Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 22/04/2015

FLAMNET-RÉTRO: INTERVIEW DU CAMARADE SOW IBRAHIMA MIFO

altDans le cadre de cette rubrique rétrospective, nous vous proposons aujourd’hui la rediffusion de cette interview du VP en 2007.

Bonne lecture.

 

“Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie ”


Sow Ibrahima Mifo, Secretaire National a l’Oganisation et a l’Orientation politique des FLAM

Á COEUR OUVERT

 

Flamnet reçoit comme invité, un haut responsable des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), l´actuel numéro 2 du mouvement et responsable des structures de base et de l´orientation politique des FLAM, le camarade Sow Ibrahima, Ibra Mifo pour les intimes.

Membre-fondateur du Mouvement des Élèves et Étudiants Noirs (MEEN), des FLAM et de l´UNESM, militant très actif de l´organisation, arrêté et condamné en 1986 après la publication du Manifeste du Négro-mauritanien Opprimé, banni et radié de la fonction publique pour “activités subversives”, après sa liberation de prison, il est forcé à l´exil. Il atterit d’abord au pays du vieux Houphouet Boigny où il crée et anime, avec des camarades miraculés du bagne de Walata, une Section des FLAM. Puis, juste avant le déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, il s’envole pour les USA où il poursuit son long exil au service de son Organisation.

 

Ancien président de l´Association Culturelle et Sportive de la jeunesse de Djeol, ancien responsable du mouvement Jaalo-waali, une fédération d’une dizaine d´associations culturelles des riverains de la vallée du fleuve, ancien Secrétaire à l´organisation de la section des FLAM- Amérique du Nord, l’ex professeur de français au lycée de Sélibaby, de Kaëdi et de Dimbokro (Côte d´ivoire) revient, pour nous, de long en large sur l´actualité politique mauritanienne, sur l´état de son organisation, les FLAM, sur le retour des Déportés, sur les problèmes de la cohabitation et du passif humanitaire, et aussi sur la création de l´AJD/MR.

Entretien à coeur ouvert avec l´enfant de Bilbassi.

Bonne lecture, la lutte continue!

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FLAMNET: En tant que premier responsable des structures de base des FLAM, peut-on vous demander le bilan de santé de notre organisation, sa vie actuelle? Comment se portent les FLAM ?

 

IBRA MIFO SOW : Les FLAM portent gaillardement leur quart de siècle de lutte, de résistance et de fidélité à un idéal de vie en commun normalisé. Eu égards à toutes les épreuves – et quelles épreuves!- qui ont jalonné ses 25 années de constance, le fait que notre Organisation ait pu relever le simple défi de la présence représente en soi une prouesse politique inédite sur le plan national. Et c’est peu dire que d’affirmer que les FLAM continuent de susciter aujourd’hui encore autant, voire davantage, de passions qu’au lendemain de la publication du “Manifeste”.

Notre Mouvement vit et fonctionne en mettant en oeuvre son programme politique et ses activités militantes qui concourent à la réalisation de ses trois missions principales, qui sont: construire une organisation politique solide, mobiliser l’opinion publique autour des grands problèmes nationaux, et contribuer à l’édification d’un véritable Etat de droit dans notre pays. Un rapport exhaustif sur l’état de notre Organisation a été récemment dressé par notre Bureau Exécutif National à l’intention de toutes nos structures. Il est inutile et inapproprié de revenir ici sur les détails de ce document. Ce qu’il importe de retenir c’est que la consolidation organisationnelle demeure un défi permanent, surtout dans notre cas, quand on sait qu’on doit faire fonctionner des structures aussi dispersées que nous le sommes sur 3 continents. En dépit de l’usure du temps, des affres de l’exil et des contraintes de la distance, l’ardeur militante des flamistes est restée aussi vivante que leur foi commune dans la justesse de notre combat.

A l’heure actuelle, nos militants, tout comme nos responsables nationaux, sont occupés à finaliser les réformes structurelles ainsi que les réorientations politiques qui maintiennent actuels et adaptés notre dynamisme et nos stratégies par rapport aux donnes nationales et internationales.

 

Quant au chantier de la sensibilisation et de l’information, il est sans nul doute celui qui nous a valu d’être aujourd’hui l’organisation politique la plus connue de la Mauritanie. Un important travail continue de se faire en faveur de la prise de conscience de l’acuité des principaux contentieux nationaux. Sans verser dans une auto-célébration insouciante, nous pouvons à juste titre réclamer notre part de mérite dans l’évolution politique et sociale frémissante dans notre pays. Il reste encore du chemin à faire pour arriver à l’essentiel, c’est-à-dire, la traduction dans les faits des intentions de consolidation de l’unité nationale qui, en aucune façon, ne pourra se réaliser sur le lit des discriminations raciales et sociales dont fait l’objet l’immense majorité de nos populations. C’est pourquoi, les FLAM se posent-elles désormais comme un mouvement porteur de projet de société fédérateur qui place la justice sociale, l’égalité entre nos races et nos communautés et le développement économique et social harmonieux de notre pays au centre de leur action politique.


Flamnet : Depuis le discours du président de la république sur les Déportés, on assiste en Mauritanie à une campagne violente et haineuse contre les FLAM dans une certaine presse et auprès de certains cercles politiques. Comment expliquez-vous cet acharnement contre les FLAM?

