Daily Archives: 03/04/2018
Le FPC charge le mode de gouvernance du président Aziz
Les Forces Progressistes du Changement (FPC ex-FLAM) ont organisé cet après-midi du dimanche 31 mars 2018 une conférence politique dans le cadre de ses journées d’échanges.
Cette conférence qui a vu la participation aussi bien de militants ou sympathisants, que de représentants de partis politiques était l’occasion d’avoir des échanges tantôt teintés d’émotions, tantôt de colères, mais aussi de propositions et de convergences de vues.
La nécessaire union des forces d’opposition
Prenant la parole, El Hadj Ba Secrétaire Général de la fédération Europe du FPC a remercié l’assistance avant de présenter l’intérêt de telles rencontres, permettant de juger de l’action politique du président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Evoquant dans la foulée les futurs échéances politiques, El Hadj Ba invitera les partis politiques à l’unité d’action.
Il faut noter par contre qu’au moment où cet appel à l’unité est lancé, le FPC gelait sa participation au G8 (regroupement de partis politiques issues du FNDU).
Il ne manquera pas par ailleurs d’inviter les hommes politiques à concilier le discours avec l’action politique de terrain.
Réviser le cadre de l’engagement politique diasporique
Le premier intervenant, WANE Abdoulaye en sa qualité de politologue revient sur les différentes formes d’organisations contestataires en Mauritanie allant des FPC ex-Flam à Conscience et Résistance (CR) en passant par les Cavaliers du Changement.
Il mettra l’accent sur la construction du discours contestataire au sein de la diaspora.
Le Docteur en Sciences Politiques, Wane Abdoulaye, reviendra sur la façon dont différents mouvements politiques ou organisations de la diaspora mauritanienne ont pris en charge les questions de cohabitation ou des discriminations raciales.
D’aucuns considèreront ces questions comme une résultante d’une politique d’exclusion réfléchie a travers une politique étatique ethno-raciale, tandis que d’autres mouvements y voit un simple problème de gouvernance démocratique.
Il insistera par ailleurs sur l’utilisation des moyens publics et l’instrumentalisation des medias pour construire une image qui ne correspond pas à la diversité culturelle du pays.
Le Dr Wane, analysera enfin la reforme agraire comme un moyen de spoliation des terres de la vallée du fleuve Sénégal, il s’étonnera par ailleurs de la non intégration des oasis du Nord et de l’Est dans la dite reforme.
Dénoncer un enrôlement aux visées douteuses
Le second intervenant qui abordait un thème de « l’enrôlement biométrique en Mauritanie : pour quel but et quelle en est la réalité ? » n’a pas pris de gants pour dénoncer un enrôlement dit-il aux visées douteuses. Il dénoncera son caractère discriminatoire et ses conséquences sur les mauritaniens issus de la diaspora et au-delà.
Selon Abou Ndiaye l’enrôlement a fait perdre des titres de séjours à beaucoup de mauritaniens, devenus sans papiers en France.
Il notera qu’il y’a une différence de traitement en matière d’enrôlement selon qu’on soit arabo-berbère ou negro-mauritanien.
Il rappellera à l’assistance que cet enrôlement d’exclusion, impacte une bonne partie de la communauté Hratine qui n’est pas recensée.
Echec de l’état unitaire en Mauritanie
D’emblée, l’emblématique militant des Forces de Libération Africaines de Mauritanie FLAM devenu FPC, Kaaw Touré soutient que le terme d’unité nationale est galvaudé, il est chanté partout mais pratiqué nulle part.
Kaaw Touré soutient dans cette communication que la coexistence entre arabo-berbère et negro africains a échoué donc il faut trouver une solution.
Car dit-il, l’unité à tout prix, comme la vie à tout prix, nous n’en voulons pas. Nous voulons d’une unité qui respecte la dignité de chaque Mauritanien et garantisse l’équilibre entre les grandes composantes nationales.
Ce constat d’échec emmène les FPC à reconsidérer l’organisation classique de l’Etat unitaire dans ce pays multiculturel qu’est la Mauritanie.
L’autonomie comme solution
Selon Kaaw Touré, l’autonomie se définit comme un mode d’organisation unitaire à degré variable.
