Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: December 2014

Béji Caïd Essebsi, président à la tête d’un pays divisé

Béji Caïd Essebsi, président à la tête d’un pays diviséBéji Caïd Essebsi a été élu au second tour de l’élection présidentielle tunisienne avec 55,68 % des voix. Ses supporters célèbrent la victoire à Tunis mais les fractures d’un pays divisé se font déjà sentir.

La victoire était attendue et déjà consommée. Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre et leader de l’alliance anti-islamiste Nidaa Tounès, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle tunisienne avec 55,68 % des voix lundi après-midi. Il devance ainsi le président sortant Moncef Marzouki, qui a obtenu 44,32 % des suffrages.

Après l’annonce du résultat par la commission électorale, les partisans du président ont laissé éclaté une joie plus discrète que la veille. BCE ou “Bejbouj”, de son petit nom, avait lui-même proclamé sa victoire dès dimanche soir, organisant devant le QG de son parti Nidaa Tounès, sur les bords du lac de Tunis, une fête qui a attiré quelque 2 000 sympathisants.

Lundi, les forces de l’ordre, mobilisées en masse dans le centre de la capitale, ont canalisé les explosions de joie spontanément exprimées dans les rues. Des personnes ont néanmoins défilé pendant plusieurs heures sur l’avenue Bourguiba, que les chauffeurs de taxi se plaisent à présenter comme les “Champs-Élysées” de Tunis. Au milieu des concerts de klaxons, hommes, femmes et enfants agitaient le portrait du président de 88 ans, en scandant “Bejbi, président !”

“C’est une réussite pour la Tunisie, on a gagné !”, jubile Dalila, 50 ans, venue avec ses deux enfants célébrer la victoire. “BCE est un homme ferme et expérimenté, qui va enfin pouvoir mettre fin au terrorisme et nous ramener la paix”, espère-t-elle, avant de laisse exploser sa joie en youyou et force applaudissements. “Béji connaît tout et tout le monde. Cela fait soixante qu’il fait de la politique alors il va pouvoir faire du bien à l’économie, à l’emploi, arrêter le terrorisme et refaire la loi”, juge également Lakdhar, qui, du haut de ses 78 ans, ne voit pas en quoi les 88 printemps du nouveau président seraient un problème.

Les pro-Marzouki : entre acceptation et colère

Anisa ne le contredit pas. Cette femme de 43 ans a pourtant voté Marzouki mais elle est descendue dans la rue, lundi, pour joindre sa voix au chœur des félicitations : “Je suis contente car l’élection s’est bien déroulée, nous avons pu voter librement. Le peuple tunisien s’est exprimé et maintenant que l’on a un nouveau président, il va pouvoir mettre fin au chômage et au terrorisme”, déclare Anisa, qui a le sens de l’unité.

Tous n’ont pas la défaite si heureuse. Dans la ville de Tataouine, au sud-est de la Tunisie, région majoritairement pro-Marzouki et favorable au parti islamiste Ennahda, le siège du parti de Béji Caïd Essebsi a été incendié en partie lundi soir. Dans la localité d’El Hamma, dans le sud également, des débordements ont été signalés à l’annonce des résultats. “De 300 à 400 protestataires ont mis le feu à des pneus et tenté d’attaquer un poste de police à coups de pierres. Les forces de l’ordre ont riposté avec du gaz lacrymogène”, a expliqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Aroui.

La gueule de bois de la gauche

“La cartographie électorale divisée entre le Nord et le Sud correspond au découpage de la marginalisation économique”, explique Hèla Yousfi, maître de conférence à l’université de Paris-Dauphine. “Cette démocratie gère les intérêts d’une politique dominante. L’alliance qu’il va y avoir de facto au Parlement entre Nidaa Tounès et Ennahda va soutenir un programme libéral appuyé par des bailleurs de fond”, déplore-t-elle.

Électrice du Front populaire “par loyauté”, elle a voté Marzouki par défaut, pour faire barrage au retour de l’Ancien régime. “L’aspect positif de ce vote, c’est que nous sommes sortis de l’ère des élections remportées avec 90 % des voix. Mais la victoire d’Essebsi signifie le retour en force de certains symboles de l’ancien régime”, regrette-t-elle.

