Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 16/02/2013

Spécial 30ème anniversaire des FLAM

altMars 1983 – Mars 2013

Dans le cadre des festivités marquant le trentième anniversaire de notre mouvement, les FLAM, (Forces de Libération Africaines de Mauritanie), la section Europe de l’Ouest a le plaisir de vous inviter à la journée-hommage qu’elle organise le samedi 23 mars 2013 .

Au programme de cette journée: une série de conférences et débats sur les thèmes de la question nationale et de l’esclavage en Mauritanie, des témoignages sur la longue marche des FLAM depuis sa création jusqu’à nos jours. Un vibrant hommage sera également rendu au cours de cette manifestation aux Martyrs à notre lutte de libération nationale.

Cette journée sera clôturée par une soirée culturelle et artistique animée par de nombreux artistes et musiciens mauritaniens.

Un programme complet de cette journée ainsi l’adresse et le lieu où elle se déroulera vous seront communiqués dans les prochains jours.

 

La lutte continue.
Le Secrétariat à la communication.
Flam-Europe de l’Ouest.

Deux ans après Kadhafi, rien n’a changé à Benghazi

Deux ans après le début de la révolution, Benghazi est toujours plongée dans la violence.


Les funérailles de l'opposant libyen Mansour Rashid al-Kikhia à Benghazi le 3 Decembre2012. REUTERS/Esam Al-Fetori

Les funérailles de l’opposant libyen Mansour Rashid al-Kikhia à Benghazi le 3 Decembre2012. REUTERS/Esam Al-Fetori

 

 

Un rapport indépendant des plus accablants avait qualifié, il y a quelques semaines, le dispositif de sécurité du département d’Etat américain d’«absolument inadéquat». Pendant ce temps, les tensions s’intensifient à Benghazi, deuxième ville de Libye.

Retour, par exemple, sur l’attaque du 16 décembre. Ce dimanche-là, des hommes armés attaquent un poste de police au lance-grenades. L’explosion a fait un mort parmi les policiers; l’incendie en a emporté trois autres, qui avaient accouru pour aider les victimes.

Les images de l’habitacle ensanglanté d’un véhicule de patrouille se sont répandues comme une traînée de poudre sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux libyens. Et une fois de plus les habitants de Benghazi se sont demandés ce qui arrivait à leur ville, elle qu’ils qualifient fièrement de berceau de la révolution libyenne.

Nous sommes aujourd’hui plus de trois mois après l’assaut de la mission américaine, qui a entraîné la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens et de trois autres Américains.

L’enquête libyenne sur cette attaque est pratiquement interrompue. La nervosité et la tension règnent toujours à Benghazi. Les coups de feu et les explosions résonnent presque toutes les nuits, jusque dans les beaux quartiers.

Bien des habitants choisissent leurs itinéraires nocturnes avec prudence. On se plaint amèrement des drones américains patrouillant au dessus de la ville, qui font parfois l’objet de plaisanteries teintées d’humour noir:

«C’est mon beau-frère qui me tient à l’œil de là-haut», rit ainsi un homme en pointant le ciel du doigt.

L’ombre d’Ansar al-Charia

Mais la légèreté n’a pas lieu d’être lorsqu’il s’agit d’affronter le nœud complexe des problèmes de sécurité dont souffre Benghazi —nœud fait de milices hors-la-loi, d’assassinats fréquents et d’un environnement politique tendu (la disponibilité immédiate des armes ne faisant qu’ajouter de l’huile sur le feu).

«Depuis l’attaque du consulat, j’estime que la situation sécuritaire —qui était déjà mauvaise— s’est dégradée», affirme Wanis al-Sharif, premier représentant du ministère de l’Intérieur dans l’est de la Libye. Reste à savoir pourquoi —et la réponse varie en fonction des interlocuteurs.

Pour certains, Ansar al-Charia, groupe islamiste radical qui nie avoir participé à l’attaque du consulat américain, est une cible privilégiée.