Pour les FPC l’autonomie permet d’apaiser les tensions récurrentes qui surgissent sous forme de crise cyclique.
Il affirmera à l’assistance que pour les FPC, l’échec de l’unité nationale ne pourrait se résoudre qu’à travers la mise en place de l’autonomie régionale avec ce qu’il appelle une décentralisation poussée avec quatre grandes régions avec chacune une vocation soit agricole, pastorale, minière et une dernière agro-pastorale.
Tandis que Nouakchott et Nouadhibou disposeront d’un statut particulier.
Interpellé sur ce point par le reporter de Kassataya, qui lui rappelle que le projet de régionalisation initié par le président Mohamed Ould Abdel Aziz allait dans le sens de leur projet politique, Kaaw Touré dira que le président s’est certes inspiré de leur programme politique en la matière, mais que cela a été dévoyé et pas assez ambitieux.
Corriger le découpage administratif et électoral
Poursuivant sa lancée pour justifier la théorie de l’autonomie qu’ils défendent, Kaaw Touré soutient que le découpage territorial actuel du pays n’est ni juste, ni rationnel. D’ou la nécessité de procéder à un nouveau redécoupage qui repose sur des bases homogènes plus objectives, respectant à la fois les aires culturelles et/ou historiques de nos communautés et la vocation économique de ces régions.
Pourquoi les FPC ont-ils gelé leurs activités au sein du G8
Kaaw Touré rappellera à l’assistance, que depuis les déportations des negro-mauritaniens – qu’il estime à 120 000 –au Mali et au Sénégal, une bonne partie de la classe intellectuelle et politique a du mal à se positionner de façon claire. Il poursuit en affirmant que cette déportation ne suscita que peu d’émoi du côté des intellectuels et de la classe politique beydane dans sa majorité, où l’on notait un silence assourdissant. Seuls quelques jeunes intellectuels du MDI et l´Imam feu Boudha Ould Bousseyri, allaient faire exception.
Cette position d’antan rend malaisée la recherche d’une solution au problème, au regard de l’ambiguïté de ces formations politiques sur notre question nationale qu’on appelle aussi la cohabitation.
Certaines formations s’ils ne nient pas purement et simplement l’existence des questions noire, la réduise a une simple question linguistique ou de violation des droits de l’homme
La négation ou la réduction du problème des exactions extra-judiciaires à de simples questions linguistiques a conduit les FPC a geler leurs activités au sein du G8.
Ainsi Kaaw Touré défendra le gel des activités du FPC au sein du G8 en ses termes « certaines formations, si elles ne nient pas purement et simplement l’existence du problème, le réduisent à une simple question linguistique, ou de violation des droits de l’homme. Le débat, en général, au niveau de l’opposition politique au lieu de se focaliser sur les vrais problèmes, tournent hélas ! autour des questions périphériques… »
Kaaw Touré rappellera à l’assistance que les FPC ont comme principe le dialogue avant de laisser la parole aux invités qui ont apporté leurs contributions.
Les conférenciers se sont prêtes aux jeux des questions réponses avec quelques échanges houleux.
Il y’avait une présence massive aussi bien des militants ou sympathisants que de simples observateurs de la scène politique mauritanienne residant en France.
On a noté par ailleurs la présence du 1er Vice président de l’UFP le Pr Lo Gourmo Abdoul, des représentants de l’AJD-MR et de l’APP.
Cette présence remarquée de représentants d’autres formations politiques, présage-t-elle des prémices des pourparlers pour une candidature unique pour les échéances de 2019 ?
Diallo Saidou dit Thierno
Pour KASSATAYA
03/04/2018
Le charnier de Benamira : un possible nouveau jalon du génocide
Boubacar Diagana & Ciré Ba – Des informations non démenties officiellement évoquent la découverte récente à Benamira, situé à une soixantaine de kilomètres de Choum dans le nord de la Mauritanie, de quinze squelettes humains dont neuf sont ligotés aux pieds et aux mains.
Une partie de l’opinion publique a naturellement fait le lien avec la purge au sein de la grande muette, entre 1987 et 1991, qui a laissé dans le secret des tombes hâtivement creusées à Inal, Jreida, Akjoujt, Azlat … et probablement Benamira, de centaines de soldats noirs qui s’étaient engagés au service de leur pays.
