Les choses se précisent dans l’affaire Etat du Sénégal contre Citi Bank Dakar. Le gouvernement sénégalais a commis un grand avocat de Dakar pour traquer la somme de 4 milliards de francs CFA virée par le directeur de Citi Bank, Kevin Murray à deux banques de Nouakchott, Banque nationale de Mauritanie (1, 5 milliard) et la Basim (2, 5 milliards). Cet avocat sera dans la capitale mauritanienne pour ouvrir un nouveau dossier dans le but de récupérer cet argent. Le magazine Les Afriques à paraître cette semaine ouvre d’ailleurs un large volet sur cette affaire et donne des révélations à la pelle. Le dossier est déjà en instance au tribunal de Dakar et le juge devra rendre son verdict le 15 janvier prochain. L’Etat du Sénégal a déjà engagé une première procédure contre le patron de Citi Bank pour faux en écritures privées de banque et délit de vol pour le montant de 1, 4 milliard. Mais de quoi s’agit-il en réalité ? Dans le plus grand secret, l’Etat du Sénégal avait commandé des armes à un fournisseur-intermédiaire. L’argent a été décaissé. Au lieu de fournir les armes, l’argent va se retrouver miraculeusement dans des banques mauritaniennes. Les militaires n’ont jamais reçu la commande. Les nouvelles autorités soupçonnent des connexions entre cette banque et le fils… du président Wade. En effet de nombreuses informations démontrent qu’il y a des connexions entre les dirigeants de ces banques et Karim Wade. Reste à déterminer quel rôle le fils du Président de la République a joué dans cette affaire ? Et pourquoi l’argent s’est retrouvé en Mauritanie. Une affaire polluante et qui risque de faire des dégâts inattendus. Selon des informations obtenues par Exclusif Dakar, le dit montant a été dégagé des fonds politiques.
Le Sénat vient de faire passer, en seconde lecture, le projet de loi criminalisant les coups d’état militaire, deux semaines après les députés. Ce texte qui condamne les changements anticonstitutionnels est le plus superflu de l’arsenal juridique en Mauritanie.
L’ancien président démocratiquement élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, serrant la main de l’ancien général Mohamed Ould Abdel Aziz, qui l’enlèvera du pouvoir par un coup d’état.
Il n’empêchera sûrement pas demain qu’un officier ou un sous-officier s’empare du pouvoir en Mauritanie, à ses risques et périls. De deux choses l’une, soit il échoue et devra faire face au peloton d’exécution ou croupir dans un bagne pour atteinte à la sûreté de l’Etat, soit il réussit son coup et dans ce cas, il pourra compter sur une armée de laudateurs à la commande pour tout remettre en question. D’ailleurs, pour beaucoup d’analystes, “les parlementaires frondeurs, auteurs d’un coup d’Etat contre le premier président démocratiquement élu, sont-ils bien placés pour condamner les putschs ?”
Le Parlement au niveau de ses deux chambres a adopté un texte de loi assez superflu sur les coups d’Etats et les renversements anticonstitutionnels. Ce crime, il faut le souligner, a toujours été condamné par le législateur mauritanien, depuis la naissance de la République. Les auteurs de la tentative du coup d’Etat du 16 mars 1981 ont même été passés par les armes.
Plus récemment, les cavaliers du changement, auteurs d’un putsch manqué en 2003 ont été traduits en justice, jugés et condamnés, avant d’être amnistiés par les auteurs d’un autre coup d’Etat survenu en 2005, et qui eux ont bien réussi là où les autres avaient échoué.
