Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: December 2014

La Côte d’Ivoire refuse toujours de livrer Simone Gbagbo à la CPI

Simone Gbagbo, l'épouse de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, à Abidjan le 27 mars 2011.LA CPI a sommé jeudi la Côte d’Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président. Elle a aussi confirmé quatre charges de crimes contre l’humanité contre Charles Blé Goudé, qui a du même coup été renvoyé en procès.

Une semaine après l’abandon des poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, les proches de l’ancien chef d’État ivoirien Laurent Gbagbo restent eux dans le viseur de la Cour pénale internationale (CPI). Au risque de se voir encore taxée de pratiquer une “justice des vainqueurs”, la juridiction internationale a demandé jeudi 11 décembre à la Côte d’Ivoire de lui livrer Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président, et a confirmé quatre charges de crimes contre l’humanité contre Charles Blé Goudé, qui serait donc renvoyé en procès sauf s’il faisait appel dans les cinq jours de cette décision.

Tous deux sont poursuivis pour leur rôle présumé dans les violences ayant suivi la présidentielle de 2010 qui a opposé Laurent Gbagbo au président actuel Alassane Ouattara. La crise s’était achevée par deux semaines de guerre et avait fait quelque 3 000 morts.

Abidjan “se donne du temps”

Simone Gbagbo est détenue à Abidjan. En plus d’être poursuivie par la CPI, l’ancienne “dame de fer” est en effet inculpée par la justice ivoirienne d'”atteinte à la sûreté de l’État” en lien avec la crise postélectorale. Par peur de troubles politiques, Abidjan refuse de livrer Mme Gbagbo à la Cour pour la juger en Côte d’Ivoire, et avait soulevé une “exception d’irrecevabilité” contestant la compétence de la CPI, qui ne peut poursuivre un suspect que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire. Or, la CPI a réaffirmé jeudi qu’elle estimait que les poursuites engagées en Côte d’Ivoire ne portent pas sur les mêmes accusations, rejetant dès lors l'”exception d’irrecevabilité”.

Le gouvernement ivoirien “va se donner le temps de (l’) analyse et revenir avec une position claire”, a promis Bruno Koné, porte-parole du gouvernement ivoirien. Selon ce ministre, la Côte d’Ivoire, “respectueuse des engagements qu’elle prend”, a aussi “des principes qu’elle souhaite voir respectés”.

Charles Blé Goudé, ex-chef des “Jeunes patriotes”, mouvement pro-Gbagbo extrêmement virulent, est quant à lui écroué à La Haye depuis mars 2014. Surnommé le “général de la rue” pour sa capacité à mobiliser les foules, il était l’un des hommes forts de l’ancien régime. Selon le bureau du procureur de la CPI, des miliciens sous les ordres de Blé Goudé avaient tué, violé, brûlé vives et persécuté des centaines de personnes. “Personne n’est surpris de cette confirmation des charges”, a réagi Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement ivoirien, lors d’une conférence de presse. La date du procès de Charles Blé Goudé n’est pas encore déterminée, et la défense peut encore interjeter appel.

Laurent Gbagbo aussi poursuivi par la CPI

Charles Blé Goudé doit répondre de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtre, viol, actes inhumains et persécution. Il est accusé d’avoir participé à un plan commun fomenté par Laurent Gbagbo et son entourage pour conserver le pouvoir “à tout prix”. Son avocat, Nick Kaufman, a déclaré que son client “est surpris de la décision de la Cour, qui néglige en grande partie les preuves de la défense et confirme une enquête sélective et politiquement motivée”.

>> Lire aussi : Les faits que la procureure de la CPI reproche à Charles Blé Goudé

Laurent Gbagbo est lui aussi poursuivi par la CPI. Écroué à La Haye, il est dans l’attente d’un procès qui doit s’ouvrir en juillet 2015. Alors que les deux camps rivaux ont été accusés de graves crimes dans de multiples rapports, aucun partisan du président Ouattara n’a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut d’être accusée de pratiquer une “justice des vainqueurs”.

Le 5 décembre, le procureur de la CPI avait décidé d’abandonner les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, faute de preuves. Cette décision avait été perçue comme un véritable camouflet pour la Cour. Elle illustre aussi une de ses plus grandes difficultés : poursuivre de hauts responsables qui sont toujours au pouvoir. Dans le cas d’Uhuru Kenyatta, la CPI demandait au Kenya de lui fournir des documents qui auraient pu compromettre son propre chef de l’État… Reste que le dossier kényan n’est pas tout à fait enterré : le vice-président en exercice, William Ruto, est actuellement jugé à La Haye.

(Avec AFP)

Jeuneafrique.com

 

Déclaration du conseil national du MANIFESTE des Haratine

En ce jour du 10 Décembre 2014, Soixante -sixième anniversaire de l’adoption, en 1948, de la “Déclaration Universelle des Droits de l’Homme”, il est grand temps que notre pays – la Mauritanie – cesse enfin de se voiler la face et d’entretenir l’oubli pour s’attaquer vigoureusement à son lourd passif de graves violations de droits fondamentaux de ses citoyens. Au premier rang de ces violations, figurent les louvoiements et hésitations du pouvoir dans la lutte pour l’éradication du  mal sociétal endémique qui ronge le pays : les pratiques avérées et les séquelles de l’esclavage ! 

