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Editorial du Calame: Déformation gouvernementale
Après plusieurs semaines d’attente, notre gouvernement a été enfin formé. Comme les Belges, il y a quelques années, on aurait pu rester plus de six mois sans gouvernement et l’on ne s’en porterait, à coup sûr, que mieux. La nouvelle est tombée deux journées à peine après la débâcle d’Arafat dont la bataille a mobilisé la cour et l’arrière cour de la République, qui a vu rappliquer colonels, généraux, ministres, secrétaires généraux, conseillers, hommes d’affaires dans ce grand bourg nouakchottois, pour tenter l’impossible mission d’arracher cette commune à l’opposition, particulièrement au parti islamiste qui la gère depuis 2006. A l’issue d’un troisième tour totalement illégal, la victoire est revenue, encore une fois, à ceux qui l’avaient remportée, haut la main, à l’issue des deux tours précédents, sans bourrage ni trucage. Il fallait donc parer au plus pressé, faire oublier cette déculottée monumentale. Aussitôt dit, aussitôt fait : le Premier ministre présente la démission de son gouvernement. Ce qui aurait dû être fait à l’issue des élections législatives a été retardé sciemment, en l’attente du « bon » timing. Il vient avec cette défaite d’Arafat qu’on a voulu faire oublier rapidement, à une opinion publique friande de sensations. Et la manœuvre a réussi. Tous les regards se sont tournés vers la Primature et les supputations allaient bon train. Le Premier ministre tant décrié allait-il être maintenu ? Il en était persuadé, semble-t-il. Il avait peut-être encore quelques comptes à régler. Mais ses prévisions n’ont pas tardé à tomber à l’eau. Celui qu’il craignait le plus et sur le dos duquel il avait fait fuiter, dans la presse, un rapport sur la gestion de la SNIM qu’il dirige, est choisi pour lui succéder. Mohamed Salem ould Béchir, puisque c’est de lui qu’il s’agit, partage, avec son prédécesseur, au moins un point commun : c’est la voix de son maître. Fidèle exécutant, il a toujours travaillé conformément aux orientations du boss et à la volonté du clan, tant à la SOMELEC, qu’au ministère du Pétrole ou à la SNIM qu’il a trouvée, certes, en état de mort clinique.
C’est donc à lui qu’incombe la mission de « former » un gouvernement qui n’aura de nouveau que le nom. Un gouvernement qui aura péché par incompétence et qui sera pourtant reconduit, dans son écrasante majorité. Seuls quatre ministres sont renvoyés et l’on se demande bien sur quels critères les autres ont été maintenus. Certains, pour ne pas dire la majorité, ont échoué dans la gestion de leur département. D’autres ont fait chou blanc, lors des dernières élections. Et aucun de ceux qui se sont investis, corps, biens et âme, à Arafat, n’en a payé le prix. La sanction et la récompense ont-elles disparu de notre vocabulaire ? Cédant la place à la servilité et l’obséquiosité, conditions semble-t-il sine qua non au maintien en cour, pour ne plus dire fonction, tant le terme paraît-il aujourd’hui si peu approprié à l’emploi gouvernemental.
Ahmed Ould Cheikh
le calame
Système de caste en Mauritanie
Le 23 octobre 2018, à Nouakchott, dans l’un des appartements de location de l’immeuble Sahraoui, commune résidentielle de Tevragh Zeina, le jeune Mohamed Lemine Ould Khalifa Ould Eyde, meurt des suites de coups et blessures volontaires, à l’arme blanche.
Les premières constatations de la police imputent l’acte à Limam Touhami, beau-frère du susdit. Blessé, la veille, la victime restera séquestrée, jusqu’à perdre connaissance. Durant 20 heures, les auteurs de l’homicide s’appliqueront à lui prodiguer, in situ, des soins sommaires, pour éviter le scandale.
Le lendemain, à 16 heures, l’infirmier qui tentait de le maintenir en vie – un proche parent du meurtrier – décide de faire transporter Ould Eyde, à la clinique Kissi où il décède. Ce dernier avait épousé, en mésalliance, Roughaya Mint Touhami, de la tribu guerrière des Oulad Ahmed, à cheval entre les régions du Brakna et du Trarza.
Ould Eydde, lui, descend d’une prestigieuse lignée de griots (Igawen), un groupe que les Maures, cependant, réputent inférieur par la naissance. L’union subversive suscitait des tensions au sein de l’entourage familial, d’autant que les conjoints résistaient à toutes les pressions les incitants à se séparer.