Deux ans plus tard, c’est la récidive. Alors que les Mauritaniens pensaient être sortis du cercle infernal des coups d’Etat, une bonne demi-douzaine en trente ans, ils seront en effet secoués de nouveau en 2008 par un autre putsch. Le projet de loi sur la criminalisation des coups d’Etat, qui vient d’être adopté, a été paradoxalement imposé lors du dialogue politique entre le pouvoir en place et trois partis de l’opposition. Une sorte de deal au marché des empoignes que l’écrasante majorité des partis de l’opposition avait boycotté. I l a été adopté par les députés et les sénateurs de la majorité parlementaire, ces ex “Frondeurs” qui avaient déstabilisé le pouvoir du premier président démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, servant ainsi de Cheval de Troie aux généraux qui s’empareront quelques mois plus tard du pouvoir en 2008. Aux yeux des observateurs, cette nouvelle loi n’apporte rien de plus à l’arsenal juridique déjà existant qui condamne déjà assez sévèrement l’accession antidémocratique au pouvoir. Le Code pénal condamne en effet toutes les formes d’atteinte à la sûreté de l’Etat, de stabilité, de troubles à la quiétude sociale, etc.
Dépenser des tonnes d’énergie et des heures de plénière et de débats en commissions et sous-commissions, pour pondre un texte inutile, est la pire des gabegies et la forme la plus dégradée de la sècheresse intellectuelle. C’est comme si toute la République s’ébranlait pour pondre un texte de loi condamnant le vol, l’assassinat ou tout autre crime ou délit, déjà assez pénalisé par des textes actuels. Idem pour l’esclavage dont on multiplie les instruments de répression juridique alors qu’en réalité, le mal prolifère en toute quiétude. Une loi a été pourtant votée en 2007, criminalisant les pratiques esclavagistes.
Cela n’a nullement empêché l’impunité des maîtres pris en flagrant délit par les organisations antiesclavagistes, protégés qu’ils sont par le système judiciaire, politique et administratif en place. Par la suite, cette condamnation a été portée dans la Constitution, puis dans une nouvelle énième loi sur l’esclavage. Qui veut-on tromper ? Il est clair que ce ne sont pas des lois qui mettront fin aux délits et aux crimes.
Comme le voleur qui risque ses coups, jouant à pile ou face sa liberté, pour profiter sans frais d’un butin mal acquis, le putschiste en puissance a le même goût du risque, sachant qu’en cas de réussite, il aura toute la République à ses pieds.
Pour avoir demandé au président sénégalais « de manger » les responsables libéraux souvent convoqués dans le cadre de l’enquête sur l’enrichissement illicite, Me Amadou Sall, ancien ministre de la Justice du Sénégal, a été arrêté par des éléments de la Brigade d’Intervention Polyvalente (BIP) mais il a été libéré 24 heures après. Une interpellation qui survient quelques jours après les menaces proférées par le président Sall à l’encontre de ceux qui seront tentés de porter atteinte à son honneur et à sa considération.
Les articles 80 et 254 du Code pénal sénégalais ont fait une première victime depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir. Me Amadou Sall du Pds a appris à ses dépens qu’on ne peut pas tout dire sur un chef d’Etat fut-il un ancien camarade de parti.
L’ancien garde des Sceau de Wade avait accusé le Président Macky Sall d’obéir au fétiche qui lui aurait dit de ne convoquer Karim Wade que les jeudis et de ne le libérer que tard dans la nuit du jeudi au vendredi. Ses déclarations ont été très mal perçues par le président et ses proches. Ainsi, en présidant l’ouverture de l’Université Républicaine organisée par les jeunes de son parti, Macky Sall a menacé quiconque oserait porter atteinte à son honneur et à sa considération conformément aux dispositions des articles 80 et 254 du Code pénal.
Ainsi, Me Amadou Sall devient le premier opposant à faire les frais de ces articles tant décriés du temps de Wade.
« Anthropophagie et mysticisme »
L’arrestation de l’ancien ministre de la Justice, Me Amadou Sall, a très fortement déplu aux libéraux qui ont initié une réunion de leur comité directeur devant le Palais de Justice. Oumar Sarr, leur coordonnateur, soutient que Me Amadou Sall n’a fait que donner publiquement la position du Pds en tant que porte-parole du jour. Il a invité ses camarades à reprendre les déclarations qui ont valu son arrestation à l’avocat-politicien.