 

IBRA MIFO SOW : Les FLAM n’agitent que ceux dont la normalisation de la vie politique et sociale de notre pays déjoue les sombres desseins exclusivistes, eux et leurs bras séculiers, une horde de génocidaires en cabale, mais aussi ceux à qui la diabolisation de notre Mouvement assurait un plan de carrière prospérant sur une lâcheté tranquillement assumée. On se serait amusé de cette fébrilité si on n’était pas suffisamment édifié sur leurs capacités de nuisance, si on ignorait tout le mal qu’ils ont causé à l’unité nationale.

 

Le discours du Président de la République et la confirmation qui en a été faite par le Premier Ministre dans sa Déclaration de Politique Générale font justice à la Plate-forme dite de “Discussion pour une Mauritanie réconciliée” que nous avions soumise au candidat Sidi et plus tard au Chef de l’Etat qu’il est devenu. On ne peut que se féliciter du fait que le schéma de sortie de crise que nous avions dessiné soit suivi par les plus hautes autorités de l’Etat. Globalement on réclamait que le Président de la République reconnaisse et assume, au nom de l’Etat, les graves violations des droits humains commises à l’encontre d’une partie de nos populations, que les Déportés soient ramenés dans la dignité et rétablis dans tous leurs droits, que des mesures courageuses de réhabilitation des anciens esclaves soient prises, et en fin que le problème du passif humanitaire reçoive un traitement juste et équitable. On reste tout à fait évidemment serein sur les difficultés à vaincre avant de parvenir à la mise en œuvre de ces bonnes intentions, et en particulier celles sur le dossier du passif humanitaire. Nous ne partageons pas les propositions qui voudraient solder ces crimes à bon compte par le biais de quelques compensations pécuniaires de condescendance distribuées aux ayants-droit. C’est à la fois simpliste et dangereux en ce qu’il constituerait un précédent préjudiciable à l’instauration d’un Etat de droit que nous appelons de tous nos vœux. Pour nous, il faut concilier le refus de l’impunité, les exigences de la vérité, le droit à la réparation avec la nécessité du pardon.

 

Pour important qu’il soi, le règlement de ces dossiers humanitaires, qui sont, on ne le répétera jamais assez, les conséquences logiques d’une politique aveuglément particulariste, ne constitue qu’un préalable apaisant à l’ouverture d’un débat de fond sur la cohabitation, contradiction principale qu’on n’arrive pas à dépasser faute d’avoir eu jusqu’à présent le courage d’y faire face avec lucidité. C’est ce à quoi appelait le Manifeste de 1986 qui invitait ” toutes nos nationalités à un dialogue de races et de cultures dans lequel nous nous dirons la vérité pour guérir nos maux”. C’est ce même souci de rencontre et de reconnaissance mutuelle de nos diversités entre elles qui continue de motiver l’engagement et la détermination des FLAM. Aussi longtemps qu’elle continuera à rassembler sur le même territoire les communautés qui la composent actuellement, la Mauritanie sera condamnée à assumer son destin biracial et sa diversité culturelle. Et nous pensons que la meilleure façon de pérenniser cette coexistence, c’est de fixer les règles de son fonctionnement par des lois constitutionnelles qui reconnaissent et sécurisent chacune de nos identités.


Flamnet: Certaines mauvaises langues pensent qu´après le retour des Déportés et le règlement du passif humanitaire, qu´ils considèrent comme votre “fond de commerce”, les FLAM n´auront plus leur raison d´être, que répondriez-vous à ces allégations?

 

IBRA MIFO SOW :  Les FLAM n’ont pas le destin lié avec les douloureux dossiers humanitaires de notre pays. Nous avons estimé que c’étaient des causes justes qui méritaient l’engagement et la mobilisation de tous ceux que la justice et la paix préoccupaient dans notre pays. Peut-être avons-nous été les plus déterminés, les plus actifs sur le terrain, mais nous n’étions certainement pas les seuls à nous en soucier. En tout cas, je l’espère, pour la Mauritanie. C’est pourquoi, nous, au niveau des FLAM, nous ne sommes même pas surpris par l’engouement actuel, presque général, autour de ces problèmes. On est même satisfait de la profusion d’organisations qui se sont subitement créées et qui sont dédiées à la bonne cause, devenue miraculeusement priorité nationale. Et toutes ces propositions généreuses et inspirées, tous ces grands discours patriotiques, tous ces appels pathétiques, toute cette mauvaise conscience qui s’en veut, tous ces nouveaux ralliés rivalisant d’ardeur et de zèle, tous ces enquêteurs-compilateurs, experts avisés de la gestion des préjudices, toutes ces bousculades audacieuses, je veux dire, tout ce don de soi bruyant ne peut tout de même pas être que factice. Nous, nous voulons croire qu’il y avait bien une prédisposition qui n’attendait qu’un prétexte, par exemple la volonté du prince, pour s’exprimer au grand jour. Si, aujourd’hui, tout le monde est unanime à reconnaître qu’un grand mal a été fait et qu’il mérite d’être réparé, on ne peut donc pas reprocher aux FLAM de s’en être occupées.

 

Sur le cas particulier de ces dossiers conflictuels et sur celui plus général de la cohabitation, notre seul tort est d’avoir eu raison avant tout le monde. C’est parce que nous sommes conscients des menaces sérieuses que constituaient à terme ces problèmes contre la paix et la stabilité aussi bien de notre pays que de la sous-région, que nous nous sommes opposés à leur occultation.

