Daily Archives: 28/05/2013
Flamnet-rétro: Hommage 28 mai 1989 -28 mai 2013, voilà 24 ans que nous quittait Amadou Malick : Question nationale: quand Amadou Malick Gaye écrivait à Ould Daddah
A Monsieur Moctar Ould Daddah, Président de la République Islamique de Mauritanie
Dakar, le 29 Avril 1966
Monsieur le Président,
N’ayant pu ni obtenir l’asile politique momentané en Mauritanie, ni être autorisé à poursuivre mon chemin vers d’autres pays, j’ai été ramené à Dakar. Comme il fallait s’y attendre, après ce retour, j’ai été envoyé dans un camp pénal et mis en cellule. Et en plus de mes deux ans, j’ai sur le dos un délit d’évasion pour lequel le code sénégalais prévoit une peine minimum de six mois. Mais ce n’est pas pour cela que je vous écris. Car, d’une part, en décidant de m’évader, j’avais accepté d’avance toutes les conséquences bonnes ou néfastes
D’autre part, je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, tout cela se terminera beaucoup plus vite que prévu. Et bientôt, ce ne sera plus qu’un souvenir lointain qu’on évoquera avec le sourire. Je vous écris pour deux raisons :
1) ma position vis-à-vis de la Mauritanie .
2) la situation intérieure de ce pays.
Pendant que j’étais gardé à vue à Nouakchott, on m’a rapporté des propos selon lesquels vous auriez dit que vous avez toujours voulu vous assurer ma collaboration et que c’est moi qui n’ai pas accepté. Vous n’êtes probablement pas le seul à avoir tenu de tels propos. Mais je pense, Monsieur le Président avoir fait tout ce que je pouvais pour aller en Mauritanie et pour y rester. Parce que si officiellement, on m’a déclaré né à Dakar, le 11 Juillet 1931, en fait, je suis né un Vendredi matin, 10 Juillet 1931 à Dounguel-Réwo, subdivision de Boghé, sur le sol mauritanien, de parents qui se sont ré-installés en Mauritanie, car la Mauritanie et l’Afrique du Nord ont été habitées par nos ancêtres longtemps avant l’arrivée des Berbères d’une part et des Arabes d’autre part. D’ailleurs, l’Arabie elle-même… mais fermons pour l’instant cette parenthèse).
Déjà quant j’étais en France, j’avais refusé d’adhérer à l’Association des étudiants Sénégalais, malgré quelques sollicitations. Finalement, je vous ai suggéré à vous et aux autres compatriotes qui se trouvaient avec nous, la création d’une association Mauritanienne. Vous avez accepté.
En 1957, un an avant la fin de mes études, la délégation du gouvernement général de l’A.O.F. à Paris m’a proposé de devenir fonctionnaire international à Bruxelles (poste que Mamadou Touré devait occuper plus tard). J’ai refusé. Après ma nomination comme administrateur en 1958, on m’a offert de travailler au Sénégal, au Togo et au Niger, j’ai encore refusé. Vers la même époque, le Président Modibo Keita m’a dit que le jour où je voudrai venir travailler au Soudan, je trouverai les portes largement ouvertes. Je n’ai pas donné suite.
Par contre, je suis allé jusqu’à St-Louis vous relancer pour obtenir mon affectation en Mauritanie. Mais de Novembre 1958 à Juin 1959, j’ai été payé pour ne rien faire dans notre pays qui ne regorgeait pourtant pas de cadres. J’ai écrit au Conseil de Gouvernement pour attirer son attention. Il ne m’a même pas répondu. Il m’a fallu menacer d’aller au Sénégal pour me voir proposer un poste de Chef de subdivision. Finalement, j’ai été chargé de créer le service de la statistique, jusqu’en Avril 1960 date à laquelle je suis allé suivre un stage de planification en France. A mon retour en Août 1960, j’ai été envoyé à Nouakchott, alors que mon service se trouvait toujours à St-Louis. Pendant des mois, je me suis tourné les pouces. Pour me rendre utile, j’ai organisé un mouvement de jeunesse, je me suis transformé en examinateur d’Anglais au B.E.P.C., puis en professeur de Français, histoire et géographie au Lycée de Nouakchott.
En fin de compte, je me suis plaint auprès de vous, Monsieur le Président. Vous m’avez fait nommer Directeur de Cabinet du Ministre de l’Education. Mais ce dernier était fermement décidé à ne me laisser que le titre pour confier la réalité des fonctions à son inspecteur primaire qui avait été dans le bon vieux temps son supérieur hiérarchique. Lorsque j’ai mis les points sur les i, mon Ministre m’a promis que désormais nous travaillons en équipe. Mais je ne devais pas tarder à découvrir qu’il convoquait son Inspecteur au Ministère de l’Intérieur qu’il cumulait avec celui de l’Education. Et là-bas, ils réglaient les problèmes essentiels pour ne me faire connaître que les mêmes détails. J’ai alors compris que je perdais mon temps dans l’administration Mauritanienne. Cette fois, je n’ai rien dit à personne : j’ai pris mon congé en tant que fonctionnaire de l’assistance technique française et je suis parti.
