamedou Ould Cheikh Hamahoullah, en est l’illustration.
Atmosphère vindicative
L’administration coloniale française, sous le vichyssois régime pro-allemand de 1940, avait tenté de manipuler certaines entités, de part et d’autre des frontières Mali-Mauritanie, afin de contrecarrer l’influence, grandissante, de Cheikh Hamahoullah qui entretenait une résistance, pacifique mais tenace, à l’occupant. Ould Abdel Aziz ne connaît pas l’histoire des deux Hodhs, jadis administrés à partir du Soudan français. Mal conseillé, au plan sociologique, il risque de rouvrir des plaies à peine cicatrisées, entre les voies Qadriya et Tijania. Certains des disciples de Hamahoullah qui n’avait, certainement pas, donné de consignes en ce sens, procédèrent à un massacre contre les Oulad Boum’Hamed des Tenwajiw, à Oum Chgag, plus tard aidés par les Oulad M’Barek, leurs traditionnels alliés (1940/1941). Les maudites sénatoriales, si leurs stupides machinations sont attisées, risquent de soulever les vieux démons de la conspiration coloniale.
Avide de notoriété, le général fils d’Abdel Aziz, dont l’acharnement à usurper le prénom de son père, sinon l’incapacité à imposer le sien, voire sa hantise à l’assumer, est, en soi, un signe révélateur de son obsession, a toujours voulu engranger l’aura des célébrités, spirituelle ou politique, locale ou internationale, à son seul profit. Ainsi, en juillet 2010, à Aïoun El Atrouss, pour donner une dimension sous-régionale à la visite présidentielle, Mouhamedou Ould Cheikhné a quitté Nioro, rien que pour le rencontrer. Cette entrevue ne fera que fortifier Ould Abdel Aziz dans sa tendance à la mégalomanie. Mais, en héritier nanti d’un pouvoir spirituel dont l’influence s’étend de Tlemcen, en Algérie, jusqu’à Adzopé, en Côte d’Ivoire, Mouhamedou n’a nullement besoin des services d’une «écurie» temporelle et donc temporaire, pour raffermir sa réalité empirique. L’exercice du pouvoir actuel rêvait une atmosphère vindicative, sans doute liée à l’histoire intrinsèque du protagoniste. Faudra-t-il recourir, pour les futurs prétendants à la magistrature suprême, à un test de psychanalyse des profondeurs? Voilà un officier qui a soulevé beaucoup d’espoir, depuis le 3 août 2005, mais dont l’égocentrisme indécrottable a pris de court tout un peuple. Ceux qui ont vu naître le pays, en 1960, éprouvent un sentiment de déréliction, tant les chantiers auront été galvaudés, surtout depuis la Transition. Mais, à quelque chose, malheur est bon. C’est le jusqu’auboutisme de Georges Bush qui a ouvert un boulevard à l’ascension d’un Noir, issu de la minorité, à la fonction présidentielle américaine. L’Amérique, dont le credo était d’élire un WASP (White Anglo-Saxon and Protestant), a été traumatisée par la politique manichéenne et, de surcroît, calamiteuse au plan économique, de Bush. Notre pays est en phase d’atteindre un point de non-retour. Il faut se préparer au pire, c’est à dire au premier Empire mauritanien du 21ème siècle. Ce constat de déchéance et d’injustice, envers le brave peuple mauritanien, me rappelle l’attitude, stoïque, d’un soldat qui servit à Bir Moghreïn. Après plus de deux décennies de loyaux services dans l’Armée nationale, le grade de caporal fut octroyé au 2ème classe Ould Kleib. Face à cette distinction pour le moins tardive, Ould Kleib n’a trouvé plus prompt que d’épingler le grade sur sa fesse gauche. C’était là-bas sa place, eu égard à son retard. Le geste d’Ould Kleib, au-delà de son aspect humoristique, propre au milieu socioculturel des Ould Akchar, contient un enseignement philosophique. Un militaire du rang, connaissant sa mission face à l’ennemi, vaut mieux qu’un général distillant les opérations, à partir d’une salle de cartes. En réalité, les militaires ne sont pas formés pour faire de la politique. En général, les puissances mondiales, surtout occidentales, profitent de leur candeur, de leur constriction à la démocratie, pour les asservir. L’inauguration, par le général Ould Abdel Aziz, de la nouvelle compagnie aérienne augure d’une volonté de voyager aussi longtemps que possible. Le général Ould Abdel Aziz a, jusque là, su plier son sort à son destin, en arrivant à Kaédi, le 24 avril 2011, dans un Boeing. Qu’il est loin ce mois d’avril 1981 – presque 30 ans, jour pour jour! – où le sous-lieutenant se préparait à partir en Permission de Courte Durée (PCD) à Nouakchott! Mais, cette fois, à bord d’une 404 berline bleu-ciel, achetée au brigadier de police, feu Boudah, de Monguel. Quelle revanche sur l’histoire! Et, pourtant, on peut faire mieux, pour son peuple, que de se prendre, Narcisse, dans un miroir, pour ce qu’on ne pourra jamais être. Car même la chouette de Minerve ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit. La nuit, justement bonne conseillère, comme dit le dicton? En attendant le sacre, dérisoire…
Ely Ould Krombelé-LE CALAME
Le « printemps arabe » peut-il susciter un renouveau berbère ?