Pour elle, ce scrutin signe surtout une terrible défaite de la gauche tunisienne. “Les partis de centre-gauche se sont tus et le Front populaire a appelé, certes avec ambiguïté, à voter BCE, considérant que la modernisation de l’État était plus importante que le social”, explique-t-elle, rappelant que les défis politiques et sociaux à relever sont nombreux en Tunisie.

Ce n’est pas Meriem Zeghidi qui la contredira sur ce dernier point. Militante de gauche, qui a voté pour le Front populaire au premier tour, elle a la victoire amère. Elle a glissé, au second tour, un bulletin d’Essebsi dans l’urne mais “sans aucune conviction”. Cette figure respectée du féminisme tunisien n’esquisse pas l’ombre d’un sourire en apprenant que celui pour qui elle a voté a gagné. “C’était un vote très difficile car on n’a pas eu le choix : c’était ou Marzouki, qui a mis la Tunisie dans une situation impossible (attentats, assassinats politiques, mauvaise gestion internationale) ou BCE, qui incarne l’ancien régime”.

Cette militante de la laïcité a choisi BCE par défaut pour contrer l’islamisme, mais elle prévient : “L’islamisme est là. Ennahda constitue une force importante au sein de l’Assemblée et ne lâchera jamais. Parler de démocratie c’est parler d’alternance : Ennahda pourrait revenir au pouvoir dans cinq ans”, explique-t-elle, assurant qu’elle ne relâchera pas sa vigilance et qu’elle est prête à retourner dans la rue au moindre signe de dérive autoritaire.

 

Source: france24

Mauritanie-Union Européenne : Qui veut noyer le poisson ?

altEst-ce le début d’une crise politique entre le Gouvernement mauritanien et l’Union Européenne ? La question mérite d’être posée au regard de l’intervention personnelle du président Aziz en réaction à la condamnation dont a écopé son régime en relation avec le maintien en prison de Biram Ould Dah Ould Abeidi, président de l’Ong anti-esclavagiste Ira.

Un mélange de genre du gouvernement mauritanien ou un alibi dont use l’Union Européenne pour faire pression sur la Mauritanie pour le renouvellement de l’accord de pêche ?

Ce qui est sûr c’est que le président Mohamed Abdelaziz semble outré par les européens qui lui ont promis de l’argent, 25 millions d’euros dans la lutte contre le terrorisme, et qu’il n’aurait pas reçu « à  ce jour aucun euro » pour reprendre son expression.

Côté pouvoir mauritanien, c’est donc le temps des suspicions avec l’Union Européenne. La condamnation par le Parlement de l’emprisonnement du président de l’Ira ne serait qu’un « alibi » pour faire pression sur le Gouvernement mauritanien pour l’amener à reconsidérer sa position quant à la contrepartie financière réclamée pour l’accès à la ressource. Soixante sept millions que l’Ue estime un peu cher pour que l’accord fini en queue de poisson le lundi 15 décembre 2014 soit rentable. Elle en proposerait 47. C’est d’ailleurs la seule objection sur toutes les mesures acceptées dans le dernier protocole 2012-2014 qui assurent à la Mauritanie une mauritanisation de 60% des équipages, la donation gratuite de 2% de la capture débarquée dans le pays et l’exclusivité du poulpe aux nationaux.

Mais tout n’est évidemment pas parti par-là. Ce climat délétère a été usé depuis quelques semaines par les défenseurs de Cheikh Ould Baya qui ne voulaient voir dans ses propres déclarations sur sa propre fortune qu’une autre tentative de l’Union Européenne via une « partie mauritanienne » tendant à le décrédibiliser.

Dans cette nouvelle partie où apparemment le président Aziz a décidé de descendre dans l’arène pour porter main forte à son ami, Cheikh Ould Baya, au risque de susciter une crise dans un verre d’eau, avec l’Union Européenne, la mayonnaise du mélange de genre est bien préparée.

La coïncidence de la condamnation par le Parlement Européen du maintien du président d’Ira en même temps que d’autres de ses disciples, à un moment où la Mauritanie abrite le processus de Nouakchott est présentée comme une tentative de l’Union Européenne à pousser la pression à son paroxysme contre le régime en place pour l’amener à signer des accords de pêche. La réponse cinglante du président Aziz qu’ « il n’y pas d’esclavage en Mauritanie » est quelque peu contrariée par les campagnes tous azimuts dans le pays présentant cette tare comme un crime. Des Imams ont même été invités à mener la guerre contre ces pratiques.

