Daily Archives: 15/04/2019
PLATEFORME DE LA COALITION « VIVRE ENSEMBLE »
I. Introduction
Notre pays, la Mauritanie, après des décennies d’errances politiques et économiques, se trouve dans une crise multidimensionnelle, avec des institutions fragilisées, une perte des valeurs, des pratiques indésirables et des risques avérées de décomposition. Le moment est cependant propice pour un sursaut de l’ensemble de ses enfants pour donner espoir aux jeunes générations. C’est pourquoi, un peu partout à travers le pays des citoyens conscients de cette exigence réfléchissent et s’organisent pour apporter leur pierre à l’édification d’une nouvelle Mauritanie, une Mauritanie rénovée, dans le cadre d’un Etat moderne qui rassemble, protège et promeut les valeurs d’honneur, de fraternité et de justice.
La Coalition « VIVRE ENSEMBLE » se veut un cadre d’échanges, de réflexion et d’actions, regroupant des partis politiques, des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes, tous, soucieux du renforcement de l’unité nationale et de l’ancrage de la démocratie dans notre pays. La Coalition « VIVRE ENSEMBLE » entend se mobiliser, avec tous les hommes, femmes et jeunes de bonne volonté, pour sauver notre pays, en élaborant des réponses concrètes et rapides face aux défis du développement, de la sécurité et de la paix intérieure. Elle reste convaincue que la priorité des priorités réside dans la résolution correcte de ce qu’on appelle d’un terme pudique : la question nationale.
II. Diagnostic de la situation
Le sentiment dominant en Mauritanie, pour tout observateur averti, reste celui de l’exclusion. Bien que tous les mauritaniens, à des degrés divers en subissent les effets, les communautés négro-africaines et haratines en souffrent davantage. Il s’est développé un système raciste, esclavagiste et qui sape les fondements de l’unité nationale, axé sur la captation des ressources nationales et la conservation du pouvoir au détriment de la volonté populaire. Cette situation explique, en retour, les problèmes récurrents de la cohabitation, la persistance des pratiques esclavagistes et associées, le féodalisme, le tribalisme érigé en mode d’assouvissement d’intérêts bassement matériels et le déni de citoyenneté pour des milliers de mauritaniens.
La Question de la cohabitation. Restée longtemps taboue, souvent occultée, la question de la cohabitation, qui est l’un des problèmes saillants de la « question nationale » se pose comme un défi permanent, aggravé par la gestion chaotique des rapports entre l’Etat et les communautés, particulièrement négro-africaine. Si certains aspects peuvent être taxés de conjoncturels (la déportation des années 89, les nominations aux hautes fonctions civiles et militaires, la gestion du foncier, l’exclusion biométrique, etc.) une analyse objective indique clairement que ces phénomènes résultent d’une stratégie d’exclusion structurelle, posant aujourd’hui la question du partage du pouvoir et des richesses.
La question culturelle. Beaucoup d’observateurs peu avertis ont tendance à réduire le problème négro- mauritanien à sa simple expression culturelle. Ce qui est une erreur, car la question culturelle n’est qu’un aspect du problème global que pose la question nationale. Il est urgent de rechercher une solution à cette question en partant du principe de base qu’aucune culture, ni aucune langue nationale n’est supérieure en elles-mêmes aux autres cultures et langues nationales.
La question de la spoliation des terres. Entamée avec la mise en œuvre de la loi domaniale de 1983 portant sur la réforme foncière, les autorités administratives ont profité de cette brèche, souvent au mépris de la loi, elle-même, pour procéder à la dépossession progressive et planifiée des négro-mauritaniens de leurs terres. Pour arriver à bout de la résistance des populations hostiles à cette réforme et ses pratiques illégales, le système, avec à sa tête Maaouya O/ Sid’Ahmed TAYA, a profité des évènements sénégalo-mauritaniens de 1989 pour procéder à la déportation de dizaines de milliers de propriétaires terriens négro-mauritaniens (fonctionnaires, agriculteurs et éleveurs) ; et donc à la spoliation sans précédent des terres. Cette situation perdure encore, malgré le retour de la majorité des déportés.
