Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

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Langues africaines: quelques aspects du problème et esquisse de quelques solutions

Langues africaines: quelques aspects du problème et esquisse de quelques solutionsRMI Info – Dans ce qui suit nous menons une réflexion sur la question des langues africaines dans son volet pragmatique. Nous nous intéressons, en effet, à la question de leur institution en tant que langues d’enseignement et d’administration, et notre réflexion se situe au niveau de la recherche d’une méthode qui puisse aboutir à une telle politique linguistique.

Nous savons que les sociétés africaines d’aujourd’hui sont découplées de leurs langues, et que cela a occasionné des contradictions fondamentales dans les institutions principales du continent. Il s’en est suivi un ralentissement évident dans le développement de ce dernier.

La question du re-couplage a été posée par des penseurs africains et abordée par des institutions nationales ou continentales. Toujours est-il que, malgré des décisions politiques qui commencent à émerger dans certains pays (Tanzanie, Kenya, Rwanda,..), beaucoup de décideurs politiques sont encore hésitants.

Nous essayons d’y voir un peu plus clair dans ces pages et proposons une esquisse de quelques méthodes ou solutions à certains des problèmes soulevés.

Jusque là, à l’intérieur des états africains, la politique linguistique est posée dans un cadre strictement national. Elle s’est vite confrontée à un problème éminemment conflictuel: le choix d’une langue ‘majoritaire’ face à la sensibilité des ‘minorités’.

Ici, nous examinons ce problème auquel nous proposons un remède (pour éviter de dire solution) théorique issu des mathématiques. Par suite, nous décrivons une option différente de la précédente, une nouvelle option qui arrive à résoudre cette-fois ci, de manière ‘pratique’, le problème conflictuel cité ci-dessus.

Incomplétude oblige, cette option posera quand même des questions politiques qui existent déjà, sous une forme différente, dans la première option. Mais mieux qu’une transformation simplificatrice d’un problème à un autre, nous verrons qu’il s’agit d’un saut qualitatif qui, par son aspect fondamental et pratique, pourra comprendre des aptitudes transversales destinées à résoudre d’autres problèmes qui se posent au continent africain.

La solution nationale

La solution nationale Elle consiste à ce que chaque pays choisisse une langue qu’il va élever au niveau d’une langue administrative et d’enseignement, le choix se faisant suivant un critère de représentativité.

Cette solution n’est, a priori, pas sans obstacle puisqu’il faudrait composer avec les sensibilités ethniques, et là est un problème de taille à ne surtout pas négliger. Le repli sur soi que l’on retrouve en permanence dans ces sociétés insistant sur leurs particularités respectives, est une barrière incommensurable. Pire, c’est même une tension somnolente qui pourrait basculer, par l’occasion, vers une véritable déchirure nationale.

Il va sans dire que dans cette solution, une simple décision politique est loin d’être suffisante dans la mesure où elle sera, potentiellement, en face de réactions évidentes.

C’est, sans doute, là une crainte qui retient le peu de décideurs sensibles à cette question vis à vis de l’ouverture d’un tel dossier. Mais qu’ils se rassurent, nous allons, en fait, leur proposer une deuxième option qui, elle, est sans tension. Néanmoins, avant de nous pencher sur cette deuxième option, présentons ici une résolution théorique du problème soulevé par la première solution.

Le modèle est celui du dilemme du prisonnier, un phénomène de la théorie des jeux qui semble dire un mot dans notre contexte. Ce dilemme a été énoncé en 1950 par le mathématicien américain Albert William Tucker, en voici une présentation:

Dilemme du prisonnier:

Deux individus sont arrêtés pour un crime et placés dans deux cellules séparées en attente de leur inculpation. La justice n’ayant pas assez d’éléments pour les inculper, procède à une stratégie. On envoie, simultanément, deux agents leur présenter une même offre:

D’abord on fait savoir à chacun des deux individus arrêtés que l’autre est en même temps entrain de traiter la même offre qu’on est entrain de lui soumettre. L’offre est la suivante:

Si à l’issu de l’expérience, tu acceptes de témoigner contre l’autre et que celui-ci refuse de te dénoncer, alors tu seras libre tandis que, lui, il fera 15 ans de prison.

Si vous vous dénoncez mutuellement, alors, tous les deux, vous ferez 10 ans de prison.