            Cette vérité qui crève les yeux fut corroborée par le classement de la Mauritanie  comme premier pays esclavagiste de par le monde pour l’année 2013 selon l’organisation “Walk Free International“; devançant ainsi et de très loin la république de HAITI , arrivée  seconde dans cet humiliant palmarès de la honte.

La flagrante connivence de la justice, de l’administration et des services de sécurité avec les auteurs de crimes esclavagistes, fait planer un sérieux doute quant à la volonté des décideurs politiques de combattre ces forfaits contraires aux enseignements réels de notre sainte religion, nuisibles à notre unité nationale et dressant une multitude d’obstacles devant l’émergence d’un pays de droit, juste, égalitaire et réconciliée avec lui-même !

En date du 29 Avril 2013, nous avons publié un document – le MANIFESTE pour les droits des Harratine – où nous brossions un état des lieux et analysions, sans complaisance mais aussi sans parti pris ni exagération, les conditions de vie insupportables de cette importante composante du peuple mauritanien qui se trouve être marginalisée et  exclue souvent par la seule volonté des dirigeants successifs du pays, épaulés en cela par des groupes obscurantistes, prompts à des agissements suicidaires pour le pays.

Aujourd’hui, Vingt mois plus tard, nous tirons la leçon  que cet appel à la raison, adressé aux responsables de la conduite de nos affaires nationales, aux partis politiques, syndicats et organisations de la société civile ainsi qu’aux dignitaires religieux (Imams et ouléma). Ce cri du cœur reste, dans une large mesure, comme “des voix qui prêchent  dans le désert…”. Les amendements constitutionnels et l’institution de tribunaux spéciaux ne sont rien d’autre qu’un trompe-l’œil n’ayant eu aucun impact sur la situation désastreuse que vit cette communauté  et le statu quo demeure maître des lieux.

En définitive, nous pouvons affirmer que le camp de l’extrémisme, de l’exclusion et du déni des droits de la citoyenneté triomphe toujours. Notre Mauritanie mérite mieux que cela pour le bien de sa paix civile et  le raffermissement de sa  cohésion sociale par  la justice et la promotion de l’équité !

LE CONSIL NATIONAL DU MANIFESTE POUR LES DROITS POLITIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIAUX DES HARATINE, au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même.

DECLARATION A L’OCCASION DU 66ème  ANNIVERSAIRE DE LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME

 

le calame

Contribution : « Les sept dimensions du magal de Touba »

Capture d’écran 2014-12-10 à 19.10.46iGFM – (Dakar) Le grand Magal de Touba marque le départ, en 1895, du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, en exil au Gabon, où il resta sept ans, rappelle l’économiste Moubarack Lo dans une contribution transmise mercredi à iGFM qui la publie ci-dessous.

« L’ampleur du Magal reste une preuve tangible qui illustre la grâce que Dieu a accordée à Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Aujourd’hui, il apparaît, de manière formelle, qu’au-delà de l’aspect religieux, illustré par les prières, les offrandes et autres largesses, le Magal a un aspect qualitatif et quantitatif en ce sens qu’il participe à l’émergence socio-économique du Sénégal.

De fait, le Magal de Touba possède un caractère multidimensionnel qui permet de mettre en évidence ce que la communauté mouride est prête à faire, voir même à sacrifier, pour un bon déroulement de l’évènement.

1. La DIMENSION SPIRITUELLE

Dans la compréhension des pèlerins, le Magal de Touba accroît les valeurs spirituelles, sociales, et culturelles des mourides. Les résultats issus des enquêtes sur les ménages à Touba et les dahiras, menées par le Cabinet Emergence Consulting, en 2011, montrent clairement que pour 81% des individus enquêtés, l’un des déterminants fondamentaux de la célébration du Magal, c’est d’abord et avant tout, la confirmation de l’appartenance à la communauté mouride qui possède un sens très élevé du «Ndiguel».

En effet, le Magal est avant tout, une recommandation du Fondateur du Mouridisme  exprimée en ces termes : « Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus; par conséquent, j’invite toute personne, que mon bonheur personnel réjouirait, à s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, dans la mesure de ses possibilités en sacrifiant des espèces allant de la poule au chameau, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouvera sur terre».

Partout, le discours reste le même, qu’ils soient membres des ménages ou de dahiras, ils ressentent tous un immense sentiment de joie, de plaisir et d’amour lors du Magal. De même, ils ressentent une certaine satisfaction d’action bien faite à l’égard de leur Seigneur. En célébrant le Magal, certaines personnes ont le sentiment d’accomplir une mission. Le Magal est en effet considéré comme une victoire de l’islam et de l’Homme africain : « C’est un jour de victoire pour l’islam. Je ressens beaucoup de plaisir et de fierté à y participer…..Je suis d’avantage réconforté dans ma position quand je vois que mes enfants ont les mêmes sentiments à aller à Touba pour magnifier le jour de victoire de l’homme noir».

L’avènement du Magal inspire beaucoup de valeurs islamiques  et de comportements: l’amour entre les différentes confréries, le partage, la paix, la solidarité, l’entraide, le respect mutuel, le pardon, la bonté, la propreté, la piété, la persévérance, la récitation du coran, des Khassaides, les causeries sur le Prophète, sur les hommes pieux, la dévotion envers Dieu, la « sunna » du prophète, l’union des musulmans, le rappel du droit chemin, la confiance en soi…..