Cette macabre découverte, qui pourrait être un nouveau jalon du génocide, n’a pas retenu l’attention d’une partie de la classe politique dont le silence assourdissant n’est pas acceptable.
L’autre silence, celui des autorités, alourdit et rend crédible le soupçon de jalon du génocide quand on sait que les exactions durant cette période, dans l’armée, ont eu lieu principalement dans le nord du pays.
Faute d’avoir pu empêcher se produire le génocide, faute de lumière sur ses ossements humains, nous n’avons pas le droit de laisser les autorités ajouter au crime la bêtise de se murer dans le silence.
Quels que soient les interrogations sur ces squelettes ligotés dont le mode opératoire rappelle d’autres qui sont connus et répertoriés, les autorités ne peuvent pas ne pas faire la lumière sur ces ossements humains car il existe envers les survivants, les ayants droit, les victimes et la Mauritanie, un devoir de vérité.
La réconciliation nationale passera par une requalification du « passif humanitaire » en génocide, une justice rendue et la pénalisation du négationnisme portant sur ce génocide.
Un génocide : une qualification jugée recevable
Depuis son accession à l’indépendance, le 28 novembre 1960, la Mauritanie a mis en place un système d’exclusion de sa composante noire tendant à l’affirmation d’une identité exclusive arabe et la négation de tout soubassement africain à travers la mise en place d’une série de reformes politiques.
Le pouvoir militaire a procédé, au détour d’un conflit banal à l’origine, entre éleveurs mauritaniens et agriculteurs sénégalais en avril 1989, à des déportations massives de plusieurs dizaines de milliers de noirs mauritaniens vers le Sénégal et le Mali.
Entre 1989 et 1992, sous le régime du Colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya, des milliers de civils et militaires noirs mauritaniens furent tués selon un mode opératoire présentant toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948, dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux».
Le général président Mohamed Ould Abdel Aziz a lancé depuis 2011 une opération dite d’ «enrôlement des populations» visant officiellement à doter la Mauritanie d’un état civil fiable et sécurisé, comme dans tous les pays.
Cet enrôlement s’est révélé dans son application être une opération d’exclusion et de bannissement des noirs, suspectés d’être sénégalais ou maliens, ou d’avoir acquis frauduleusement les états civils en leur possession.
Nombre d’entre eux qui se sont vu refuser l’enregistrement, deviennent donc apatrides dans leur (propre) pays, d’autres l’ont été au prix d’humiliations de toutes sortes.
Même de hautes personnalités civiles et militaires, ayant servi le pays pendant des décennies, se sont dans un premier temps fait exclure de l’enrôlement. Dans le même temps, échappent à ces exactions, des étrangers, originaires de pays arabes, installés parfois depuis peu en Mauritanie.
Parmi eux, des Libanais, des Maghrébins, et … des Touareg maliens ou nigériens. Aujourd’hui, cette opération se poursuit dans une relative opacité après de violentes manifestations encadrées par un mouvement de défense des droits civiques dénommé « Touche Pas à Ma Nationalité » et une partie de l’opposition.
La deuxième phase de cet enrôlement réservée aux étrangers vivant en Mauritanie a commencé, brutalement imposée par les autorités depuis mai 2012, sans en avoir précisé les modalités, par la traque de ressortissants d’Afrique noire donc majoritairement des sénégalais et des maliens.
Des expulsions (comme en 1989) ont suivi vers le Sénégal, puis des tractations avec certains pays ont donné un répit à ces étrangers auxquels l’Etat mauritanien impose de se munir de carte de séjour dans un délai très court.
La troisième phase réservée aux mauritaniens établis à l’étranger met à nu les intentions et la ferme volonté du régime actuel de retirer la nationalité à la majorité des mauritaniens établis en France et en Europe. Pour parvenir à cette fin, les autorités de Nouakchott qui clament sous tous les cieux leur attachement à la souveraineté nationale, exigent pourtant à leurs citoyens la présentation d’une carte de séjour délivrée par le pays hôte pour mériter de rester mauritaniens.
Une immersion dans l’histoire de création récente de notre pays nous invite pourtant à la tolérance, à la mesure et à l’acceptation de notre diversité pour construire la nation et entretenir des relations apaisées avec nos voisins.
