Daily Archives: 07/12/2012
Libye : La culture berbère fait son chemin
Pendant des décennies, ils n’ont pas été simplement victimes de répression : leur existence même a été remise en cause. Ils étaient torturés, jetés en prison ou exécutés pour le simple fait de parler leur langue ou de brandir leur drapeau.
Bien que la présence des Amazighs – les Berbères d’Afrique du Nord – en Libye soit antérieure à l’arrivée des arabes musulmans au VIIe siècle, Muammar Kadhafi a rejeté leur culture pour pouvoir défendre la thèse d’une nation arabe et unie.
“Nous étions marginalisés”, raconte Mazigh Buzakhar, président et membre fondateur de l’association Tira, également connue sous le nom de Mouvement culturel amazigh. “On nous interdisait de parler et d’écrire notre langue.”
Depuis la révolution, leur drapeau bleu, vert et jaune orné d’un signe stylisé se vend au côté du nouveau drapeau libyen sur la place des Martyrs, à Tripoli. Leur langue, le tamazight, dont l’alphabet ressemble à celui du grec, est présente dans les nouveaux médias et sur les nouvelles stations de radio.
Les Amazighs représentent environ 10 % des 6,5 millions d’habitants de la Libye. Selon l’Ecole des études orientales et africaines de Londres, on recense plus de 20 millions de locuteurs du tamazight en Afrique du Nord. Eparpillés dans des pays comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, le Niger, la Mauritanie et le Mali, ils constituent l’une des ethnies les plus importantes du monde à ne pas avoir de pays.
Le tamazight comme seconde langue de Libye
La situation des Amazighs de Libye est symptomatique des problèmes que divers gouvernements du Moyen-Orient rencontrent avec leurs minorités – des Baloutches et des Azéris en Iran aux Coptes en Egypte. Dans les pays qui ont vécu le Printemps arabe, la chute des régimes autoritaires a révélé des conflits ethniques, religieux et culturels.
Selon Sara Aboud, une historienne de l’Université de Tripoli, Kadhafi a fait pression sur les chercheurs – y compris les étrangers – pour qu’ils réécrivent l’histoire en disant que les Amazighs sont des Arabes. Dans les années 80, un nombre important de militants amazighs ont été incarcérés et beaucoup d’entre eux ont disparu. Sous le régime Kadhafi, il suffisait de parler le tamazight pour être torturé ou exécuté. “La culture amazighe était taboue”, explique Mazigh Buzakhar. “Kadhafi voulait un pays homogène.” Les noms amazighs n’étaient pas non plus admis dans les registres d’état civil. “A cette époque, le plus sûr moyen de préserver notre culture était de la garder chez nous”, observe Sara Aboud.
Après avoir subi des années de répression, une foule d’Amazighs – originaires notamment des montagnes Nafusa – se sont joints aux forces de la révolution et un certain nombre d’entre eux ont participé à la libération de Tripoli. Mais maintenant que la Libye réécrit sa Constitution, Buzakhar et Aboud craignent que le nouveau texte ne fasse l’impasse sur les droits et la langue des Amazighs. Des manifestations ont déjà eu lieu pour demander que la nouvelle Constitution reconnaisse la culture amazighe et que le tamazight devienne la seconde langue de Libye.
“Les mentalités restent arabisées”, souligne Sara Aboud. C’est aussi l’avis de l’analyste Mohamed Eljarh, qui écrit sur le portail Middle East Online : “L’idée de diversité est étrangère à la Libye et aux Libyens. Certains de mes amis arabes considèrent la reconnaissance de la culture et de l’identité amazighes par la Constitution comme une menace à l’autorité et au contrôle arabes dans la région, et par conséquent à l’existence de l’identité et de la culture arabes. Beaucoup d’Amazighs avec lesquels je me suis entretenu craignent que le reste de la population ne reconnaisse pas le rôle qu’ils ont joué dans la révolution libyenne. Le Conseil national de transition a vaguement promis à maintes reprises que les droits des Amazighs seraient garantis et préservés sans conditions ou autres exigences.”
