Pour cet officier de l’arme blindée (ex-cavalerie), intellectuel respecté dans les cercles militaires et politiques, qui avait notamment dirigé le Centre de doctrine et d’emploi des forces de l’armée de terre, la guerre actuelle au Mali est une conséquence directe de ce qui n’avait été qu’une bataille, en Libye, qui n’avait pas été menée jusqu’au bout :



Intelligence de l’adversaire
A propos de l’intervention militaire française au nord du Mali ces dernières semaines, le général Desportes relève que :
Le rapport de forces était trop dissymétrique pour que l’adversaire s’accroche : « Nous avons pu le surclasser en mobilité, grâce à notre maîtrise de la troisième dimension » [1].
Les manœuvres aéroterrestres, qui sont très compliquées, ont été très bien coordonnées.
Mais il faut aussi « compter sur l’intelligence de l’adversaire », qui a changé de stratégie, reculé et « évité de s’accrocher au vide », à Tombouctou, Gao et Kidal : « C’est une évolution normale du combat. L’ennemi “va dans l’asymétrie” [ce qui consiste ici à] contourner la force de l’autre On ne pouvait qu’en arriver là. L’ennemi applique son plan B. »
Aujourd’hui, ajoute Vincent Desportes, les forces françaises (ainsi que maliennes et tchadiennes) sont « en état de vulnérabilité » face aux actions de harcèlement des islamistes. Les attentats-suicides et attaques peuvent être conduits « avec un niveau de forces très réduit ». Il est extrêmement simple de fabriquer des mines pour perpétrer des attentats.




Dérive des objectifs



Culture de coup d’Etat
Il faut donc, au Mali, selon Vincent Desportes, favoriser la construction d’un« état de paix meilleur qu’avant » :



Boule de billard
En attendant, affirme Vincent Desportes, « il faudra aller chercher les djihadistes dans les massifs, à la fourchette ». Car, si un coup sévère a été porté aux groupes qui ont investi le nord du Mali, il convient – dans cette deuxième ou ou troisième phase – d’aller jusqu’au bout : l’éradication. Sinon, c’est la « boule de billard régionale » : et il faudra recommencer ailleurs…
Pour ce général, le Mali aura toujours besoin d’un appui en logistique, renseignement et d’“appui-feu” de la part des militaires français (qui eux-mêmes ont besoin des Américains…) : « Nous sommes intervenus au Tchad en 1969, nous y sommes toujours… », rappelle-t-il. Il entrevoit un schéma« à l’ivoirienne », avec une force africaine devenue mission de l’ONU, et – en soutien – une « force de réaction rapide », notamment française. Au passage, l’ancien responsable du Collège inter-armées de défense estime que, s’il y avait eu 300 soldats français stationnés à Bamako ces dernières années, le nord de ce pays n’aurait jamais été attaqué …
Philippe Leymarie
Le monde diplomatique