Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 04/09/2017

FLAMNET- RETRO : De Tene Youssouf Gueye à Lamine Mangane : Le Septembre Noir

altTous les mois appartiennent à Dieu, il y a de ces mois au cours desquels les démons s’allient avec les hommes pour verser le sang des innocents. Dieu a, Lui-même, du haut de Son Trône interdit l’injustice, mais les hommes s’entêtent en arrachant la vie de leurs semblables. Que l’on soit en septembre 1988 ou en septembre 2011, les autorités mauritaniennes avaient décidé d’appliquer ces pactes pour que coule le sang noir. Désormais, septembre est devenu noir.

Téne Youssouf Gueye est né en mai 1923 à Kaedi et décédé le 07 septembre 1988 à Walata. Le célèbre écrivain, père de neuf enfants, a été arrêté en 1986, à la suite de la publication du manifeste du négro-mauritanien, lequel fut largement distribué à Adis-Abeda. L’Etat l’avait condamné à une peine de quatre ans ferme. L’homme avait osé dénoncer le racisme de l’Etat en soutenant la cause des élèves noirs. L’Etat voulait arabiser à outrance le pays aux dépens des noirs qui n’étaient pas préparés vu les programmes scolaires en vigueur. Devant une répression inouïe et aveugle partout dans la vallée, il fallait lever le petit doigt pour interpeller le dirigeant injuste. Téne Youssouf Guéye l’a fait à travers ses écrits et à travers la conscientisation de ses miens. Accusé de fomenter un coup d’Etat et d’être parmi les rédacteurs du manifeste des 19, il ne survivra pas à la torture. Voilà l’une des facettes des supplices : « On nous mettait dans un trou et on nous ruait de coups. Des fois, on bandait nos yeux et on nous emmenait dans un endroit pour nous signifier qu’on allait nous exécuter. Les menottes aux mains et aux pieds, chacun de nous était attaché à un autre prisonnier. Sans compter les violences corporelles ». L’écrivain a été arrêté, soumis à la torture, sa famille humiliée, sa personnalité vilipendée par les sbires du système raciste. Et, lorsqu’il fut transféré avec d’autres grands intellectuels noirs au bagne de Walata, Téne Youssouf Guéye savait que la suite ne présageait pas bonne augure : il n’était pas parti pour purger sa peine mais pour périr. L’Etat savait qu’en exécutant les intellectuels et les officiers, il tuait tout un peuple. Aujourd’hui, ils ont presque réussi leur projet, l’héritage de Taya est la haine qui exacerbe par les agissements de son dauphin Mohamed Ould Abdel Aziz et sa bande des tortionnaires.

altC’est un autre écrivain-rescapé, Boye Alassane Harouna qui immortalisera les sévices. Son livre, J’étais à Oualata, est une bible qui traduit la haine noire en dévoilant le projet de l’Etat mauritanien destiné à l’abrutissement du peuple noir notamment en tuant ses plus grands intellectuels.

Tene Youssouf Guéye n’était pas le seul, Ibrahima Mocktar Sarr, Djiguo Tapsirou, Ba Abdoul Ghoudouss mort les chaines aux pieds… Les familles revendiquent les sépultures des fils, même si le sable de la haine les a engloutis.

La mort de Lamine Mangane le 27 septembre 2011 s’inscrit dans le même esprit criminel de l’Etat mauritanien. Les hommes ont changé, mais les intentions ont subsisté. Nous sommes dirigés par des assassins étouffeurs, par des militaires aux mains ensanglantées, ils sont des hommes sans vergogne. Comment, l’on ordonne de tirer sur un adolescent de 19 ans et puis on dépêche une délégation pour acheter la famille de la victime : c’est d’être d’une ignoble moralité humaine. Notre dirigeant et ceux qui se sont rendus à Magama racheter la peine des Mangane sont d’une bassesse humaine. Au lieu d’obliger la traduction du gendarme criminel, ils ont démontré à tous les citoyens leur haine envers les opprimés et les faibles. Les meurtriers de Téne Youssouf Guéye et de Lamine Mangane, comme de milliers de noirs, se pavanent encore sous nos cieux, ils entretiennent même des rapports privilégiés avec nos dirigeants. Pour sauvegarder sa pérennité, nous disons qu’un Etat juste et droit ne doit pas favoriser l’impunité. Jugez celui qui a assassiné L. Mangane, il se trouve à Rosso. Jugez les assassins de Walata, d’Inal et de Jreida avant que le peuple ne s’empare des palais de justice et vide les prisons pour y conduire les complices.

