Daily Archives: 04/06/2014
Sahel : Le G5 tiendra-t-il tête longtemps à Alger ?
Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, s’impose au grand dam des algériens comme une nouvelle pièce maîtresse dans l’échiquier de la lutte contre le terrorisme au Sahel, constate-t-on à la lumière de la rencontre qui se prépare à Nouakchott pour trouver une issue à la crise malienne.
Le président Mohamed Ould Abdelaziz, par ailleurs, président de l’Ua et du groupe dit du G5 perturbe ainsi les cartes algériennes qui se doutent que la France n’est pas loin de cette immixtion « forcenée » des autorités mauritaniennes dans la gestion du foyer terroriste le long du Sahel.
Une intrusion qu’Alger voit d’un mauvais œil mais contre laquelle elle est fait contre mauvaise fortune bon cœur en continuant à courtiser le président Aziz dans l’objectif évidemment d’éviter que l’étau ne se resserre davantage contre elle.
Mais le président Aziz sait, sans doute qu’il est pris entre plusieurs feux et qu’il faudra ménager sa monture pour aller loin en besogne. Sa préférence aujourd’hui malgré les apparences d’un rapprochement qu’Alger entretient est à l’évidence pour la France qui ourdie dans l’ombre toutes les stratégies pour le Sahel, en étroite collaboration avec ses alliés américains.
La situation quoique bénéfique pour le régime mauritanien n’est cependant pas dénuée de toute surprise. Certaines sphères continuent en effet de voir dans le rôle des autorités de Nouakchott soit un rôle trouble du fait de leur proximité avec les séparatistes maliens, ce dont elles se défendent, soit une nouvelle stratégie franco-américaine visant à contourner l’Algérie sur le dossier malien en particulier et sahélien en général avant un autre printemps encore en laboratoire pour ce pays.
Cet état de fait constitue plus cyniquement encore la relation incestueuse de la françafrique sous la gauche française désarçonnée et en perte de vitesse avec le retour fracassante du FN aux premières loges de la politique française. Un revers au Mali sonnerait certainement le glas pour une réélection du président socialiste, François Hollande qui ne convainc pas toujours les français de sa capacité à gérer son pays à lui redorer son blason.
La France qui a sauvé Bamako d’une capitulation certaine face aux terroristes d’Aqmi et des mouvements touaregs dissidents, ne serait-ce que pour cette raison présidentielle, s’est jetée de tout son poids pour cette cause.
Outre le contrat passé avec le G5 qu’elle aura aidé à réunir sous la coupole du Palais des Congrès et surveillé la césarienne qui a apporté à ses commandes le président Aziz, la France veut accompagner son « épanouissement » par la mise en synergie des efforts des 5 pays africains où ses intérêts économiques vacillent du fait de l’instabilité permanente et de la mésentente fraternelle entre plusieurs d’entre eux.
Une bien triste nouvelle pour Alger qui faisait de la lutte contre le terrorisme son créneau. Mais Aziz peut compter sur «l’amitié agissante » d’Alger pour transformer ce revers en une « exception » pourvu que le président Aziz continue de contempler les artifices sous un prisme algérien. C’est d’autant plus important que dans les rangs des terroristes sont souvent arrêtés de vieux combattants démobilisés du Polisario qu’Alger est censée avoir l’oeil.
Là est pourtant le grand danger. Car qui mieux que le président Aziz se doute que le G5, qui bénéficie de la baraka française, est bel et bien un coup de poignard dans le dos des autorités algériennes.Une manière de marcher sur les plantes bandes des officiers supérieurs algériens?
C’est dans ce cadre inéluctablement qu’il faut voir que les accords d’Alger (2006) et de Tamanrasset (1991) avec leur homme Iyad Al Ghali, devenu soudainement un chantre du terrorisme et qui -il faut bien le reconnaitre n’ont apporté que désolation et implosion pour le Mali sous la gouvernance corrompue de l’ancien président Amadou Toumani Touré– sont aujourd’hui dépassés par la tentative de Nouakchott qui visiblement a bien « dompté » le MAA (Mouvement Arabe de l’Azawd) et parvient à le faire asseoir autour de la même table que le nouveau gouvernement malien, tout en cherchant à l’éloigner de la nébuleuse terroriste.