“Je peux brandir fièrement mon drapeau”
Les Amazighs ont déjà manifesté à plusieurs reprises pour revendiquer de nouveaux droits. Beaucoup d’entre eux fondent leurs espoirs sur ce qui s’est passé au Maroc, où le tamazight est reconnu par la nouvelle Constitution et où une chaîne de télévision amazigh diffuse ses programmes dans les pays voisins.
Mais dans un pays comme la Libye, toujours aux prises avec des conflits, il y a bien d’autres priorités. Le nouveau gouvernement ne parvient pas à contrôler les milices – y compris celles qui travaillent pour lui sous la houlette du ministère de l’Intérieur. Il doit faire face à des divisions tribales et régionales de plus en plus marquées, reconstruire l’économie et former une équipe qui fonctionne.
Cependant, les signes d’un renouveau culturel sont désormais évidents. Avant la révolution, c’était seulement dans des zones isolées que les habitants pouvaient affirmer ouvertement leur culture amazighe. “Mais nous nous sommes battus”, commente Sara Aboud. Cette année, au moins une école, située dans le sud, commencera à enseigner le tamazight. Avec l’apparition de drapeaux amazighs dans les stands et du tamazight dans les kiosques à journaux, un changement progressif se faire jour dans l’attitude libyenne.
“Beaucoup de Libyens commencent à prendre conscience [de notre existence] et nous demandent ce que signifie ‘Amazir’ [Berbère libre]”, se réjouit Mazigh Buzakhar. Et Sara Aboud renchérit : “C’est tout nouveau, mais nous avons parcouru un long chemin. Maintenant je suis fière de dire que je suis Amazir. Et je peux brandir fièrement mon drapeau.”
source: noorinfo
Ghana : Une démocratie africaine mature
La campagne électorale aura, pour ainsi écrire, passionné les Ghanéens. Partout dans le pays, et notamment dans les transports publics, comme les tro-tros, ces minibus qui sillonnent le Ghana.
A la télévision, les spots de campagne ont défilé en boucle, faisant découvrir le visage des candidats. Si huit concurrents sont en lice, seuls deux sont véritablement dans la course. Et les pronostics sont très serrés entre Nana Akufo Addo, ancien ministre de la Justice puis des Affaires étrangères, qui défend les couleurs du NPP (Nouveau parti patriotique), et John Dramani Mahama du NDC (Congrès démocratique national), le président par interim, depuis la mort de John Atta Mills en juin 2012.
A côté, les autres candidats peinent à exister. Même Michael, président des Jeunes du CPP (Parti populaire de la Convention) l’avoue:
«Nous soutenons déjà Nana Akufo, car nous savons que notre candidat ne fera qu’un petit score.»
«Les élus locaux sont corrompus»
Rabiu, jeune chauffeur de taxi à Bolgatanga, dans le nord du pays, a affiché sur son volant un autocollant en faveur du candidat du PPP (Parti populaire progressiste). Mais, il confie qu’il votera pour Nana Akufo Addo:
«J’aime les idées du PPP, mais je ne veux pas que mon vote se perde. Je voterai donc pour Akufo. En 2008, j’ai voté pour Atta Mills. Mais, cette fois, je ne redonnerai pas ma voix au NDC, déclare-t-il. Si je trouve que l’actuel président John Mahama est compétent, ce n’est pas le cas du reste du gouvernement et des élus locaux du NDC dans ma région, qui sont corrompus. Ils n’aident personne et ne nomment que des gens de leur famille. J’ai voulu postuler pour devenir pompier. Mais quand vous remettez votre CV, il faut donner de l’argent avec, sinon il part tout de suite à la poubelle», raconte-t-il avec amertume.
Alors que beaucoup de jeunes comme Rabiu ne trouvent pas d’emploi à la hauteur de leurs attentes, le discours de l’opposant Akufo à destination de la jeunesse séduit.
La gratuité du lycée divise
La principale promesse de campagne de Nana Akufo Addo, à savoir, la gratuité du lycée pour tous, dès l’année prochaine, a fait écho dans le pays. Le Ghana a érigé l’éducation comme l’une des valeurs essentielles de la démocratie depuis les vastes politiques publiques mises en place par son premier président Kwame Nkrumah, dans les années 60, pour démocratiser l’enseignement.