Mourir dignement, il y a certainement un prix à payer. C’est mourir lorsque tout le monde espère en nous et que l’on meurt pour eux. La Mauritanie a tué un intellectuel père de famille, comme elle a arraché la vie d’un adolescent qui se construisait un destin. Dorénavant, si réfléchir est un acte criminel, nos intellectuels sont avisés. Et si brandir une pancarte pour revendiquer ses droits est un délit, nos adolescents sont prévus. S’il faut mourir à tout prix, le choix s’impose. Ne les oublions pas, ils sont morts pour nous.

 

Ba sileye

Affaire Ghadda : « une affaire politico-judiciaire déclenchée par le chef de l’Etat » [Vidéo & PhotoReportage]

Affaire Ghadda : Le Quotidien de Nouakchott – Pour le collectif d’avocats défenseurs de l’ex-sénateur Mauritanien, Mohamed Ould Ghadda, sa détention est «une affaire politico-judiciaire dont les contours avaient été clairement annoncés à travers les menaces de poursuites faites par le Chef de l’Etat dans ses discours de campagne référendaire contre le sénat… ».

Le collectif (une quinzaine d’avocats) a fait cette déclaration lundi 04 aout au cours d’une conférence de presse au siège de l’ONA à Nouakchott. 13 sénateurs, 02 secrétaires généraux de syndicats, 04 journalistes, un ancien militaire, 02 hommes d’affaires et leurs sociétés sont poursuivies dans cette affaire.

Mohamed Ould Ghadda a été inculpé sur la base de la Loi n° 2016.014 relative à la lutte contre la corruption, notamment en son article 03 (voir encadré). Mohamed Ould Ghadda a été arrêté le 11 aout 2017 et inculpé vendredi 01 septembre.

Me Yarba Ould Ahmed Salem a noté que les délais légaux de garde à vue pour cette catégorie d’infractions ont été dépassés. « Les délais de garde à vue ne dépassent 15 jours que pour les crimes et délits d’atteinte à la sureté de l’Etat et les crimes et délits liés au terrorisme », a expliqué Me Yarba.

Autre remarque de l’avocat : « dans l’acte d’accusation de Mohamed Ould Ghadda, il n’est pas précisé les services qu’il a demandé à ses pairs sénateurs. » Troisième remarque de Me Yarba : « une société ne peut être mise en cause pour corruption que lorsqu’elle profite de cette corruption. Or rien dans le dossier ne prouve que les sociétés BSA ont tiré un quelconque profit de l’acte que demandait Ould Ghaadda à ses pairs. »

Quatrième remarque de Me Yarba : « le tir ami de Tweyla n’a pas été posé en tant que fait autonome mais seulement dans le cadre de la corruption. Ghadda est accusé de s’être livré à une corruption dans le cadre de la présentation des faits liés au tir ami de Tweyla

Le tir ami de Tweyla concerne la balle reçue par le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz en 2012 à Tweyla à 40 kilomètres de Nouakchott. La version officielle fait état d’un tir par erreur d’un élément de la sécurité. L’agent des forces de l’ordre inculpé a fait un témoignage vidéo dans lequel il conteste cette version officielle. La justice l’accuse d’avoir reçu de l’argent de Ould Ghadda pour faire ce témoignage.

Me Lo Gourmo a lui insisté sur la qualité du prévenu Ould Ghadda dans cette affaire. « Ould Ghadda est-il poursuivi en tant qu’individu ou en tant que sénateur ? La réponse change tout, c’est une question fondamentale car même dans la définition de la corruption, la qualité du prévenu est décisive. La notion même de corruption est définie par la qualité particulière de la personne concernée…nous poserons cette question aux juges», a indiqué Me Gourmo.