Cependant, mes efforts pour rester en Mauritanie, ne se sont pas arrêtés là. Après ces difficultés dans la fonction publique, j’ai pensé que je pourrai faire quelque chose dans le privé. J’ai poussé l’entreprise Gassama à créer en Mauritanie une succursale dont je devais être responsable. Nous avons été parmi les premières à nous inscrire pour un terrain dans la zone commerciale.
Parallèlement à cela, je suis venu prendre des contacts pour la création d’une société d’importation de thé. A cette occasion, j’ai même obtenu votre audience. Ces deux initiatives n’ont pas abouti à cause de mon arrestation en 1962, dans laquelle la Mauritanie a malheureusement joué un rôle déterminant.
Il est vrai que récemment, M. Elimane KANE à qui vous aviez l’intention de confier un portefeuille ministériel, s’est rendu à Dakar et m’a demandé, avec semble-t-il, votre accord, de venir travailler avec lui. Mais il m’a trouvé quelque peu enchanté et malgré toute mon amitié pour lui, je n’ai pas pu accepter. Avec lui, cependant, j’étais sûr de n’avoir aucun problème. Mais la suite des évènements n’a pas tardé à manifester une vérité première : en Mauritanie comme ailleurs, les ministres et les gouvernements eux-mêmes ne sont pas inamovibles. Et qu’est-ce qui me garantit que je n’aurais pas recommencé mon cycle de chômage payé après le départ de M. Kane du gouvernement ?
Le P.A.I. dans lequel je militais à l’époque où j’étais en Mauritanie, avait des sections dans plusieurs Etats Africains. Mais malgré l’impatience de certains Mauritaniens progressistes, la direction de notre parti s’était toujours opposée à la création d’une section mauritanienne, estimant que les conditions politiques, économiques et sociales ne l’exigeaient pas. Notre presse à travers l’Afrique et en Europe n’était pas très tendre à l’égard des gouvernements issus de la Loi-cadre. Mais mis à part un ou deux articles de second ordre parus dans un journal régional à Saint-Louis, à ma connaissance, à aucun moment le PAI n’a attaqué le gouvernement mauritanien ou sa politique. Mieux, après la création du Parti du Peuple Mauritanien, nous avons demandé à tous nos amis et sympathisants de militer sincèrement dans ce mouvement.
Mais malgré cette neutralité bienveillante vis-à-vis de la Mauritanie, dans le domaine politique non plus, je n’ai pas été gâté par la R.I.M.
En 1959, j’ai été éloigné de St-Louis et contraint par la Mauritanie à faire une tournée dans le Nord-Ouest parce que le Sénégal ne voulait pas que je sois à St-Louis pendant la réunion du Conseil Exécutif de la Communauté. En Août 1960, j’ai été exilé à Nouakchott et pratiquement mis en quarantaine à la demande du Sénégal, après les incidents électoraux de St-Louis qui avaient pourtant eu lieu en mon absence. Vous-même, Monsieur le Président, vous m’avez dit à ce moment-là que vous permettriez d’aller n’importe où sauf au Sénégal. En 1962, des informations fantaisistes d’un administrateur mauritanien et de votre ministère de l’intérieur ont été transmises au gouvernement du Sénégal et ont entraîné mon arrestation à St-Louis et mon transfert à Dakar où j’ai été emprisonné pendant trois mois, puis mis en résidence surveillée pendant cinq mois.
Il y a une dizaine de jours enfin, j’ai pu m’évader de la prison civile, disparaître de Dakar, me rendre à St-Louis, puis à Rosso. Arrivé à Nouakchott le 18 avril au soir, je comptais tout juste y passer la nuit pour continuer le lendemain matin par avion vers un autre pays. J’avais mon billet et ma place était retenue ferme. Si en fin de compte mon évasion n’a pas réussi, si ma famille se trouve en difficulté, et je moisis actuellement dans une cellule de camp pénal au lieu de vivre librement dans un autre Etat africain, c’est uniquement parce que la Mauritanie n’a pas voulu m’accorder, je ne dis même pas un asile politique, mais un simple droit de passage. Elle a préféré me remettre à la Sûreté sénégalaise. Pourtant, lundi dans la nuit et vendredi à 13h, je pouvais m’évader du commissariat. Mais j’ai préféré compter sur vous.
Je sais que la situation de Nouakchott ne m’était pas favorable et que les raisons d’Etat sont parfois implacables. D’ailleurs, maintenant, comme les autres fois, je n’en veux à personne. Car je pense qu’il faut se battre jusqu’au bout avant « l’évènement ». Mais une fois qu’il a eu lieu, il ne sert à rien de pleurnicher. Le fatalisme est alors plus réaliste. Il faut se dire : « C’était écrit ! » et se tourner vers résolument vers l’avenir.
Si j’ai rappelé tous ces faits, ce n’est donc pas par rancune mais parce que j’estime qu’après tout cela, il n’est pas du tout juste que l’on me reproche à moi de n’avoir pas voulu travailler en Mauritanie. Car je ne suis venu au Sénégal que contraint et forcé. Cependant, malgré toutes les arrestations que j’ai subies de ce côté-ci du fleuve, je pense que je n’ai pas eu tort de venir.