Néanmoins, seulement 14% de la population va jusqu’au bout de l’enseignement secondaire, selon des chiffres gouvernementaux, les frais de scolarité étant inabordables pour la plupart des familles.
«Pour qu’un pays arrive à se développer, il faut investir dans la jeunesse, affirme Malcolm, 64 ans, homme d’affaires de la capitale Accra. Au Ghana, on a beaucoup de pétrole et d’or, et Akufo a promis d’utiliser les recettes générées par ces richesses pour mettre en place la réforme du lycée.»
Le coût de cette mesure a été évalué à 590 millions d’euros pour les trois années à venir par le candidat. Les prévisions de croissance du pays sont d’environ 8 % en 2013.
Le scrutin du 7 décembre est le premier, depuis que le pays, déjà seconde puissance économique d’Afrique de l’Ouest, grâce à ses exportations d’or et de cacao, est entré dans le cercle des producteurs africains de pétrole, en 2010.
La population tarde à voir les bénéfices de cette manne, alors que la production atteint plus de 80.000 barils de brut par jour et devrait continuer d’augmenter. Michael, le président des jeunes du CPP, affirme:
«Au Ghana, on a tout: du manganèse, des diamants, de l’or, du pétrole, du cacao… On veut des hommes politiques qui savent nous faire bénéficier de toutes nos richesses. Le NDC en est incapable, tonne-t-il. Du coup, tous les prix ont augmenté depuis quatre ans pour les Ghanéens. Depuis les années 90, je payais 20 pesewas (8 centimes d’euros) au péage pour traverser un pont près de chez moi. En 2008, du jour au lendemain, le prix est passé à 1 cédi (40 centimes d’euros).»
Dans ce pays prisé par les investisseurs, le revenu moyen par habitant reste inférieur à 3 euros par jour.
«Les prix augmentent partout»
Certains refusent cependant ce discours, comme Aziz, commerçant en électronique à Tamale, la grande ville du nord du pays, qui balaye tous ces arguments:
«En 2008, j’ai voté pour Atta Mills et je voterai pour Mahama. On ne peut pas tout mettre sur le dos du gouvernement. Les prix ne baissent jamais, tout augmente partout dans le monde, s’exclame-t-il. Il est facile de promettre le lycée gratuit, mais le Ghana ne peut pas encore se le permettre. Commençons par des problèmes plus basiques. Ici à Tamale, le NDC a construit en trois ans un grand hôpital flambant neuf, que nous attendions depuis des années.»
Esther, réceptionniste de 20 ans, partage cet avis:
«Le NDC a construit de nombreuses écoles, dont le pays manquait, et permis aux écoliers de bénéficier d’uniformes, d’ordinateurs et de cahiers gratuits. Je pense que le parti à fait de bonnes choses et je voterai à nouveau pour John Mahama, car je suis persuadée qu’il fera encore mieux.»
Certains experts estiment, quant à eux, que les promesses des deux candidats sont démesurées par rapport au niveau actuel de la production de pétrole. D’après eux, le cacao restera la première source d’exploitation du pays.
Première élection sans observateurs internationaux
Un espoir commun transcende ces divergences. Fiers de la paix et de la stabilité qui règnent dans leur pays, et conscients de la longueur d’avance du Ghana par rapport à ses voisins en matière de démocratie, les Ghanéens souhaitent avant tout que l’élection se déroule paisiblement, sans fraude ni violence.
Dans la rue, à la télévision et à la radio, de nombreuses campagnes publicitaires, indépendantes ou à l’initiative des candidats, rappellent la nécessité d’une élection pacifique.
C’est d’ailleurs la première fois que la présidentielle ne sera pas surveillée par des observateurs internationaux. Cette preuve de la maturité démocratique du Ghana suscite autant d’espoirs que de craintes parmi la population:
«J’attends l’élection avec impatience, déclare Esther. On prie pour que l’élection soit pacifique, mais je pense personnellement qu’il n’y aura aucune forme de violence.»
Le 4 décembre, alors que débutait le vote anticipé pour l’armée, la police, le personnel de la Commission électorale et les autres institutions de maintien de l’ordre, Nana Akufo Addo a exprimé ses craintes que son adversaire du NDC ne s’accroche à son siège, en cas de défaite, comme l’ancien président de la Côte d’Ivoire voisine, Laurent Gbagbo.