La frontière avec le Sénégal, un enjeu humain d’abord
Le nom de la Mauritanie n’apparait officiellement que le 27 décembre 1899 par décision ministérielle qui délimitait un territoire qui englobe les régions s’étendant de la rive droite du fleuve Sénégal et de la ligne entre Kayes et Tombouctou, jusqu’aux confins du Maroc et de l’Algérie. Cette décision ministérielle et le choix du nom ont été inspirés par Xavier Coppolani.
En 1900, la première limite du Territoire fut fixée à travers un tracé théorique délimitant les zones d’influences franco – espagnoles au Nord. Le 10 avril 1904, par arrêté, tous les territoires situés sur la rive droite du fleuve Sénégal sont rattachés aux protectorats des pays Maures.
Le 25 février 1905, un décret précise et fixe la frontière au milieu du fleuve Sénégal puis le 8 décembre 1933, un autre décret repousse la frontière sur la limite du lit majeur du fleuve, c’est-à-dire sur la rive droite englobant le sud de la Mauritanie. En 1975 puis en 1989 surtout, l’internationalisation des eaux du fleuve dans le cadre de l’Organisation de Mise en Valeur du fleuve Sénégal a permis d’éviter le pire entre les deux pays mais jusqu’à quand ?
A chaque crise majeure, chaque partie brandit « son décret », à ce jeu dangereux la Mauritanie donne plus l’impression de vouloir en découdre militairement. Les deux pays ont tout intérêt à trancher ce flou juridique au grand bonheur des populations riveraines.
Enfin, le décret du 5 juillet 1944 rattache la région du Hodh, jusqu’alors sous dépendance du Soudan (actuel Mali), à la Mauritanie. Ce rattachement revêt un cachet sécuritaire, l’administration cherchant à neutraliser le mouvement Hamalliste (Cheikh Hamahoullah) dans cette région.
En lieu et place des Émirats (Adrar, Trarza, Brakna, Tagant) et des États du Sud (Guidimakha, Waalo, Fouta Tooro) se substitue et se superpose le futur État de Mauritanie. Jusqu’au 2 juin 1946, le nom de la Mauritanie continuera d’être associé, jumelé avec celui du Sénégal sous l’appellation de « Circonscription Mauritanie – Sénégal » et Saint Louis du Sénégal restera capitale de la Mauritanie jusqu’à la veille de l’indépendance. On comprend dès lors que bon nombre de Mauritaniens soient nés au Sénégal.
Tel est le contexte historique et politique dans lequel a été enfantée la Mauritanie actuelle, regroupant Sooninko, Wolofs, Maures, Bambaras, Haratines et Haal Pulaaren qui vont devoir désormais vivre sur un même territoire unifié et placés sous une même autorité. Il va s’en dire que pour présider aux destinées de notre pays, il vaut mieux connaître ce contexte et tenir compte de toutes les pièces du puzzle. Le prix à payer pour les fils de notre pays, maures comme noirs, sera énorme.
Dès 1946 lors des premières élections législatives dans le cadre de l’Union Française, la question était déjà posée. En 1945, en prévision de ces élections, deux tendances s’étaient dessinées : Chez les maures « le représentant de la Mauritanie ne saurait être un noir » tandis que les notables noirs, inquiets, font appel à une candidature européenne (source : Sous – série : 2G45 : 134, Archives Nationales du Sénégal).
Un territoire, deux administrations et un système éducatif différencié
Paradoxalement, la fracture entre maures et noirs de la vallée du Fleuve était déjà « officialisée » par les arrêtés n°469 et 470 du 20 août 1936 qui organisaient séparément les commandements et administrations : une administration indirecte chez les « indigènes maures », avec des émirs dépendant désormais de l’administration coloniale ; et une administration directe chez les populations sédentaires noires, avec la création de cantons dont les chefs étaient auxiliaires de police judiciaire et percepteurs des impôts.
Ce mode de gestion séparée est renforcé par la mise en place d’un système éducatif différencié. En effet l’administration coloniale, pour asseoir son autorité, affirme son intérêt pour l’école en vue d’une plus grande emprise sur les populations autochtones.