Liste membres du collectif d’avocats défenseurs de Mohamed Ould Ghadda :

Diabira Maroufa

Brahim Ould Ebetty

Yarba Ould Ahmed Saleh

Mine Ould Abdoulah

Fatimata Mbaye

Ahmed Salem Bouhoubeyni

Ghaly Ould Mahmoud

Ahmed Ould Ely

Abdellahi Ould Gah

Lo Gourmo

Mohamed Ahmed Ould El Hadj Sidi

Yezid Ould Yezid

Cheikh Ould Sidi Mohamed

Mohamed Mamy Ould Moulaye Ely

CHAPITRE DEUXIÈME: INCRIMINATIONS ET SANCTIONS

Article 3 : corruption d’agents publics nationaux

Sont punis d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amende de cinq cent mille (500.000) à un million (1.000.000) d’ouguiya :

1° L’agent public qui sollicite ou accepte, directement ou indirectement, un avantage indu, soit pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions;

2° Toute personne qui promet, offre ou accorde à un agent public, directement ou indirectement, un avantage indu au profit du fonctionnaire lui-même ou pour l’intérêt d’un individu ou d’une autre entité afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte relevant de ses fonctions.

3°)- La personne ou l’entité pour l’intérêt de laquelle travaille l’agent public dans la commission de l’infraction est considérée comme auteur principal ou complice de l’agent public. Lorsque les faits prévus par le premier paragraphe sont commis par des élus, des magistrats, des jurés, des experts, agents des impôts, des douanes, du Trésor public ou des coordinateurs de projets, les agents judiciaires, les hauts fonctionnaires ou toute personne nommée par décret ou arrêté ministériel quelque soit leur qualité, la sanction est de dix (10) ans à vingt (20) ans et une amende égale au triple de la valeur demandée ou acceptée sans qu’elle ne soit inférieure à cinq millions (5.000.000) d’ouguiyas.

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Avec Cridem, comme si vous y étiez…

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Mauritanie: poursuite de la bataille judiciaire dans l’affaire Ghadda-Bouamatou

Mauritanie: poursuite de la bataille judiciaire dans l'affaire Ghadda-BouamatouLe360 – L’Aïd el-Kebir, Tabaski, avait marqué une trêve dans le traitement de l’affaire Mohamed Ould Ghadda-Mohamed Ould Bouamatou. Mais la bataille politico-judiciaire, à travers laquelle des hommes issus du landerneau politique et du milieu des affaires font l’objet de poursuites pour “présomptions de corruption”, devrait reprendre dès mardi.

Au petit matin de vendredi 1er septembre, le pôle des 3 juges d’instruction a suivi le réquisitoire introductif du Parquet en plaçant en détention provisoire, l’ex-sénateur Mohamed Ould Ghadda et le sous-officier Mohamed Ould Mohamed M’Bareck.

Ils ont aussi lancé des mandats d’arrêt internationaux contre le richissime banquier Mohamed Ould Bouamatou en exil au Maroc et un de ses plus proches collaborateurs, Mohamed Ould Debagh.

Mais les magistrats instructeurs se sont également souvenus du bon vieux principe de l’indépendance du juge, en refusant de suivre le procureur de la République près le tribunal de Nouakchott.

En effet, ce magistrat du siège sollicitait une mesure similaire à l’encontre de l’ex-sénatrice et grande diva de la musique mauritanienne Maalouma Mint El Meidah et de Mohamed Mustapha Ould Mohamed Ahmed, ancien sénateur du département de Maghta Lahjar.

Toutefois, ces individus ont été laissés en liberté sous contrôle judiciaire. Une décision contre laquelle le Parquet a fait appel. Ainsi, la chambre d’accusation de la Cour d’appel devrait-elle statuer sur ces deux cas mardi, premier jour ouvrable après la grande fête musulmane de Tabaski.