«Les partisans d’Ansar veulent tuer tous ceux qui s’opposent à leur idéologie, ou tous ceux qui ont collaboré avec Kadhafi», déclare ainsi un habitant de Benghazi lors d’une discussion portant sur les possibles auteurs du récent attentat contre le commissariat.

Son ami n’est pas du même avis:

«Non, non, c’était un coup des azlaam (fidèles de Kadhafi). Ils veulent ruiner la réputation des islamistes et semer le chaos en prime.»

Cette théorie est retenue par nombre d’anciens rebelles (ce qui n’est sans doute guère surprenant); ils se surnomment encore les thuwar, ou “révolutionnaires”.

Deux ans après la mort de Mouammar Kadhafi, Benghazi se retrouve tiraillée entre de nombreuses influences.

Les tensions opposant les puissantes milices (qui se targuent d’avoir participé à la révolution) aux groupes restés fidèles à l’ancien régime (qui sont surnommés taheleb, ou «algues», terme péjoratif faisant référence au vert du drapeau de l’ère Kadhafi) menacent de déchirer la ville.

Il en va de même avec les clivages existant entre les islamistes et les non islamistes, ainsi qu’entre les partisans et les opposants au nouveau mouvement fédéraliste de la région.
«Des opérations de représailles»

Ces dynamiques se recoupent souvent, mais les tensions les plus dangereuses résultent de l’animosité qui prévaut entre les responsables de la sécurité qui ont servi sous l’ancien régime et ceux issus des rangs des thuwar, qui ont fait l’expérience directe de sa brutalité.

La constellation de milices à tendance islamiste de l’Est libyen (plusieurs d’entre elles sont —théoriquement— sous le contrôle du gouvernement) regroupe un large spectre idéologique, que ce soit chez les commandants ou les simples combattants.

On dénombre par exemple des membres des Frères musulmans, des salafistes et une poignée de radicaux rattachés à l’idéologie takfiri: cette dernière autorise l’assassinat de musulmans dont la foi est jugée insuffisante.

Une large part des miliciens de Benghazi partagent toutefois une chose: l’expérience de l’incarcération dans les prisons de Kadhafi, notamment à Abou Salim, la —tristement— célèbre prison de Tripoli. Les dissidents politiques (islamistes, pour la plupart) y étaient enfermés avant la révolution.

«Je pense que ces assassinats sont l’œuvre des islamistes, parce que la plupart des victimes travaillaient dans la sécurité nationale du temps où les islamistes étaient emprisonnés et torturés, explique Wanis al-Sharif, le responsable du ministère de l’Intérieur. Aujourd’hui, les islamistes sont sortis de prison, et je pense que ces attaques sont des opérations de représailles.»

Mais certains y voient plus qu’une vulgaire volonté de vengeance. Pour eux, la violence n’est que l’un des aspects d’une lutte visant à façonner l’esprit de la Libye à l’heure où l’Etat post-Kadhafi commence timidement à prendre forme.

Et au cœur de cette lutte, l’idéologie n’est pas en reste: lorsqu’on discute avec les personnes qui peuplent le milieu islamiste, la conversation finit toujours par s’orienter vers la rédaction de la Constitution libyenne, un processus qui devrait commencer l’année prochaine.

«Bien des thuwar ne font toujours pas confiance au gouvernement. Ils attendent la Constitution. C’est très important pour eux», explique le juge Jamal Benour, chargé de la coordination judiciaire à Benghazi.

«Sauvons Benghazi»

La plupart des Libyens sont d’accord sur un point: la charia doit être l’une des sources principales de la loi. Mais les extrémistes (qui, dans bien des cas, disposent d’armes à feu) vont plus loin: ils veulent en faire sa source exclusive.

Exemple: dans un enregistrement vidéo mis en ligne sur le site YouTube, on peut voir un prédicateur dénoncer les tendances séculaires du gouvernement et enjoindre les anciens combattants de la révolution à garder leurs armes à portée de main tant que la charia ne régnera pas en maître.