Dans sa circulaire du 22 juin 1897, le Gouverneur Général E. Chaude écrit : « l’école est le moyen le plus sûr qu’une nation civilisatrice ait d’acquérir à ses idées les populations encore primitives». « C’est elle (l’école) qui sert le mieux les intérêts de la cause française » ajoutera le Gouverneur Général William Ponty dans une circulaire du 30 août 1910, comme pour confirmer les propos de son prédécesseur.
Simplement, l’implantation de cette école en Mauritanie se fera, et pendant longtemps, dans le Sud : Kaédi en 1898, Boghé en 1912…. alors que les Médersas le seront seulement à partir de 1916 à Boutilimit, puis à Atar en 1936…., en raison notamment de l’hostilité affichée en pays Maures. C’est ce qui explique qu’à l’accession de notre pays à sa souveraineté le 28 novembre 1960, l’essentiel des cadres et des lettrés en langue française sont du Sud.
Du non règlement de la question nationale à la reconnaissance du génocide Plus de cinquante sept ans de vie commune, d’oppression, d’injustices, de domination, de persistance de l’esclavage, de déportation, de luttes et …. un pays à reconstruire. Pourtant, à la veille de l’accession du pays à la souveraineté internationale des signaux clairs avaient été lancés de part et d’autre.
Mais celui qui présidait aux destinées du pays, croyant en sa bonne étoile, s’est lancé comme si de rien n’était dans la construction « d’un Etat moderne, trait d’union entre l’Afrique Noire et le Maghreb » dans lequel devraient disparaitre tous les particularismes.
Cet équilibre affiché sera foulé dès les premières années de l’indépendance à travers une série de politiques préparant l’ancrage de la Mauritanie à l’ensemble maghrébin et arabe. Les clefs de ce nouvel ensemble, fraichement créé, encore fragile, ont été confiées à Mokhtar Ould Daddah. Si celui-ci appelait à construire ensemble la nation mauritanienne, sa conduite des affaires sera très tôt considérée comme partisane :
– Une conduite tendancieuse des affaires de l’Etat visant à donner une image exclusivement arabe du pays à l’étranger. Cette diplomatie a tellement réussi que bon nombre de Noirs Mauritaniens sont régulièrement suspectés de mentir sur leur nationalité ; pour cause « la carte postale Mauritanie » est autre. Il n’est pas rare de voir des compatriotes mondialement connus par leurs talents, par honte ou par facilité, être catalogués originaires du Mali ou du Sénégal.
– l’imposition de la langue l’arabe dans le système éducatif s’avèrera être un subtil moyen de sélection par l’école : en quelques années les résultats des examens de l’entrée en sixième et au baccalauréat, jusque là marqués par un fort taux de réussite d’élèves francophones, majoritairement Noirs, vont s’inverser en faveur des élèves arabophones.
Comme langue de travail, le rôle de l’arabe va être déterminant dans la réussite aux examens et concours, notamment d’accès à la fonction publique. En tant qu’unique langue officielle à travers la politique d’« arabisation des ministères qui n’ont pas un caractère technique et qui sont en relation directe avec l’ensemble de la population comme la Justice et l’Intérieur », l’utilisation de l’arabe dans la sphère administrative se révèlera comme un puissant outil de domination et d’exclusion : l’Etat laisse entendre sa volonté de s’adresser à toute la population mauritanienne au moyen de la seule langue arabe.
– la concentration de l’essentiel des pouvoirs économiques, politiques et militaires depuis le coup d’Etat de Juillet 1978 entre les mains d’une partie de la composante maure. Cette armée budgétivore, véritable fonction publique parallèle, qui dirige le pays depuis, a trouvé le moyen de se débarrasser de sa composante noire ou de l’écarter des centres de décisions.
– l’entrée en vigueur brutale à partir de 1983 d’une réforme foncière mal préparée et dont le seul objectif est l’expropriation, eut pour conséquence l’accentuation de la pression sur les terres agricoles de la vallée du Fleuve Sénégal d’investisseurs privés maures, bénéficiant de largesses de bailleurs arabes, et plus récemment d’investisseurs étrangers.