L’espace culturel berbère européen Afus deg wfus célébrait samedi le 31e anniversaire du printemps berbère. Avec en tête un autre printemps, arabe celui-là. De bon augure pour les revendications identitaires jusque-là réprimées au Maghreb. Des retrouvailles sous le signe de l’espoir. Au trentième anniversaire du printemps berbère, l’an dernier, rien ne laissait envisager la révolution dite des jasmins et les autres soulèvements qui agitent le Maghreb et les autres pays arabes. Faut-il voir dans ces remous une opportunité pour les détenteurs de l’héritage amazigh qui considèrent que cette culture était présente en Afrique du Nord bien avant la colonisation arabe ? Samedi, dans la salle Richard-Lejeune rue d’Anzin où étaient attendues quelque 150 personnes autour du traditionnel couscous, au cours d’une table ronde rassemblant entre autres Hacène Hirèche, professeur à Paris-VIII, le poète Ben Mohamed, Hassan Asselwani, président de Tiwizi 59, et Stéphane Arrami, administrateur deTunisie-Berbère.com, Ouramdane Khacer, fondateur d’Afus deg wfus (espace culturel berbère européen) a estimé que les soulèvements actuels doivent être accueillis avec enthousiasme par ceux qui croient en l’Amazighie.
Ouramdane Khacer voit même dans ces soulèvements l’écho de ceux d’avril 1980 autrement appelés « printemps berbère ». « Il s’agissait du premier soulèvement pacifique d’essence démocratique et laïque d’une région depuis l’indépendance de 1962. » Ce soulèvement avait été suivi en 1986 d’émeutes à Constantine, puis en 1988 à Alger. « Ce printemps amazigh a ouvert la voie à la remise en cause de l’idéologie arabo-baathiste commune à l’ensemble des pouvoirs en place et dont on voit les effets sinistres actuellement en Syrie. »
Formation ou formatage ?
Le « coup de balai » opéré par la génération Facebook de l’autre côté de la Méditerranée semble pour M. Khacer annonciateur de profonds bouleversements.
Des bouleversements que Ben Mohamed considère avec confiance et sérénité. « On ne saurait trop remercier les professeurs d’arabe qui nous ont si mal enseigné cette langue en Kabylie. Leur intention n’était pas de nous la transmettre mais de nous imposer une idéologie. C’est en voulant nous arabiser qu’ils ont suscité le réveil berbère. Puisqu’on nous rabâchait sans cesse que nous étions arabes, il était paradoxal de trouver nécessaire de nous arabiser à tout prix… Les premières années de l’indépendance, cette arabisation n’était pas trop sensible. C’est après le coup d’état du 19 juin 1965 qu’on s’est rendu compte que la culture amazighe était rejetée par le pouvoir. Et dans quel but ? L’école algérienne est la seule au monde chargée de détruire un savoir. On a calqué l’enseignement général sur l’enseignement religieux. On ne forme pas, on formate. On a éradiqué tout sens critique. Rien d’étonnant alors que l’on rencontre aujourd’hui des licenciés en arabe incapables de rédiger une lettre dans cette langue.