« Nous membres du comité directeur faisons nôtre les propos de Me Sall et disons tous à Macky Sall, s’il veut manger Me Sall qu’il le mange, s’il veut le tuer, qu’il le tue, s’il veut l’emprisonner qu’il l’emprisonne, le Pds sera toujours là, debout pour les populations et le pays. Macky Sall obéit aux féticheurs. On lui a dit de ne convoquer Karim Wade que les jeudis et de le libérer que la nuit du jeudi au vendredi. On ne peut pas gérer un pays avec des fétiches. Avec l’arrestation de Me Sall nous soupçonnons Macky Sall de suivre les recommandations de ses féticheurs, en choisissant d’interroger, le jour de Noël, date commémorant la naissance du Christ, un responsable du Pds ayant le même nom de famille que lui»,
Selon lui, le Pds se battra et récupérera le pouvoir de « ces incapables » qui nous dirigent aujourd’hui. Personne ne pourra nous manger jusqu’au dernier ».
Du côté du pouvoir ces déclarations jugées irrespectueuses ont fortement irrité car au Sénégal il n’y a pas plus grande offense que d’accuser quelqu’un d’être un « deum » (mangeur d’hommes en langue Wolof).
Le chef du Pôle de communication de la présidence de la République, Elhadji Hamidou Kassé, a estimé que ses déclarations sont excessives. Il considère que l’ancien garde des Sceaux a dépassé les limites avec ses propos. A ses yeux, Me Sall « est d’une vulgarité à la limite étonnante »car il est inacceptable que des gens « s’attaquent impunément à la personne et à l’honorabilité du Président de la République ».
« Dérives dictatoriales et régression démocratique »
L’ancien ministre d’Etat, directeur de cabinet du président Wade, Habib Sy, a soutenu que les propos pour lesquels Me Sall est convoqué ne sont pas de nature à offenser le chef de l’Etat et que son arrestation fait régresser la démocratie sénégalaise.
« Notre démocratie est en train de régresser. La démocratie est un processus long et compliqué qui repose sur un certain nombre de principes, sur un certain nombre de valeurs. Et nous, en tant que libéraux, nous sommes très attachés aux valeurs de la tolérance et de la liberté. Ce qui est en train d’être fait, c’est une remise en cause de tous ces principes ». A l’en croire, il faudrait davantage que ceux qui nous gouvernent comprennent que, pour que la démocratie soit consolidée, il faudrait que la liberté soit aussi respectée. Il estime, en outre, qu’aujourd’hui, la liberté ne semble plus respectée comme cela a été auparavant. Et il faudrait qu’on revienne à de meilleurs sentiments, pour que ce climat politique déjà poussiéreux et délétère ne s’empire »
Le journaliste Adama Gaye pense aussi que cette arrestation pour offense au chef de l’Etat n’augure rien de bon. A ses yeux ce sont les prémices d’une dictature.
« Parfois la dictature peut prendre l’orientation ou les habits qu’on ne lui soupçonne pas en se parant si besoin de la Constitution. Et on l’a déjà vu avec Abdoulaye Wade quand il a forcé sa candidature au peuple sénégalais en s’appuyant sur une Constitution qui avait été, comme tout le monde le sait, instrumentalisée à l’occasion avec le soutien de quelques individus dont la profession aurait dû être plus noble qu’elle ne l’a été. Autant la Constitution doit protéger et protège le chef de l’Etat, autant il faut éviter de créer des situations où le prétexte de la décence ou de la protection du chef de l’Etat ne soit en fait le masque à travers lequel des tentations autoritaires ne finissent par transformer et dénaturer la nature de la démocratie sénégalaise>>
Le Maroc et la Mauritanie ne sont plus sur la même longueur d’onde qu’auparavant croit savoir le site marocain Yabiladi. Les différends se multiplient, du pain béni pour le Polisario. Le déplacement non-officiel de Abdellah Baha dans ce pays n’a rien pu apporter. Il n’a même pas été reçu par le président Ould Abdelaziz.