– Plus généralement, les frustrations et les injustices ressenties par les Noirs, nées des traitements différenciés qui leur sont réservés et autrement plus sévères que ceux rendus pour les maures. L’opinion publique noire a souvent du mal à comprendre que les auteurs du dernier coup d’Etat manqué en Mauritanie, (appelé « coup d’Etat de Hannana », en juin 2003, certainement le plus violent du genre), n’aient été condamnés qu’à des peines d’emprisonnement de quelques mois.
Moins compréhensible encore la reconversion de deux des présumés auteurs qui se sont présentés à leur libération aux suffrages de nos compatriotes et réussi à se faire élire à la représentation nationale. Leur mandat court toujours.
Alors que quatorze années plus tôt, en 1987, pour une tentative de coup d’Etat qui n’a jamais connu de début d’exécution, le régime d’alors, a, au terme d’une procédure expéditive, jugé, condamné et exécuté trois officiers Noirs.
S’en est suivie une purge au sein de la grande muette qui a laissé dans le secret des tombes hâtivement creusées à Inal, Jreida, Akjoujt, Azlat, …et maintenant Benamira, de centaines d’hommes qui s’étaient engagés au service de leur pays.
Les effets cumulés de tous ces facteurs présageaient d’une explosion de conflits. Une partie des maures, embrigadés par les mouvances pan arabistes et ayant le sentiment de plus en plus renforcé, et le disent, d’être chez eux, le seul chez qui leur soit propre (ça rappelle quelque chose), où l’Etat leur garantit tout : sécurité, impunité.
La majorité des Noirs vivent cette condition comme un non choix, une condamnation à cohabiter, avec le recensement discriminatoire (enrôlement) en cours, ils ont fini par se dire qu’ils ne sont que tolérés ? Leurs revendications ont toutes été réprimées dans le sang ; sans qu’à aucun moment le régime en place ne prenne le temps de réfléchir sur les motivations réelles de ces crises à répétition, et ne propose des solutions qui aillent dans le sens du maintien de l’unité nationale.
Le calcul politique qui sous-tendait ces mesures, les conditions de leurs applications, la mauvaise gestion des conséquences de ces applications en termes de contestations cristalliseront toutes les frustrations et « pollueront » pour ainsi dire le climat politique de notre pays. La brèche ouverte depuis est devenue un fossé, si grand aujourd’hui qu’il fait courir à notre pays le risque de conflits à répétitions.
L’exclusion peut-elle durer encore ? Combien de temps ? Les gouvernants, tous régimes confondus – exception faite des parenthèses Ould Haidalla et Sidi Ould Cheikh Abdallah – ont invariablement œuvré au maintien et au renforcement de l’option arabe irréversible de la Mauritanie. Une option que même l’opposition dans son écrasante majorité ne remet pas en cause, en dépit des conflits et les risques d’explosion auxquels elle a exposé notre pays en cinquante et une années de vie commune.
L’exacerbation de cette politique raciste, injuste et d’exclusion donnera naissance aux évènements de 1989 et suivants, avec des massacres massifs des populations noires du Sud. Des actes que l’on peine encore à qualifier avec les mots qui conviennent.
La victoire a beaucoup de pères : Génocides reconnus
Historiquement, ce sont les vainqueurs qui ont imposé leur volonté quand il s’est agi de qualifier les faits. Leur camp ayant eu le soutien des instances internationales, quand il ne les a pas créées, pour traduire les bourreaux : le Tribunal de Nuremberg pour qualifier le traitement réservé aux Juifs lors des deux grandes guerres de crime contre l’Humanité, ceux d’Arusha pour le génocide des Tutsi au Rwanda et de la Haye pour le génocide des Musulmans de Bosnie Herzégovine.
La Cour Pénale Internationale pour Charles Taylor et récemment Laurent Gbagbo pour les crimes commis contre les peuples Sierra Léonais et Ivoirien respectifs.
La défaite est hélas orpheline : Génocide voilé
Ce qui s’est passé en Mauritanie entre 1989 et 1992 présente toutes les caractéristiques d’un génocide au sens retenu par les Nations Unies en 1948 dont une des conventions reconnait comme tel tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Abstraction faite du débat que peut soulever l’usage des concepts renvoyant au nombre de victimes, à l’ethnie, à la race, voire à la religion notamment chez certains scientifiques puristes, cette définition lève toute ambiguïté sur le caractère des massacres commis lors de la période référencée.