 

Pour les Déportés, nous avons refusé la solution de l’incognito que les racoleurs du régime défunt voulaient imposer dans les camps en les vidant rien que pour sauvegarder l’image de marque de O/ Taya dont ils étaient devenus des alliés objectifs contre les FLAM et la justice. Tout comme nous nous opposons à l’absolution pure et simple des bourreaux que le système a utilisés pour la basse besogne de la purification éthique. Cette attitude d’intransigeance n’est dictée que par notre amour pour notre pays. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même de nos autorités nationales et de la classe politique traditionnelle bien accommodante qui s’étaient toujours illustrées dans une indifférence suicidaire face aux barricades et aux tranchées qui assiégeaient la République.

 

Nous n’avons rien à nous reprocher, rien, ni d’avoir porté à nu les plans de dénégrification ourdis par le système, ni d’avoir résisté activement sur le champ de bataille pour notre survie, ni encore moins d’avoir refusé notre soutien inconditionnel à une transition qui a excellé dans l’exercice du dilatoire face aux problèmes essentiels de notre unité nationale.

Ceux qui prédisent ou souhaitent la disparition des FLAM méconnaissent la portée de notre combat, l’impact incommensurable de notre influence morale, politique et philosophique sur l’immense partie de nos populations. Tous ceux qui luttent pour la sauvegarde de nos identités, pour le respect des droits nationaux et qui refusent le règne de l’arbitraire et de l’exclusion sont des flamistes qui s’ignorent. Le flamisme est une attitude, un état d’esprit, une fidélité à un idéal de justice, c’est la défense de la diversité, c’est l’appel à la complémentarité. C’est pourquoi, Les FLAM constituent une nécessité pour la Mauritanie. Notre lutte continuera donc en se raffermissant, en mobilisant davantage et surtout en s’inscrivant plus résolument dans la dynamique de la proposition et de la rencontre. Rien ne nous divertira de cet engagement. Nous laissons par conséquent le terrain de l’anathème et de l’invective à ceux auxquels il ne reste plus que la gestion de la vacuité et du spécieux.


Flamnet: Envisagez-vous un retour ou un redéploiement de votre organisation à l’intérieur compte-tenu de l’évolution de la situation? Que diriez-vous à ceux qui se demandent si l’exil a encore un sens ou pourquoi les FLAM sont toujours en exil?

 

IBRA MIFO SOW : Il y a eu à un moment donné dans l’histoire politique de notre pays des conditions objectives qui ont contraint notre Organisation à l’exil. Ce n’était ni une solution de facilité, ni une option irréversible. Il n’a jamais été dit, nulle part dans nos textes, que les FLAM doivent demeurer indéfiniment en exil. On peut même dire que cela a été un accident de parcours. Mais nous avons pu positiver cet accident, en nous saisissant de cette opportunité ni voulue, ni même prévue, il faut le reconnaître, pour en faire un outil redoutable au service de notre résistance et de la lutte contre les injustices auxquelles peu de gens osaient s’opposer de l’intérieur. Ce combat-là n’a pas été vain.

Si les conditions qui nous ont poussés, puis maintenus pendant si longtemps hors de chez nous disparaissent, il n’y aura aucune raison pour que nous ne rentrions pas. J’espère même que cela se fera le plus tôt possible. Mais, c’est nous qui devons évaluer la réalité de l’évolution de ces conditions et en particulier de celles liées à la sécurité. Car, il ne faut pas oublier que ce sont nos militants et nos sympathisants qui ont été les principales victimes de la terreur qui prévalait dans notre pays. Nous avons subi la fureur du système dans nos libertés, dans notre chair, dans nos vies de famille, nous et tous ceux qui sont susceptibles de sympathie pour notre combat afin que soit étouffée à jamais toute velléité de remise en cause du cours hégémonique de la beydanisation de la vie politique et socio-économique de la Mauritanie.

Il y a, actuellement, au sein de toutes nos structures, un débat ouvert sur l’appréciation de la nouvelle donne nationale et sur l’impulsion à donner à notre lutte. Il permettra à nos militants de faire des propositions motivées sur les objectifs et les stratégies à assigner à notre Mouvement. A l’issue de leurs réflexions, nous convoquerons l’une de nos instances de délibération, le congrès ou le conseil national, pour statuer. Il n’y aura donc ni précipitation, ni improvisation. Une chose est cependant sure, comme ne cesse de le rappeler notre Président, les FLAM ne se déroberont pas devant leur devoir. Le terrain national, nous le connaissons bien et nous avons des atouts solides à y faire prévaloir.


Flamnet: Que pensez-vous de la naissance de l’AJD/MR? Les FLAM ont-elles été consultées pour la création de ce rassemblement ? Quelles seront les relations entre les FLAM et ce parti dans la perspective d’un redéploiement?

 

IBRA MIFO SOW :  Je voudrais d’abord rendre hommage à la constance de l’AJD qui a ainsi aujourd’hui pu servir de socle à un plus grand rassemblement, et puis, saluer l’humilité et la générosité de ses dirigeants. Nous connaissons la valeur de ces hommes et de ces femmes qui ont été, pour la plupart, des camarades de combat et avec lesquels les ponts n’ont jamais été coupés. Les FLAM et l’AJD ont su maintenir entre elles des rapports utiles et respectueux de la souveraineté de chacune de nos Organisations. Nous ne doutons pas non plus des qualités du Président Sarr. Je crois qu’il n’a jamais perdu de vue le caractère prioritaire de la résolution de la question nationale. Nous nous félicitons de l’unanimité qui l’a porté à la tête de son nouveau parti. De façon générale, nous considérons que cette organisation a en son sein beaucoup d’hommes et de femmes de convictions qui prennent parfaitement au sérieux la mission qu’ils se sont assignée.