De son côté, même si la condamnation n’est pas contraignante, l’Union Européenne, l’un des principaux pourvoyeurs bilatéraux et multilatéraux du pays, semble jouer à des relations incestueuses avec le Pouvoir en place dont elle a besoin pour la lutte contre le terrorisme mais surtout contre l’immigration clandestine.  Une vanne que la Mauritanie a fermée grâce à la coopération opérationnelle avec l’Espagne notamment. Un dossier géré techniquement et financièrement par l’ex-colonel Baya. Encore lui!

Dans cette partie d’échec, l’ancien délégué Cheikh Ould Baya est apparemment un pion que le président Aziz utilise pour éviter un «échec et mat» dans ses négociations en sourdine avec l’Union Européenne. Car malgré les déclarations intempestives, les relations y compris l’accord de partenariat de pêche ne peuvent être rompues. Le pion trop en avant de ses lignes y laissera-t-il sa peau? Rien n’est moins sûr.

Si l’Ue a besoin des protéines mauritaniennes, le régime en place à Nouakchott a encore besoin d’euros pour faire face à la crise de vente des matières premières qui lui assuraient, avec la pêche, ses principales recettes.  Alors où se dirige-t-on avec ce nouvel épisode d’une relation qui commence à faire des vagues ?

A l’affût, les requins chinois, voraces et spécialistes des dessous de table, se frottent les mains en espérant qu’après l’investissement de 100 millions de dollars de polyhondone, sans respect des engagements pris, profiteraient d’un éventuel divorce entre Bruxelles et Nouakchott.

Un chant de sirène que le Pouvoir, dans son intérêt bien compris, devrait exorciser d’autant que Paris est entrée dans la danse exhortant le Pouvoir au respect des militants des droits de l’Homme.

Alors qui vraiment tente de noyer le poisson ?

En attendant le Gouvernement mauritanien peut mettre en place son budget 2015 sans compter sur cette contrepartie. Cette affaire, sans compter les soubresauts avec quelques pays voisins est la première crise d’envergure pour le Pouvoir de Aziz. Elle intervient pour lui la veille de la remise de témoin de la présidence de l’Ua. Une position qui va probablement le fragiliser davanatage.

 

Source: mauriweb

Deux policiers assassinés à New York, leur agresseur voulait se venger

altDeux policiers ont été tués samedi à New York dans leur voiture, “assassinés” par un homme qui s’est ensuite suicidé. Un message sur internet évoque un acte de vengeance pour la mort d’un Noir lors d’un incident cet été avec la police de New York.

Un homme a abattu samedi 20 décembre deux policiers à New York avant de se suicider, a annoncé le chef de la police de la ville. Un message laissé sur internet évoque un acte de vengeance pour la mort d’un Noir désarmé lors d’un incident cet été avec les forces de l’ordre new-yorkaises.

L’auteur des coups de feu, Ismaaiyl Brinsley, âgé de 28 ans, a tiré à l’aide d’un pistolet semi-automatique sur les deux policiers assis à bord de leur véhicule de patrouille dans le quartier de Brooklyn aux environs de Bedford Stuyvesant à 14H50 locales (19H50 GMT), a expliqué la police new-yorkaise. Il s’est ensuite engouffré dans une station de métro, où il s’est tiré une balle dans la tête.

Des médias américains ont montré un message diffusé samedi sur Instagram et émanant apparemment du suspect, qui profère des insultes contre la police: “Je donne des ailes aux porcs aujourd’hui. Ils prennent un des nôtres (…) Prenons deux des leurs.”

Dan son message, les hashtags évoquent Eric Garner et Michael Brown, deux Noirs morts cette année dans des incidents impliquant des policiers blancs, le premier à New York, le second à Ferguson dans le Missouri.

>> À voir sur France 24 : Nuit de colère à New York après la relaxe d’un policier dans l’affaire Garner

Dans les deux cas, des grands jurys ont décidé de ne pas poursuivre les policiers. Ces décisions avaient provoqué des manifestations à New York et dans d’autres villes des États-Unis pour dénoncer le traitement des Noirs par la police et l’impunité dont jouiraient les forces de l’ordre.