Le Magal rappelle également des évènements partagés par toute la communauté musulmane dont le plus important est le pèlerinage à la Mecque qui a été cité par plusieurs enquêtés. En effet, à Touba tout comme à la Mecque, les pèlerins sont au même pied d’égalité, ils s’efforcent d’être purs et le plus proches de leur seigneur à travers les prières et la lecture du Coran. Il y a aussi le Ramadan, car après la privation et l’abstinence, le fidèle est autorisé, en fin de journée, à rompre son jeûne et bénéficie ainsi des faveurs de son Seigneur.

Le Magal rappelle aussi les évènements victorieux de la religion qui exaltent la Gloire Divine telles que la Tabaski, la naissance du prophète, le retour du prophète à la Mecque, l’arrivée du prophète à Médine, l’entrée de Seydina Oumar dans la religion musulmane et la guerre de Badr.

A l’arrivée, il y a un sentiment de satisfaction, d’élévation et de purification spirituelle : « je me sens comme quelqu’un qui est à la Mecque, qui a une satisfaction intérieure et qui a reçu des bénédictions de la part d’Allah et du Cheikh ». Et la transformation est manifeste : « Je ne peux même pas l’expliquer, dès mon entrée à Touba je deviens comme une personne qui est sous l’emprise d’une force innée ». Cela peut aussi expliquer le sentiment d’ouverture spirituelle ressenti par certaines personnes lors du Magal. Pour les mystiques, le trajet vers la ville sainte constitue véritablement un voyage vers l’unité divine, la voie soufie elle-même.

En célébrant le Magal, certaines personnes ont le sentiment d’accomplir une mission, d’où la nécessité de venir à Touba pour renouveler sa foi et son appartenance à la communauté de Cheikh Ahmadou Bamba. « Le grand Magal est le jour de Cheikh Ahmadou Bamba, il est aussi le plus beau jour des mourides. Il marque la victoire de la vérité prônée par le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba sur l’homme blanc. Pour moi il représente la fête, la joie, c’est le jour le plus important de ma vie. Ce jour est sans égal. Le Tout puissant a demandé au Cheikh de choisir un jour pour le remercier, de ses œuvres et le Cheikh de choisir le jour le plus difficile, le plus dur, le jour où il a été pris en otage par l’homme blanc, partant de là, et tant qu’il me restera un souffle de vie, je reviendrai à chaque édition », disait une personne interrogée.

Pour la plupart des ménages et des dahiras enquêtés, le Magal doit aussi être un jourd’introspection spirituelle pour chaque mouride. Faire le point sur sa qualité de talibé, s’interroger sur ce qui doit être le comportement d’un bon mouride, sur son engagement dans les recommandations du Cheikh, sur ses actions en faveur de l’islam, etc.…

2. La DIMENSION FESTIVE (« BERNDÈÈL ») ET SOCIALE

Le Magal, c’est aussi la dimension festive avec le «Berndèèl». La qualité et la quantité des aliments et collations doivent permettre à chacun de sentir que le Magal, c’est la meilleure fête qui puisse exister. Donner à manger est un acte fortement recommandé par l’Islam. Et sur ce plan, il faut reconnaître que les ménages à Touba et les Dahiras ont toujours fourni des efforts immenses pour la réussite de cette journée. Dans presque toutes les familles ainsi qu’au sein des Dahiras, des moutons, des bœufs et même des chameaux sont immolés pour l’occasion. Une quantité astronomique de boissons, de gâteaux et de toutes sortes de mets est offerte aux pèlerins à Touba durant le Magal. Certains talibés reviennent même de Touba chargés de produits alimentaires qu’ils offrent aux gens qui n’ont pas pu se rendre au Magal.

Le jour du Magal, tout y passe pour une participation satisfaisante comme le dit ce jeune homme lors des entretiens : « Je cuisine avec les femmes, je participe à tous les travaux domestiques à côté de mes frères, sœurs amis et enfants, et cela avec énormément de fierté et de plaisir… ».

Au demeurant, la disponibilité de la nourriture pour tous, pendant et après le Magal à Touba, participent d’une certaine façon à la réduction de la faim et de la pauvreté au Sénégal, au moins durant cette période. Plusieurs villageois affluent ainsi à Touba, avec pour objectif de tirer profit de ses opportunités en termes d’accès à l’alimentation, à l’eau potable, aux revenus et aux autres facteurs de qualité de vie, dont les services de santé grâce aux campagnes de soins gratuits.

3. La DIMENSION ECONOMIQUE

Le comptage des véhicules entrés à Touba, par nos équipes, lors du Magal de 2011 (dont le nombre total, y compris les rotations, est estimé à 110.000 véhicules), a permis d’approximer le total de participants au Magal à 3 millions 90 mille personnes, y compris les habitants de Touba et Mbacke. L’âge moyen des participants adolescents et adultes (plus de 15 ans) se situe autour de 32 ans. Ces pèlerins, venus de tout le Sénégal et du monde entier, viennent ainsi répondre à l’appel du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. Cela justifie amplement que le Parlement doive accélérer le vote d’une loi faisant du Magal une fête nationale chômée et payée ; un décret étant de moindre portée.

A court terme, le Magal génère une augmentation du volume d’activité de plusieurs secteurs économiques nationaux et un apport de richesses dans le tissu économique local.

En effet, les résultats des enquêtes menées à Touba montrent que le Magal entraîne des changements importants dans les dépenses des participants a l’événement. En moyenne, le ménage type enquêté consomme, pour chacun des trois jours de l’événement, l’équivalent de 45.000 F CFA par jour, soit quinze fois plus que la dépense journalière, en temps normal, d’un ménage moyen sénégalais.