Est-ce que les FLAM ont été contactées? Je réponds que non. Du moins, pas dans les règles de l’art. Il est vrai, il y a eu, in extremis, quelques initiatives individuelles, relevant plutôt de l’ordre de la confidence, comme par acquis de conscience. Or, il en faut beaucoup plus pour engager les FLAM. A notre connaissance, il y avait bien une commission de contacts qui a eu, sans doute, des alliances plus stratégiques à négocier. Nous ne reprochons rien à personne. Chacun a ses priorités. L’essentiel actuellement sera de garder solides les passerelles qui existent et qui nous permettront à un moment donné d’envisager l’avenir ensemble. A condition évidemment que l’excès de “réalisme” ne prenne pas en otage la substance de la cause que nous avons en partage. Dans tous les cas, les défis à relever sont si immenses que nous ne serons jamais de trop à plusieurs pour y faire face.


Flamnet : Votre dernier mot à nos militants et aux mauritaniens d´une manière générale …

 

IBRA MIFO SOW : Nos militants sont actuellement entrain de finir la réflexion sur des sujets d’importance capitale pour notre combat pour la Mauritanie. Il s’agit entre autres d’une proposition de Projet de Société et d’une Charte sur la Cohabitation pour que la Mauritanie règle ses contentieux nationaux et se prépare à un développement harmonieux. C’est un nouveau cap pour notre Organisation et je sais que nos militants sont prêts et parés à l’aborder avec disponibilité et discipline. C’est parce qu’ils sont restés mobilisés et déterminés que des pans entiers d’injustices commencent à tomber.

Les FLAM n’ont aucun autre dessein que celui de contribuer, ensemble avec toutes les forces progressistes de notre pays, à l’édification d’un véritable Etat de droit. Notre combat acharné contre les injustices et en faveur de l’égalité de nos races et de nos cultures le prouve éloquemment. La normalisation de la cohabitation entre nos communautés est possible. C’est ensemble qu’on le fera en nous enrichissant de nos différences et en assumant le droit de chacune de nos identités à la reconnaissance pleine et entière.

Je remercie Flamnet et ses animateurs pour le travail de promotion de la liberté et de la justice qu’ils font en faveur de la Mauritanie. Je vous encourage à continuer le travail d’informations et d’explications que vous menez pour mieux faire comprendre le sens de notre combat. Nos concitoyens ont besoin de mieux nous connaître, eux qui sont restés si longtemps abusés par une presse aux ordres d’une dictature qui a bati sa longévité sur le mensonge et la falsification. La Lutte continue.

 

FLAMNET : Merci camarade et nous disons encore avec vous : La lutte continue de plus belle!


Propos recueillis par Kaaw Touré et Abdoulaye Thiongane

Le 14 Septembre 2007

 www.flamnet.info

La Liberté d’expression, enjeux sociaux et religieux et leur incidence sur le combat pour l’égalité en Mauritanie

La Liberté d’expression, enjeux sociaux et religieux et leur incidence sur le combat pour l’égalité en MauritanieLa double crise sociale et politique que traverse la Mauritanie interpelle les citoyens mauritaniens en général et les intellectuels en particulier. Il y a décidément des moments où l’expression d’une opinion devient aussi vitale chez l’être humain sensé, qu’ingurgiter une poignée de nourriture ! Une manière comme une autre de survivre…

Survivre à cette sensation d’étouffement que peut engendrer une oppression multidimensionnelle et intense ; survivre au sentiment d’être à la merci du plus fort, de celui auquel une certaine providence a attribué le pouvoir. Evidemment que derrière cette motivation presque désespérée germe en sourdine cette conviction intime que même au fond du cri de désespoir, scintille l’espérance que la douleur s’estompe, que les haines s’atténuent et que l’agitation se calme.

Le sujet que j’ai choisi d’aborder dans cette réflexion est, vous l’aurez bien compris, loin d’être des plus faciles à traiter. Car au-delà du fait qu’il est complexe par son aspect janusien, il est d’un naturel sensible qui requiert sans doute une attention particulière.

Aussi importe-t-il de s’arrêter sur les interrogations suivantes : où en sommes-nous dans la consolidation de notre liberté d’expression en Mauritanie ? Quelle attention devons-nous accorder aux enjeux sociaux en mutation ? Pour mener cette réflexion, je serai amené à m’appuyer sur des faits de notre actualité politico-religieuse récente.

1. Liberté d’expression et combat contre l’esclavage et le racisme

Interrogé plusieurs fois par des journalistes en 2013 et 2014 sur l’état de la liberté d’expression en Mauritanie, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a cessé de déclarer en substance que la liberté d’expression était une réalité indiscutable en Mauritanie avant de brandir ce qu’il considérait comme la preuve de sa déclaration : « il n’y a pas de prisonnier d’opinion en Mauritanie ».

La vérité est très éloignée d’une telle affirmation. Il faut dire que depuis l’avènement de la première transition militaire en 2005, surtout depuis 2010 donc avec le début du règne de Mohamed Ould Abdel Aziz, la Mauritanie a encore renoué avec les prisonniers d’opinion.

En 2011, Biram DAH, Président d’IRA, alors à la tête du Front de Lutte contre l’Esclavage, le Racisme et l’Exclusion (FLERE) a été incarcéré presque trois mois, à la suite d’une tentative de libération d’une jeune Hartanya réduite à l’esclavage. Pendant la période de son incarcération, une manifestation sur deux organisées pour demander sa libération, a été réprimée.