Notre parti en a fait voir de toutes les couleurs au gouvernement contre nous. En outre, je constate que malgré cela, chaque fois que j’ai demandé du travail au gouvernement du Sénégal, il m’a permis de mettre la main à la pâte. En 1963, j’ai été affecté au Ministère du Commerce, puis nommé par le Conseil des Ministres, Directeur de l’Institut de Technologie Alimentaire. Et chaque fois, ce n’était pas pour la forme.
Si vous le permettez, maintenant, Monsieur le Président, je vais revenir sur la situation intérieure actuelle de la Mauritanie. Ce que j’ai dit dans ma dernière lettre n’était pas dicté par les circonstances. Je le pense effectivement.
Je maintiens que je ne peux comprendre que les Noirs de Mauritanie puissent accepter d’apprendre le Français à l’école et rejeter l’arabe qui est considéré comme langue Sainte par l’écrasante majorité de leurs parents. En ce qui me concerne, malgré les incommodités de la vie en cellule et les pertes de temps (il n’y a pas de lumière pour travailler la nuit), j’espère terminer bientôt le tome I de la « Méthode d’Arabe littéral » de Lecomte et Ghédira. Au fur et à mesure que j’avance, je dresse la liste des mots Poular empruntés à l’arabe. Je constate déjà que leur nombre sera effarant. D’autre part, selon une tradition très vivace chez nous, « Fouta Toro » vient des mots arabes signifiant « émigrés du Thor ». Or, le mot Thor, vous le savez, se trouve dans la péninsule arabique, plus exactement dans le Sinaï. Dans le temps, j’étais très sceptique. Mais les quelques notions d’archéologie que je commence à acquérir, m’amènent à me convaincre de plus en plus que c’est vrai. Mieux, j’en arrive même à être d’accord avec ceux qui estiment que les Arabes comme les Juifs sont le produit d’un lointain métissage de noirs et d’aryens. Il fut un temps où les Dieux eux-mêmes étaient noirs et tout le monde était fier d’avoir du sang noir dans les veines. Actuellement, les choses ont quelque peu changé. Mais la situation actuelle elle-même changera. Car ainsi va le monde.
Sur le plan linguistique, je pense qu’entre l’arabe et les langues dites africaines, il y a eu double inter-action. Au début, l’arabe a été influencé par ces langues. On retrouve encore dans son vocabulaire des vestiges de l’Egyptien ancien parlé par des noirs. Par contre, avec la naissance et le développement de l’Islam, l’Arabe a profondément marqué certaines langues africaines comme le Poular.
Il n’y a donc objectivement aucune raison pour que les mauritaniens noirs refusent d’apprendre l’Arabe en tant que langue. Je redis que c’est un faux problème qu’il faut éviter à tout prix d’ancrer dans la vie du pays. La cause véritable de l’agitation de nos parents est ailleurs. Et le décret rendant l’enseignement de l’Arabe obligatoire n’a été que le prétexte qui a permis à un mécontentement longtemps comprimé d’éclater, tout comme le congrès de Nouakchott en son temps.
Certains penseurs conseillent de regarder la vérité en face, même si l’on doit en mourir. Pour la Mauritanie, regarder les choses en face, loin de faire mourir, aura, je pense, un effet très salutaire.
Les noirs du sud se veulent mauritaniens. Mais il ne leur a été permis jusqu’ici de se sentir vraiment chez eux en Mauritanie. Seuls parmi eux des arrivistes capables de fermer les yeux de se boucher les oreilles et de tout encaisser, peuvent se sentir à l’aise. Par moment, il m’arrive de comparer la situation des noirs mauritaniens à celle des Arabes en Algérie entre 1945 et 1954. Sous certains aspects, la situation de nos parents est encore plus déplorable. Au fond, presque tous nos parents vivent avec une intensité plus ou moins grande, la même aventure que j’ai moi-même vécue. Les seules différences étant que je me considère avant tout comme un citoyen africain et que je peux me faire une place au soleil dans d’autres Etats Africains, alors que la plupart d’entre eux ne le peuvent pas.
Qui parmi eux ne s’est pas vu dire qu’il est un étranger et qu’il n’a pris des papiers mauritaniens, que pour trouver du travail ?
Les idées esclavagistes sont encore très vivaces dans le pays. Et pour beaucoup de Mauritaniens même instruits, un noir parce que noir est un esclave, un être inférieur.
Cet état d’esprit ambiant se retrouve jusque dans la vie politique. On en vient par exemple à considérer comme tout à fait normal qu’un noir ne puisse pas occuper certains postes ministériels ou diriger certains services nationaux. Un autre exemple ? Prenons le problème du pourcentage des noirs et des maures dans le pays. Du temps des Français, il était admis qu’il y avait deux tiers de maures pour un tiers de noirs. Peu de temps après la Loi-Cadre, c’est-à-dire la mise en place d’une Assemblée et d’un Gouvernement à majorité de maures, on est passé à trois quarts, un quart. A l’heure actuelle, ce pourcentage sur lequel on se base plus ou moins pour répartir entre les deux ethnies les députés, les ministres, les stages et les emplois, est de quatre cinquième pour les Maures et un cinquième pour les Noirs.