Mais ce sont précisément ces armes —et les hommes qui refusent de s’en défaire— qui ont conduit Benghazi au bord du gouffre. A la suite de l’attaque du consulat américain, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour manifester —non seulement contre les évènements, mais contre la présence continue de milices rebelles; de nombreux habitants estiment qu’elles se sont trop habituées au pouvoir que leur confèrent les armes à feu.

La nuit de l’attaque, les locaux de trois brigades islamistes (17 février, Ansar al-Charia et Rafallah al-Sahati) ont été pris d’assaut, et la base de cette dernière a été le théâtre de violents affrontements.

Quant aux miliciens, ils sont encore marqués par cette vague de manifestations (surnommée Sauvons Benghazi).

«Toutes les factions œuvrant pour le mal – les fédéralistes, les azlaam et les membres corrompus de la police et de l’armée – ont uni leurs forces et se sont servies des manifestations populaires pour attaquer des brigades. Ces brigades ont participé à la révolution, et sont aujourd’hui directement contrôlées par le gouvernement», a déclaré Wissam Ben Hamid, trente-cinq ans, commandant au sein du «Bouclier de la Libye» (groupe de milices reconnu par le pouvoir).

«Les gens veulent une police, une armée»

Hamid, qui tenait un garage automobile avant la révolution, assure qu’il renouera un jour avec sa vie d’antan. Mais pour l’heure, il estime que les forces armées comme la sienne contribuent à combler les failles de la sécurité nationale.

A l’en croire, sa milice a veillé à la bonne tenue des élections à Benghazi, et ses hommes auraient escorté les responsables américains fuyant leurs locaux assiégés lors de l’attaque du 11 septembre. Ils auraient également assuré la sécurité d’une équipe américaine d’investigation enquêtant sur l’attaque au sein de Benghazi.

i[ «Les gens disent qu’ils veulent une police et une armée… C’est même notre [les anciens combattants de la révolution] cas. C’est ce que je veux. Mais nous ne pourrons renouer avec nos vies d’avant que lorsque [la police et l’armée] seront capable de garantir notre sécurité.»]i

Aucune arrestation dans l’affaire du consulat US

Le projet de Shuwai visant à améliorer la sécurité comprend à la fois un renforcement de la présence policière à Benghazi (parmi d’autres villes) et le transfert de l’ensemble des armements lourds des zones urbaines vers des bases militaires désignées.

Il a également pour projet de faire voter une loi interdisant la vente ou la possession d’armes à feu, mais permettant à toute personne volontaire de rendre les siennes, et autorisant l’intégration des miliciens au sein des ministères de la défense et de l’intérieur.

Mais alors que Shuwail et que le ministère de l’Intérieur se préparent à faire respecter la loi et l’ordre, personne ou presque ne parle plus de l’enquête sur l’attaque du consulat américain —une enquête qui fait pour l’heure chou blanc.

Le rapport indépendant rendu public par l’Accountability Review Board est peut-être le compte-rendu des évènements le plus détaillé à ce jour, mais les autorités libyennes n’ont toujours pas procédé à la moindre arrestation.

Certains pointent du doigt Ahmad Abukhattallah, chef d’une milice locale, qui a admis avoir été présent lors de l’attaque, mais qui nie y avoir participé. L’intéressé n’a toutefois subi ni garde à vue ni interrogatoire —il nous l’a directement confirmé il y a peu.

Wanis al-Sharif reconnaît que les enquêteurs se sont visiblement égarés. Il met cette erreur sur le compte de l’absence de forces de sécurité libyennes dignes de ce nom —sans parler d’un système judiciaire en état de fonctionnement.