Trois facteurs accablants sont à considérer ici, pris séparément ou mis ensemble.
Premier facteur : l’intention (de détruire tout ou partie d’un groupe national). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle y était, on est allé les chercher là ils se trouvaient : villages, lieux de travail (bureaux, écoles et marchés), au sein des forces armées et de sécurité.
Deuxième facteur : le motif apparent pour désigner puis massacrer les cibles, était leur appartenance à une ethnie. A l’exclusion des exécutions au sein de l’armée, les pogroms le long de la vallée ont ciblé les peulhs. La population victime a donc délibérément été sélectionnée (tous ceux qui ont été massacrés avaient la particularité d’être Noirs).
Troisième facteur : ces massacres ont été pensés, planifiés, et exécutés au nom d’une idéologie raciste dont l’objectif était la purification ethnique. Le maître d’œuvre en était le Colonel Ould Taya, conseillé par des idéologues civils se réclamant du Baathisme.
Il en découle que les crimes commis l’ont été sur la base d’une sélection, un tri. Une effroyable opération qui a précédé l’exécution collective des victimes. La sélection confère donc à ces crimes la condition nécessaire de leur qualification en génocide, tandis que le caractère collectif érige le mal en crime d’Etat. Faut-il encore un argument supplémentaire pour convaincre qu’il s’agit bien là d’un génocide. La réponse est assurément NON.
A l’évidence, ce drame est bien issu d’une volonté systématique et planifiée d’extermination. La Mauritanie doit porter un regard apaisé sur son passé d’autant que certaines franges pan arabistes n’hésitent pas à accuser les exilés et déportés Mauritaniens au Sénégal d’avoir participé aux massacres de leurs compatriotes en 1989 dans ce pays, telle la réplique de l’Etat Turc accusant la France de génocide en Algérie en réponse au vote par le Parlement Français, le 22 décembre 2011, de la proposition de loi pénalisant la contestation du génocide Arménien.
Pourquoi alors s’obstine-t-on à utiliser d’autres qualificatifs ?
D’abord parce que les bourreaux sont encore en activité, dans les premiers cercles du pouvoir. Conscients de leur responsabilité certainement directe dans les forfaits commis, ils font tout pour retarder ou empêcher la manifestation de la vérité.
Ensuite, la majorité des partis politiques ont préféré laisser les ONG sous-traiter la question, désertant ainsi cet épineux terrain rendu glissant par sa connexion avec la question nationale. Le débit des autres partis est faible, presqu’inaudible, en raison d’un réseau saturé par des dissensions des associations des victimes.
Enfin les divisions au sein des associations de victimes elles mêmes, liées peut être aux traumatismes subis, sont un pain béni pour les présumés coupables, pourtant répertoriés, qui n’ont eu aucun mal à surfer sur ces divergences pour essayer de passer la solution de cette question par pertes et profits. Victimes et ayants droit s’accommoderont du discours édulcorant les crimes en «passif humanitaire».
En acceptant ainsi de suivre les autorités dans cette démarche, ils espéraient peut-être donner une chance à ces dernières de cheminer vers une véritable réconciliation, impliquant réparations et pardon.
Mohamed Ould Abdel Aziz, qui fut aide de camp du président Ould Taya et commandant du Bataillon de Sécurité de la Présidence de la République (BASEP) de 1987 à 1991 puis commandant du bataillon de commandement et des services à l’Etat Major national d’août 1991 à juillet 1993 selon son cv, aurait été épargné pour accorder une chance supplémentaire à la chance de réconcilier la Mauritanie avec elle-même. Ce fut un coup de poker perdant. La « prière aux morts » qu’il a orchestrée en grande pompe, n’avait d’autres motivations que mystiques.
La campagne qui l’a suivie, autour du pardon participait à une démarche de diversion, visant à faire passer les victimes pour des haineux, des rancuniers qui ne pouvaient pardonner. N’entendions-nous pas les chantres de cette campagne répéter à qui voulait l’entendre que « Allah, dans Son infinie bonté, accordait Son pardon à Ses créatures (fautives) qui le Lui demandaient ».