La veuve et son frère, aussitôt écroués pour les nécessités de l’enquête, plaident l’accident, consécutif à une altercation. Les témoins, en majorité, confirment le piège, donc la préméditation. Une vidéo, en Arabe, interroge l’évènement : cliquer ici
Depuis, des réunions de tribu se succèdent pour entraver la chaine pénale, dans le cadre du prix du sang (Diya). La formule d’impunité permet d’occulter la demande de justice, sous des considérations immémoriales de « redevabilité » mutuelle dans l’épreuve, un processus de substitutions aux représailles, par le jeu combiné de la solidarité et de la compensation matérielle. La société maure y recourt, souvent, en marge de l’Etat et des lois. Le procédé permet d’empêcher la vendetta ; ainsi s’exerce-t-il aux dépens du droit, qu’il contourne et vide de sa vocation.
IRA – Mauritanie rappelle, ici, que les hiérarchies héritées marquent encore la mémoire primitive, aussi bien des arabo-berbère que des négro-africains, même si la réaction s’avère moins radicale parmi les seconds.
Le sentiment de supériorité génétique façonne le présent des rapports humains, au point de contrarier, voire d’interdire la faculté, pour un homme, d’extraction modeste, d’épouser une fille d’un degré de noblesse plus élevé. Bien entendu, les entorses et infractions à l’usage se multiplient mais se paient parfois au prix de la vie quand l’intimidation et les privations ne produisent l’effet de dissuasion escompté.
L’impunité de telles atteintes à l’intégrité du corps et de la vie constitue l’épilogue mécanique au crime d’honneur, commis pour préserver la pureté de la généalogie. D’ailleurs, des jurisconsultes musulmans s’évertuent, dans de rares cas, à auréoler la pratique d’une caution religieuse.
Il convient, aussi, la banalisation quasi-prévisible d’une « bavure » dont trépasse un noir d’ascendance subsaharienne, en particulier un rejeton d’esclave, comme l’illustre l’élimination de Mohamed Ould Matalla, le 12 juin 2018, par une patrouille de police, à Nouakchott. Selon le Ministre de l’Intérieur Ahmedou Ould Abdallah, une crise cardiaque explique sa mort dans un commissariat, au cours de la garde-à-vue.
Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie
Nouakchott, le 5 novembre 2018
le calame
Hommage au Pr. Lô Gourmo
La dernière sortie de mon éminent collègue, le professeur Lô Gourmo a, comme on pouvait s’y attendre, fait des vagues. Et quelles vagues ?
Pourtant, tant dans son contenu que dans sa forme, son propos ne comporte aucune nouveauté puisqu’il n’a fait que répéter ce que beaucoup martèlent depuis des décennies. Donc si son écrit, puis sa vidéo ont suscité autant de bruit, c’est bien parce que celui qui a souligné le caractère raciste et anti négro-africain de l’Etat mauritanien et du gouvernement qui l’incarne, s’appelle Lô Gourmo et non Samba Thiam, Ibrahima Moktar Sarr, Ba Mamadou Alassane, Kaw Touré, Alassane Dia et bien d’autres voix progressistes encore !
Car, faudrait-il le rappeler, depuis la publication du « manifeste du Négro-mauritanien opprimé » par les Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM) en 1986, plusieurs générations de négro-africains n’ont cessé de dénoncer l’exclusion dont faisait l’objet leur communauté et d’appeler à un débat national pour refonder notre pays sur des bases égalitaires et justes.
Malheureusement, excepté le sage Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui avait, avec courage et sincérité, amorcé ce virage salutaire (journées de concertations au Palais des Congrès, retour organisé des déportés…), tous les autres régimes n’ont fait que consolider l’hégémonie de la communauté arabe sur les communautés noires de Mauritanie. Et lorsque des patriotes sincères osent indexer cette infamie, au lieu de les écouter, la réaction de ceux qui nous gouvernent et de leurs suppôts est toujours la même : les traiter de « communautaristes », de « racistes » pour ne citer que les qualificatifs les moins sévères. Ainsi, de l’avis de ces extrémistes de la droite radicale, ce ne sont pas ceux qui exercent le racisme qui sont racistes et donc coupables, mais ceux-là qui, révoltés de subir l’exclusion dans les instances de leur pays, lèvent la voix pour réclamer l’égalité, la justice.
Qui peut encore aujourd’hui nier l’existence du racisme d’Etat lorsque depuis plusieurs décennies, au sein de tous les gouvernements, les Négro-africains qui représentent plus de 35 % de la population de la Mauritanie occupent à peine les 1/5 des postes du gouvernement ? Aux échelles inférieures (secrétariats généraux, directions et chefs de services, gouverneurs, préfets, directeurs de sureté, commissaires et autres) leur représentativité s’amenuise au point qu’elle devient quasiment inexistante.