Le pèlerin-type (adulte) enquêté mobilise 76.000 FCFA pour le Magal, qu’il utilise comme suit :

a)   26.000 FCFA en contribution à la famille d’accueil ou à la Dahira

b)   10.600 FCFA en Hadiyas

c)   35.000 CFA en dépenses pour soi- même répartis comme suit : (i) 25.000 FCFA pour les dépenses personnelles telles que : habillement, coiffure, achat de chaussures, etc.; (ii) 5.000 FCFA pour les frais de transport; (iii) 2.437 FCFA en téléphone ; (iv) 2.500 FCFA en ouvrages et articles religieux.

Touba la Sainte, pendant la période du Magal, c’est également le point culminant du business au Sénégal. En l’espace de quelque jours, la ville devient un carrefour commercial pour troquer, acheter, vendre. Avec le Magal, l’activité économique de Dakar prend un répit en faveur de la ville religieuse qui accueille les marchands ambulants, surtout aux alentours du quartier Touba mosquée, rendez-vous de milliers de pèlerins qui font des emplettes après avoir visité le mausolée du fondateur du Mouridisme. Bien entendu, le site est placé sous haute surveillance. Devant son étal au marché Ocass de Touba, un commerçant déclare : « Ce qui est fabuleux, c’est que c’est un gros business qui est fait avec un grand respect du religieux » (Cheikh Guèye et Abdou Salam Fall diraient : « Deureum ak Ngeureum »).

Les commerçants et vendeurs à la sauvette viennent de partout, surtout des régions de Dakar, Kaolack, Diourbel et Thiès, mais aussi des pays limitrophes comme la Guinée, la Gambie et la Mauritanie, pour écouler leurs marchandises et faire des affaires. Le chiffre d’affaire est plus que triplé en période de Magal, ainsi que le volume de travail.

Pour la plupart des entreprises, il est également nécessaire, à l’approche de l’événement, de mettre en place un dispositif spécial pour faire face à l’accroissement des commandes. Les entreprises de téléphonie, de transfert d’argent, d’agro-alimentaire, des banques sont obligées de poursuivre la démarche de fidélisation destinée à leur clientèle, en essayant de les accompagner et de continuer à leur offrir un service de qualité.

4. La DIMENSION INFRASTRUCTURELLE

A long terme, le Magal favorise le développement et la modernisation de la ville de Touba.

Dans un souci d’anticiper les besoins futurs des pèlerins dans leur diversité, plusieurs travaux ont été réalisés, ou sont en cours de réalisation à Touba  au cours de ces dernières décennies: constructions de routes, électrification, construction de la seconde résidence Khadîm Rassoul, rénovation de la Grande Mosquée, réhabilitation des forages, construction de centres de santé, renforcement de la disponibilité en eau, etc,.

Au-delà de l’effort de l’Etat dans le processus de modernisation de la ville de Touba, les talibés mourides se distinguent également à travers leur capacité de mobilisation des fonds afin d’améliorer d’années en années les conditions d’accueil et d’hébergement des pèlerins.

Grâce au Magal, la ville de Touba se modernise donc, donnant a donné naissance, pendant les trente dernières années, à une nouvelle grande ville qui s’impose de manière inattendue dans le paysage urbain sénégalais et suscite de nouveaux enjeux.

Tout ceci accélère le développement des infrastructures à Touba et en fait progressivement une ville dotée des commodités nécessaires au bon déroulement du Magal.

5. La DIMENSION SOCIO-CULTURELLE

Autre dimension fondamentale du Magal de Touba, l’aspect socio-culturel. Pour les ménages mourides et les dahiras enquêtés, le Magal offre à beaucoup de mourides l’occasion unique de se retrouver. Beaucoup de personnes profitent du Magal pour organiser leur rencontre annuelle de famille. L’événement est donc un important facteur de renforcement de liens familiaux pour des gens de plus en plus dispersés au Sénégal et dans le monde. Mais tout au bout, il y a comme le dit ce membre de dahira, une remise en cause de soi : « on se demande si on s’est suffisamment investi dans la préparation du Magal, aussi bien physiquement que financièrement ». Cela explique certainement le désir de toujours faire plus.

De surcroît, le Magal est un moment de retrouvailles et de renforcement des valeurs culturelles telles que le partage, la revivification des liens de parenté, d’amitié, la communion, l’humilité, le sens du pardon, le don de soi et la fidélité à l’image des « baye fall », le respect des anciens, l’union face à Dieu, la mise en pratique sans exclusion de la Téranga, la mise en exergue de la culture mouride, à travers l’habillement, la littérature et la poésie (les Wolofals).

Pour la plupart des ménages et dahiras enquêtés, c’est le lieu de magnifier le rôle important que le Magal joue dans le brassage ethnique entre les Sénégalais. Contrairement à beaucoup d’autres pays africains, le Sénégal a toujours su se préserver des conflits ethniques, cela grâce, en partie, à de tels évènements qui regroupent des millions de personnes d’ethnies, de races, de conditions sociales différentes pour un même but : rendre grâce à Dieu et célébrer l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba.

Il en est de même pour ce qui est du renforcement de la paix et de l’harmonie entre les confréries islamiques du pays. Beaucoup de mourides aiment en effet inviter leurs amis et collègues des autres confréries (Tidianes, Khadres, Layénes, etc…) à se joindre à eux dans la célébration du Magal.