Plus tard, en 2012, face à l’exclusion des Négro-africains dans l’enrôlement biométrique, plusieurs organisations (politiques et de la société civile) se regroupent dans un cadre de lutte dénommé Touche pas à ma Nationalité. Pour exiger à être enrôlés comme tout citoyen mauritanien, sans aucune référence à leur origine linguistique, ethnique et raciale, ces jeunes négro-africains lancent une série de manifestations hebdomadaires (sit-in, marches) pour se faire entendre. Là encore, une manifestation sur deux a été réprimée.

Le drame surviendra à Maghama lorsque la gendarmerie nationale a tiré sur des manifestants désarmés causant la mort de Lamine Mangane et à Kaédi où le jeune Bathily, entre autres, a été enlevé par la police et torturé jusqu’à perdre conscience ; il a fallu son évacuation à Nouakchott et plusieurs semaines d’hospitalisation pour qu’il recouvre sa motricité.

Au bout des mois qui ont suivi, plusieurs militants et responsables de Touche pas à ma Nationalité ont été tour à tour arrêtés obligeant parfois ces vaillants combattants à tenir des sit-in permanents devant des commissariats ou à affronter les forces de l’ordre dans la rue.

En avril 2012, c’est à nouveau, Biram DAH qui fait son retour en prison. Décidé à secouer les fondements idéologiques de la perpétuation de l’esclavage en Mauritanie, le leader d’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA) après une prière de vendredi, exécute le geste symbolique de l’incinération du « Khalil » (ouvrage religieux) ! Les forces rétrogrades, effrontément esclavagistes, tapies dans l’ombre du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, qui étaient déjà à l’affût depuis quelque temps, sautent sur l’occasion !

Oui, pour elles, le moment était venu d’anéantir une bonne fois cet irréductible combattant ; ce Hratin « mablok » qui ose défier l’aristocratie dominante ! En moins de 24h, une campagne de dénigrement et surtout de diabolisation d’une rare violence est mise en branle pour rompre définitivement tout lien de sympathie entre lui et les bases populaires hratines et négro-africaines qui le soutenaient jusque là.

Ainsi, à travers les télévisions, les radios et surtout le bouche à oreille, le discours était unique : « Biram était un hérétique coupable du crime d’apostasie ; il avait incinéré les livres saints de l’Islam… ». Les prises de vue à la télévision montraient juste des couvertures maronnes avec des écritures dorées en flamme.

L’objectif était clair : semer la confusion en laissant supposer que dans ces livres il y avait le saint Coran lui-même ! Bien sûr puisque l’incinération du « Khalil » ne peut corroborer la thèse de l’apostasie, il fallait coûte que coûte faire croire que parmi les ouvrages incinérés, il y avait notre Saint Coran ! Une diabolisation qui rappelait celle qui fut orchestrée, quelques décennies plus tôt, contre les Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) après la publication de leur historique « Manifeste du Négro-mauritanien opprimé ».

Alors que ce document ne contenait même pas une seule phrase raciste, cette élite négro-africaine avant-gardiste a été embastillée avant d’être diabolisée au point qu’aujourd’hui encore, elle éprouve toute la peine à se débarrasser de l’image négative d’organisation raciste que le régime de Ould Taya lui affubla.

La campagne d’intoxication – qu’André Breton aurait appelé la « manipulation psychologique » – était si agressive et bien menée que nombreux furent ceux qui en succombèrent. Des manifestants, composés essentiellement de Bidhanes, surgirent de partout, à Nouakchott comme dans certaines capitales régionales avec un seul cri à la bouche : « mort à Birame ! ».

Ceux de Nouakchott furent, comme par hasard, reçus à la Présidence de la République. Oui, en bon chef, le Président Aziz sortait à la rencontre de « son seul peuple », blessé dans sa fierté aristocratique ! Aussi, en « bon leader », il leur promit de les venger ! Cette propagande donc, disais-je, fut si dense que de nombreux soutiens de Birame, dont certains parmi ses plus proches, chancelèrent sous la double pression combinée des manifestations de rue impulsées par l’UPR et ses démembrements et des déclarations et autres images diffusées à travers les télévisions et les radios.

Et pourtant, alors que la campagne faisait rage, que certains pensaient que c’en était fini de Biram, il y’eut, moins de 48h après l’acte d’incinération et 24h après son arrestation musclée, c’est-à-dire le dimanche qui a suivi, une contre-manifestation, celle-ci de soutien à Biram ! Lorsqu’après avoir bouclé un article de « contre propagande » que j’avais intitulé « Encore une conspiration !

Au secours de Biram ! », je suis arrivé devant le ministère de l’intérieur, quelle fut ma fierté de trouver ce noyau dur d’une trentaine de jeunes, banderole en mains, criant leur soutien au leader d’IRA ! J’ai joins ma modeste présence et ma voix aux leurs. A midi, nous marchâmes jusqu’à la radio nationale pour, là aussi, protester contre la campagne mensongère dont cet organe de presse se faisait l’écho…

Au fil des jours, la vérité repris petit à petit le dessus sur le mensonge et les militants et sympathisants des causes justes reprirent leurs esprits. Au bout de deux semaines, c’étaient des milliers de Mauritaniens qui se regroupaient en face de la nouvelle maison des jeunes, chaque semaine, pour entamer une marche de soutien au leader abolitionniste…

2. Liberté d’expression, caste et Islam

Dans le dernier semestre de l’an 2014, à la surprise générale du commun des Mauritaniens, on voit se déchainer dans les rues de Nouakchott et Nouadhibou les mêmes hordes manifestantes réclamant la mise à mort d’un homme. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette fois, celui dont la mort devait assouvir la libido de l’aristocratie bidhane régnante n’était ni un Négro-africain, ni un Hratine ! Il appartient à la communauté bidhane.