Tensions avec la police

C’est la première fois depuis 2011 que des policiers new-yorkais sont tués par arme à feu et cet événement pourrait alimenter les crispations entre les forces de l’ordre et le maire démocrate de la ville, Bill de Blasio, qu’elles accusent de ne pas les soutenir face à la contestation actuelle.

Dirigeant de la Patrolmen’s Benevolent Association, premier syndicat de policiers municipaux aux États-Unis, Patrick Lynch a estimé qu'”il y a du sang sur beaucoup de mains ce soir”. “Ceux qui ont encouragé la violence dans la rue sous couvert de manifestation, qui ont essayé d’anéantir ce que les agents de la police de New York accomplissent au quotidien”, a déclaré Patrick Lynch lors d’une conférence de presse.

Prié de dire lors de sa conférence de presse si un lien pouvait être établi entre le mouvement de protestation et Ismaaiyl Brinsley, le chef de la police Bill Bratton a pour sa part répondu: “Il y a (…) actuellement un ensemble très puissant d’initiatives anti-police, anti-système judiciaire, anti-société et un des aspects malheureux parfois est que certaines personnes se retrouvent prises là-dedans et prennent des directions qu’elles ne devraient pas prendre.”

>> À lire sur France 24 : Les incroyables largesses de l’armée américaine aux policiers

La famille d’Eric Garner scandalisée

À la différence, le pasteur Al Sharpton, figure des droits civiques, très proche des familles Brown et Garner, a dénoncé samedi soir toute association entre la mort des policiers et l’affaire Garner.

“J’ai parlé avec la famille Garner et nous sommes scandalisés par les informations sur la mort des policiers à Brooklyn. Toute utilisation du nom d’Eric Garner ou Michael Brown, en relation avec toute violence ou meurtre de policier est répréhensible et va contre la poursuite de la justice dans ces deux affaires”, a-t-il écrit dans un communiqué.

Le meurtrier, Ismaaiyl Brinsley, avait aussi blessé par balle samedi matin son ex-petite amie à Baltimore, avant de partir pour New York, a indiqué le chef de la police Bill Bratton, qui a précisé que le suspect utilisait apparemment le compte instagram de la jeune femme pour ses commentaires anti-police.

Avec AFP et Reuters

 

Littérature : L’aventure ambiguë d’«Un Breton chez les Soninkés», de Zakaria Soumaré

Soninkés près de Gouraye. Crédit : DRDans son nouveau livre “Un Breton chez les Soninkés” (éditions Edilivre 2014), l’écrivain mauritanien Zakaria Soumaré plonge son lecteur au cœur de la société soninké.

Face à Kobel, le vieux sage de Toulel, village situé au sud de la Mauritanie, Paul, le Breton découvre avec curiosité ce peuple installé en Mauritanie depuis le XIIIème siècle. Du mythe fondateur de l’empire du Ghana, de la légende de Dingha jusqu’à l’âge d’or du Wagadu, ou encore le récit de l’épopée du pieux Kanka Moussa (1307-1332) tout est scientifiquement exposé dans ce dialogue inter-culturel. Par quel canal les soninkés communiquaient-ils? Aujourd’hui, comment les femmes s’organisent-elles dans ce village avec l’exode rural et l’émigration? Que reste-t-il des traditions et des mœurs de ce peuple? Comment les ressortissants de Toulel en France arrivent-ils à maintenir les liens et contribuer au développement de leur village? Ainsi sont formulées les questions de Paul.

Entre un Breton fier de l’inscription de sa langue maternelle sur les panneaux de signalisation de Brest et un Mauritanien qui s’indigne du manque de la « cohésion sociale digne de ce nom dans son pays », le dialogue ne peut qu’être riche et constructif. Dans un monde où « les identités minoritaires » se banalisent, Zakaria Soumaré nous offre ainsi un roman pédagogique et foisonnant sur la diversité culturelle.