En outre, le Magal peut servir de plateforme pour prôner la paix, l’unité et la tolérance dans le pays à travers les prêches et les recommandations du Cheikh et de son khalife général. En effet, Touba, lors du Magal devient un point de convergence des différentes confréries, des partis politiques, et des différentes ethnies que comptent le Sénégal. C’est alors l’occasion de défendre l’intérêt national par la promotion du dialogue, de l’entraide et l’union des cœurs à travers les enseignements du Cheikh : « Si chacun regardait son prochain à travers l’image du Cheikh, alors tout le monde s’aimerait et se respecterait» dit un membre de Dahira.

Sous cet angle, on peut dire que le Magal est « un facteur de régulation sociale » qui renforce la solidarité et la paix entre différentes couches de la société.

D’un point de vue ésotérique, « les prières que l’on y effectue, la lecture du Saint coran durant la journée et toute la nuit participent à rendre le pays plus stable et assurent le bien être à tous : « Aujourd’hui malgré les difficultés de la vie, il y a quelque chose qui n’existe qu’au Sénégal c’est la paix et cela nous le devons à l’œuvre de Cheikh Ahmadou. C’est grâce à lui que la paix règne dans ce pays ».

6. La DIMENSION ÉDUCATIVE

Le Magal possède aussi une dimension éducative. Le Comité d’organisation et les Dahiras organisent en effet de grandes animations culturelle avant, pendant et après le Magal, avec des conférences, des débats, des séminaires, des expositions, des chants religieux, à Touba, à Dakar, dans les autres régions du pays et dans le monde, dans les médias, sur Internet, et dans les universités. Tout ceci contribue à l’éducation des talibés et leur permet de mieux s’imprégner des enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba.

7. La DIMENSION INTERNATIONALE ET DIPLOMATIQUE

Il faut aussi noter le caractère international et diplomatique du Magal, par la présence à Touba de nombreuses délégations de pays étrangers, représentées en général par leurs ambassadeurs. Certains pays frontaliers du Sénégal comme la Gambie et la Mauritanie sont représentés à la fois par des officiels, par des Oulémas et par plusieurs milliers de pèlerins. Nul doute que Le Magal constitue un évènement qui contribue au succès de la politique diplomatique du Sénégal. Autre facteur très important de l’événement, des occidentaux, de plus en plus nombreux, se retrouvent à Touba lors du Magal. Si certains ne viennent que par curiosité, d’autres par contre sont là par conviction religieuse et attachement aux enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba.

Le Magal contribue ainsi à la vulgarisation des œuvres de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet le Magal est un évènement universel. Des gens viennent de partout dans le monde pour le célébrer. L’affluence des médias vers la ville sainte le confirme. D’autres éléments vulgarisateurs concernent les conférences, les causeries, et les expositions sur la vie du Cheikh en général.

C’est à travers l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba que le Magal a cette dimension mondiale. En effet « son courage et son pacifisme ont ému tous les musulmans et même ceux qui ne le sont pas. Il s’est sacrifié pour le triomphe de la vérité. Injustement harcelé, il a su rester un homme fidèle à ses convictions, en recommandant : le travail de la terre, l’apprentissage du saint coran et des « khassaïdes », le refus de l’aliénation et le respect du « ndiguel».

Par Moubarack LO

Président Emergence Consulting

Coordonnateur d’une enquête sur l’impact économique du Magal de Touba

 

http://www.gfm.sn/contribution-les-sept-dimensions-du-magal-de-touba/

Guest édito :Grandeur et misères d’une présidence

barka baL’OBS – En dépit de la passion, du bruit et de la fureur qu’ils ont suscités chez certains,politiques ou pas, les Mémoires du Président Diouf ont une valeur inestimable et constituent une mine d’or pour les chercheurs et les historiens. Le parcours exceptionnel de l’homme (Gouverneur à 26 ans, Secrétaire général de la Présidence à 27 ans, Ministre à 32 ans, Premier ministre à 34 ans, Président de la République à 45 ans!), sa longévité au pouvoir justifient amplement que l’on s’attarde sur ses souvenirs, aussi sélectifs soient-ils. De Diouf, arrivé au pouvoir par la seule volonté de Léopold  Sédar Senghor par le biais du peu démocratique article 35, l’histoire retiendra sûrement l’homme qui a fait connaître au Sénégal ses plus grandes avancées démocratiques: instauration du multipartisme intégral, adoption du code consensuel de 1992 et surtout la première alternance démocratique au pouvoir en s’inclinant élégamment devant une défaite électorale.

Mais à côté de cette grandeur incontestable, le parcours de Diouf aura été terni jusqu’au bout par une dérive monarchique consubstantielle au régime présidentialiste hérité de Senghor. Des épisodes très controversés de sa gouvernance ont été expédiés dans le livre sans que le Président Diouf, droit dans ses bottes, n’éprouve aucune once de remord ou de regret. Ainsi, en est-il de la radiation massive en 1987 de la Police nationale dont le coup de gueule, consécutif à l’arrestation de cinq agents, mais qui exprimait plus sourdement ses déplorables conditions de travail, a été assimilé à un crime de haute trahison. Conséquence: le Sénégal a été le seul pays au monde à s’être réveillé sans police! Cette punition collective  et traumatisante de fonctionnaires travaillant dans un corps stratégique continue d’entraîner aujourd’hui encore des conséquences incalculables autantsur le fonctionnement de la policeque sur le plan social. Pourtant le mêmeDiouf, qui accuse dans ses Mémoires le Général Tavares da Souza et d’autres officiers d’avoir fomenté un coup d’Etat contre son régime après les troubles de 1988, fait beaucoup plus grave qu’une grogne de policiers, se gardera de sévir  lourdement contre les présumés putschistes. Deux poids, deux mesures?