Mohamed Cheikh Ould Mohamed Kheitir, puisqu’il s’agit de lui, a beau être tout blanc, de culture et de langue bidhane, est forgeron de naissance ! A ce titre il s’est exprimé dans un article où il montrait, sur la base d’un argumentaire particulièrement châtié, que le sort peu enviable réservé au statut du forgeron dans la société maure contemporaine, s’enracine dans une tradition religieuse millénaire qu’il importe d’appréhender avec lucidité et courage.

Pour poser la toile de fond de son raisonnement, il cite Abdel Majid Alnagghar dans « Kitab-al- ouma » qui fait une distinction nette de la « religion » et de la « religiosité ». En s’appuyant sur de grands événements qui ont marqué l’histoire de l’Islam telle qu’elle aurait été racontée par tel ou tel autre historien, Ould Mkeitir s’efforce de prouver que l’histoire du moins comme elle est déclinée et enseignée à travers les livres, dénature la religion en instaurant une inégalité de traitement des Musulmans selon leurs origines raciales, ethniques ou clanique.

Faut-il rappeler que ce jeune intellectuel n’a ni prétendu avoir été témoin des événements qu’il rapporte– ce qui aurait été incongru – il n’a pas, non plus, décliné de lui-même sa version personnelle de l’histoire pour nuire à l’Islam, par diffamation. Dans un souci d’objectivité manifeste, à chaque fois que le fait historique est controversé, il prend le soin de citer les sources bibliographiques après avoir dûment mis les propos entre guillemets.

C’est ainsi que Abou Dahoud, Ibnou Moulaghane – source : el bedrou el mounir (P : 6/670 sommaire du verdict) entre autres furent tour à tour cités avec même parfois la mention du degré de crédibilité de la source historique comme on le lit souvent dans les « hadiss ».

En toute objectivité, on peut contredire la thèse de Ould Mkheitir en mettant en doute la crédibilité des historiens ou la fidélité des textes rapportés et sur lesquels repose son argumentaire, mais personne, je dis bien personne de bonne foi, ne peut l’accuser d’incohérence, de diffamation encore moins d’apostasie !

Le crime d’apostasie suppose qu’il aurait renié sa religion, or il n’en est rien ! Au contraire, en lisant son texte, j’ai plutôt l’impression que l’objectif de ce jeune intellectuel est plus de rendre service à l’Islam en le débarrassant de toutes ces subjectivités et préjugés contenus dans les textes autres que le saint Coran. Ces centaines d’ouvrages qui se veulent soient des explications/interprétations du coran, soient des histoires personnelles du prophète Mouhammad (PSL) et qui, hélas, pour une bonne partie d’entre eux, induisent bien des Musulmans en erreur.

A ce niveau, je pense qu’il est indispensable, compte tenu de la crise que traverse le monde musulman, de réaffirmer très clairement certains fondamentaux ! D’abord les Imams et autres savants doivent avoir l’honnêteté de reconnaître que le texte organique de l’Islam, le seul par lequel Allah s’adressa à l’Humanité par l’intermédiaire du Prophète Mouhammad, c’est le Coran ! Le saint Coran est, en effet, le seul que le tout puissant Allah lui-même a certifié qu’il s’en porte garant jusqu’à la fin des temps, contre toute oblitération ou altération.

Les autres textes, y compris les hadiss, peuvent certes aider les exégètes à contextualiser ou expliciter la parole de Dieu, mais ils ne sont ni immuables, ni incontestables !

Car, disons-le, la seule sainteté absolue en Islam est celle de Dieu, l’Unique omnipotent, omniscient et omniprésent ! J’ai dit y compris les hadiss car tous les autres textes sont rapportés et écrits, non pas par le prophète de l’Islam, mais par des hommes qui, quelque soient leur intelligence et leur piété, n’en sont pas moins des hommes comme beaucoup d’entre nous ; des penseurs respectables certes, mais auxquels nous pouvons avoir la prétention d’égaler et la légitimité pleine et entière de contredire.

C’est un tel qui aurait entendu un tel autre (la chaine des intermédiaires peut être très longue) rapporter que le prophète aurait dit ou fait telle ou telle autre chose. A travers l’histoire, les savants (oulémaas) en la matière n’ont d’ailleurs jamais cessé de discuter, voire se disputer la crédibilité à accorder à tel hadiss ou à tel autre !

Cela veut dire concrètement que non seulement chacun des rapporteurs peut se tromper, mais plus la chaine de transmission est longue plus la marge d’erreur est importante. Et Dieu sait que certains de ces textes sont si bourrés de jugements contraires à certains principes élémentaires de l’Islam – comme l’égalité des Musulmans – que l’on a du mal à prêter à leurs auteurs une bonne foi. C’est le cas du « Khalil » que Biram DAH a symboliquement incinéré comme ne pouvant être une référence en Islam. Il faut dire que l’histoire lui a donné raison !