On dira, certes, que les estimations françaises ne reposaient sur rien de sérieux. Mais elles avaient au moins le mérite de l’impartialité , tandis que les chiffres actuels qui sont au moins aussi contestables, semblent être le produit d’une volonté bien arrêtée de limiter les prérogatives d’une ethnie au profit de l’autre. C’est d’autant plus inquiétant que certains maures trouvent le dernier pourcentage encore trop favorable aux noirs. Si l’on n’y met pas un frein, de pareilles idées risquent de devenir dangereuses et de mener très loin.
Cependant, il ne suffit pas d’apposer une signature au bas d’un texte réglementaire et de décréter qu’il ne peut plus être question d’ethnie en Mauritanie pour que le problème soit réglé. On dit que les Etats socialistes sont totalitaires et dictatoriaux. Je leur reconnais au moins le mérite suivant : avant de s’attaquer à un problème d’une certaine importance, ils préparent systématiquement le terrain en suscitant des discussions et des explications dans le Parti, les mouvements de masse, les journaux, la radio, la télévision etc… pour faire comprendre et accepter la nouveauté. A mon avis, le gouvernement le plus autoritaire qui ait jamais existé, a été le gouvernement national socialiste. Pendant des années, la volonté de Hitler a été la seule Loi en Allemagne. Il a conduit tout son pays dans des aventures extravagantes. Mais lui-même et Goebble, son ministre de l’information, veillaient soigneusement à présenter aux Allemands, les moindres actions du gouvernement sous un jour acceptable. Il y a là quelque chose à méditer.
Je pense que le problème intérieur mauritanien n’est pas encore devenu insolite : c’est en laissant pourrir la situation qu’on l’amènera à ce stade. Car, au-delà d’un certain seuil tout mouvement humain devient irréversible et toute maladie, incurable.
Ce qu’il faut en Mauritanie, c’est d’abord, une patiente éducation des deux ethnies qui les amènera à comprendre qu’elles sont beaucoup plus proches l’une de l’autre qu’on ne le croit généralement des deux côtés. Car, qu’ils le veuillent ou non, les Mauritaniens Maures et Noirs sont des demi-frères sur le plan social et cohabitent sur le même sol.
En même temps que cette éducation, il faut des réformes appropriées permettant à la minorité noire elle aussi de se sentir chez elle en Mauritanie. Car en fait, elle ne demande que cela.
Entrée en Mauritanie dans la Fédération du Mali, garanties constitutionnellement, gouvernement fédéral, scissions parmi les étudiants, refus de l’arabisation de l’enseignement etc… qu’est-ce que tout cela, si ce n’est des manifestations partielles et parfois maladroites de ce besoin ? Si les noirs appréhendent un rapprochement Mauritanie-Maghreb, c’est essentiellement parce qu’ils se disent que leur situation déjà mauvaise risque de devenir catastrophique. L’hostilité de l’Arabe traduit donc une certaine forme de résistance à l’oppression et rien d’autre.
Pour ce qui est des réformes elles-mêmes, je pense que l’importance numérique des deux ethnies et les possibilités financières du pays ne justifient pas la création d’un gouvernement fédéral. Ce qu’il faut avant tout c’est assuré l’égalité devant l’emploi dans les secteurs public et privé.
En second lieu, je pense qu’il faut revenir au pourcentage deux tiers, un tiers pour l’Assemblée Nationale et le Gouvernement.
Vous aviez suggéré qu’il ait un Président de la République et un Vice Président ne pouvant pas être tous les deux de la même ethnie. L’idée est à reprendre. Si elle n’a pas été retenue par l’Assemblée en 1961, c’était parce que vous n’aviez ni assisté aux débats ni beaucoup insisté pour l’adoption. Il y a de fortes chances pour que le plus souvent le Président soit un Maure. Il n’y a aucun mal en cela, à condition bien entendu que le Vice Président ne soit pas un simple béni-oui-oui, mais une personnalité incontestée, démocratiquement choisie et ayant des attributions réelles.
On peut ajouter que le Président de l’Assemblée Nationale sera choisi alternativement dans l’une et l’autre ethnie.
Je profite de l’occasion pour suggérer une dernière réforme qui, elle n’a rien à voir avec le problème ethnique. Elle concerne la démission en blanc. C’est une mesure vraiment rétrograde qui dépare la politique mauritanienne. C’est par la formation politique qu’un militant doit être amené à adhérer totalement à la ligne et aux décisions du Parti. Lorsqu’un divorce se produit l’intéressé doit avoir, de lui-même, l’honnêteté de démissionner de toute les fonctions qu’il occupe grâce au Parti. S’il ne le fait pas, il suffit d’un peu de patience pour l’attendre au tournant inévitable des réélections.
Je suis sûr, Monsieur le Président, que les quelques réformes suggérées plus haut (égalité devant l’emploi ; deux tiers, un tiers ; Vice Présidence de la République ; Présidence alternée de l’Assemblée), si elles sont réalisées pendant qu’il en est encore temps, apaiseront les noirs et leur donneront enfin la certitude qu’on veut effectivement bâtir avec eux la Patrie Mauritanienne.
