Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 25/04/2019

Calam(ités)

altNous ne sommes plus qu’à quelques semaines de la présidentielle. Un important virage dans la jeune histoire de la République islamique de Mauritanie ? Ce serait « la première » occasion, commentent certains, de passer tranquillement le pouvoir à un président élu, consacrant ainsi une alternance pacifique. Mais le monde entier n’avait-il pas admiré, en 2007, la consultation nationale qui permit l’avènement, à la magistrature suprême, d’un civil démocratiquement élu, après une transition militaire de vingt-deux mois. Cette vraie « première fois » mondialement citée en exemple fut, il est vrai, torpillé, dix-neuf mois plus tard, sur coup de tête du général Mohamed ould Abdel Aziz que ces mêmes « certains » présentent, à présent, comme un « démocrate » accompli.

Depuis 1978, c’est dans le sillage de systèmes militaires successifs – en fait, toujours le même –que s’est constituée notre élite politique. De belles valeurs, comme l’honnêteté, le respect de la chose publique ou le civisme, s’y sont effritées. Ce qui tuait, hier, ne fait plus honte aujourd’hui. L’hypocrisie, la flagornerie, le mensonge ou le vol sont des comportements ordinaires dont ne se gêne plus aucun responsable. Etant entendu, comme le disait si bien Voltaire, que le voleur ordinaire vous vole votre argent, votre portefeuille, votre vélo ou votre parapluie, tandis que le voleur politique vous dérobe, lui, votre avenir, vos rêves, votre savoir, votre salaire, votre éducation, votre santé, votre force, votre sourire. Il existe, ajoutait le célèbre philosophe, deux différences importantes entre ces deux voleurs : en une, le premier vous choisit pour voler votre bien, alors que vous choisissez le second, pour qu’il vous vole ; en deux, la police traque le voleur ordinaire mais protège le voleur politique.

Une pensée de Norbert Zongo résume parfaitement la situation de la Mauritanie. « Il y a un mensonge, le vrai : quand un homme applaudit sans comprendre, ferme les yeux pour ignorer la vérité ; quand un intellectuel troque sa conscience et son âme pour des biens matériels ; quand, par peur de mourir ou, simplement, de perdre certains avantages, un homme sourit au malfaiteur, au tyran et au voleur ; quand un peuple refuse de se battre, de se responsabiliser parmi les autres ;  quand un dirigeant agit comme s’il avait inventé son pays et ruse avec les lois… Ce mensonge tue les hommes et les nations ». Les grands peuples sont ceux qui prennent – et tiennent – rendez-vous avec l’Histoire, n’acceptant jamais de rater son train. Quel qu’en soit le prix. La Mauritanie est aujourd’hui à la croisée des chemins. Son élite doit enfin prendre ses responsabilités, face au destin d’un peuple qu’elle a maintenu, quatre décennies durant, dans la souffrance d’un sous-développement envahissant, liant le pays à la traîne de ses pairs sous-régionaux. Une élite qui a participé, par peur ou envie, à l’ancrage de la mauvaise gouvernance, de la dictature, des violations des droits de l’homme, de l’exacerbation des tensions intercommunautaires et du pillage des ressources nationales, par des systèmes illégitimes, autoproclamés par la force. Il est honteux et désespérant de voir cette élite organiser, promouvoir et coordonner les actions de quelques initiatives ridicules et inciviques,  appelant à maintenir le peuple sous le joug dévastateur d’une bande de militaires travestis qui ont démissionné de leur mission régalienne, pour s’inviter dangereusement dans des affaires politiques que leur interdit, pourtant, leur serment d’officier. Se faisant, ils ont tout « bordélisé », armée et  politique. Des docteurs en mathématiques, physique ou chimie sont certainement plus utiles dans des laboratoires de recherche qu’en des cirques, rivalisant de grimaces avec des clowns et troubadours aux pantomimes les plus laides. La mort est obligatoire ; pas l’indignité. Le peuple est un train ; l’élite, sa locomotive. Qu’elle ne soit donc pas en panne de courage, d’ambition et d’engagement !