«Que pouvons-nous attendre d’un pays privé d’un département d’enquêtes criminelles? interroge-t-il. La tâche est presque impossible. »

Mary Fitzgerald, Umar Khan (Foreign Policy)
Traduit par Jean-Clément Nau 
slateafrique

 

Moustapha Limam Chafi:“Aziz est prisonnier de son destin…, il a déjà échoué…”

Moustapha Limam Chafi est certainement le mauritanien le plus connu en Afrique où il est ami de plusieurs chefs d’état du continent. Il est également très connu de par le monde grâce à ses multiples succès pour la libération d’otages occidentaux au Sahel. En Mauritanie, cet homme n’est pas en odeur de sainteté auprès du pouvoir de Aziz. Comme il l’a été pendant le règne de Maaouiya. Biladi l’a rencontré, cette semaine, et lui a posé des questions sur ses relations avec le pouvoir, l’opposition, Ely Ould Mohamed Vall, Bouamatou et bien d’autres sujets brulants de l’actualité…

Moustapha Limam Chafi:“Aziz est prisonnier de son destin…, il a déjà échoué…”
 

Biladi : Moustapha Limam Chafi, depuis le coup d’état de Aziz, vous vous êtes inscrit dans une opposition farouche à l’homme, mais depuis bientôt une année, les mauritaniens sont surpris par votre silence qui fait l’objet de beaucoup d’interprétations. Certains vous disent en négociation avec le pouvoir, d autres vous parlent de votre déception et découragement, qu’en est-il exactement ?

Moustapha Limam Chafi (M.L.C): Oui, en effet au lendemain de ce coup d’état du 6 Aout 2008, comme beaucoup de mauritaniens, je me suis opposé à ce que j’ai estimé être une prise en otage de la nation par la force des armes.
Un certain nombre de facteurs m’ont amené à adopter cette position et à dénoncer avec vigueur une aventure aux conséquences incalculables, la plus dangereuse que mon pays ait vécue, depuis son indépendance.

Le retour en arrière, irrattrapable en matière d’exemplarité démocratique et le lien renoué avec la tentation prétorienne constituaient deux défis auxquels je n’aurais pu me soustraire. D’une certaine façon, je n’avais pas le choix ; l’impératif catégorique de l’engagement m’intimait de tenir tête en me dressant, avec mes modestes facultés, contre l’arbitraire. Je vous explique pourquoi.
Mohamed Ould Abdel Aziz est un officier laborieusement parvenu au grade de Colonel, à force d’intrigues et d’alliance matrimoniale. En 2008, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi lui accordait tous les moyens requis pour la défense des institutions. Il n’a pas tardé à les détourner en sens inverse, à les retourner devrais-je dire, contre la République et la loi.
Pire encore, l’homme qui s’est autoproclamé maître absolu de la Mauritanie est orphelin de la moindre compétence : il est inapte au discernement, inexpérimenté, dépourvu de formation militaire, dénué du niveau d’analyse stratégique, en somme indigent dans le domaine sensé être le sien, c’est-à-dire l’art militaire et la vocation au commandement.

Ma position a donc été celle de la majorité des mauritaniens, des hommes et des femmes qui ont refusés la soumission et ont décidé de se battre et de résister, en défendant l’honneur, la dignité, la liberté, la justice, au nom d’une meilleure idée de la patrie. Nous avons refusé la compromission, parce que nous ne pouvions nous résoudre à laisser démettre, en silence, un Président démocratiquement élu.

Aujourd’hui, la Mauritanie est à la croisée des chemins et même les partisans du général, ceux de la première heure, sont désemparés et leur désarroi nous réconforte dans la justesse des choix opérés par nous en 2008, contre le coup d’Etat.
Ould Abdel Aziz navigue depuis à vue, et jusqu’à quand ? Lorsque l’on croit à des valeurs, même élémentaires, minimales, si l’on est doué d’un semblant de dignité et d’un peu d’amour pour sa patrie, l’on ne se satisfait de se compromettre avec un tel pouvoir ! Le combattre devient une obligation éthique, autant qu’une forme de bon sens, voire d’élégance, dirais-je. Alors, dites à ceux qui me croient découragé que découragement n’est pas Moustapha Chafi.