Les relations entre Rabat et Nouakchott traversent une mauvaise passe. La très officielle audience accordée, lundi au palais présidentiel, par Mohamed Ould Abdelaziz à un émissaire du chef du Polisario, en présence du ministre mauritanien des Affaires Etrangères, Hammadi Ould Bab, en est bien la preuve du climat de tension entre les deux pays.
Un contexte qui n’est pas sans rappeler celui précédant le putsch du 6 août 2008 ayant amené au pouvoir l’actuel président, un ancien militaire, formé au Maroc, qui s’est séparé de son béret et de son treillis pour endosser l’habit civil afin de se présenter, juillet 2009, à la course à la magistrature suprême dans son pays.
Les entretiens avec le chef de la diplomatie du Polisario, Mohamed Salem Salek, ont porté sur la question du Sahara. Force est de constater que depuis plus d’une année, Nouakchott s’est rapproché des positions de l’Algérie et de la direction des camps de Tindouf sur le dossier du Sahara.
Les circonstances non encore élucidées de l’incident, du 13 octobre, visant le cortège du président mauritanien ont jeté un froid glacial sur les relations avec le royaume. Certaines voix ont même accusé le Maroc d’être derrière cet attentat, chose que le gouvernement mauritanien s’est empressé de nier catégoriquement. Mais il n’en demeure pas moins que cet incident a nettement consolidé l’entente retrouvée entre Nouakchott et Alger. La position hostile des deux pays à une intervention militaire au Mali est un exemple qui corrobore cette lecture.
Abdellah Baha boudé par le président mauritanien
Si Mohamed Ould Abdelaziz a reçu un émissaire du Polisario avec tous les honneurs dus à un ministre d’un Etat reconnu par la communauté internationale, il n’a pas eu le même geste avec Abdellah Baha, le ministre d’Etat sans portefeuille, qui se trouvait à Nouakchott en sa qualité de représentant du PJD aux travaux du 2ème congrès du parti Tawassoul tenu du 20 au 23 décembre.
En dépit de cette « négligence », et c’est un euphémisme, Baha, dans un entretien accordé au quotidien mauritanien Al Akhbar, paru aujourd’hui, ne s’est pas départi de son habituel langage diplomatique, réduisant la tension entre les deux pays à juste « un nuage d’été qui va se dissiper ». Et de reconnaître qu’entre voisins il y a parfois «quelques malentendus ». Le n°2 du gouvernement a, en revanche, mis en exergue les « intérêts communs » entre le Maroc et la Mauritanie.
Les propos rassurants de Abdellah Baha ne peuvent en aucun cacher la forêt des différends. En novembre, le président Ould Abdelaziz, alors qu’il se trouvait dans un hôpital parisien, aurait refusé de recevoir le chargé d’affaire à l’ambassade marocaine à Paris. La riposte de Rabat ne s’est pas faite trop attendre, en décembre, le ministre des Affaire étrangères, Saâd Dine El Otmani n’a pas daigné accordé quelques minutes à son homologue mauritanien, venu à Marrakech pour assister à la conférence des « Amis du peuple syrien ».
Jacob Zuma l’a emporté lors du congrès de l’ANC, au pouvoir en Afrique du Sud. Mais il va diriger un parti qui peut difficilement cacher sa crise. Nombre de hauts responsables ont renoncé à faire partie des instances exécutives de ce parti historique.
Jacob Zuma, 70 ans, va rester président de l’ANC jusqu’en 2017, et pouvoir briguer un second mandat en 2014, sans personne pour lui mettre des bâtons dans les roues.
Son vice-président et rival à la présidence du parti, Kgalema Motlanthe, devrait être remplacé par le nouveau vice-président de l’ANC, Cyril Ramaphosa, 60 ans, qui fait son grand retour en politique.
Mais la victoire de Zuma lors du congrès de l’ANC à Mangaung (Bloemfontein), du 16 au 20 décembre, cache difficilement les tensions qui minent l’ancien mouvement de libération nationale.