Toutefois, au sujet de l’appel du Parquet, des informations contradictoires circulent à Nouakchott, notamment des allégations remettant en cause l’existence de l’appel du procureur exigeant le placement en détention provisoire de Maalouma et Ould Mohamed Ahmed.

Au-delà des appréciations de droit, ce bras de fer politico-judiciaire provoque des torrents de commentaires et des interrogations à Nouakchott.

De son exil marocain, qui dure depuis plus de 6 ans, Mohamed Ould Bouamatou, soutien de la première heure du régime Aziz, conserve-t-il encore une réelle capacité de nuisance? Ou bien le pouvoir de Nouakchott voudrait-il simplement anéantir la portée du vote des sénateurs du 17 avril 2017 par des présomptions d’achat de consciences dans le cadre d’une bataille politique visant à discréditer la fronde de Ghadda et ses compagnons?

Il appartient désormais à la justice de faire toute la lumière sur cela.

Par notre correspondant à Nouakchott Cheikh Sidya

 

http://afrique.le360.ma/mauritanie

 

Contribution à la réflexion sur l’article du Colonel Sidi Mohamed ould Vaida relatif au droit à la vérité du passif des évènements de 1986 à 1993

Contribution à la réflexion sur  l’article  du Colonel Sidi Mohamed ould Vaida relatif au droit à la vérité du passif des évènements de 1986 à 1993Lt/er Mamadou Elhoussein KANE – J’ai lu l’article du Lt-Colonel/er Sidi Mohamed ould Vaida sur le site de Cridem en date du 28 Aout 2017, qui traitait de sa part de la vérité historique concernant les accusations de bourreau portées sur sa personne par un journaliste au nom de Sidi ould Baye pendant la période des années 80 et 90 de la répression des noirs en Mauritanie.

Il dit que : « Le devoir de réserve l’interdisait en tant que fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque ».

Je me félicite que ce silence que lui imposait ses responsabilités dans l’armée soit rompu et qu’il décide d’ouvrir le débat et de livrer au public une partie de sa version des faits qui se sont malheureusement passés dans notre pays durant les années de braise.

Je commencerai mon propos par féliciter et encourager cet officier, le connaissant pour son courage voire témérité, d’aller jusqu’au bout de cette logique de rétablissement du devoir de vérité et du droit de savoir sur les exactions commises à l’encontre des négro-mauritaniens dont la version officielle a été censurée pour les victimes, les ayants droit des martyrs et toute l’opinion nationale et internationale.

Ensuite le colonel après avoir étayé les raisons de sa décision dit : “…, à caractère dissuasif, que j’ai décidé de porter plainte contre le dénommé Sidi Ould Baye (patriote incontestable) auteur de l’article diffamatoire ‘Les torchons du faux journaliste Moussa Ndiaye sont commandés par les Généraux’ paru dans ESSIRAGE.net et repris par CRIDEM le 02-08-2017 et dans lequel je suis nommément mis en cause par des accusations d’extrême gravité. (http://www.cridem.org/C_Info.php?article=700911)”.

Mon colonel à la place de cette action qui pourrait être singulière de porter plainte contre un journaliste, que je ne connais pas, mais qui pourrait de par la loi protéger ses sources d’information pour des raisons de sécurité, je vous appelle d’engager une initiative plus patriotique, qui sied plus à votre sacerdoce d’officier et qui contribuerait plus au raffermissement de l’unité nationale et l’état de droit, dont je vous ferai l’exposé ci-dessous.

Pour cela, je tiens à rappeler ces quelques souvenirs qui ont émaillé notre relation, faire un constat, formuler la proposition et les arguments pour la justifier.

Nous avons servi ensemble à la 6ème Région Militaire, dans des rapports empreints de respect mutuel. Durant cette période, j’ai été souvent désigné pour convoyer vos colis à livrer à Jreida, ce qui a suscité votre demande constante auprès du commandant de région “feu Commandant Mohamed ould Sabar de ma mutation au Sous- groupement 62 que vous commandiez à l’époque. Le 22 octobre 1987, vous étiez chargé par le commandant–commandant de région de m’accompagner à la convocation du Colonel Mohamed ould Mini chef de l’Etat Major National.