Si personne ne dénonce personne, alors, tous les deux, vous ferez 1 an de prison.

On rappelle que chacun doit faire son choix dans sa cellule sans aucune connaissance du choix de l’autre.

Procédons maintenant à l’analyse de ce dilemme. Un suspect qui cherche à minimiser son temps de prison raisonnera comme suit:

Il se dira que dans le cas où l’autre le dénonce, les deux issues sont:

– 15 ans de prison (s’il se tait),

– 10 ans de prison (s’il le dénonce également).

Et que dans le cas où l’autre refuse de témoigner contre lui, les deux issues sont désormais:

– 1 an de prison (s’il refuse, lui aussi, de le dénoncer),

– relaxation (s’il accepte de le dénoncer).

Donc dans cette stratégie, en toute logique, il a plus intérêt à dénoncer son camarade.

Maintenant, si les deux tiennent le même raisonnement, c’est à dire si chacun ne pense qu’à son sort, alors tous les deux choisiront la dénonciation de l’autre et feront donc, chacun, 10 ans de prison.

Si à la place de la démarche égoïste, les deux individus choisissent la convivialité en même temps, c’est à dire celle qui consiste à prendre soin du sort de l’autre, ils choisiront alors de se taire en même temps et le résultat serait 1 an de prison pour chacun.

Conclusion: La solution de convivialité est plus bénéfique aux deux (1 an de prison) que la solution de l’égoïsme (10 ans de prison). C’est un peu une loi de «On gagne tous ensemble, ou chacun perd de son côté».
Transcrivons maintenant le problème de choix soulevé par l’approche «solution nationale». Pour simplifier, supposons que deux langues africaines disputent la place de langue officielle dans un pays africain (post-colonial) donné, et qu’à l’affût, une langue étrangère tente de maintenir sa place.

Il est clair que le choix égoïste est conflictuel, et que la langue étrangère a de grandes chances de se maintenir dans ces conditions. Bien que nous sommes ici dans un contexte où nos protagonistes ne sont pas, l’un de l’autre, aussi isolés que les prisonniers l’étaient, l’analyse du dilemme du prisonnier nous enseigne que la meilleure solution pour eux est la convivialité.

Dans le contexte des langues africaines, cette convivialité peut puiser ses fondements dans la parenté qui existe entre elles et dans leur longue histoire commune riche d’interactions.

La solution partenariale:

Elle est plus fondamentale et se conforme avec la configuration endogène africaine. Elle consiste à tenir en compte de la répartition des masses ethniques, donc des langues, et à moins réfléchir en terme des frontières post-coloniales.

On part du constat évident selon lequel les frontières actuelles qui définissent géographiquement les pays africains sont trop artificielles, et surtout qu’elles sont au cœur du problème linguistique. Par exemple, beaucoup de fois on dit que dans un pays A, il y a n langues nationales, et qu’il y en m dans B, r dans C, sans pour autant garder en vue que dans A, B et C réunis il n’y a pas n+m+r langues! Il y a dans tous les pays africains d’une même zone de fortes répétitions d’une présence ethnique.

Ce fait est un point important si on l’analyse dans ses détails. Il permet, après analyse, de s’accorder sur le fait que la question de la politique linguistique en Afrique est plus enclin à se résoudre dans une collaboration interétatique que dans une action isolée d’un seul pays.

Ainsi un pays comme le Sénégal aura une collaboration avec la Mauritanie et la Gambie pour mettre en place l’enseignement en langue Wolof, il fera de même avec la Mauritanie, la Gambie, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Cameroun, le Niger, le Nigeria et beaucoup d’autres pays encore pour un enseignement en langue Pulaar/Fulfulde, il collaborera avec le Mali, la Guinée, la côte d’ivoire, le Burkina Faso et d’autres encore pour le Mandinkan… etc.

Un pays s’inscrira dans cette démarche de collaboration pour toutes ses langues principales. Ces collaborations se feront à travers des services partagés par les ministères de l’éducation des pays considérés et une commission régionale de l’éducation.

La structure générale reste à être organisée proprement, mais, étant de l’ordre de l’organisationnel, sa difficulté sera dérisoire devant celle qu’on aurait eu dans une résolution des conflits interethniques. Cette solution a, on l’aura compris, comme défi principal d’emmener un certain nombre d’états, pour commencer, à mettre en place une coopération.