La question du passif humanitaire. La perception largement partagée que les crimes commis entre 1986 – 1991 participent d’un génocide ethnique, sape d’avantage les fondements même de la vie en commun par l’augmentation des préjugés et la perte de confiance entre l’Etat et les communautés, mais aussi entre les différentes composantes nationales. Certains compatriotes adoptent des concepts et appellations qui ne sont pas loin de l’euphémisme, du faux diagnostic, du faux témoignage ou simplement se plient à l’exigence de déni des anciens bourreaux, ce qui n’est pas de nature à rapprocher les positions pour une solution durable.
Ces positions, banalisant ce qu’on a coutume d’appeler le passif humanitaire, ne manqueront pas d’avoir des conséquences lourdes que l’histoire et la mémoire collective se réserveront de juger. Si en vue de panser les plaies du passé, des ébauches de solutions ont été proposées, les revendications réelles des victimes et ayant droits n’ont pas été entendues. Certains réfugiés ont pu récupérer terres et biens, mais d’autres en sont privés sur l’autel du fait accompli et bon nombre d’entre eux courent toujours derrière ce droit et celui encore plus banal de recouvrer leur état civil .Ce problème est d’abord et surtout un problème politique avant d’être un problème de violation des droits humains et les mauritaniens doivent s’entendre sur la meilleure façon d’exorciser ce traumatisme de la sombre histoire de notre pays pour que nos communautés recommencent à se faire de nouveau confiance .
La Question de l’esclavage. Malgré les lois prises visant son éradication (1981, 2007, 2012), l’esclavage existe dans la pratique et survit dans la mentalité de la plupart des mauritaniens, parce que la volonté politique et les mesures d’accompagnement font défaut. Si le phénomène de l’esclavage est ancien et traverse l’espace sahélien, l’incapacité de l’Etat à faire face à cette question sociale est à l’origine des crispations de la communauté Haratine autour de revendications basées sur le nombre et la marginalisation.
Face à l’ampleur des défis à relever et aux nouvelles menaces (terrorisme) qui nous cernent, l’enjeu fondamental est la survie de notre pays. En patriotes sincères, les membres de la Coalition « VIVRE ENSEMBLE » appellent à l’urgence de fédérer d’autres patriotes issus des formations politiques, de la société civile et des personnalités de toutes les communautés et de tous bords dont le seul souci est de participer de façon active à la reconstruction de notre pays. La Coalition « VIVRE ENSEMBLE » reste ouverte à la diaspora mauritanienne des quatre coins du monde, et à toutes les personnalités morales et religieuses dont la vocation est de défendre les intérêts supérieurs d’une Mauritanie unie, démocratique, débarrassée de ses tares, de ses préjugés et réconciliée avec elle-même, dans le respect de sa diversité culturelle.
III. PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Les réformes constitutionnelles et institutionnelles :
L’Affirmation de l’identité multinationale et pluriculturelle du pays;
La reconnaissance de l’égalité en droits et devoirs des communautés arabe, négro-africaine et Harratin ;
Revoir le découpage administratif et électoral du pays en tenant compte des critères de populations et de représentativité à l’Assemblée Nationale, ainsi que les missions des Conseils régionaux. Les régions doivent être dotées de pouvoirs reconnus dans la constitution à travers de larges compétences, moyens et prérogatives dans les domaines de l’économie locale, du foncier, de l’éducation et de la gestion des ressources naturelles ;
La reconnaissance de toutes les langues nationales, ainsi que l’affirmation de leur égalité devant l’éducation, l’emploi et la justice ;
L’Institution du partage équilibré du pouvoir au niveau des institutions à mandats de la République comme la primature, le parlement, la cour des comptes, la cour suprême, le conseil constitutionnel et certains ministères régaliens relevant de la souveraineté.
L’institution d’une loi rééquilibrant les prérogatives du Président de la République dans les nominations en attribuant au Président des ministères de souveraineté ; et au premier ministre les autres secteurs de l’administration ;
Certains projets et/ou propositions de lois pouvant affecter ou avantager une des composantes nationales au détriment des autres seront prises par consensus ;
L’Etablissement de critères légaux pour l’équité dans le recrutement de la fonction publique.