Biladi: Vous ne vous êtes pas exprimé lorsque le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a été victime d’un accident de tir. Aujourd’hui avec le recul que pensez-vous de cet accident ? Croyez-vous à la version officielle d’un tir par méprise ? Et que pensez-vous des diverses interprétations ?

MLM : Je ne m’étais pas exprimé par respect pour un homme frappé par une situation de malheur.
Je regrette profondément ce qui lui est arrivé, me réjouis de son rétablissement et lui souhaite davantage de santé. J’exprime, pour lui, sa famille, ses amis, toute ma compassion et ma solidarité. Je ne souhaite jamais la mort à mon adversaire ni l’humiliation, encore moins l’invalidité physique ou mentale.

Ce que je pense de l’accident ? C’est qu’il est la preuve irréfutable de la légèreté avec laquelle le pays est géré. Nous nous sommes trouvés brutalement confrontés à une réalité intenable dont le sommet de l’Etat n’a pu s’émanciper ! Il s’agit d’une gestion irresponsable, maladroite et aventurière de la Nation. Une telle imprudence et tant d’inconscience résultent de la nature légère, inconsistante et imprévoyante de ce pouvoir. L’homme qui a été victime du tir, est quand même le premier responsable du pays ; et qui a le devoir d’assurer la sécurité de tous les citoyens sur toute l’étendue du territoire et même au-delà. Et le voici dans l’impossibilité de se préserver, de ses propres troupes !!!!Enfin, tout de même, c’est le seul chef d’état, dans l’histoire de ce pays, qui s’est doté des moyens les plus importants en vue de se garder du sort.

Malheureusement, la vérité nous interpelle tous, ce pouvoir se trouve dans l’incapacité d’assurer efficacement sa mission ; le fameux « tir par erreur » en apporte une preuve supplémentaire.
La thèse de la bavure – à la supposer établie- prouverait des dysfonctionnements graves dans l’appareil sécuritaire car rien ne peut justifier un tel contretemps. Quand un chef d‘Etat se déplace, même en privé, il y a toujours des dispositions de routine, très élémentaires permettant de sécuriser son itinéraire. Pour revenir à l’autre aspect de votre question, je ne dispose d’aucun élément me permettant de commenter les diverses versions ; je constate que certaines sont très désobligeantes à l’endroit de Aziz et semblent symptomatiques de la dépréciation du personnage, par les mauritaniens.Enfin voyons, un président est victime d’une attaque à l’arme automatique et la majorité écrasante des mauritaniens refusent les explications officielles ; la rupture de confiance est manifeste !

Biladi : Comment voyez-vous la situation politique actuelle du pays?

MLC : Je souhaite d’abord faire une observation. Lorsqu’un homme est frappé par une situation de malheur ou une catastrophe inattendue, qui le ramène à sa simple expression d’individu vulnérable, au destin fragile et aléatoire, il devrait y considérer, d’emblée, une épreuve divine.

Lorsque Dieu, par sa puissance et sa grâce, nous accorde la possibilité de nous remettre d’une telle épreuve, nous nous devons de relativiser notre pouvoir, notre puissance, notre richesse et de tirer les leçons qui s’imposent, par une remise en cause sincère, un examen de conscience global, précurseur d’autocritique et d’humilité.

Tous les citoyens mauritaniens s’attendaient à découvrir en Mohamed Ould Abdel Aziz un homme plus sage, pondéré, réaliste et conséquent. Quelle n’a été leur déception lorsque au cours de son interview du 29 novembre dernier, à la veille de son retour à Paris, il est apparu imbu de sa personne, méprisant vis-à-vis de ses adversaires, arrogant et déterminé à persévérer dans la voie qu’il s’est tracée, celle du refus de la contradiction et d’un caractère rétif à une appréciation exacte de la situation.
Aujourd’hui, malheureusement, le constat est que Mohamed Ould Abdel Aziz n’a tiré aucune leçon. Il se comporte en Pharaon et use du peu de pouvoir que Dieu lui a donné pour détruire ses concitoyens.