Dans la salle des profs : « C’est où la Mauritanie ? »

C’est la rentrée des classes : avant de rejoindre leurs « difficiles élèves », les enseignants sympathisent et se racontent leurs pérégrinations et villégiatures de vacances. L’auteur, Zakaria, était à Toulel, son village natal. Son collègue Paul revient de Miami. Les premiers échanges sur l’éducation nationale dominent naturellement les discussions. Nos deux professeurs tirent la sonnette d’alarme : « Nous courrons dangereusement vers la catastrophe si réellement nous ne trouvons pas une solution aux problèmes de l’école en France ». Parmi tant d’autres raisons, la détérioration du niveau des élèves, les décrochages scolaires et la démotivation, voire la démission des parents suscitent l’ire des deux enseignants. Une phrase lancée par Paul ne peut laisser personne indifférent : « L’école est un passe-temps ; les enseignants sont des guignols. Et nous les profs, nous avons l’impression d’être dans une garderie où on vient nous confier des enfants qui n’ont rien à faire à la maison ». Voilà qui est dit par un averti.

Au fil de la discussion, d’autres sujets s’invitent. Soudain, à sa grande surprise, Zakaria découvre que son collègue français ignore où se situe la Mauritanie. Il interroge “C’est où la Mauritanie?”. Et d’ajouter « je n’ai jamais entendu parler de ce pays ». L’écrivain s’improvise alors géographe, guide touristique, puis convainc Paul d’effectuer un court séjour en Mauritanie afin de découvrir le peuple qui fonda jadis les plus grandes dynasties de l’Afrique de l’Ouest.

Couverture du livre.
Couverture du livre.

De Paris à Toulel : bienvenue chez les Soninkés

Lorsque Zakaria s’introduit avec Paul chez le sage Kobel, toutes les facettes de la culture soninké s’ouvrent à eux. Courtoisement accueilli, le Breton s’intéresse à l’organisation de cette société qui, selon les propos du vieil homme, est l’une des plus hiérarchisées d’Afrique de l’Ouest. Depuis l’empire du Ghana, ce peuple a toujours conservé son système social pyramidal. Les castes soninkés se subdivisent en trois grands ensembles. Au sommet, les Tunkalemu (nobles) contrôlent l’exercice du pouvoir, les Niahamalu (dépendants) dépendent de ces derniers, tandis que les Komo (esclaves) se retrouvent au bas de la pyramide. On apprend que l’esclavage s’y est institutionnalisé par la capture dans les contextes des guerres, des razzias et l’extrême pauvreté. Kobel le sage s’accorde Paul et son collègue pour marteler qu’: « aujourd’hui, il est inhumain sinon révoltant de continuer à les appeler esclaves ». Il faut combattre les survivances liées à cette pratique « honteuse » afin de les évacuer de la mémoire collective en milieu soninké. Sans ces efforts conjugués, note l’auteur, la gestion symbolique de la représentation sociale ainsi que la politique du Debe (village) et le Jaamane (pays Soninké) resteront inégalitaire et discriminatoire.

Au moment d’évoquer le fonctionnement de cette société au sein de la cellule familiale, Paul est surpris par l’évocation des valeurs en voie de disparition en France. Le sage affirmera que sans le maintien du tissu familial, la réputation du soninké telle que connue aujourd’hui n’existerait pas. La foi et la famille façonnent donc l’équilibre chez un soninké. La preuve en est que lorsque le Kagumé (chef de famille) dit son dernier mot, les propos précédents des membres de la fratrie deviennent nuls et non avenus. Des palabres futiles auxquelles même les cadets de la Kâ (famille) ne donneront aucun crédit. Le droit d’ainesse demeure une valeur sûre chez les Soninkés et structure encore les foyers toulellois. Lorsque Paul demande pourquoi les Soninkés sont des émigrés par excellence, l’ancien convoque la légende selon laquelle leur aïeul Dingha écouta le conseil d’une hyène en émigrant à la recherche de pâturage et d’eau. Il ajoute que, avant de s’installer massivement dans l’Hexagone, les Soninkés étaient des Jula (commerçants) qui sillonnaient les pays limitrophes de la Mauritanie et la sous-région. D’autres encore séjournaient dans le bassin arachidier au Sénégal ou en Gambie pendant la période des Navétanes (hivernage).