Trevor Manuel, l’ancien ministre des Finances (1996-2008), reconnu à l’international pour sa bonne gestion dans les gouvernements de Nelson Mandela et Thabo Mbeki, était dans un placard doré de ministre du Plan, depuis 2009.
Il a rendu le premier son tablier, annonçant, dès le 15 décembre, son intention de renoncer à toute nomination dans les instances exécutives nationales de l’ANC. Le père de la nation «arc-en-ciel», Desmond Tutu, lui aurait soufflé qu’il «n’a rien à faire dans ce gouvernement», mais Trevor Manuel assure que c’est surtout pour céder la place aux jeunes qu’il prend sa retraite anticipée, à 56 ans.
Kgalema Motlanthe a lui aussi renoncé à être élu par la base du parti au sein du Conseil exécutif national (NEC) de l’ANC, un organe de direction collégiale qui prend toutes les décisions importantes.
Une façon de «renforcer la démocratie», dit-il, mais aussi d’assumer son choix d’avoir contesté la présidence d’un parti dans lequel il risque d’être ostracisé par le camp des pro-Zuma —comme l’a été, avant lui, Thabo Mbeki.
D’autres ont suivi son exemple: de manière étonnante, Mac Maharaj, ancien ministre des Transports sous Mandela, devenu porte-parole de Jacob Zuma, mais aussi John Block, le président de l’ANC dans la province du Cap septentrionnal.
L’ANC, le parti «absolument sans conséquences»
Un autre héros de la lutte contre l’apartheid, Jay Naidoo, ancien président de la Banque de développement de l’Afrique australe (DBSA), ex-ministre sous Mandela et ancien secrétaire général du Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu), a renoncé à faire partie des instances exécutives nationales de l’ANC.
Idem pour Zwelinzima Vavi, l’actuel secrétaire général du Cosatu, qui refuse de s’aligner sur la position du président de la même centrale syndicale, Sdumo Dlamini, un proche allié de Jacob Zuma.
Zwelinzima Vavi, soupçonné de vouloir fonder son propre parti, a reçu des menaces de mort peu avant le congrès de l’ANC. Il s’est montré très critique à l’égard de la gestion de Jacob Zuma, et revendique son droit à une critique publique qui passe par de nombreux Tweets.
Dans un jeu de mots, Vavi appelle notamment l’ANC à cesser d’être le parti «absolument sans conséquences» (Absolutely No Consequences, ANC), qu’il s’agisse de la corruption ou de l’absence de manuels scolaires dans les salles de classe.
Il demande par ailleurs à ce que les responsables du gouvernement cessent d’être impliqués dans des affaires privées tant qu’ils touchent un salaire de l’Etat.
«Si nous ne pouvons pas changer cela, notre pays va être mangé par des chiens», assène-t-il.
Autres signes de la crise qui couve dans les syndicats noirs: Frans Baleni, secrétaire général du Syndicat national des mineurs (NUM) et Irvin Jim, secrétaire général du Syndicat national des métallos (Numsa), ont refusé leur nomination au NEC.
De même que Jeremy Cronin, le secrétaire général adjoint du Parti communiste sud-africain (SACP), qui forme avec le Cosatu et l’ANC l’alliance «tripartite» au pouvoir depuis 1994. Une alliance profondément divisée sur la politique libérale du gouvernement et l’absence de politique sociale d’envergure ou de redistribution des richesses.
Cyril Ramaphosa, milliardaire et vice-président
Ces défections sont un désaveu pour Zuma, et un avertissement à Cyril Ramaphosa. La présence de ce milliardaire noir au sommet de l’Etat n’ira pas sans poser de problème à l’aile gauche du parti.
Comment Cyril Ramaphosa va-t-il concilier ses nouvelles fonctions et ses nombreuses affaires? Le propriétaire de la chaîne de fastfood Mc Donald’s et président de la société de telecommunications MTN —entre autres— a devancé les critiques, en annonçant le 19 décembre, avoir lancé un «passage en revue» de ses intérêts privés, pour éviter tout conflit d’intérêt.