Par ailleurs, ces états ne tarderont pas à comprendre qu’il s’agit là d’une solution non conflictuelle et que, finalement pour peu qu’ils soient déterminés à le faire, la mise en place d’une telle réforme se fera en douceur. Dans cette perspective, loin d’inciter au repli sur soi identitaire ethnique, nous convertissons toute aspiration au nationalisme ethnique en une activité culturelle, scientifique et intellectuelle proposée à travers l’éducation en la langue ciblée.

En effet, c’est l’ignorance occasionnée par les systèmes inadaptés qui, contrairement à un système répondant à la réalité du terroir, encourage l’ethnicisme. Une fois l’indépendance linguistique assurée, de façon dialectique le système éducationnel deviendra libre, la culture prospérera et la recherche pourra alors se fonder sur des bases solides.

C’est ainsi que l’Afrique profitera du bon côté de sa situation actuelle, car il y en a bien une; des systèmes éducatifs et culturels transfrontaliers solidifiés, additionnés à des connexions interethniques statuées par les structures étatiques post-coloniales ne pourront qu’être fructueux et conduire à l’indépendance véritable du continent.

Sans ce type de programme éducationnel, l’Afrique restera avec ses fragments d’ethnies affaiblies, parce que morcelées, enfermés dans des cellules et se disputant éternellement un pouvoir qui n’en est pas un. Ce n’est pas par hasard si on compte autant de guerres ethniques, de rebellions à caractère ethnique et de tensions toujours ethniques sur ce continent.

Il n’y a pas un moyen plus sûr pour maintenir tout un continent dans un chaos durable que d’opposer, dans un jeu, ses composantes essentielles après les avoir affaiblies.

Cette solution aura donc pour conséquence de rétablir l’intégrité des atomes du matériau Afrique que sont ses ethnies, d’assurer leur stabilité, et ça n’est qu’ensuite que les nouvelles structures étatiques pourront relier ces morceaux reconstitués et assurer leur cohésion dans une Afrique solide, stable, et surtout intègre à tous les niveaux.

Mouhamadou Sy

Mathématicien

Laboratoire Analyse-Géométrie-Modélisation

Université de Cergy-Pontoise, CNRS

mouhamadou.sy@u-cergy.fr

 

 http://rmi-info.com/langues-africaines-quelques-aspects-probleme-esquisse-de-quelques-solutions/

L’éditorial de La Nouvelle Expression : Au pays d’un seul homme

L’éditorial de La Nouvelle Expression : Au pays d’un seul hommeLa Nouvelle Expression – La Mauritanie, un pays et un homme : Mohamed Abdelaziz. C’est une manifestation radicale d’une réalité amère : Mohamed Abdelaziz est le seul homme valable en Mauritanie.

On attribuait à Ould Boylil (actuel président de l’Assemblée nationale), à l’époque gouverneur d’une région (Adrar ou Assaba) des propos suivants : « Dans cette région, il y a deux hommes : le « Glader » (bulldozer) et moi ». C’était, dit-on, un puissant gouverneur de l’époque Maaouiya. Ce dictateur (Ould Taya) laissait des prérogatives à ses ministres, gouverneurs et autres.

C’est une époque qui a comme prolongement notre ère, engendrant un autre super puissant à l’échelle nationale où Ould Boylil lui-même, lui fait la courbette. Aujourd’hui, il (Abdel Aziz) est au début et à la fin de ce qui bouge ou fait bouger en Mauritanie. Le patron de toutes les affaires.

Il est le Président, l’homme tout puissant qui décide de tout et fait tout en Mauritanie. Il fait ce qu’il veut où il le veut, quand il le veut, comme il le veut et surtout comment il le veut et à qui il veut. Et les autres s’exécutent, l’échine courbée et en applaudissant. Ils ne sont ni autorisés à penser ou à agir mais à réagir quand il veut et contre qui il veut.

Comme l’autre qui était Président dans un pays lointain mais culturellement très proche de nous et qui disait : «Faites ce que je vous demande de faire, ne faites pas ce je fais et surtout ne dites-pas ce que je fais ». Et pour le maître de Nouakchott avec ses troubadours du jour, le chemin semble être tracé. Un chemin grandement balisé, comme pour un lion dans un enclos de petits ruminants. La Mauritanie est à sa merci. Il personnifie les procédés de l’Etat. Il voulait d’un référendum pour en finir avec le sénat. Il l’a fait contre vents et marées en bottant en touche le droit et les règles les plus élémentaires de bon usage de la démocratie.