Encore lourdes de conséquences pour le Sénégal, c’est sa gestion très contestable de certaines crises intervenues durant son règne et présentées sous sa plume comme des succès.

Ainsi, ce qu’on a pudiquement appelé les «évènements» de 1989 qui ont failli conduire à la guerre entre la Mauritanie et le Sénégal. Si l’on peut se féliciter de la sagesse de Diouf pour son souci à l’époque d’éviter à tout prix l’escalade, il est curieux de le voir tresser des lauriers à son homologue mauritanien: «S’il n’y avait pas eu à la tête des deux Etats Maaouiya Taya et moi-même, la situation aurait été beaucoup plus grave» (p280)! Là, on est à la limite du révisionnisme. Maaouiya Taya, un homme d’Etat responsable?  Vraiment? Que ce soit sur la question de l’Omvs ou sur celledes vallées fossiles, ce colonel putschiste a toujours pratiqué une politique belliciste injustifiable à l’encontre du Sénégal. Pis, adepte de l’idéologie baassiste la plus obtuse, il s’est plutôt signalé tout au long de son sanglant règne comme l’artisan d’une purification ethnique brutale contre la composante négro-mauritanienne de son peuple. Commencées dans l’armée, ces purges ont culminé pendant la crise avec le Sénégal avec une déportation massive des populations noires. Des actes assimilables à des crimes contre l’Humanité et qui devraient valoir aujourd’hui à Taya, au nom de cette terreur d’Etat, d’être poursuivi devant la Cpi. Sous le prétexte que l’armée mauritanienne disposait de missiles livrés par Saddam Hussein, capables de détruire Saint-Louis et Dakar, Diouf a adopté visà vis de la Mauritanie une ligne capitularde qui continue, aujourd’hui encore, de nuire à notre sécurité nationale. On en veut pour preuve les tueries intervenues au Boundou pendant cette période trouble, conséquence de la cohabitation difficile entre les réfugiés mauritaniens et les populations locales qui les avaient accueillis. Missiles ou pas, peut-on sérieusement croire que dans un parfait «équilibre de la terreur»,  Nouakchott et Nouadhibou seraient sorties indemnes, à  Dieu ne plaise, dans un conflit armé avec le Sénégal, là où l’armée mauritanienne avait été  incapable de tenir le choc face aux rebelles du Polisario?

Dans son livre, le Président Diouf revient  également sur un épisode concernant un autre de nos voisins, la Guinée-Bissau. Il s’agit de l’ «opération Gabou», déclenchée en 1998 qui avait deux buts. Une mission officielle: rétablir la «légalité constitutionnelle», en réalité, protéger le Président Nino Vieira en proie à une  insurrection armée conduite par son ancien bras droit et frère d’armes Ansoumane Mané. Et une officieuse qui consistait à «liquider» le Mfdc dans ses bases arrière situées dans ce pays. Cette intervention mal préparée a failli être fatale à notre armée. Non seulement Ansoumane Mané était soutenu par la quasi totalité de l’armée bissau-guinéenne qui n’en pouvait plus du régime corrompu de Nino Vieira, mais Diouf avait oublié que le pays d’Amilcar Cabral était le seul en  Afrique de l’Ouest à s’être libéré par les armes en ayant infligé une cuisante défaite aux colons portugais. Les Jambaars se retrouvèrent piégés par des  soldats rompus à la guérilla, soutenus par la majorité de la population, disposant d’une impressionnante puissance de feu, dont notamment les redoutables orgues de Staline et qui les considéraient de surcroît comme des envahisseurs voulant coloniser leur pays une seconde fois. Pourtant, une fois de plus, malgré une décision politique catastrophique, nos soldats firent preuve d’exploits guerriers retentissants comme la prise du camp de Bra, réputé imprenable, par le capitaine Ngom. Cet intrépide guerrier, qui a laissé un souvenir impérissable aux habitants de Bissau, fut porté disparu après une violente contre-offensive des insurgés. L’aile du Mfdc dirigée par Salif Sadio, partie prenante au conflit aux côtés du Général Ansoumane Mané, parvint même à entrer dans  notre ambassade à Bissau après la chute de Nino Vieira consécutive au retrait des troupes sénégalaises. Seul le sang-froid de l’ambassadeur du Sénégal à Bissau, le Général Mamadou Niang, parlementant avec des rebelles ivres de revanche, permit d’éviter un massacre de grande ampleur. De toutes ses péripéties, pas un mot dans le livre de Diouf. Au contraire, tirant le bilan de cette aventure politico-militaire en Guinée-Bissau qui coûta la vie à  de nombreux soldats sénégalais, là aussi, loin de tout mea culpa, l’ancien chef de l’Etat se contente d’un lapidaire «Et j’ai renvoyé les troupes à la maison» (p 342) face à une demande pressante de Nino Viera de maintenir notre contingent sur place.