Durant notre trajet, suite à vos questions, tous les deux ignoraient apparemment le mobile de cette convocation. Pendant mon passage à Jreida , privé de ma liberté, du 24 octobre au 06 Décembre 1987, moi et mes codétenus n’étions pas en villégiature comme vous le dites pour les détenus du 16 mars 1981.J’ai subi avec mes confrères d’infortune toutes formes de traitements inhumains et dégradants. Dans ce contexte de 1987 de régime d’exception, non démocratique et dictatorial, pour un officier subalterne (lieutenant) comme vous, recalé à plusieurs reprises au concours du Cours de Perfectionnement Officier (CPO) qui ouvre le sésame aux grades d’officier supérieur et ne partageant surement pas l’injustice que dénoncent les uns, il serait trop de vous demander mon colonel l’observation des règles édictées de la présomption d’innocence pour les prisonniers d’opinion que nous étions jusqu’à l’établissement du chef d’accusation.

Et surtout, à cette époque la torture était le moyen légal pour extorquer des aveux. Ceci, n’est pas un démenti aux témoignages que vous accordiez à nos sages doyens Col Anne Amadou Babaly et Commissaire Ly Mamadou, mais l’exception qui confirme la règle. Moi-même, j’ai bénéficié d’une faveur de votre part, lorsque vous aviez permis au capitaine Mohamed ould Meguett (commandant escadron d’escorte et de sécurité, actuel directeur de la sureté nationale) de contacter ma famille pour me faire parvenir mes habits qui m’ont beaucoup servi durant mon séjour à Walata.

Ensuite, vous avez mis en parallèle le contexte de 1981 avec 1987 et la situation que vous dites d’occupation de la vallée à partir de 1989. Ce qu’il faut retenir est qu’à partir de 1986 toute l’administration, les forces armées et de sécurité sont dressées contre une communauté pour l’infliger un délit collectif et que les autorités qui ont pu échapper à cette règle faisait l’exception.

Concernant les allégations portées sur vous mon colonel pour des exactions commises sous votre responsabilité en tant que commandant des fusiliers marins, ces informations sont largement diffusées depuis 1991 lorsque les libertés publiques ont été relativement autorisées. Nous nous sommes croisés trois fois après cette période, sans salutations ni échanges. L’atmosphère était alourdie de rétention de souvenirs pénibles pour moi, aggravée par les allégations que vous tentez de dissiper par votre écrit.

Je vous soumets la proposition en question parce que je suis fondé de croire que vous êtes un allié du régime du Président Mohamed ould Abdel Aziz pour lequel, je cite : « vous saluez le courage et l’abnégation d’avoir apporté des solutions justes et équitables aux contentieux , qui ont résulté de cette époque douloureuse » ; et que vous déclarez par la suite :

« dans un esprit patriotique, loin du négationnisme, érigé en stratégie de défense par ceux qui se sont rendus coupables d’actes répréhensibles dont vous mesurez, à la fois, la portée morale, juridique et religieuse. Vous déclarez à cet effet, que vous refusez d’être une victime consentante mais, que vous êtes, en revanche, l’avocat de personne, ni d’aucune cause, ni d’aucun régime, tout comme vous n’êtes comptable des conduites et dérives d’aucun système ».

Cette vision que le passif humanitaire est apuré, vous devez la relativiser, parce que même le rapport de l’accord politique des assises du dialogue national inclusif du 29 septembre au 20 octobre 2017 à l’origine de ce référendum qui vous a conduit au meeting de Mbagne qui a soulevé des levées de boucliers contre vous, reconnait timidement un processus à parachever. Ce rapport déclare : « Passif humanitaire: la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat a été consacrée par la prière organisée par son Excellence le Président de la République à Kaédi le 25 Mars 2009.