Certes, parmi les Maures, il y a des ultras qui ne voudront rien comprendre. Mais avec beaucoup de bonne volonté, la raison finira par triompher.
Ce qui m’a le plus frappé dans la politique intérieure mauritanienne, a été la réalisation de l’unité politique et la création du Parti du Peuple. Pour qui connaît l’énormité des appétits en présence et la sournoiserie des calculs dans la jungle politique de l’époque, c’était un véritable tour de force.
Puisque vous l’avez réussi, je ne vois vraiment pas pourquoi vous ne réussiriez pas à réconcilier ces demi-frères que sont les Mauritaniens maures et noirs.
Personnellement, je vous souhaite déjà : bonne chance
PS : Je vous serais très reconnaissant d’autoriser la publication de cette lettre dans la presse mauritanienne, « in-extenso » pour éviter tout malentendu. Vous me permettrez, d’autre part d’en diffuser quelques copies. Car les deux problèmes qui sont soulevés me touchent au plus haut point. D’avance, Merci.
Amadou GAYE, Administrateur en Cellule au Camp Pénal de Dakar
Dakar, le 29 Avril 1966
Note d’information:Le président d’IRA-Mauritanie, Biram Dah ABEID
Le président d’IRA-Mauritanie, Biram Dah ABEID, lauréat du prix de FrontLine Defenders pour l’année 2013, a séjourné à Genève du 15 au 26 mai 2013; le séjour du président d’IRA dans la capitale de la confédération helvétique, rentre dans la cadre des contacts et activités, prévus par les organisations et organismes internationaux, ainsi que les missions diplomatiques du monde, pour le compte du détenteur du prix du plus grand risque et pour l’exceptionnel courage face à la répression, désigné par l’ong internationale basée à Dublin en Irlande.
Au cours de ce séjour à Genève, Biram Dah ABEID a été reçu dans les missions diplomatiques du Canada, de l’Espagne, des Pays-Bas, des Etats-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni, accréditées au Conseil des Nations-unies pour les droits de l’Homme.
Le président d’IRA-Mauritanie s’est ensuite entretenu avec le député suisse Luc Barthassat, un sympathisant et soutien à la lutte contre l’esclavage par ascendance en Afrique. L’élu, membre de la commission des affaires étrangères du parlement helvétique, prépare une interpellation parlementaire à propos de l’esclavage en Mauritanie.
Biram Dah ABEID, accompagné de Khalih Maouloud, représentant d’IRA à Genève, a eu de longs échanges avec des assistants de plusieurs rapporteurs des Nations-Unis, notamment les rapporteurs sur la liberté de réunion et d’association, sur les défenseurs des droits de l’Homme, sur le racisme et la xénophobie, sur la pauvreté et sur les formes contemporaines d’esclavage.
Le lauréat de FrontLine a aussi rencontré des responsables au BIT (Bureau International du Travail) et une coopération entre le BIT et une nouvelle centrale syndicale qu’IRA est entrain de mettre sur pied a été largement discutée.
D’autre part, Biram Dah ABEID a pu s’entretenir avec Roy Brown et Hannah Bock, responsables de l’ong internationale accréditée aux Nations-Unies: the International Humanist and Ethical Union (Iheu); ensuite le président d’IRA a eu des entretiens avec d’éminents activistes des droits humains, grands soutiens à IRA-Mauritanie comme les Suisses, frères Cornut, Xavier et David ou la Bulgare Maya Stoyanova.
Tous ces échanges et entretiens ont convergé vers les meilleurs moyens à même d’amener l’Etat Mauritaniens à:
– reconnaître le forfait inhumain et abject d’esclavage qui se pratique encore sur vingt pour cent de ses citoyens,
– abolir le code d’esclavage que la Mauritanie continue à imposer à ces citoyens tout en le couvrant d’une prétendue sacralité contraire à l’esprit même de la sainte religion musulmane,
– à appliquer les lois que l’Etat lui même a édictées et les conventions qu’il a ratifiées, comme les lois et conventions réprimant l’esclavage, les travaux forcés, la traite des personnes, l’exploitation des mineurs, l’exploitation sexuelle des femmes, notamment les esclaves.
Genève, le 27 mai 2013
Abidine Merzoug, Président d’IRA-Europe
Khalih Maouloud, représentant d’IRA à Genève
Flamnet-Agora: BABA SY ET COMPAGNIE : “Un homme ça se retient “disait le père de Albert CAMUS !
J´ai lu , à travers la toile, les postings indécents, continus de Baba Sy qui, depuis un certain temps, empoisonnaient le réseau … J’avais cru qu’il se lasserait, et que l’esprit de responsabilité reprendrait le dessus. Peine perdue ! il s’est emballé … et semble y prendre un malin plaisir … Il devient donc nécessaire de montrer à ce Mr que les Flamistes n’étaient pas incapables de riposte; On y est contraint , ce Mr l’a cherché …
Baba Sy s’érige en juge et censeur des leaders historiques des Flam, et s’arroge le droit de s’immiscer dans les affaires intérieures de l´organisation, en prétendu défenseur –tard venu –de la cause, inconnu des rangs , de tous les rangs, à l’exception de son passage furtif au PLej qu’il dota d’un site éphemère qui lui servit, en fait, de” pub” pour vendre ses cassettes de musique ! La seule contribution connue et durable à cette cause de ce Monsieur à été de discréditer et dénigrer, sans arrêt, tous ces leaders qui ,justement, incarnaient cette cause là !