A rebours, on comprend mieux à présent le coup de gueule tonitruant de Wade à son accession au pouvoir: «Je pars en France acheter des armes! (…) Le Sénégal n’aurait jamais dû perdre son rang dans la sous-région du fait de petits pays»! Si maladroite qu’elle soit dans sa formulation, cette déclaration ne faisait que traduire une réalité têtue: sous Diouf, l’armée sous-équipée avait le moral dans ses chaussettes, surtout après les désastres de Babonda et Mandina Mankagne. Et en ce qui concerne nos relations avec nos voisins, notre diplomatie nes’était jamais aussi mal portée. En exergue de son livre, le successeur de Senghor a choisi de rendre  un vibrant hommage à son épouse. On ne saurait le lui reprocher. Mais de la Casamance à la Gambie, en passant par le Golfe, le Libéria ou la Guinée-Bissau, il aurait pu avoir une pensée pieuse pour  les centaines de soldats tombés au champ d’honneur sous son commandement.

Barka BA

babarka@yahoo.fr

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Rapport sur la torture à la CIA: un exercice de démocratie compliqué

mediaMardi 9 décembre, le Sénat américain a rendu public un rapport très attendu sur la torture pratiquée par la CIA dans les années 2000, après les attentats du 11-Septembre. L’audit original de 6 000 pages restera secret. Mais sa version expurgée, longue de 500 pages tout de même, est à la disposition du public malgré les pressions exercées par l’Agence, qui a tenté d’empêcher sa publication.

Pendant plus d’une heure, ce mardi 9 décembre devant un Sénat américain bondé, la sénatrice Dianne Feinstein, présidente de la commission du Renseignement, a présenté les conclusions du rapport tant attendu sur la torture pratiquée par l’Agence centrale américaine de renseignement (CIA) dans les années 2000. Le Congrès avait tenté de repousser ce moment depuis trois mois. « Les actes de la CIA, voilà 10 ans, sont une tache qui salit nos valeurs et notre histoire, a lancé la démocrate face à ses pairs. La diffusion de ce rapport de 500 pages ne peut effacer cette tache, mais cela montre à notre peuple et au monde que les Etats-Unis sont assez matures pour reconnaître ce qui est mal, et sont assez confiants pour apprendre de leurs erreurs. »

Le public savait depuis des années que la CIA avait torturé des détenus, dans des prisons secrètes hors du territoire américain. Les simulacres de noyade, d’exécution, les détentions dans des cages, les privations de sommeil avaient été documentés. Les méthodes de l’agence, décrites dans ce rapport, étaient déjà dénoncées de longue date par d’anciens agents, des élus et des organisations de défense des droits de l’homme, rappelle notre correspondante Anne-Marie Capomaccio. Mais ce que ce texte (disponible ici en anglais) met véritablement en lumière, ce sont les manœuvres de la CIA pour garder le secret. Le mensonge a en effet été érigé en système : la presse et les élus ont été les cibles d’une désinformation constante sur les résultats des interrogatoires menés.

L’obstination d’une sénatrice contre le système CIA

Le département de la Justice lui-même a posé des questions auxquelles l’agence a répondu par des mensonges, assure Mme Feinstein : « La CIA a procuré des informations inexactes au département de la Justice, alors que ses avocats se penchaient sur la légalité des techniques employées. La CIA a affirmé les choses suivantes : les méthodes coercitives n’étaient pas employées de manière répétitive ; des médecins devaient s’assurer que les interrogatoires ne causaient pas de graves blessures, et ils devaient pouvoir intervenir à tout moment pour arrêter la procédure. Aucune de ces affirmations n’a été de près ou de loin mise en pratique. »

Et l’élue démocrate d’insister : même la Maison Blanche, à l’époque du président républicain George W. Bush, n’a jamais su ce qu’il se passait vraiment. De quoi réaliser à quel point, pendant les cinq ans qu’aura duré l’enquête de la commission du Sénat, la CIA a tenté de l’empêcher de parvenir à ses fins. Au-delà des réactions provoquées par certaines informations contenues dans ce rapport, il faut donc retenir, d’abord, l’obstination de la sénatrice Feinstein, élue de Californie depuis 22 ans, qui a travaillé sans relâche, sous la pression, avec persévérance et courage, pour que tout ceci soit rendu public. Dianne Feinstein a même été menacée.

Dianne Feinstein, avec des journalistes au Capitol de Washington, le 9 décembre 2014.PHOTO / SAUL LOEB

« Torturer donne plus de mauvaises informations »

Modeste, Dianne Feinstein a souligné à plusieurs reprises que la publication de son travail a été rendue possible grâce à des institutions américaines fortes, et avec la bénédiction de la Maison Blanche. Barack Obama a lui-même dénoncé des méthodes « contraires » aux valeurs des Etats-Unis, qui ont « fortement terni la réputation de l’Amérique dans le monde ». Mais la détermination de la démocrate force l’admiration de ses pairs. Qu’ils aient soutenu, ou pas, la diffusion de cette enquête, la plupart des parlementaires américains saluent en effet cet exercice public de la démocratie. Il n’est en effet pas simple d’assumer de tels actes, d’autant que le rapport conclut, au sujet des méthodes brutales d’interrogatoires de la CIA, qu’elles n’ont pas été efficaces dans la « guerre contre le terrorisme ».