El Kory Sneiba

le calame

Recomposition de la CENI : Dialogue de sourds

altPendant que le pouvoir et l’opposition mènent des tractations autour de la CENI, celle-ci poursuit son chronogramme pour l’organisation de la prochaine présidentielle. Comme si de rien n’était : convocation du RAVEL complémentaire, pour la confection de la liste électorale ; constitution des démembrements… Elle dit avoir tiré les leçons des élections locales de Septembre dernier et pris toutes les dispositions pour relever le défi de Juin qui paraît, il faut le reconnaître, beaucoup plus facile que le précédent de 2018. Elle avait, alors, trois scrutins à « digérer », avec près d’une centaine de listes candidates. Avant d’essuyer à l’arrivée, on se le rappelle, de forts désaveux de toutes les chapelles politiques. On nota le courage de son président qui osa protester contre l’organisation d’un troisième tour, à Arafat que l’UPR tenait, coûte que coûte, à conquérir, après des décennies  d’échec,  face à Tawassoul.

L’opposition et le gouvernement, via son ministère de l’Intérieur – véritable maître d’œuvre, en fait, des élections en Mauritanie – se livrent, eux, à une sorte de poker menteur. Après s’être opposé à toute refonte de la CENI pour y incorporer des membres de l’opposition, le ministre de l’Intérieur a laissé entendre qu’il pourrait octroyer deux places à celle-ci. Refus des candidats de l’opposition,  menaçant de ne pas laisser passer la fraude. Le ministre propose  alors cinq places… avant de  rétropédaler à trois. Il évoque des raisons techniques voire juridiques (nécessité d’un vote du Parlement), qui pourraient obliger à reporter la date de l’élection.

Certains candidats de l’opposition doivent également se battre sur un autre front : celui des parrainages. Sidi Mohamed Ould Boubacar, soutenu par les islamistes, n’a pas de soucis à se faire, en revanche, Ould Maouloud, Biram et Kane Hamidou Baba doivent batailler dur pour décrocher le sésame. A cet égard, on scrutera l’attitude de l’UPR et des autres partis de la majorité présidentielle disposant de maires et de conseillers municipaux. Accepteront-ils de signer pour l’opposition au risque de saborder  la démocratie et la présidentielle s’ils refusent ?

La recomposition de la CENI  est une exigence, non  seulement de l’opposition dite radicale (FNDU et AEOD) mais, aussi, des partis de l’opposition dialoguiste, comme l’APP. Son président avait estimé, dans une interview au Calame, que rouvrir la CENI à l’opposition était nécessaire et devrait passer par un dialogue entre les différents camps politiques. Plus récemment, un des soutiens du candidat Ould Boubacar, Bilal Werzeg, déclarait que, dans sa composition actuelle, la CENI ne pouvait jouer le rôle d’arbitre impartial pour le « match » du 22 Juin.

Tout en saluant les efforts du gouvernement à discuter avec l’opposition, force est de constater  l’absence de volonté réelle à lui concéder un arrangement convenable et, partant, poser les meilleures conditions pour une présidentielle consensuelle et crédible. Il accrédite ainsi les accusations des quatre candidats de l’opposition pour qui refuser de mettre en place une CENI paritaire ou d’y céder un nombre consistant de places prouve le dessein du pouvoir à faire passer son candidat par la fraude. La réponse du candidat Ghazwani ne s’est pas fait attendre. Dans une déclaration à la presse, il appelle à la transparence totale des élections. Facile à dire avec une CENI composée dans sa quasi-totalité de  partis qui lui sont favorables. Comment, dans ces conditions, assurer de transparence totale et d’indépendance ? Le président de la CENI peut bien crier sur tous les toits que l’institution est à équidistance des chapelles politiques, elle ne le sera vraiment qu’avec une représentation de toutes. Au final, c’est donc un véritable dialogue de sourds entre les acteurs  qui laisse craindre une tension exponentielle, à l’approche de la présidentielle.

CENI accusée de rouler pour le candidat du pouvoir, absence de neutralité de l’administration, des forces armées et de sécurité, usage de tous les moyens de l’Etat au service  dudit candidat : c’est avec ces ingrédients que les Mauritaniens auront à faire la soupe des urnes, le 22 Juin. Et, quoiqu’il en advienne, les candidats de l’opposition y participeront, ils l’ont tous réaffirmé.  De son côté, le candidat de la majorité présidentielle a déposé son dossier à la Cour Constitutionnelle. La date d’ouverture des dépôts a en effet démarré le 17 Avril 2019, date de publication du collège électoral. Sa clôture est fixée au 8 Mai prochain. Espérons que, d’ici  là, les acteurs des deux camps auront trouvé un consensus pour une présidentielle apaisée. La Mauritanie en a fortement besoin.

DL

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