NOR DE CLAIR
Hommage à Ceerno Tijjaani Alhajji Mammadu Siree par Cheikh Oumar Ba
Ceerno Tijjaani Alhajji Mammadu Siree, nous a quittés il y a un an, c’est-à-dire le 12 mai 2010, une date qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. L’homme qui consacra sa vie à la prière, à l’enseignement du Coran, de la charia et de la solidarité. Cet érudit islamique est né en 1940 à Sinycu Penaaka, environ de Boggee, en Mauritanie.Son père Alhajji Mammadu Siree l’avait confié à Ceerno Alhjji Mammadu Muusaa LIH, de Daara Halayve. C’est ce dernier qui l’a mis dans les mains de son fils, le feu, Ceerno Tijjani LIH, raison pour laquelle, Ceerno Alhajji considère Ceerno Tijjaane LIH, comme son Ceerno. C’est auprès de Ceerno Haamiidu WELE qu’il a eu son ijaaza, (l’une des plus grandes distinctions dans le domaine de l’enseignement coranique) et qu’il a fait la charia puis la littérature arabe.
C’est à Baabaave Looti, dans le Laaw qu’il s’était installé avec son duzal, (école coranique, et la loi islamique) entre 1965 et 1989, avant que le système raciste et esclavagiste mauritanien, géré par des beïdanes, le déporte avec ses élèves et avec l’ensemble de sa famille, vers le Sénégal ; comme ce fut le cas pour plus de 200 000 autres négro-mauritaniens. Après son exile forcé, il se réinstalla à Haayre Laaw et continua sa mission.
Ce Ceerno avait toujours une centaine d’élèves qui, apprenaient auprès de lui. Parmi les plus connus de ses élèves, ses deux fils qui ont eu leur ijaaja : Ceerno Haamiidu SOH, a repris l’école de son père de Baabaave, Ceerno Sayku Umar SOH, celle de Haayre Laaw.
Ceerno Tijjaane Alhajji Mammadu Ciree a octroyé la licence à plusieurs enseignants coraniques. Nous en citons certains, qui sont aussi parfois des imams de renommées :
Ceerno Saydu BAH ;
Ceerno Sileymani Haaruuna SOH,
Ceerno Abuu DEH, l’imam de Rosso Becth;
Ceerno Mammadu AAW.
C’est ce Ceerno, un homme de Dieu que l’Etat mauritanien raciste et esclavagiste a déporté en 1989.
Déporté avec toute sa famille, ses élèves. Les images qui lui restent de la déportation sont ses livres coraniques brûlés, les planchettes des ses élèves éparpillées partout dans les rues de Baabaave, par des gens qui se disent musulmans, qui se veulent un modèle de l’Islam dans le monde.
Ces racistes qui continuent les même pratiques sur les noirs (Haratines, Bambara, Sooninke, Wolof et Fulve), et font tout ce qui humilie, n’épargnant ni notables, ni sages, ni marabouts noirs. Pour eux, un noir est un esclave et doit l’accepter quelque soit son statut, son rang.
Ces gardiens du système raciste et esclavagiste de la Mauritanie, en leur tête Moawiya Ould Sidi Ahmed TAYA et Gabriel Cimper et d’autres, ont des disciples qui continuent leur oeuvre.
Ce Ceerno s’était réinstallé à Hayre Laaw au Sénégal, recréa une autre école coranique, durant vingt ans, après la déportation. Tijjaane Alhajji Mammadu Siree fut pour les déportés un pivot, un logeur et un guide spirituel. Aujourd’hui, il est rappelé par le bon Dieu, il a rejoint son ami et collègue, mort dans les mêmes conditions, Ceerno Maamuudu Alfaa SOH, décédé à Njum, dans le Tooro, il ya un an.
Je fais ce papier pour lui rendre hommage et rappeler au monde entier les conditions des noirs, en Mauritanie. Mes condoléances à sa famille, particulièrement à son neveu, beau fils, mon ami et camarade Aamadu Saajo SOH et sa femme.
Yoo Alla yurme, yaafomaa.
Cheikh Oumar BAH, section Europe FLAM