Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Réformes du code des marchés publics : L’arbre qui cache la jungle de la prédation!

Réformes du code des marchés publics : L’arbre qui cache la jungle de la prédation!L’Administration s’est dotée en 2010 d’une nouvelle réforme de passation des marchés publics. Officiellement son objectif était d’inspirer la transparence de gestion des deniers et de lutter contre la gabegie dans le pays.

Mais force est de constater que le Pouvoir n’a finalement engagé qu’une réforme sur mesure avec le maintien des commissions départementales de marchés dans certaines entreprises. Une véritable passoire pour sauver certains privilèges indus.

Depuis que le président Aziz a enfourché son cheval de bataille contre la gabegie, l’année 2010 était considérée comme un tournant dans la vie économique et financière du pays. Le slogan affiché par le régime de Aziz étant de sévir contre les prédateurs des deniers publics.

C’est en cette année, en effet, qu’intervient la réforme des passations des marchés publics sous la poussée de l’actuel ministre des affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah. L’organisation des structures en charge du contrôle est elle-même chamboulée. Des commissions nationales sectorielles (7) sont créées pour embrasser tous les domaines de la vie économique (sauf l’Armée).

Le travail abattu est presque parfait pour freiner, en apparence, l’hémorragie des détournements des deniers publics. La réforme des passations des marchés publics en Mauritanie a même fait des émules hors de nos frontières. La preuve de hauts responsables de l’Administration sénégalaises ont séjourné récemment à Nouakchott pour s’en inspirer pour leur propre pays. Le travail rendu par les experts mauritaniens a donc été colossal mais sur le terrain les privilèges persistent.

Il n’est pas besoin d’exemples pour savoir que plusieurs entreprises brassant des milliards d’ouiguiyas ont été dispensées de la coercition sur la passation des marchés publics telle que recherchée par la mise en place de la réforme de 2010 et dont l’audit 2012 montre toutes les limites.

L’apparence est trompeuse

Malgré donc cet étendard , et la réforme effective sur la passation des marchés publics, le crible des marchés est resté très sélectif. Une volonté dangereuse et insidieuse pour couvrir des malversations profondes. Des zones d’ombre, en contradiction avec les velléités de transparence scandées par le régime en place, ont vidé la réforme de son esprit.

Malgré les avancées et les critiques à l’endroit des commissions nationales sectorielles et l’ARMP du fait notamment de 25% de retard d’exécution des marchés (audit 2012) et les tares administratives constatées par l’audit technique et financière sur la passation et l’exécution des marchés publics, cela n’est rien en comparaison à la saignée financière constatée dans les commissions départementales en question.

Somelec, Snde, Apause (ex ANADER), Ener, BCM, DPFE sont entre autres entités publiques celles épargnées par la réforme sur la passation des marchés publics en Mauritanie. La conséquence est aussi claire. Elles ont mauvaise presse et sont parmi les entités les plus indexées dans les malversations, voir les détournements de deniers publics.

C’est là aussi où intervient un népotisme hors du commun car elles brassent des fonds inouïs estimés à plusieurs dizaines de milliards de crédits d’investissement. Mais si au départ, elles étaient 17 entreprises vouées à ce statut privilégié, certaines d’entre elles ont préféré s’en remettre au contrôle des commissions nationales sectorielles pour éviter d’avoir maille à pâtir avec les limiers du contrôle de régularité des procédures ; mais aussi et surtout parce que ces entreprises savaient que le « besoin de célérité » dans la passation des marchés n’est souvent qu’une bonne excuse, un fallacieux prétexte pour bafouer la loi et en tirer profit sonnant et trébuchant.

Dans ce hitparade, la Somelec s’érige un statut à la mesure de la gabegie qui y a toujours régné depuis l’ère de Taya et qui est allée crescendo avec le président Aziz du temps de son directeur général, Mohamed Salem Ould Béchir, promu ministre après le marché de la centrale de Nouakchott et récemment épinglé par l’audit indépendant sur un marché de plus de 25 millions d’ouguiyas au profit d’une société IMM (international montage maintenance) par une entente directe qui n’a jamais été soumise à l’approbation de la CNCMP. Ce qui ne l’empêchera pas de gravir les échelons.

C’est sans doute un aveu d’échec que le président Aziz essuie dans ces affaires, lui pourtant très enclin à « mettre hors d’état de nuire » certains fonctionnaires et qui paradoxalement tolère d’autres bien plus entachés. La seule explication jusqu’ici donnée par les observateurs ce que se sont «ses propres hommes» avec qui la poire est souvent partagée. Ce qui en dit long sur le recul des résultats de notre pays dans le dernier rapport Doing Business 2014, où l’Etat se subroge au secteur privé pour faire l’affaire d’un clan.

C’est aussi vrai que de nouvelles fortunes sortent du néant grâce justement au trafic d’influence et aux passe-droits. Tant donc qu’il n’y aura pas une transparence d’accès aux marchés publics, le respect des lois et l’indépendance de la Justice, la lutte contre la gabegie se résumera toujours en une instrumentalisation entre les mains du Pouvoir.

L’exemple du retard de la construction de l’aéroport international de Nouakchott est aussi un bel exemple de la gestion personnalisée des affaires de l’Etat. Ce dernier a dû puiser 15 milliards dans les réserves de la Snim pour donner « un coup de pouce » à la société Najah qu’il avait pourtant gratifiée d’un troc sur le domaine public afin qu’elle respecte ses engagements contractuels de livrer en 2013 l’aéroport. Il n’en a rien été et la rallonge donnée l’a été dans l’espoir de voir cet aéroport pousser à l’horizon 2015.

Pourtant au regard des résultats de la réforme, la manipulation de l’argent public, les procédures nouvellement engagées ont montré que la passation pouvait bien s’accommoder de la célérité et des urgences tout en préservant la transparence. Mais cet engagement pris par Ould Abdelaziz lors de son premier mandat de mener une lutte sans merci contre le détournement de l’argent public et donc de favoriser une bonne gouvernance financière est à l’antipode de sa pratique sur le terrain.

Comme son engagement pour réduire conséquemment la pauvreté dans le pays, il a également échoué à imposer une gestion responsable de l’argent public quand tout simplement il ne s’est pas lui-même embourbé dans des accusations contre lui de mener, sous différents des prête-noms, un négoce bien florissant. Il aura beau crié sa distance de ces parvenus et rechercher un autre “renouvellement” dans la classe économique, il sait bien que les mauritaniens savent que quelques part aussi ses intérêts sont préservés.

Face à son échec cuisant à faire respecter la chose publique et au retour dans ses loges des prédateurs qu’il disait haïr, le président Aziz, candidat à sa propre succession, sans outsider de poids, briguera un dernier mandat pour les 5 ans à venir, non pas que la jeunesse lui fait confiance, mais bien parce que ses alliés occidentaux ferment les yeux sur tout tant qu’il fera sienne la politique antiterroriste dans la région.

J.D

 

Source: Mauriweb

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