Peu de Ghanéens, quel que soit leur camp, croient cependant à ce scénario, à l’image d’Aziz:
«Certes, tout peut arriver quand on approche de l’élection, admet-il. Mais, le Ghana est un pays paisible. Je n’ai pas peur et je ne suspecte personne de vouloir semer le trouble. Il faudra que le perdant accepte la défaite.»
Source: Slateafrique
L´édito de Kassataya : Le déni de mémoire par Marieme Mint Derwich
Il est de notre mémoire comme il est de la politique en mauritanie : un grand écart entre splendeurs et misères, aveuglements et perceptions, réalités et denis.Les commémorations du 52° anniversaire de l’accession à l’indépendance de notre jeune nation n’échappent pas à la règle.Comme chaque année, la machine gouvernementale s’est mise en branle, levers des couleurs, discours, flonflons et patriotisme.Les médias publics ont abreuvé les citoyens que nous sommes d’images d’archives,de chants laudateurs. Avec, cette année, une particularité: les « explications » d’un président qui fut absent 40 jours pour cause de tirs contre sa personne, tentant ainsi de pallier au black out total qui fut de mise pendant l’hospitalisation en France du chef de l’Etat.Dans une conférence de presse boycottée par la quasi totalité de la presse mauritanienne, Mohamed ould Abdel Aziz s’est fait le hérault des réalisations de l’état sous sa gouvernance, dévidant un chapelet d’exemples. « Tout va bien » pourrait résumer l’exercice : l’économie? Voir les réalisations. La justice? En progrès. Le chômage? Le gouvernement travaille. La crise malienne? Y être sans y être. Le passif humanitaire? Voir la prière de Kaédi.Pas un mot sur Inal, sur Sorimalé, sur les disparus, les fosses communes, les exécutions extra judicaires.Comme si ceux ci n’existaient pas et relevaient d’un fantasme, d’une illusion d’optique collective, d’un mirage.
Pas un mot sur les 28 pendus de la nuit du 27 au 28 Novembre 1990, à Inal.Pas un mot sur les disparus des années de braise, ceux dont les corps n’ont pas été rendus à leurs familles.Pas un mot sur la justice. La Mauritanie « nouvelle » continue ainsi son bonhomme de chemin, construisant une « mémoire d’Etat », officielle, démocratie amnésique et aveugle. Sourde. Au nom d’une raison d’état présupposée, notre pays a fait l’économie de sa mémoire.Une mémoire sélective qui occulte tout un pan de notre histoire nationale. Le déni de réalités est, depuis les années 90, la norme officielle, nonobstant les appels d’associations de rescapés, de militants des droits de l’Homme.
Dans un pays où tout le microcosme politique savait mais où personne ne « mouftait », dans un pays où les militaires gérent le politique depuis le coup d’état du 10 Juillet 1978, seuls détenteurs des ordres et actions, l’aphasie officielle semble être le seul chemin de la réconciliation.Le vrai courage politique aurait été, non pas seulement la prière de kaédi et les indemnisations des victimes des années noires, mais la volonté claire et affichée de se colleter avec notre passé sanglant.Le vrai courage politique aurait été de désigner, enfin, les coupables de meurtres, de viols, d’exactions, de vols, d’emprisonnements, de tortures, quitte à décapiter une partie du commandement militaire.Le vrai courage politique aurait été de dire, de libérer la parole, de reconnaître que notre armée, désignée comme républicaine, s’est rendue coupable de crimes contre l’humanité, de meurtres barbares, d’actes ingnominieux.Le vrai courage politique aurait été de décider, enfin, de juger les coupables; eux qui sont toujours libres.Le vrai courage aurait été la fin de l’impunité.Mais nos dirigeants, issus eux mêmes de la Grande Muette, en ont décidé autrement.La Mauritanie démocratisée, libéralisée, « rectifiée », a choisi le silence des années Taya et l’effacement des mémoires.En « oubliant » un peu vite que la construction de cette Mauritanie là ne peut se faire que sur un vrai changement radical et une expiation du passé.Un vrai courage politique…