A ce titre, les pouvoirs publics ont également consenti les efforts nécessaires pour indemniser les victimes de ces douloureux événements, organiser le retour des réfugiés et leur insertion dans la vie active. Les participants se sont félicités pour la réussite de cette opération solennellement reconnue par la communauté internationale.

Toutefois, ils ont demandé aux autorités publiques de parachever le processus, de revoir notamment les cas qui n’ont pas été suffisamment traités et de leur accorder toute la diligence nécessaire ».

Considérant votre proximité avec le pouvoir, du soutien que vous apportez au Président Mohamed ould Abdel Aziz et vos préoccupations de terminer avec les incertitudes pour séparer la bonne graine de l’ivraie et pour lever la souillure collective sur les forces armées et de sécurité, vous êtes en bonne posture pour crédibiliser le rôle d’homme public que vous souhaitez jouer, de constituer une initiative ouverte à tous ceux accusés à tort ou à raison d’actes de tortures et d’exactions extrajudiciaires, pour appuyer la mise en œuvre d’enquêtes indépendantes sur la période incriminée dans le cadre d’une commission genre vérité- réconciliation(cvr).

Cette initiative relève du droit de savoir des victimes, rescapés et les ayants droit des martyrs, qui contrairement à vos assertions pensent que les passifs consécutifs aux événements des années 80 et 90, sont loin d’être réglés.

Les mécanismes de la justice transitionnelle qui ont inspiré ce modèle de règlement, reposent sur trois principes que sont (i) la volonté politique du pourvoir en place, (ii) l’engagement des facilitateurs (personnalités indépendantes, chefs religieux et coutumiers, institutions de médiation…) et (iii) l’implication des présumés bourreaux et des victimes. Tous les pays voisins qui ont connu des situations de conflits majeurs ont adopté des commissions vérité – réconciliation comme le Maroc depuis 1999, la Tunisie en 2013, le Mali en 2016, la Libye en 2017.

Ces revendications sont résumées dans la réponse du Groupe d’ONG Mauritaniennes pour la Défense des Droits Humains (GOMDDH) aux questions posées à l’Etat de Mauritanie par le Comité contre la Torture (CAT) pour l’examen à sa 62ème session du 06 Novembre au 06 Décembre 2017.(http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=INT%2fCAT%2fICO%2fMRT%2f27915&Lang=en ou https://www.fonadh.org/wp-content/uploads/2017/08/Rapport_alternatif_CAT.C.MRT_.2-2-1-1.pdf

Le Groupe d’ONG Mauritaniennes pour la Défense des Droits Humains (GOMDDH) a recommandé « (i) Engager des consultations nationales pour la mise en place d’une commission type vérité réconciliation pour promouvoir la mémoire collective et une réconciliation globale sur tous les événements causant des violations massives des droits humains depuis l’indépendance à nos jours ; (ii) Abroger la loi d’amnistie N° 93-23 du 14 juin 1993 et adopter un texte juridique qui fixe la mise en place des mesures techniques pour cartographier les sépultures des martyrs des évènements politiques de l’indépendance à nos jours, en collaboration avec les ayants droit et toutes parties prenantes, en respect de la décision en conseil de ministres (avril 2011), consécutive à la communication du ministre des affaires islamiques ».

Les réponses suivantes aux questions des points 13-14 constituent l’argumentaire des recommandations ci-dessus.

13. Amnisties et impunité

a) Le comité recommande à l’État partie d’amender la loi d’amnistie no 92-93 et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité des auteurs d’actes de torture, y compris en permettant l’accès à des recours effectifs aux victimes et leurs ayants droits.

Cette loi d’amnistie est N° 93-23 du 14 juin 1993 portant amnistie pleine et entière (1) aux membres des forces armées et de sécurité, auteurs des infractions commises entre le 1er janvier 1989 et le 18 avril 1992 et relatives aux évènements qui se sont déroulés au sein de ces forces et ayant engendré des actions armées et des actes de violence ;(2) aux citoyens Mauritaniens auteurs des infractions suite aux actions armées et actes de violences et d’intimidations entrepris durant la même période.