Le Conseil Constitutionnel assumera les fonctions de supervision et de veille des lois et règlements permettant la mise en œuvre optimale de ces mesures.
Les réformes démocratiques :
Cette réforme démocratique vise la mise en place d’un Etat qui respecte le droit et où l’existence des normes constitue l’une des importantes garanties d’un état de droit bâtit sur quatre axes principaux:
Le principe de séparation des pouvoirs (judiciaire, législatif et l’exécutif) ;
Le principe d’indépendance totale du pouvoir judiciaire ;
Le principe du respect des droits humains ;
Le principe du respect des libertés fondamentales ;
Au niveau de la justice, l’Etat se dotera d’une véritable justice indépendante et revenir à une justice en paliers:
La justice de base qui reposerait sur le droit coutumier et serait laissée à la discrétion de la « JEMM ‘A », du village ou du campement.
La Justice rendue par le Cadi choisi par les populations locales, dans les cas de non règlement des contentieux à la base (échelon départemental)
La justice moderne basée sur le droit moderne à laquelle on recourrait en cas de désaccord au palier No 1 et 2, et de laquelle dépendraient tous les cas complexes liés à la gestion d’un Etat moderne (échelon régional et national).
La Réforme de l’Armée :
Depuis 1987, la structuration de l’Armée nationale, son implantation géographique, ses missions autant que sa composition ethnique ne reflètent plus la réalité multi ethnique du pays et en font une armée ethnique, orientée vers des taches de maintien de l’ordre et de répression.
Nous devons bâtir des forces armées modernes et républicaines, au service de la paix, à vocation de défense du territoire, aptes à renforcer les conditions pour l’édification d’un pays démocratique, stable et sécurisé.
Cette réalisation exige que les forces armées soient reformées et réhabilitées afin qu’elles renouent avec la discipline, le respect de la hiérarchie, l’esprit républicain et qu’elles retrouvent leur cohésion, tout en reflètant surtout dans sa composition, la diversité ethnique de notre pays.
Dans le corps du commandement, il sera instauré une politique de quotas devant refléter l’équilibre ethnique.
La Bonne gouvernance :
L’incapacité du système à instaurer une bonne gouvernance et une gestion équitable de la chose publique, est à l’origine des maux dont souffre notre pays. Il est plus qu’opportun pour y pallier d’assainir et moraliser l’Administration, en luttant contre la corruption et les détournements de deniers publics par l’application ferme et stricte du principe de la sanction dans tous les cas de malversation établie. Ainsi, nous devons œuvrer à :
l’élaboration d’une grille de sanctions sévères ;
la déclaration de patrimoine avant toute prise de fonction pour les hautes responsabilités, comme à la sortie ;
l’instauration de contrôles et de suivis réguliers à tous les paliers de gestion des affaires publiques ;
La redynamisation de la cour des comptes et le renforcement du corps de contrôle d’Etat ;
Le recours à une discrimination positive à l’endroit des agents intègres et consciencieux par une politique de rehaussement régulier des salaires ;
la restauration de l’ordre, du respect de l’ancienneté, de la hiérarchie à travers le rétablissement de la promotion par le respect du principe de la récompense par le mérite ;
La mise en place de mesures de rattrapage et de discrimination positive pour corriger les écarts existants entre les communautés dans le domaine de l’économie, des forces armées et de sécurité et de l’administration.
Les Mesures d’accompagnement et d’apaisement :
La mise en place de cette série de réformes permettra de décrisper les rapports sociaux, de restaurer la confiance et de dissiper les préjugés. Ainsi, les mauritaniens vont commencer de nouveau à se faire confiance et d’instaurer un dialogue pour un règlement définitif de la question nationale et des questions sous-jacentes du passif humanitaire, l’esclavage et ses séquelles, de la libération de l’audio-visuel, en tenant compte de la diversité culturelle et linguistique, ainsi que les réformes du système éducatif et du problème du Foncier.