Lui qui s’est terré pendant et après les années de plomb, pour ne surgir qu’avec l’ère- Internet, s’en prenait aux geants qui ont osé tout risquer pour cette cause ! Absent des organisations, absent aux manifestations, sorti de nulle part, le voilà qui nous assène maintenant de bla-bla; rien que du bla-bla, par ce militant de la 25ème heure ! Personne n’y échappe ; de Messaoud Ould Boulkheïr à Boubacar Ould Messaoud, de Ibrahima Sarr à Mamadou alassane , de Abdoul Birane Wane à Kane Hamidou Baba, de Kaaw Touré à Samba Thiam, personne n’est épargné !
C’est ce prototype même de jeunes qui ont fui la lutte, attendant tranquillement que le “job” soit fini par d’autres, pour apparaitre, et que “Jam min tekki”- groupe de rap-, stigmatisait ainsi : “Alaa to ngoon -don, allaa to keed- don ….”!
Son acharnement contre ces hommes de stature, dénigrés sans arrêt , qu’ il n’ atteignait pas à la cheville, rappelait quelque part l’image du regard frustré et envieux du nain sur le géant ! n’était-ce pas cela la source de tout le mal chez ce jeune homme? Ce refoulement de haine destructrice , jusqu’alors contenue et comprimée qui explose soudain , n’est –ce pas cela qui ’explique ceci ?
Cette haine viscérale et gratuite des propos n’était –elle pas à chercher du coté du mal-être profond de la personnalité , qui renvoie, en fait, à un problème d’identité ! Baba Sy montre des signes troublants que trahit ’un problème d’affirmation.! ‘’Wonaa tiapaato, wonaa pullo’’…, Et l’on sait que cet aspect produit , lorsqu’il est mal assumé , mal vécu , des affects …, il conduit à une ambiguité, voire à une ambivalence de la personnalité profonde, qui se cherche , selon les psyhologues ! Le déséquilibre du “moi” n’est plus très loin … Mr Sy a mal dans sa peau , doublement, ça se voit : un metissage mal assumé , une mission historique trahie , (en tant que jeune) , au sens qu’en donnait FANON …
Qu’y pouvons-nous, sinon lui témoigner notre compassion, et rappeler ce refrain , assez juste , de BABA Maal? : “to ngelooba durata do mbeewa hebata, …weli mbeewa metti mbeewa… “! Difference de stature entre lui et les autres, mal acceptée et mal vécue …
En lieu et place de l’argumentation solide et construite Baba SY nous sert , en guise de débat, des tombereaux de calomnies et l’insulte . Plutôt qu’une pensée forte, nourrie par un raisonement cohérent , nous avons droit à des affirmations erronées, un cheminement décousu ! Des accusations fondées sur des informations partielles et parcellaires, obtenues à partir de sources douteuses .
Pour justifier ses attaques contre les Flam et leurs leaders il pose que “que les Flam n’appartiennent pas qu’aux flamistes”, d’où , par voie de conséquences, quiconque peut s’offir le droit de les critiquer ; Soit , mais encore faut-il distinguer entre critique et immixtion; la critique n’est ni une immixtion dans les “affaires intérieures” du vis-à-vis , ni une attaque ouverte, haineuse qui cache mal une volonté de salir , de démolir à tout prix ! Tout le flot de ses écrits en reste fortement imprégné !
Pour orienter les Flam , il faut être flamiste, Mr SY !
Les Flamistes déterminent, seuls, et en toute souveraineté , leur stratégie, leur feuille de route, leur méthode d’action !
Au lieu de monter à bord et manier la rame ,non ! il restait sur la berge à crier aux passagers du fleuve ce qu’il y’avait à faire !
De quoi se mêle-t-il donc celui-là ?
Roosevelt expliquait assez bien ce qui poussait ce type d’individus vers ces critiques, injustes : “ it gives the kicker a feeling of importance…..( entendez : to try to destroy the one who is greater than him) . C’était leur manière, nous dit-elle, de se sentir importants, en tentant de détruire ceux qui les dominent..!
Avec Baba sy , il n’y avait pas de voie, pour les Flam … il n’y avait que “sa voie” qu’elles devraient emprunter, mais encore existait- elle sa voie ?
Quand les Flam choisissent de rester en exil, ses critiques fusent… prétendant que les Flam étaient déconnectées de la réalité du terrain, en déphasage total ; et quand , au contraire , ces mêmes Flam se decidaient à rentrer, c’est encore des critiques pour dire … qu’elles ne devraient pas !
Les Flam ne pouvaient donc ni rester à l’extérieur, ni rentrer en Mauritanie ….à entendre cet individu, ( et ceux qui lui ressemblent,) qui, du reste, ne s’était jamais illustré ou montré nulle part! ni dans les rangs, ni dans les actions communes de lutte, mises en oeuvre !