Mais jusqu’à quand Alger va-t-elle continuer à regarder les pays voisins et notamment la Mauritanie à lui voler la vedette sur son terrain de prédilection par excellence. Elle n’acceptera donc pas à se faire «griller» la politesse et tentera de récupérer le gouvernail pour être au poste de commandement quitte à caracoler un bout avec le président Aziz derrière lequel elle voit nettement la main française.
Une situation qui si Alger l’avait accepté ainsi l’aurait depuis belle mise en branle. Elle n’avait certainement pas besoin de ponts avec Paris. Mais fidèle à sa diplomatie sournoise Alger continue de baiser la main qu’elle ne peut encore couper. C’est aussi le cadeau empoisonné que la France fait au président Aziz en boostant la mise en place du G5 au prix de fermer l’oeil sur les contestations intérieures.
J.D
Source: Mauriweb
Réformes du code des marchés publics : L’arbre qui cache la jungle de la prédation!
L’Administration s’est dotée en 2010 d’une nouvelle réforme de passation des marchés publics. Officiellement son objectif était d’inspirer la transparence de gestion des deniers et de lutter contre la gabegie dans le pays.
Mais force est de constater que le Pouvoir n’a finalement engagé qu’une réforme sur mesure avec le maintien des commissions départementales de marchés dans certaines entreprises. Une véritable passoire pour sauver certains privilèges indus.
Depuis que le président Aziz a enfourché son cheval de bataille contre la gabegie, l’année 2010 était considérée comme un tournant dans la vie économique et financière du pays. Le slogan affiché par le régime de Aziz étant de sévir contre les prédateurs des deniers publics.
C’est en cette année, en effet, qu’intervient la réforme des passations des marchés publics sous la poussée de l’actuel ministre des affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah. L’organisation des structures en charge du contrôle est elle-même chamboulée. Des commissions nationales sectorielles (7) sont créées pour embrasser tous les domaines de la vie économique (sauf l’Armée).
Le travail abattu est presque parfait pour freiner, en apparence, l’hémorragie des détournements des deniers publics. La réforme des passations des marchés publics en Mauritanie a même fait des émules hors de nos frontières. La preuve de hauts responsables de l’Administration sénégalaises ont séjourné récemment à Nouakchott pour s’en inspirer pour leur propre pays. Le travail rendu par les experts mauritaniens a donc été colossal mais sur le terrain les privilèges persistent.
Il n’est pas besoin d’exemples pour savoir que plusieurs entreprises brassant des milliards d’ouiguiyas ont été dispensées de la coercition sur la passation des marchés publics telle que recherchée par la mise en place de la réforme de 2010 et dont l’audit 2012 montre toutes les limites.
L’apparence est trompeuse
Malgré donc cet étendard , et la réforme effective sur la passation des marchés publics, le crible des marchés est resté très sélectif. Une volonté dangereuse et insidieuse pour couvrir des malversations profondes. Des zones d’ombre, en contradiction avec les velléités de transparence scandées par le régime en place, ont vidé la réforme de son esprit.
Malgré les avancées et les critiques à l’endroit des commissions nationales sectorielles et l’ARMP du fait notamment de 25% de retard d’exécution des marchés (audit 2012) et les tares administratives constatées par l’audit technique et financière sur la passation et l’exécution des marchés publics, cela n’est rien en comparaison à la saignée financière constatée dans les commissions départementales en question.
Somelec, Snde, Apause (ex ANADER), Ener, BCM, DPFE sont entre autres entités publiques celles épargnées par la réforme sur la passation des marchés publics en Mauritanie. La conséquence est aussi claire. Elles ont mauvaise presse et sont parmi les entités les plus indexées dans les malversations, voir les détournements de deniers publics.