Un point accablant, sur lequel a insisté le sénateur républicain John McCain à la tribune du Sénat, juste après l’intervention de Dianne Feinstein. Très impliqué dans les dossiers de politique étrangère, l’ancien candidat à la présidence de 2008 avait soutenu, contrairement à la plupart des élus de son parti, la diffusion du texte. Et ce, en tant qu’élu, mais aussi en tant qu’ancien prisonnier de guerre blessé et torturé au Vietnam. « Je sais par expérience que torturer les prisonniers donne plus de mauvaises que de bonnes informations, a dit John McCain. Je sais qu’ils diront n’importe quoi, ce que les tortionnaires veulent entendre, s’ils pensent que cela va faire cesser leurs souffrances. »

« Le monde sait depuis longtemps que nous avons torturé »

Jason Wright est un ancien avocat militaire. Il défendait jusqu’au mois d’août dernier Khalid Sheikh Mohammed, qui a revendiqué la responsabilité morale des attaques du 11-Septembre, et qui a subi torture, supplice de la baignoire et mauvais traitements lors des programmes de restitution extraordinaires de la CIA. Selon l’avocat, ce rapport marque un tournant. « C’est la première tentative réelle du Congrès, qui exerce un pouvoir administratif sur les activités des agences de renseignement. Nous savons que le président Obama s’est élevé contre l’utilisation de la torture […] Mais maintenant, nous avons en plus le Congrès qui déclare, en tant que représentant du peuple, que c’est un véritable problème, et qu’on ne doit plus jamais y recourir. »

Pour John McCain, « plus que tout, je sais que la torture anéantit les principes qui nous différencient de nos ennemis, l’idée que même les prisonniers doivent bénéficier de droits élémentaires, qui sont protégés par les conventions internationales. Est-ce que la diffusion de ce rapport risque de provoquer une colère pouvant mener à des violences dans les pays musulmans ? Je pense que c’est possible. Mais le monde entier sait depuis longtemps que nous avons pratiqué la torture sur nos prisonniers, que nous avions des prisons secrètes. Les terroristes peuvent utiliser ce rapport sur la reconnaissance de la torture comme prétexte pour attaquer des Américains, mais franchement, ils n’ont pas besoin d’excuse pour cela. »

Sculture de l’artiste britannique Marc Quinn, à Basel, inspirée par une photo prise à la prison d’Abou Ghraib.AFP PHOTO/ FABRICE COFFRINI

« Ce ne sont pas des choix politiques, ce sont des crimes »

Aujourd’hui, certaines associations demandent des poursuites judiciaires contre les responsables, même si la plupart des experts estiment que cela est impossible. Barack Obama, qui a soutenu la publication de ce rapport explosif, avait fait de la fin des violations des droits de l’homme l’une de ses principales promesses de campagne en 2008. Mais ça ne suffit pas, estime Reed Brody, conseiller juridique de l’organisation Human Rights Watch : « Le président Obama a bien sûr mis fin à l’utilisation de ces techniques, mais il a traité la torture comme s’il s’agissait d’un choix politique regrettable, et non d’un crime. Il faudrait, avec ce rapport, que le gouvernement enquête et poursuive les hauts fonctionnaires de l’administration Bush qui en sont responsables. »

Reed Brody n’épargne personne, pas même Georges Bush,« qui a trouvé le waterboarding », dit-il. Le président américain a reconnu en 2010 avoir approuvé personnellement cette méthode. « Ce ne sont pas des choix politiques erronés, ce sont des crimes, plaide M. Brody. Et les Etats-Unis sont dans l’obligation de poursuivre ces crimes. Si le gouvernement américain ne lance pas d’enquête criminelle crédible, d’autres pays devront le faire. C’est ce qui est arrivé avec Pinochet, avec Hissène Habré au Sénégal. Quand on ne trouve pas justice dans son pays, il faut que les victimes puissent saisir des tribunaux, que ce soit français ou espagnol, où il y a d’ailleurs des enquêtes qui sont ouvertes pour les crimes de Guantanamo, Abou Ghraib et autres. »

« Certains secrets devraient le rester », juge-t-on en Pologne

Ce sont précisément ces « autres » lieux de détention qui risquent de créer le plus de vagues à l’international. Alliés de longue date, les Etats-Unis et la Pologne mènent des relations étroites sur le plan militaire. Dans ce pays, où la CIA aurait torturé plusieurs prisonniers dans une prison secrète en 2003, la volte-face américaine a de quoi inquiéter. Barack Obama a appelé en personne le Premier ministre polonais Ewa Kopacz dans la nuit de lundi à mardi pour l’informer. Diplomate, cette dernière a joué la carte de l’apaisement, affirmant qu’il n’y aurait pas d’impact négatif sur la relation bilatérale. En revanche, son ministre de la Défense s’est montré plus brut : « Certains secrets devraient le rester. Cette publication pourrait affaiblir la confiance accordée aux Etats-Unis par leurs alliés », a réagi Tomasz Siemoniak.

Officiellement, la Pologne n’a jamais admis avoir accueilli des prisons secrètes de la CIA, explique notre correspondant à Varsovie Damien Simonart. En juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’homme l’a toutefois condamnée pour sa complicité dans les tortures subies sur son territoire par un Palestinien et un Saoudien entre 2002 et 2003. Pour faire la lumière sur cette histoire, le parquet polonais mène sa propre enquête depuis six ans. Son porte-parole a annoncé mardi qu’une demande serait formulée aux Etats-Unis pour recevoir l’intégralité du rapport du Sénat américain. Affaire à suivre.

 

rfi