Que penser de ces gens , que penser de Baba Sy et de sa clique tapie dans l’ombre?
E Roosevelt , heureusement, conseillait en pareil cas cette sagesse :”Do what you feel in your hearth to be right, for you will be damned if you do, damned if you don’t”. Elle ajoutait, éclairant les motivations cachées, à la base de ce type de critiques injustes : “Always remember that injust criticism is often a disguised compliment ; no one ever kick a dead dog ; you have aroused jalousy and envy …” .;.. comme pour apporter un peu de baume sur la plaie…
En terminant , j’exhorte Mr Sy à reconnaitre sagement , encore une fois , ce que dit Baba Maal , : “to ngelooba durata do mbeewa hebataa, …weli mbeewa metti mbeewa… “!
Coup pour coup, dent pour dent, cela s’appelle la loi du Talion.
La lutte continue!
Abdoulaye Kodda Ba- Nouakchott-Mauritanie
L´Édito du Calame : Seigneur de la coke, préservez-nous en !
Intervenant mercredi dernier, le 23 mai, dans un colloque organisé par l’opposition sous le thème « La Mauritanie est elle devenue un narco-Etat? », Dah Ould Abdel Jelil, ancien ministre de l’Intérieur sous Ould Taya, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Pour lui, un faisceau de preuves tangibles tendent à démontrer que notre pays est devenu, au fil des ans, une plaque tournante du trafic de drogue dans la sous-région. Rien qu’à voir les quantités saisies depuis 2007 – contre combien de tonnes passées entre les mailles du filet ? – la drogue sud-américaine en chemin pour l’Europe apprécie bel et bien notre route des sables. Il y a six ans, la première alerte était donnée avec le fameux avion de Nouadhibou, qui débarqua précipitamment sa cargaison interdite sur le tarmac de l’aéroport, avant de remettre les gaz et atterrir en plein désert. Victime d’une dénonciation. Jusque là, on ne parlait que d’un groupe de jeunes, subitement argentés, qu’on soupçonnait être tombés sur un filon… blanc.
La méthode, utilisée désormais par les trafiquants, qui n’hésitaient plus à traverser l’Atlantique à bord d’un petit avion alimenté en plein vol, et les quantités saisies ont fini par convaincre les autorités que le danger était bien réel. Ce qui n’empêchera pas tous les protagonistes de l’affaire de prendre la poudre d’escampette, à commencer par leur correspondant local. D’autres scandales défrayeront la chronique. Comme celle du français Walter Amegan, extradé du Sénégal, et ses complices. Ou celui de Lemzerreb, à l’extrême nord du pays, qui permit l’arrestation d’une trentaine de trafiquants et la saisie d’un camion rempli à ras-bord de chanvre indien. Amegan et ses amis seront libérés par un juge et l’on n’a plus jamais entendu parler des hommes arrêtés à Lemzerreb. Complicités ? Relations en assez hautes postures pour bénéficier de non-lieux, remises de peine ou grâce présidentielle ? Et en échange de quoi ? Questions sans réponses qui laissent le doute s’insinuer partout.
En fallait-il plus pour que Noel Mamère, le député Vert européen, saute sur l’occasion et accuse le président Aziz d’être un « parrain de la drogue dans la sous-région » ? Le parlementaire français reviendra sur sa déclaration, quelques jours plus tard, en tentant de minimiser sa portée mais le mal était déjà fait. Il a été assigné en justice. Une première audience, dite de procédure, a déjà eu lieu le mercredi 24 mai et le procès est fixé au 13 mai 2014.
A l’esclavage qui nous colle à la peau, il nous faut donc, désormais, associer le trafic de drogue. Quand le nom du premier d’entre nous y est mêlé, on ne peut plus y échapper. Surtout que, si l’on en croit certains médias, il aurait reçu, discrètement, des personnes nommément impliquées dans ce trafic au Mali et en Guinée-Bissau, comme le chef d’état-major des armées de ce dernier pays, véritable narco-Etat, inculpé, par l’administration américaine, pour son rôle dans ce commerce illicite. Et notre Président aurait, également, gracié des personnes plus que mouillées dans des affaires dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont louches.
Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Prions pour que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve et que tous ces faits ne soient que de simples coïncidences. Qu’aucune grâce n’ait jamais été accordée. Que le président n’ait reçu que des responsables au-dessus de tout soupçon. Que toutes les personnes impliquées dans ce trafic soient encore en train de purger leurs peines. Et que les fameuses malles de Coumba Bâ ne contiennent rien d’autre que sa garde-robe. On ne sortira de l’auberge que lorsque toutes ces prières seront exaucées. Alors prions !
Ahmed Ould Cheikh-Le Calame
Flamnet-Agora : La déconstruction dans le combat des noirs mauritaniens
Depuis des décennies, les pratiques discriminatoires à l’encontre des noirs mauritaniens n’ont cessé de croitre, atteignant leur paroxysme vers la fin des années quatre-vingt. On savait déjà que la censure réveillait et stimulait l’envie de s’exprimer, la répression poussait à la révolte, la discrimination et la domination validaient le combat pour l’égalité, l’oppression invitait à la libération, bref toute action était le prélude à une réaction.