Cette loi d’amnistie est anti- constitutionnelle à partir des amendements de la constitution de 2012 inscrits dans la loi 2013-011 du 23 janvier 2013 qui hisse l’esclavage et la torture en crime contre l’humanité , et en contradiction avec la loi no 2015-033 du 10 septembre 2015 relative à la lutte contre la torture et au droit international auquel l’Etat est partie qui dispose que les actes de torture, les expulsions massives et les exécutions extrajudiciaires sont des crimes imprescriptibles pour lesquels une amnistie ne peut être accordée (rapporteur spécial des nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels , inhumains ou dégradants-mission en Mauritanie du 25 janvier au 3 février 2016A/HRC/34/54/Add.1), ceci parce que cette loi d’amnistie protège des actes de torture, de disparitions forcées, de crimes extrajudiciaires qui sont imprescriptibles et assimilés à des crimes contre l’humanité.

Cette loi doit être abrogée afin de permettre l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur ces crimes , pour l’accès au droit de savoir sur ces évènements et pour pouvoir engager des poursuites judiciaires des auteurs de ces crimes ainsi qu’accorder une réparation juste et équitable aux victimes et ayants droit de cette tentative de génocide.

b) Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la protection des victimes et de leurs familles, cherchant à obtenir réparation, contre d’éventuelles représailles ou intimidations.

Le Ministère des affaires islamiques a fait une communication en 2011 en conseil des Ministres pour demander la cartographie des sépultures des martyrs des évènements politiques de l’indépendance à nos jours. Le Président de la République a donné instruction pour la mise en œuvre de cette décision qui est conforme du devoir de réparation morale pour les ayants droit de ces martyrs. Ainsi, 10 tombes des martyrs condamnés à la peine capitale à l’issue de procès politiques ont été identifiées et marquées à Jreida. Mais la demande des ayants droit de se recueillir sur les lieux a été interdite et la place et environs soumis à une surveillance des forces armées qui dissuadent toute tentative de visite de la place.

Les victimes et ayants droit du passif humanitaire, notamment les orphelins et les veuves des martyrs sont exposés à chaque demande de manifestation légale à des refus d’autorisation par les autorités administratives et la dispersion des manifestants par la force. Ainsi, à l’occasion des pèlerinages en 2011, 2012 et 2013 organisés par les victimes, ayants droit des martyrs et sympathisants des obstacles se sont dressés par les forces de sécurité et les administrations territoriales pour empêcher de commémorer les événements tragiques des années 90. Les manifestations visaient la visite des fosses communes du camp militaire à Inal où sont enfouis plus de cent cinquante martyrs négro-mauritaniens dont les 28 pendus la nuit du 27 au 28 novembre 1990 pour célébrer le trentième anniversaire de l’indépendance nationale, à Sori-male, à Wothié, à Walata, etc.

14. Réparation et réadaptation des victimes de torture

a) L’État partie devrait prendre des mesures législatives et administratives pour garantir aux victimes de torture et de mauvais traitements la réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garantie de non répétition, et les introduire dans la législation pénale.

Suite à l’audience accordée par le président du Haut Conseil de l’Etat (HCE) au collectif des victimes de la répression (COVIRE), en 2008, un processus de règlement du passif humanitaire est engagé, inspiré des mécanismes de la justice transitionnelle prenant en charge les seuls devoirs de réparation et de mémoire.

Une commission est mise en place composée des représentants du collectif COVIRE, des Oulémas et des représentants du chargé du passif humanitaire nommés par le président du HCE. L’existence de cette commission est restée secrète jusqu’au 24 mars 2009, lorsque au cours du journal télévisé, elle annonce les résultats de ses travaux et signe les documents y afférents avec les parties prenantes. C’est ainsi qu’une prière aux absents est effectuée à Kaédi (25 mars 2009), une allocation financière est accordée aux ayants droit des martyrs : (des personnels des forces armées et de sécurité et un douanier). L’allocation était variable selon les grades : officiers, sous-officiers, hommes de troupes. Ces actions étaient considérées par les ayants droit comme le point de départ d’un processus de règlement du passif.