Le chemin de l’Occident n’a commencé qu’après les deux guerres mondiales avec la forte demande d’une main-d’œuvre bon marché. Ici, le sage Kobel s’arrête pour déplorer les effets pervers de l’émigration. Le dépeuplement de villages entiers à cause de l’exode, la fuite des cerveaux, le désintéressement des jeunes pour les études et la jalousie que provoquent les nouvelles richesses sont autant de malheurs qui révoltent le vieil homme. D’où le fait qu’aujourd’hui seul “celui qui a migré hors du village” a droit au respect et à la parole, rapporte l’auteur. L’exemple des dépenses faramineuses contractées pour des noces illustre parfaitement ce que Kobel appelle “la perte des valeurs”. Le vieil homme fustige le snobisme extravagant des jeunes émigrés qui rivalisent de faste dans leurs cérémonies de mariage. Constatant que certaines dérives affectent même le baadé (période de deuil), il s’attriste : “de nos jours, dans la société soninké, le deuil est devenu une véritable manifestation d’ostentation, d’orgueil et d’étalage des richesses”. En revanche, la contestation de l’ordre établi et des logiques ancestrales ne le gêne pas. Il admet que les mutations sociales et l’ouverture sur le monde occidental entraînent l’évolution des mentalités. Pour éviter le conflit de générations, il préconise simplement de faire un “tri positif et raisonnable dans les meurs empruntés de l’Occident”.

Zakaria Soumaré. Crédit : DR
Zakaria Soumaré. Crédit : DR

Lorsque le matériel détermine le statut social et devient le centre de l’existence, pourquoi s’étonne-t-on de l’obsession des jeunes à vouloir gagner, morts ou vifs, leur eldorado imaginaire ? La réponse de Paul est sans attente : ” Les jeunes Soninkés devraient comprendre que leur avenir se joue en Afrique. Il n’y a rien maintenant en Occident”. Alors que l’Europe se débat dans son marasme économique, l’écrivain invite les élites africaines à montrer l’exemple. En retournant dans leur pays d’origine, elles aideront les jeunes Africains à construire leur personnalité et contribueront à l’émergence de nouvelles dynamiques sur le continent.

Bâ Sileye

sileye87@gmail.com

Né en 1977 en Mauritanie, Zakaria SOUMARE a étudié à l’université de Nouakchott puis au Sénégal où il a obtenu un DEA en littérature africaine francophone. Il a soutenu en 2010 une thèse de doctorat à l’Université de Limoges. Il est aujourd’hui professeur de lettres modernes à l’Académie de Limoges et chercheur associé à FRED (Francophonie, Éducation et Diversité) à l’université de Limoges. Il est aussi l’auteur de «Le Fils d’un rescapé du génocide des Tutsi, Edilivre, 2013».

Droits de l’Homme : Aziz nargue le Parlement Européen

altLe président Mohamed Ould Abdelaziz n’est pas allé par quatre chemins vendredi pour dénier la condamnation de son régime par le Parlement Européen au sujet de l’incarcération de Biram Ould Abeid et de ses codetenus de l’ira.

Pour le président Aziz la condamnation de l’arrestation du président de l’Ira aurait un objectif « inavoué ». L’insinuation est pourtant claire et fait directement allusion au non renouvellement du dernier protocole de pêche entre notre pays et l’Union Européenne, venu à expiration lundi dernier.

Pire encore, dans une conférence de presse tenue à l’issue du processus de Nouakchott, le président Aziz a accusé l’Ue de ne pas respecter les engagements pris avec le Gouvernement mauritanien. Il citera, à ce sujet, plusieurs accords de financements restés lettres-mortes.

Le président Aziz a, par ailleurs, nié catégoriquement l’existence de l’esclavage en Mauritanie estimant que c’est un créneau utilisé par certaines organisations pour semer la discorde dans le pays tout en profitant «des largesses de leurs manipulateurs». A ce sujet, le président Aziz précisera que l’organisation Ira est non-reconnue en Mauritanie. Il a en outre accusé son président Biram Ould Dah de s’être approprié ce combat récemment pour son agenda personnel.

Jeudi, le Parlement Européen, rappelle-t-on, avait condamné dans un communiqué rendu public  l’arrestation le 11 Novembre 2014 par les autorités mauritaniennes du président d’Ira Biram Ould Dah Ould Abeidi et exhorté à sa libération immédiate ainsi que ces codétenus.

 

Source: mauriweb