Qui peut valablement nier l’instauration de ce système d’apartheid qui ne dit pas son nom lorsque aucune langue négro-africaine n’est officialisée encore moins enseignée alors que l’expérimentation de l’enseignement du poular, soninké et wolof a été réalisée avec succès par le défunt institut des langues nationales ?
Qui a encore l’outrance de nier que les communautés négro-africaines sont exclues des sphères de la vie publique lorsque sur plus de six (6) autorisations de diffusion octroyées à des télévisions, et six autres à des radios, aucune n’est donnée à un Négro-africain, malgré de nombreuses demandes ? Et Pourquoi ?
Que dire des promotions qui sortent de nos écoles militaires, sorties à l’occasion desquelles, les dirigeants n’éprouvent plus aucune gêne à afficher des photos où les seuls rejetons de la communauté arabe posent fièrement comme si la Mauritanie était faite à 100% d’Arabes !
Monsieur ould Maham, le tout nouveau dépositaire de la langue de bois, et sacrosaint porte-parole du gouvernement, a beaux nier ces réalités mais les faits sont têtus.
C’est donc la situation calamiteuse que nous vivons qui a poussé les plus patients d’entre nous à laisser sortir ce cri dont on sent bien qu’il a été longtemps contenu pour se conformer à certaines convenances, pour éviter de blesser des camarades, pour ménager l’autre en espérant qu’il se rende compte par lui-même que la blessure qu’il inflige est de plus en plus insupportable.
L’ancien ‘’Kadihine’’, idéologue du Mouvement National Démocratique (MND) et enfin éminence grise de l’UFP espérait peut-être ne jamais avoir à en arriver là. Si seulement ses amis Arabes, auprès desquels il chemina si longuement dans un combat commun, avaient su l’observer, le lire en lisant entre ses lignes depuis toutes ses années, ils se seraient alors rendus compte que leur frère d’arme souffrait, souffre énormément de cette lutte intérieure qu’il livrait en lui-même, pour que le cri de colère qui, en lui sourdait, ne perçât, tout à la fois déchirant et terrible.
S’ils avaient deviné le malaise ontologique de leurs indéfectible camarade, peut être auraient-ils crié à sa place et lui auraient-ils évité cette hypertension nerveuse et au-delà lui, auraient-ils évité à la scène politique mauritanienne cette polarisation dangereuse dans laquelle elle s’engage à présent. Mais le regard fixé ailleurs, ils n’ont pas vu que leur « frère » souffrait, souffrait…
Aussi contrairement à beaucoup qui accusent l’éminent professeur et avocat d’avoir employé trop tard les bons qualificatifs pour décrire le racisme institutionnalisé en Mauritanie, moi je voudrais juste lui rendre un hommage que je veux le plus vibrant. Oui, cher collègue et aîné, mieux vaut tard que jamais. Aussi je vous prie d’agréer, par ces modestes lignes l’expression de la gratitude qui m’anime.
Pr. Mamadou Kalidou BA
Nouakchott le 05/11/2018
Le bras de fer entre la Mauritanie et Donald Trump
Mondafrique – Le gouvernement mauritanien a jugé « futile et insignifiante » la remise en cause par l’administration américaine des accords commerciaux entre les deux pays en raison de la persistance de l’esclavage en Mauritanie
Donald Trump a informé le Congrès et le gouvernement de la Mauritanie qu’il mettait fin à l’admissibilité de leur pays aux avantages en matière de préférence commerciale en vertu de la Loi sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique (Agoa), à compter du 1er janvier 2019. Le décret signé par le président américain, indique le site VOA Afrique, met en cause les pratiques de travail forcé et l’esclavage moderne, selon un décret présidentiel publié par le Bureau américain en charge du commerce.
La décision est prise au terme d’une revue annuelle effectuée par l’administration américaine qui établit que la Mauritanie ne progressait pas suffisamment dans la mise en place de la protection des droits des travailleurs internationalement reconnus.
Anti-américanisme primaire
Le gouvernement mauritanien a réagi, via son porte-parole, en qualifiant la décision des USA de « futile et insignifiante ». Dans des termes bien peu diplomatiques, la petite Mauritanie s’en est prise, contre toute évidence, aux USA pour n’avoir jamais pris en compte le problème de l’esclavage « à l’intérieur de ses frontières », en oubliant juste la guerre de Sécession au XIX eme siècle et la lutte pour les droits civiques de la communauté noire dans les années 1960.