Quant à la situation politique, à ce jour elle est très inquiétante, le pays s’enfonce dans une impasse politique et vit une crise de devenir, sans précédent. Le dialogue entre les partis est totalement bloqué, avec des positions figées, des institutions de la république dont les mandats sont échus, une justice sous tutelle.

La situation économique, vous la connaissez mieux que moi. En dehors des taxes, en hausse constante, sur l’extraction minière et halieutique, l’Etat peine à s’assurer des entrées fiscales parce que le processus de création de richesse est en passe de ne plus exister. La libre entreprise, qui est le vecteur de la redistribution sociale par la disponibilité du travail et la production de plus-value, ne fonctionne plus, face aux groupes quasi monopolistiques dont le Chef de l’Etat couvre ses prises de bénéfices illégales. C’est une poignée d’entrepreneurs, enfantés ex-nihilo ou grandis en un temps record, auxquels la triche sur les procédures d’attribution des marchés et nombre de facilités fiscales accordent une nette avance sur leurs concurrents. L’émulation saine d’une économie de type libéral relève de l’illusion chez nous parce que notre Président est un marchand, traumatisé par la crainte panique de ne plus être riche, une notion bien différente de la phobie de la pauvreté. Pour la première fois de son histoire, la Mauritanie a un chef préoccupé de millions, de bénéfices, de livres de comptes et d’opportunités rentables.

Pour les mauritaniens, en particulier les fonctionnaires et les jeunes sans emploi, la période actuelle comporte le désagrément de devoir se battre, tous les jours, non pas pour s’élever ou s’améliorer dans la vie mais seulement survivre, gagner le pain quotidien. Or, vous le constatez, les prix du carburant et des denrées de base ne cessent d’augmenter ; cette frustration constante entraine un taux de suicide très élevé dans un pays peu familier de tels comportements de désespoir. Chez France Télécom, on se suicide à cause de la pression de la rentabilité et de l’excès de travail ; en Mauritanie l‘on écourte sa vie parce que le temps de Aziz est si désespérant, si vide de perspective, si semblable à Aziz lui-même, qu’autant de jeunes et de moins jeunes le désertent, de manière aussi radicale.

Si vous observez la montée exponentielle des inégalités, l’opacité dans l’attribution des contrats miniers, l’appauvrissement des classes moyennes, les menaces du conflit Malien, l’industrialisation du mensonge dans la communication officielle, vous devenez encore plus triste et perdez vos réserves d’optimisme. L’espoir fait vivre. Et quand il n’y en a plus, on se laisse dériver, c’est universel.

Biladi : Qu’est-ce que vous pensez des déclarations du député français Noël Mamère par rapport à l’implication du président Aziz dans le trafic de la drogue ? N’est-il pas allé trop loin dans ses propos ?

MLC : Il n’est le seul à le dire. J’ai été informé d’une affaire au Ghana dans laquelle aurait trempé Aziz pendant la période de la transition d’Ely Ould Mohamed Vall. A l’époque colonel Aziz aurait mandaté un émissaire –dont je préfère taire le nom- afin de le représenter dans une transaction qui semblait illicite. Ses partenaires dans cette affaire disposent encore d’enregistrements accablants…

Bialdi : Que représente, pour vous, le fait que l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall rejoigne l’opposition contre Mohamed Ould Abdel Aziz ?

MLC: Ely Ould Mohamed Vall est un homme d’honneur qui a respecté sa promesse de rendre le pouvoir aux civils. C’est un politicien, un homme respecté en Mauritanie et hors de nos frontières. Mes compatriotes retiennent de lui, la prudence, la sagesse et la réserve. C’est indiscutablement un patriote. Son engagement et son ralliement à l’opposition méritent une appréciation objective : ni la fortune ni les honneurs ne lui manquaient et en dépit de sa parenté proche avec le général Aziz, il a eu le courage de s’opposer à lui et d’en dénoncer les abus.