Le consensus a été rompu à partir du moment où les autorités au pouvoir ont commencé à déclarer à chaque occasion que les dossiers du passif humanitaire et du retour organisé des réfugiés mauritaniens au Sénégal, sont clos.

Le 20 avril 2012, le gouvernement mauritanien a adressé à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) à Banjul, une correspondance qui indique que : « le gouvernement de la République islamique de Mauritanie invite, à cette occasion, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à clore le dossier du passif humanitaire pour l’apurement duquel, notre pays a consenti l’ensemble des efforts demandés ». Les ayants droit commencent alors à dénoncer et à considérer qu’ils ont été piégés.

Depuis, les dossiers qui se sont succédé au profit des rescapés civils ou militaires ont été réglés suivant la même logique.

L’évaluation de ce processus de réconciliation basé sur la justice transitionnelle fait ressortir les manquements suivants :

– La non prise en compte de tous les piliers d’une vraie justice transitionnelle qui sont interdépendants alors que dans notre cas, seuls les devoirs de mémoire et réparation et ont été pris en compte. Les devoirs de justice et de vérité ont été exclus.

– Le règlement de la question des martyrs s’est limité aux militaires et exclu les civils selon les informations archivées par l’ONG COVIRE.

-Le cadre juridique de ce règlement, s’il existe n’a été mis à la disposition des victimes et des ayants droit.

-Les allocations financières en guise de réparations dont ont bénéficié les ayants droit et victimes indemnisés, ont été déviés de leur objectif (déclarées comme soutien au départ, commutées en règlement définitif) et fixées unilatéralement par les administrations de tutelle et dont la formule différente d’un département à un autre.

– Le principe de vetting doit être observé. Il consiste à soustraire de l’administration, du système de sécurité ou des postes clefs de la hiérarchie de décision, les présumés auteurs de crimes et leurs complices, pour assurer un processus de transition indépendant.

Ce sont là autant de facteurs qui ont contribué à l’échec du processus. Ce constat est appuyé par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans son rapport lors de sa mission en Mauritanie du 25 janvier au 3 février 2016, réf A/HRC/34/54/Add.1 (p.20-point7paragraphes 106 à 109 qui souligne que :

« 7. Impunité pour les crimes du passé :

106. Le Rapporteur spécial se félicite des efforts déployés par le Gouvernement mauritanien et la société civile pour examiner les violations graves et généralisées des droits de l’homme commises pendant la période du « passif humanitaire », à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

107. Certaines questions n’ont toutefois pas encore été réglées, et l’on ne peut se contenter de les éluder. Le Rapporteur spécial reconnaît l’utilité de lois telles que la loi d’amnistie de 1993, mais il rappelle également que, pour que la Mauritanie entre dans une ère nouvelle de cohésion sociale, le droit international ne lui permet pas d’accorder une amnistie générale par laquelle elle renoncerait à enquêter sur les crimes internationaux, qui comprennent les actes de torture, les expulsions massives et les exécutions extrajudiciaires. Ces infractions doivent faire l’objet d’enquêtes, et les responsables doivent être poursuivis et punis ; les mesures d’amnistie et la prescription de l’action publique sont inapplicables.

108.À ce jour, aucune enquête indépendante n’a été menée sur les crimes commis au cours du « passif humanitaire », et personne n’a été traduit en justice. Les victimes de la crise, en particulier les victimes de la torture, et les membres de leur famille doivent disposer de recours utiles.

109. L’impunité qui continue d’entourer ces crimes passés fait encore obstacle à la réconciliation en Mauritanie, crée un climat de méfiance entre communautés et engendre l’impunité pour les violations commises aujourd’hui. Le Rapporteur spécial invite le Gouvernement mauritanien à résoudre ce problème de toute urgence et à traduire en justice les auteurs présumés ».

Lt/er Mamadou Elhoussein KANE, rescapé de Walata, militant des droits humains, Président de COVIRE

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