Dans une allusion aux positions bien peu tranchées prises par l’administration américaine dans le dossier Khashogi, le porte-parole du gouvernement mauritanien explique que cette indulgence est due aux 110 milliards de dollars de commandes de matériel américain par le Royaume saoudien.
Comprenons que la Mauritanie qui n’a pas de tels moyens financiers est, du coup, plus mal traitée que l’Arabie saoudite par les Américains. « Le président Trump aurait-il pu prendre une telle décision contre nous, a accusé le représentant du gouvernement, s’il espérait obtenir de nous un marché d’armement de 110 milliards de dollars? ». Le propos n’est pas faux, mais calamiteux sur le plan diplomatique face à la première puissance mondiale. Le pouvoir mauritanien est en train de perdre la main?
Des rapports à répétition
Il faut se rappeler que depuis deux ans, la Mauritanie a fait l’objet d’une vingtaine de rapports provenant de l’ONU ou de grandes ONG internationales condamnant la situation des droits humains dans le pays. Au point que même des membres éminents du parti Républicain s’étaient montrés, ces derniers mois, très critiques contre le régime du président mauritanien Aziz.
En mars dernier, six parlementaires républicains proches de Donald Trump avaient décidé d’en appeler à la Maison Blanche pour condamner un régime qui s’affiche pourtant comme un allié de Washington en Afrique.
Ces membres du Congrès ont aussi écrit à Christine Lagarde, chef du FMI, pour lui demander d’arrêter de financer la République islamique de Mauritanie. Cette démarche repose sur une condamnation du président mauritanien Aziz dont le gouvernement est accusé de vol, d’esclavage, de corruption et d’un « odieux bilan des droits de l’homme ».
Cette lettre avait été signée par une poignée de noms qui ont soutenu Trump dès le début de son ascension et qui sont tous essentiels pour faire passer ses projets de loi au Congrès. Les six élus sont Mark Meadows, Thomas Garrett, Gus Bilirakis, Jeff Duncan, Lee Zeldin et Scott Perry.
Ces trois derniers siègent à la commission des Affaires étrangères, tandis que le premier, Mark Meadows, représentant de la Caroline du Nord, est l’un des amis les plus proches du président. Il préside le Freedom Caucus, un groupe de 40 hommes politiques qui ont les moyens de faire ou défaire une loi.
Par Nicolas Beau
cridem
La Mauritanie exclue de l’Agoa pour pratique d’esclavage
VOA Afrique:Donald Trump a informé le Congrès et le gouvernement de la Mauritanie qu’il mettait fin à l’admissibilité de leur pays aux avantages en matière de préférence commerciale en vertu de la Loi sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique (Agoa), à compter du 1er janvier 2019.
Le décret signé par le président américain met en cause les pratiques de travail forcé et l’esclavage moderne, selon un décret présidentiel publié par le Bureau américain en charge du commerce que VOA Afrique a vu.
La décision est prise au terme d’une revue annuelle qui établit que la Mauritanie ne progressait pas suffisamment dans la mise en place de la protection des droits des travailleurs internationalement reconnus.
“La Mauritanie ne respecte pas les critères d’éligibilité de l’Agoa. En particulier, la Mauritanie n’a pas progressé dans la lutte contre le travail forcé, précisément contre le fléau de l’esclavage héréditaire. En outre, le Gouvernement mauritanien continue à limiter la capacité de la société civile à travailler librement pour résoudre les problèmes liés à la lutte contre l’esclavage”, indique le document.
“Les pratiques de travail forcé ou obligatoire telles que l’esclavage héréditaire n’ont pas leur place au XXIe siècle”, commente le représentant adjoint du commerce des États-Unis, C.J. Mahoney.
“Cette action souligne la détermination de notre administration à mettre fin à l’esclavage moderne et à appliquer les dispositions relatives au travail dans nos lois et accords commerciaux. Nous espérons que la Mauritanie travaillera avec nous pour éliminer le travail forcé et l’esclavage héréditaire afin que son éligibilité à l’Agoa soit rétablie à l’avenir”, explique Mahoney.
L’annonce du bureau américain du commerce prévient que les États-Unis continueront à vérifier si la Mauritanie continue de progresser dans la protection des droits des travailleurs internationalement reconnus (notamment en ce qui concerne le travail forcé), conformément aux critères d’éligibilité à l’Agoa.
Eddy Isango
VOA Afrique