Biladi : Vous avez, semble t-il, rencontré au Maroc Ely Ould Mohamed Vall ainsi que l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou ?A quel lieu se sont tenues ces réunions et quelles questions ont été débattues ? Si cela est vrai, est-ce le début de la formation d’un groupe de pression à l’étranger pour soutenir l’opposition à l’intérieur ?

MLC : Je connais Ely Ould Mohamed Vall et l’ai rencontré à plusieurs reprises lorsqu’il était au pouvoir. Nous nous sommes croisés la dernière fois en 2007, dans un avion, à Conakry. Si je me rappelle bien, il était convié à une rencontre internationale au Bénin et moi-même j’allais à Bamako. Durant le vol, nous avions échangé des civilités très respectueusement et depuis lors, je ne l’ai pas rencontré.

Quant à Mohamed Ould Bouamatou, c’est un banquier et homme d’affaires célèbre que je n’ai jamais vu, de près. Nous ne nous connaissons pas.

Encore une fois, si vous me le permettez, je souhaite formuler une observation : dans ce pays, il y a des faits historiques connus de tous que nul ne peut ignorer ou effacer, malgré les tentatives actuelles de réécrire l’histoire de Aziz comme un roman héroïque.
Nos compatriotes savent que Ely a ramené, en Mauritanie, son jeune cousin et protégé Mohamed Ould Abdel Aziz, alors perdu dans les méandres de la vie, à Louga, au Sénégal ; faute de meilleures aptitudes et à cause d’un niveau scolaire assez modeste, il l’a intégré dans l’armée mauritanienne et usé de quelques artifices pour lui obtenir une formation d’officier dont, manifestement, il n’avait pas le niveau. C’est toujours Ely, qui l’a introduit auprès du Président Taya, a obtenu tous les passe-droits que nul n’ignore ; l’alliance matrimoniale a parachevé l’ascension laborieuse de ce personnage qu’on surnommait à Lougua Aziz Fall.

Après le putsch du 6 Aout 2008, son autre cousin Mohamed Ould Bouamatou, l’a porté, contre vents et marées. Il a fait des pieds et des mains, pour lui ouvrir les portes hermétiquement fermées, à commencer par celles du président Wade. C’est par l’entregent de Bouamatou que le président sénégalais de l’époque a soutenu le putschiste Aziz. Le banquier a invité, à Nouakchott, des personnalités françaises notamment Robert Bourgi, pour casser le blocus diplomatique autour de la junte. Pour Aziz, Bouamatou a obtenu des rendez-vous à l’Elysée, organisé des diners avec des responsables du sérail politique de l’époque comme Claude Guéant, alors tout puissant ministre de l’intérieur français. Au cours des élections calamiteuses de juillet 2009, conclues après l’accord de Dakar, Bouamatou a affrété un jet privé à bord duquel, il conduisit son cousin à Paris afin de l’introduire, personnellement, auprès de ses multiples relations. Il a mis à sa disposition au vu et su de tout le monde, ses biens immobiliers et des moyens financiers colossaux. Nul n’ignore le rôle précieux et décisif qu’il a apporté à Aziz, dans cette période cruciale… Si Ely et l’alliance matrimoniale ont crée Aziz, Ould Bouamatou l’a sauvé d’un naufrage prévisible.

Pour revenir à votre question, mes rencontres avec Ely, et Bouamatou, au Maroc, séparément ou ensemble, n’ont jamais eu lieu. C’est une fabrication bas de gamme, commanditée par Aziz pour détruire les deux auteurs de sa mise en marche. Ceux qui l’ont façonnés et fabriqués de toutes pièces

Biladi : L’objectif déclaré par l’opposition «Aziz dégage » est-il, selon vous, toujours réaliste ?