Cet ancien secrétaire général de l’ANC, que Nelson Mandela aurait aimé voir lui succéder, en 1999, avait été évincé par Thabo Mbeki. Il s’est recyclé après 1994 dans les affaires avec succès, tout en restant populaire au sein de l’ANC, ayant toujours été réélu membre du NEC.
Or, Cyril Ramaphosa s’est attiré des critiques cette année, et pas seulement pour avoir tenté d’acheter un rhinocéros lors d’une vente aux enchères, à 18 millions de rands, un prix aussi exorbitant que scandaleux pour le commun des mortels sud-africains.
Il a aussi été mis en cause dans le massacre des mineurs de Marikana, en tant que membre du conseil d’administration de Lonmin, la société de platine dont les salariés ont été réprimés.
Il avait envoyé un mail la veille du massacre, enjoignant la direction d’user de la manière forte contre des grévistes taxés de «criminels». Des mineurs qui avaient, il est vrai, taillé en pièces deux policiers quelques jours plus tôt, mettant la police sur la défensive.
Pourquoi Cyril Ramaphosa s’apprête-t-il à renoncer à ses intérêts privés, considérables, «pour devenir l’adjoint d’un homme qu’il a déjà surpassé dans sa carrière et qui est maintenant largement considéré comme le leader le plus inepte que l’ANC ait jamais eu?»
Allister Sparks, écrivain et commentateur avisé de la politique sud-africaine, espère que c’est pour le meilleur: Ramaphosa ne servira certainement pas «de papier peint» dans les bureaux de la présidence, écrit-il.
Jacob Zuma, accusé de n’avoir produit aucun résultat, serait décidé à redresser la barre, avec les compétences d’un Ramaphosa.
Des processus de vote contestés en justice
Autre source d’inquiétude: les dérives non démocratiques de l’ANC sous Jacob Zuma. Pour la première fois cette année, des joutes sans merci ont émaillé le processus de vote pour les listes se disputant la direction de l’ANC, au niveau des provinces.
A tel point que que des responsables de l’ANC dans la province de l’Etat libre ont saisi la Cour constitutionnelle pour contester la présence de délégués de leur province à Mangaung qui n’ont pas été élus de manière régulière, et faire annuler le congrès de l’ANC.
Leur plainte repose sur l’organisation de branches «parallèles» de l’ANC dans leur province. Leur objectif: obtenir une nouvelle conférence de l’ANC dans les six mois. Le même processus judiciaire pourrait être engagé par des responsables de l’ANC dans la province du Nord-Ouest, où les divisions ont aussi perturbé les procédures de vote.
Comment expliquer par ailleurs que le président Zuma, dont la cote de popularité a baissé, l’ait emporté aussi massivement à Mangaung —avec 2983 des 3.977 suffrages exprimés par la base du parti? Et ce, alors qu’un sondage du très sérieux institut TNS South Africa, publié le 17 décembre, crédite Kgalema Motlanthe de 70% d’opinions positives, contre 52% pour Zuma?
Réponse enflammée de Zackie Achmat, militant de l’ONG Treatment Action Campaign (TAC), mais aussi membre de l’ANC depuis 32 ans:
«C’est une victoire des corrompus, d’une faction de fonctionnaires et de leurs homologues tribaux (allusion au clan zoulou dont s’est entouré Zuma, ndlr). C’est la fin de l’ANC en tant que parti du progrès, de la liberté et de la justice sociale.»
Sur un ton plus mesuré, Frank Chikane, une autre grande figure de la lutte contre l’apartheid, ancien directeur général de la présidence sous Thabo Mbeki, estime que l’ANC doit surmonter les divisions entre ses différentes factions.
«Vous pouvez venir ici et danser, et gagner, mais en fait, les masses vont vous juger», a-t-il déclaré au quotidien Business Day. Et d’appeler Jacob Zuma à rassembler le parti et ne pas laisser partir les personnes les plus compétentes, ainsi qu’à tolérer des opinions contraires.