Après avoir levé cette équivoque, il faut ajouter que le retour au texte fondamental qu’est le saint Coran, accompagné de la relativisation des autres textes, est nécessaire si les Musulmans veulent refaire leur unité et calmer leurs contradictions internes.

En se référant plus aux textes post-mouhammadiens qu’au Coran, les communautés musulmanes se sont retrouvées déchirées en plusieurs lambeaux qui s’entretuent alors qu’Allah a dit dans le Coran que « Quiconque tue un Musulman exprès sera puni de l’enfer eternel, de la rancune d’Allah, de sa malédiction et des pires désolations !» (Sourate E-Nissa, Verset 93) Aujourd’hui les Sounites cherchent à détruire les Chiites, les Tijanistes considèrent les wahabites, les mourites ou toute autres sectes ou « tarigha » comme des musulmans de second rang ; ici même dans notre pays, affirmer qu’on n’est pas malikite vous fait courir le risque d’être traité par de nombreux « ignorants » comme un « mécréant » !

Je me suis déjà entendu répondre, après avoir proclamé que j’étais tout simplement un Musulman et non Malikite ni tijani, ni ghadri, ni mouride : « vous ne pouvez être musulman sans vous référer à une « tarigna ! » ! Ridicule quand on sait que, le prophète Mouhammad (PSL) – le premier et le plus valeureux des Musulmans par la volonté d’Allah – n’a jamais été ni malikite ni tijani, ni wahabite, encore moins mouride puisque ces rites n’ont apparu que plusieurs siècles après sa mort. Je ne porte aucun jugement sur la pertinence de ces « tarigha », mais je proclame mon droit inaliénable de ne pas y adhérer tout en demeurant Musulman à part entière !

Les Musulmans de notre pays en général et les intellectuels en particulier doivent avoir le courage de contrer cette fameuse propagande qui nous est venue de je ne sais où et qui s’efforce de tuer dans l’Islam tout esprit de remise en cause, de critique, voire de débat. Leur objectif est vraisemblablement d’instaurer par la terreur, un système de pensée unique.

A travers d’une part une manipulation par intoxication des foules obscurantistes et d’autre part des actions de lobbying auprès des instances de l’Etat ou par infiltration de ses rouages, les groupes islamistes d’obédience salafistes entendent sanctionner sévèrement tous ceux qui osent se rebiffer.

Dès qu’une déclaration ne leur agrée pas, ils activent leurs formidables réseaux de propagande pour lever les foules et les envoyer dans la rue avec des slogans qu’ils ont au préalable insidieusement distillés. Ils font ainsi monter la pression sur l’Etat en exigeant de lui de sévir. Ils sont aidés en cela par leur très forte présence à tous les niveaux de l’administration politique administrative et judiciaire.

Il n’est un secret pour personne que le secteur de la magistrature n’est pas seulement celui qui regorge le plus de racistes anti-négro-africains et anti-hratines, il est aussi le bastion par excellence des Islamistes/salafistes !

La photo affichée, à l’occasion du lancement de l’année judiciaire le 07/avril/2015 au palais des Congrès, est une illustration qui se passe de tout commentaire quant au caractère particulièrement exclusif de ce secteur : pas un seul noir sur toute la ligne des magistrats face au Président Aziz. Voilà aussi pourquoi l’esclavage et le racisme d’Etat se perpétue. C’est à en avoir honte pour mon pays !

C’est donc, à n’en pas douter, par cette double action combinée que les milieux aristocratiques et salafistes ont, par manipulation et infiltration, réussi à faire arrêter et incarcérer Biram en 2012, en 2014 Mohamed Cheikh Ould Mohamed Kheitir, avant de trouver un piteux alibi pour renvoyer le même Biram en prison en 2015 !

Ces deux hommes qui sont en réalité parmi les meilleurs d’entre nous parce qu’ayant eu le courage de dénoncer l’instrumentalisation à outrance de l’Islam à des fins de domination clanique, identitaire et raciste, croupissent encore au moment où j’écris ces lignes dans le silence généralisé des soi-disant Imams ou Oulemas, et surtout des intellectuels ! Les uns et les autres se taisent pensant que « ça s’arrêtera là, que ça va s’arranger… » !

Eh bien justement non ! Tant qu’il n’y a rien en face, le rouleau compresseur de l’oppression multiforme se poursuivra ! Avant Biram il y a eu les Flamistes en 1986, les événements de 1989 où les Négro-africains (Peul Soninké et Wolof) ont échappé de justesse à un génocide, puis Ould Mkheitir ! D’autres suivront sans doute, jusqu’à ce que nous comprenions que la peur n’est pas une alternative à l’oppression.

Non Monsieur le Président, il n’y a donc pas de liberté d’expression véritable dans notre pays ! Ou du moins si ! Mais alors cette liberté n’existe que pour une certaine aristocratie, pour les Islamistes/Salafistes et certainement pas pour les masses et défenseurs des Hratines, des Forgerons, des Négro-africains et (peut-être bientôt) des griots et autres citoyens de seconde zone!

3. Nécessité de lever l’amalgame

Je voudrais dire de la manière la plus claire possible que si, pour expliquer les graves problèmes liés à la cohabitation intercommunautaire en Mauritanie, l’on est souvent amené à employer les termes distinctifs de Bidhane, de Hratine, de Négro-africain, il doit apparaître aux yeux de tous que l’oppression n’est l’apanage d’aucune communauté linguistique ou identitaire.