MLC : Aziz est arrivé au pouvoir par un accident de l’histoire, depuis, il a acquis, probablement grâce à des facteurs extérieurs, un semblant de légalité mais, aux yeux de ses concitoyens, il ne dispose d’aucune légitimité et n’arriverait jamais à en gagner. Il est le premier chef d’Etat de ce pays, qui n’ait aucune estime de ses concitoyens, y compris ceux qui lui sont les plus proches collaborateurs, amis et même parents. Malgré tous les soutiens obtenus par lui, à force d’intimidation et de promesse, il peine à se consolider . Aziz est prisonnier de son destin. Il a déjà échoué…
L’objectif ‘’Aziz dégage’’ est réaliste car, on ne peut, quels que soient les moyens utilisés, s’imposer à un peuple contre sa volonté

Biladi: Votre père est décédé à Nouakchott et vous n’avez pu le voir ni l’assister pendant sa maladie, les membres de votre famille ont été soumis à des harcèlements, votre épouse et enfants ont été interdit de séjour dans le pays, tout cela pour des ambitions qui peuvent ne pas se réaliser un jour. La réconciliation avec le régime de Ould Abdel Aziz ne serait-elle pas meilleure que la perspective de rester en fuite dans le but d’échapper à sa justice ?

MLC : Il a été écrit par Dieu tout puissant que mes deux parents décèderaient en Mauritanie sans que je puisse accompagner leurs derniers jours. La première fois, à la mort de ma mère, cependant, j’ai patienté et fini par regagner le pays pour me recueillir sur sa tombe. Je ne doute pas un seul instant que le miracle de Dieu se renouvelle. Assa An Takrahou Chay an wahouwakhairounlakoum ! Je suis croyant et ma foi me préserve de la précipitation.

Concernant la réconciliation avec Aziz que des esprits spéculateurs s‘ingénient à échaffauder, c‘est une hypothèse éloignée de mes préoccupations. Si Aziz démissionne, je serais le premier à le féliciter; autrement, je dois le combattre.
Je ne suis pas en fuite, mais en exil, un célèbre proverbe Turque dit : « Qui dit la vérité se fait exiler». Exil n’est pas une faiblesse, mais une force. Beaucoup de grands hommes l’ont connu, dont Le Général De Gaulle (date), le Roi Mohamed V du Maroc, Thabo Mbeki… Plus près de moi, mon cousin Mohamed Abderrehmane Ould Moïne m’avait donné l’exemple, lorsqu’il avait, dans le temps, renoncé à son poste d’ambassadeur au Koweït pour rester en conformité avec ses principes.

Biladi : Quelles sont vos relations avec l’opposition mauritanienne ?

MLC : Excellentes et caractérisées par la confiance et le respect. J’entretien d’excellentes relations avec la majorité des responsables de l’opposition, des relations de respect, et de combat sans intéressement et ce pour le bien être de la patrie. C’est l’occasion pour dire mon admiration pour des hommes comme Mohamed Maouloud, un grand militant qui s’est investit en politique par la force de l’esprit pendant des décennies. Toute la nation peut témoigner qu’il est resté incorruptible, digne, modeste, égal à lui-même, d’une probité et d’une honnêteté indiscutables. L’homme a été toute sa vie durant, constant. Qu’on l’aime ou pas, on doit le lui concéder.

Ahmed Ould Daddah est un grand patriote, un homme de compétence et d’expérience qui s’est sacrifié pour le pays. Je souligne le courage et la détermination de mes frères Jemil Ould Mansour et Salah OuldHannena. Et tous les autres dirigeants de l’opposition que j’admire et respecte.

Biladi : Que pensez-vous de l’initiative du président Messaoud Ould Boukheir et de ses discussions avec le pouvoir ?

MLC : Messaoud Ould Boulkheïr est un combattant de la liberté et l’un des principaux artisans de l’émancipation des descendants d’esclaves. Sa vie est en elle-même une cause, riche et juste. Je suis certain que sa tentative de dialogue avec Aziz, procède d’un constat sincère et de vœux patriotiques.

Propos recueillis par Moussa O. Hamed
Pour Biladi