Règlement de la cohabitation et de la question nationale :
Jeter de nouvelles bases de notre Unité nationale par la mise en place d’une charte nationale du vivre ensemble ou d’un Observatoire national de la Cohabitation et des Libertés chargé de veiller au respect des garanties. Le conseil constitutionnel peut être mis à contribution pour sa mise en place et veiller à son respect.
Eradication de l’esclavage et de ses séquelles :
Lancement d’une enquête indépendante et impartiale sur l’esclavage et ses pratiques apparentées ;
Evaluation des mesures prises par les autorités nationales et locales face à des pratiques d’esclavage qui leur sont signalées ;
Adoption des mesures de réparation pour les victimes d’esclavage ;
Rendre l’instruction primaire effectivement obligatoire et gratuite jusqu’à 12 ans ;
Mener des campagnes de sensibilisation contre l’esclavage rappelant que l’esclavage est, selon les textes, un crime contre l’humanité et que les auteurs peuvent être poursuivis auprès des tribunaux nationaux et par la Cour pénale internationale ;
Reconnaître toutes les organisations anti-esclavagistes.
Le Règlement du passif humanitaire : La résolution du passif humanitaire à travers une justice transitionnelle est une autre mesure d’apaisement qui aiderait à restaurer la confiance, dissiper les préjugés et réconcilier les mauritaniens avec eux-mêmes. Sur la base des sempiternelles revendications des victimes et ayants-droit, l’Etat veillera à satisfaire les quatre devoirs :
Le devoir de vérité ;
Le devoir de justice ;
Le devoir de réparation ; et,
Le devoir de mémoire.
La réforme du système éducatif : L’école mauritanienne doit redevenir le creuset de la République qu’elle a été, un sanctuaire où les mauritaniens apprendront à se connaitre et se reconnaitre.
Officialisation des langues nationales et leur enseignement ;
Promouvoir l’éducation morale et civique à l’école ;
Tirer les leçons de l’expérience des pays maghrébins qui sont revenus vers un système plus consensuel et équilibré basé sur le bilinguisme ;
Adapter nos curricula à notre environnement, à nos objectifs et besoins en matière de développement ;
Engager des programmes de lutte contre l’ignorance par l’alphabétisation fonctionnelle des masses rurales, notamment en langues nationales, dans les projets et programmes de développement économique et social.
Règlement des problèmes de terres :
Mettre un terme à la politique et aux pratiques d’expropriation foncière dans la Vallée ;
Engager une réforme foncière plus juste et plus équilibrée sur la base que l’accès à la terre sera accordé en priorité aux autochtones, dans le respect de la propriété privée, tout en faisant une place aux agriculteurs nationaux sans terre ;
Mettre en place un cadastre national de la propriété des terres du « WALO » ;
Procéder au remembrement du foncier de façon à constituer de grands ensembles agricoles viables pouvant faire l’objet d’aménagements en maîtrise totale de l’eau ;
Respecter les espaces vitaux des villages, en restituant aux populations autochtones leurs droits ;
Encourager les investisseurs nationaux, sous régionaux et internationaux à exploiter les dépressions intérieures, les bourrelets de berge, ainsi que le moyen et le haut diéri (12 km au-delà du Walo).
Cette plateforme de la Coalition « VIVRE ENSEMBLE » n’a pas la prétention d’être exhaustive. Son ambition n’est pas de tout cerner, ni de donner des recettes définitives. Simplement, elle jette les bases de solutions pour une cohabitation durable et harmonieuse entre les composantes du peuple mauritanien, qui ont en partage la religion musulmane, la voie Sunnite et le rite Malékite. Elles ont pu, par le passé, vivre et cohabiter de façon pacifique dans le respect de leurs cultures respectives, en dehors de toute considération chauviniste ou idéologie importée de l’extérieur. Nous sommes un seul peuple composé d’Arabes, de Haratines, de Hal pularen, de soninkés, de Wolofs et Bambaras et un seul pays trait d’union entre l’Afrique Noire et le Monde Arabe. Nous devons être fiers de tous nos héritages, en les prenant en charge. Nous le devons à nous-mêmes, nous le devons à l’histoire, nous le devons à l’avenir !