C’est là aussi où intervient un népotisme hors du commun car elles brassent des fonds inouïs estimés à plusieurs dizaines de milliards de crédits d’investissement. Mais si au départ, elles étaient 17 entreprises vouées à ce statut privilégié, certaines d’entre elles ont préféré s’en remettre au contrôle des commissions nationales sectorielles pour éviter d’avoir maille à pâtir avec les limiers du contrôle de régularité des procédures ; mais aussi et surtout parce que ces entreprises savaient que le « besoin de célérité » dans la passation des marchés n’est souvent qu’une bonne excuse, un fallacieux prétexte pour bafouer la loi et en tirer profit sonnant et trébuchant.
Dans ce hitparade, la Somelec s’érige un statut à la mesure de la gabegie qui y a toujours régné depuis l’ère de Taya et qui est allée crescendo avec le président Aziz du temps de son directeur général, Mohamed Salem Ould Béchir, promu ministre après le marché de la centrale de Nouakchott et récemment épinglé par l’audit indépendant sur un marché de plus de 25 millions d’ouguiyas au profit d’une société IMM (international montage maintenance) par une entente directe qui n’a jamais été soumise à l’approbation de la CNCMP. Ce qui ne l’empêchera pas de gravir les échelons.
C’est sans doute un aveu d’échec que le président Aziz essuie dans ces affaires, lui pourtant très enclin à « mettre hors d’état de nuire » certains fonctionnaires et qui paradoxalement tolère d’autres bien plus entachés. La seule explication jusqu’ici donnée par les observateurs ce que se sont «ses propres hommes» avec qui la poire est souvent partagée. Ce qui en dit long sur le recul des résultats de notre pays dans le dernier rapport Doing Business 2014, où l’Etat se subroge au secteur privé pour faire l’affaire d’un clan.
C’est aussi vrai que de nouvelles fortunes sortent du néant grâce justement au trafic d’influence et aux passe-droits. Tant donc qu’il n’y aura pas une transparence d’accès aux marchés publics, le respect des lois et l’indépendance de la Justice, la lutte contre la gabegie se résumera toujours en une instrumentalisation entre les mains du Pouvoir.
L’exemple du retard de la construction de l’aéroport international de Nouakchott est aussi un bel exemple de la gestion personnalisée des affaires de l’Etat. Ce dernier a dû puiser 15 milliards dans les réserves de la Snim pour donner « un coup de pouce » à la société Najah qu’il avait pourtant gratifiée d’un troc sur le domaine public afin qu’elle respecte ses engagements contractuels de livrer en 2013 l’aéroport. Il n’en a rien été et la rallonge donnée l’a été dans l’espoir de voir cet aéroport pousser à l’horizon 2015.
Pourtant au regard des résultats de la réforme, la manipulation de l’argent public, les procédures nouvellement engagées ont montré que la passation pouvait bien s’accommoder de la célérité et des urgences tout en préservant la transparence. Mais cet engagement pris par Ould Abdelaziz lors de son premier mandat de mener une lutte sans merci contre le détournement de l’argent public et donc de favoriser une bonne gouvernance financière est à l’antipode de sa pratique sur le terrain.
Comme son engagement pour réduire conséquemment la pauvreté dans le pays, il a également échoué à imposer une gestion responsable de l’argent public quand tout simplement il ne s’est pas lui-même embourbé dans des accusations contre lui de mener, sous différents des prête-noms, un négoce bien florissant. Il aura beau crié sa distance de ces parvenus et rechercher un autre “renouvellement” dans la classe économique, il sait bien que les mauritaniens savent que quelques part aussi ses intérêts sont préservés.
Face à son échec cuisant à faire respecter la chose publique et au retour dans ses loges des prédateurs qu’il disait haïr, le président Aziz, candidat à sa propre succession, sans outsider de poids, briguera un dernier mandat pour les 5 ans à venir, non pas que la jeunesse lui fait confiance, mais bien parce que ses alliés occidentaux ferment les yeux sur tout tant qu’il fera sienne la politique antiterroriste dans la région.
J.D
Source: Mauriweb