Ce qu’ils omettaient de dire, c’est qu’Allah n’a jamais fait de mal à personne. Les victimes des exactions n’ont pas de contentieux avec Allah, mais bien avec des créatures comme elles qui se sont adonnées à des abominations, dont elles doivent répondre ici bas, avant de devoir en rendre compte devant notre Créateur et Ses Anges. Ils semblent être frappés d’amnésie, oubliant que certains de ces crimes ont été commis pendant le mois de Ramadan.
Faute d’avoir pu l’empêcher de se produire, nous n’avons pas le droit de laisser les autorités ajouter au crime la bêtise de le minimiser. En effet, les expressions utilisées pour qualifier ces faits de « passif humanitaire », l’ont été, parfois sous la pression des bourreaux et de leurs amis au pouvoir. Comme si ce qui s’est passé n’était pas suffisamment grave pour mériter d’être qualifié autrement.
Le « passif » (et l’ « actif »), usité en comptabilité ou en grammaire, ne peut ni ne doit en aucun cas être employé pour parler de cette abomination. On est en politique. En politique, comme en tout autre domaine, il est préférable d’utiliser les mots qui conviennent pour désigner les maux causés au risque de tomber dans le négationnisme. Les propos tenus récemment par le Général Meguett en constituent un début de commencement.
Souvenons nous qu’Hitler, tirant la leçon de la non application des résolutions du traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Alliés et l’empire Ottoman, qui prévoit la mise en jugement des responsables du génocide arménien, aurait lancé en 1939 « Qui se souvient des massacres des Arméniens » à la veille de massacrer les handicapés, l’extermination des Juifs viendra deux ans plus tard.
Rappelons aussi que le général père de la nation Turque, Moustapha Kemal avait pris soin de faire voter une amnistie générale des dits crimes le 31 mars 1929. En Mauritanie le colonel Maawiya Ould Sid’Ahmed Taya a fait voter une loi d’Amnistie de ses crimes, adoptée en 1993 par une Assemblée à ses ordres. La tentation de tracer un trait sur les faits était déjà là.
Le temps ne doit donc pas avoir de prise sur notre d
Découverte de la Fosse commune près de Choum : Le collectif des veuves interpelle les Ulémas et réclame une enquête sérieuse
Le collectif des veuves des victimes de la répression des années 89/91 réclame de la part du pouvoir une enquête rapide sur la découverte d’une fosse commune près de la localité de Choum (au nord de Nouadhibou), c’est qu’a déclaré au Calame, une délégation de ce collectif, venue au siège du journal.
Aissata Anne, vice- présidente du collectif, Farmata Salif Ly, trésorière et Aissata Alassane Diallo, chargée de communication interpellent les associations de défense des droits humains, la société civile mais aussi les Ulémas mauritaniens sur cette découverte macabre.
« Nous avons perdu nos maris depuis 29 ans et attendons la lumière sur leur disparition afin de nous permettre de faire notre deuil et espérons que toutes les personnes éprises de paix et de justice saisiront cette opportunité pour exiger des investigations sérieuses sur cette découverte», ont déclaré les membres du collectif.
Rappelons qu’au cours d’un sit-in organisé, le dimanche 25 mars, journée de réconciliation nationale, devant les grilles de la présidence, le collectif, présidé par Mme Houleye Sall, a publié un communiqué dans lequel il exige le devoir de vérité et de justice avant toute réconciliation nationale et le pardon. Pour les veuves, aucune personne et aucune institution ne peuvent pardonner à leur place.
Suite à cette annonce, d’autres organisations ou partis politiques, dont les FPC ont saisi cette occasion pour réclamer une enquête sur cette découverte. Le président de ce parti M. Samba Thiam a réclamé, au cours d’une conférence de presse, une enquête de la part du gouvernement afin d’éclairer l’opinion nationale et internationale.
Rappelons que c’est la presse qui a relayé, y a quelques jours, cette découverte, faite selon elle, par l’un des chercheurs d’or dans la zone. Il s’agirait d’une fosse commune contenant une quinzaine de corps dont 9 ligotés avec une balle dans la tête. Non loin de là, d’autres fosses communes avaient découvertes à Inal, localité abritant une base militaire dans laquelle plusieurs militaires négro-africains avaient été torturés avant d’être exécutés, selon les rescapés.
le calame