Tous les Bidhanes ou Maures ne sont point des oppresseurs, pas plus que tous les Négro-africains et Hratines ne sont des victimes ! Il ne s’agit point, non plus, ici de nier ou de minimiser l’esclavage qui frappe les Hratines et le racisme d’Etat qui frappe les communautés noires en générale – entre autres par leur sous-représentativité dans les sphères de l’Etat mauritanien – mais de souligner cette vérité indubitable : l’oppresseur n’a pas de visage, ni d’identité intrinsèque ;

c’est l’homme politique qui au sein du gouvernement est incapable de traiter également les Mauritaniens sans privilégier ceux qui ont une quelconque affinité avec lui ; c’est le magistrat qui ne peut s’empêcher de traiter avec mépris les Mauritaniens qui ne parlent pas hassanya ou remet systématiquement en liberté l’esclavagiste qu’il est amené à juger, du fait que celui-ci, bien que coupable, appartient à sa tribu ou à celle alliée ;

c’est le policiers chef de patrouille qui laisse passer certains jeunes et arrête d’autres parce qu’ils n’ont pas le bon teint ! L’oppresseur est aussi celui qui pense que l’autre lui est inférieur simplement parce qu’il n’a pas de lien de sang avec lui ou qu’il est de culture et de langue différentes.

Conclusion

Je ne saurai terminer mon propos sans appeler encore une fois à un sursaut des intellectuels lucides ! Je leur dis qu’aussi difficile que peut être l’exercice, ils sont tenus par le devoir religieux d’éclairer les masses musulmanes, de les aider à comprendre et accepter que l’Islam est par essence progressiste voire révolutionnaire et que par conséquent il ne peut s’accommoder des pratiques primitives ou exclure le débat.

Ils doivent avoir le courage de dénoncer et contredire tous les Imams et autres savants qui dans leurs prêches et autres allocutions font preuve d’une hypocrisie grotesque en ne traitant pas les Musulmans sur le même pied d’égalité comme le proclame Allah.

Il suffit qu’Israël lance un raid contre la Palestine pour que la majorité des Imams des mosquées de Nouakchott se livrent à des prêches virulents de dénonciation de l’injustice qui frappe les « frères palestiniens », alors qu’au même moment, j’allais dire depuis des décennies, dans leur voisinage immédiat, des Musulmans sont réduits à l’esclavage par d’autres Musulmans sans jamais que cette oppression-là ne suscite la moindre émotion en eux !

Ils sont très sensibles au sort des Arabes d’Irak et de Syrie alors (leurs frères par identité) que la situation de leurs voisins de quartier négro-africains, frappés par l’oppression raciste (déportation, expropriation, exclusion) les laisse de marbre ! Eh bien, disons leurs, au non de l’Islam, qu’ils arrêtent de parler au nom de notre religion et qu’ils se proclament leaders de leur arabité, de leur tribu et de leur clan, ce sera plus honnête !

Quant à la liberté d’expression, je pense que c’est pécher par une grave insuffisance que d’affirmer qu’elle est une réalité démocratique dans notre pays alors que des prisonniers d’opinion comme Mohamed Ould Mkheitir et Biram Dah Abeid croupissent en prison. Il ne peut y avoir de liberté d’expression alors que toutes les chaines de télévision et de radios en Mauritanie appartiennent aux membres de la seule communauté bidhane : pas un seul négro-africain ou Hratine progressiste n’a obtenu l’autorisation d’ouvrir une radio ou une télévision privée !

La liberté d’expression doit être totale et un droit pour tous ou elle n’est point !

Nouakchott le 18/Avril/2015
Mamadou Kalidou Ba
Universitaire à Nouakchott

cridem

Haut Conseil de la Jeunesse : L’ingérence factice des faucons politiques

altL’Authentique – Tenus à l’écart durant tout le processus de création du Haut Conseil de la Jeunesse (HCJ), certains pontes de l’Etat ont finalement réussi à s’immiscer dans cette institution apolitique et d’envergure nationale.

Après une année de travail et une longue sélection pour la formation du bureau exécutif, c’est en conseil des ministres que le projet de décret de la création d’un Haut Conseil de la Jeunesse (HCJ) a été reporté à une date sine die.

Le président Ould Abdel Aziz avait confié la mission de mise en place du haut conseil à un groupe de jeunes indépendants, après avoir donné des instructions pour que l’institution reste loin des politiques et de leurs suggestions.

Seulement, selon bon nombre d’observateurs, la création d’un conseil interministériel pour superviser la mise en place du HCJ, ne serait qu’une tentative du gouvernement d’imposer sa mainmise sur la structure, laquelle serait en train de tomber entre les mains des spéculateurs politiques, des clans tribaux et ethnocentriques.

Une occasion que les membres du gouvernement seraient en train d’exploiter pour mettre un cousin, un fils ou un homme de confiance, dans une liste où les évincés, pour critères de sélection non retenus, seraient en train de revenir par la grande porte au détriment de ceux qui se seraient prévalu par leur compétences.

Il faut rappeler que la mise en place du conseil supérieur de la jeunesse a été ajournée à l’issue de la réunion jeudi dernier du conseil des ministres. Ce même conseil a examiné, lors de sa réunion ordinaire le décret de création de cette instance avant de décider de le reporter.

Une commission interministérielle a cependant été constituée avec, pour mission, d’examiner le texte et lui apporter les compléments nécessaires. La création de ce conseil est une promesse faite par le président Ould Abdel Aziz l’année dernière lors de sa rencontre avec les jeunes.

Cheikh Oumar NDiaye