La mainmise totale sur l’économie du pays, le verrouillage administratif qui est devenu une arme d’exclusion, les exactions sommaires et extrajudiciaires dont les séquelles sont encore visibles, autant d’instruments de violence exclusivement détenus par une composante raciale minoritaire qui ont fini par diviser la Mauritanie, et la fracture s’alourdit jour après jour.
L’idée d’action nécessaire et conséquente en réponse à cette question de domination fut sans doute le manifeste du négromauritanien opprimé qui est la production intemporelle des FLAM. Le travail remarquable accompli au prix des vies et de l’exil a permis de sortir cette cause de longtemps occultée par l’Etat mauritanien pour l’étaler sur les forums internationaux. C’est une première phase de construction sans laquelle, je ne crois pas que les jeunes mauritaniens d’aujourd’hui, bien que confrontés à une dure réalité, auraient saisi le problème sous le même angle.
Mais comme toute lutte de libération ou toute revendication légitime si vous préférez, il y a une divergence d’idées quant aux méthodes et stratégies à adopter pour arriver au même objectif. En même temps qu’on s’élance dans la construction, le processus inverse de déconstruction se met en route. C’est une rude épreuve, en plus de celle qu’on endure déjà, à laquelle il faut faire face pour surmonter les risques d’explosion et la résignation.
Cette déconstruction n’a pas porté fruit tout de suite parce qu’elle s’inscrit dans la continuité de l’action de l’oppresseur par effet d’inertie opposée au mouvement de libération. Cependant, elle est nécessaire pour régler la question de leadership qui apparemment, est le casse-tête et la boite de pandores qu’il ne faut pas ouvrir. Elle a fini par morceler le groupe et disperser tous les candidats à la direction du mouvement, chacun partant avec le peu qu’il peut pour former son propre mouvement. Ainsi, l’avènement de la démocratie de façade instituée par Taya a vu naitre des partis d’opposition dirigés par des noirs. Ces partis d’opposition ont du mal à se faire entendre parce qu’ils sont constitués des mêmes noirs à exclure à tout prix.
Certes il y a de la volonté chez tous ces militants tantôt orientés vers les droits de l’homme, tantôt préoccupés par la seule question d’enrôlement, mais la faille est bien là, en ce sens que l’IRA ne peut pas devenir un parti politique basé sur l’abolition de l’esclavage qui n’est point une politique de gestion d’un pays, et TPMN qui est une réponse à l’enrôlement raciste n’est pas partie sur un programme politique dès le départ, même si par la suite son leader a dressé une liste de revendications qui vont dans le sens du règlement global de la question nationale. Encore une fois de plus, la déconstruction ne nous a pas été favorable même si elle a permis de mettre en place des structures visibles et actives sur le terrain, celles-ci se sont vite confrontées aux divisions classiques et des parallélismes ont vu le jour.
Le temps passe et le problème d’enrôlement raciste persiste. Les manifestations pacifiques ont montré certaines limites, alors il faut innover et explorer d’autres méthodes. La déconstruction s’avère une arme efficace si on la manie avec précaution. Longtemps soumis à la direction du collectif des associations, on s’est rendu compte que quelque part, un blocage existait mais on n’osait pas le pointer du doigt. La situation devenant chaotique, l’OTMF sort de sa coquille et organise une série de sit-in devant l’ambassade. En même temps, les jeunes intellectuels, sous l’impulsion de l’incontournable combattante Mariame Kane, s’organisent autour d’une structure appelée Commission Diaspora.
Il faut noter la présence dans toutes les manifestations initiées par l’OTMF et la Diaspora, de l’infatigable Amadou Dieng qui n’est pas là en tant que Secrétaire des FLAM mais un simple citoyen qui revendique ses droits, l’initiative d’organiser des sit-in devant le parlement européen que Ba Bocar a prise sans faire référence à son appartenance politique, et tant d’autres actions montrent une évolution positive de la déconstruction vers ce qu’on attend d’elle, sans toutefois remettre en cause l’ensemble des structures existantes avec leur légitimité historique.
Ainsi, les FLAM ont entrepris le retour au pays, Ba Mamadou est resté sur sa ligne de conduite traditionnelle, Ibrahima Sarr a quitté la majorité présidentielle et s’est montré tranchant dans ses discours, Kane Hamidou s’est aligné sur la même position que ses camarades des autres mouvements et partis d’opposition noirs, sans parler des articles d’intellectuels dont Sy Hamdou et Lo Gourmo, de jeunes s’exprimant en leurs propres noms, tout ce monde marche dans la même direction dans un ordre indescriptible où le désordre semble être une loi improvisée. Ce qui est en train de se reconstruire, résultat d’une déconstruction pacifique invisible si n’est par la multiplication des initiatives, est me semble-t-il, une lueur d’espoir qu’il faudra entretenir avec toute l’énergie dont on dispose, pour qu’un jour, dans ce pays, noirs et maures puissent vivre ensemble dans l’égalité des droits et des devoirs.
Ousmane Dia dit Samba
Paris-France.