Il arrête qui il veut. Il fait exiler qui il veut. Et, même très impopulaire, le tout puissant Président déroule son agenda en réécrivant le l’histoire du pays comme il l’avait déclaré au Tagant. Pour notre super Président, comme disait le camp de Gbagbo, « Il ya rien en face ».

Le Président Mohamed Abdel Aziz agi et fait réagir. Les réactions du pôle opposé à son régime le stimulent dans son élan de fonceur vers cet objectif qu’il s’est fixé. Un objectif qui semble être clair pour tout le monde. Et personne ne peut l’arrêter mais surtout il n’y a personne pour l’arrêter.

Le tout puissant Président est fort et il est surtout très craint. Il fait trembler les autres hommes qui, pense-t-on, seraient capables de lui dire STOP. L’impopularité et les anomalies qui ont émaillé son référendum ne semblent avoir aucun impact sur la philosophie de l’homme. Le puissant Président va certainement proposer d’autres amendements constitutionnels. Qui peut l’arrêter ? Personne.

Et on votera OUI après une campagne électorale « bien menée ». Pour exécuter la volonté du Président, « on » ne tergiverse pas. C’est lui qui peut ordonner d’arrêter un sénateur ; et à la justice de trouver les charges pour l’inculper. Il ordonne de tabasser les opposants car pour lui ils n’existent que sur les réseaux sociaux. Le puissant Président ne peut être contredit car il a toujours raison.

Mais, seulement, le danger, aujourd’hui pour l’homme fort de Nouakchott, c’est qu’il croit vraiment qu’il est fort. Il croit à sa puissance, fort de sa force visible mais surtout « invisible »…

Quand on s’efforce à ignorer la réalité vis-à-vis de son peuple, on appelle cela du mépris. Si on refuse de voir ou de comprendre que les soutiens du moment sont les pires laudateurs que la Mauritanie ait connus, on risque de vivre l’effet d’un caillou jeté dans un arbre envahi par des oiseaux.

C’est le destin de tous les super-Présidents.

Camara Seydi Moussa

cridem

Collectif des avocats du sénateur Ould Ghadda : Communiqué

Collectif des avocats du sénateur Ould Ghadda : CommuniquéCollectif des avocats de Ghadda – Les membres du collectif d’ avocats commis par la famille de Monsieur Mohamed Ould Ghadda pour assurer sa défense [[ le Collectif] ont eu aujourd’hui un entretien avec Monsieur le Procureur de la République prés le tribunal de la Wilaya de Nouakchott – Ouest pour examiner avec lui le déroulement de l’instruction préliminaire entreprise dans le cadre de cette procédure.

A cette occasion, le Collectif a rappelé à Monsieur le Procureur de la République l’impératif devoir, dans un état de droit, d’observer scrupuleusement les lois et conventions internationales garantissant et protégeant les libertés.

Les Avocats ont, en particulier, rappelé que Monsieur Mohamed Ould Ghadda est en état d’arrestation depuis le 10/8/2017 et que le délai légal de sa garde à vue a largement expiré sans qu’il ne soit ni libéré, ni qu’il ne comparaisse devant un juge comme l’impose la loi ; ils ont invité Monsieur le Procureur de la République à faire cesser cette situation liberticide.

Ils ont aussi demandé que leur client puisse jouir de l’ensemble de ses droits et notamment du droit de visite de ses avocats et ses proches que consacrent clairement le droit mauritanien et les conventions internationales auxquelles la Mauritanie a adhéré.

En réponse, Monsieur le Procureur de la République a déclaré souscrire totalement aux principes et règles rappelés par les membres du Collectif mais par rapport aux deux questions ponctuellement posées par les avocats, ses réponses sont restées particulièrement évasives.

Le Collectif dénonce la disparition forcée dont a été victime le sénateur Ghadda, perpétrée en violation non seulement de l’immunité que consacre en son article 50 la Constitution en faveur des membres du Parlement mais aussi en violation des règles de procédures applicables à tout citoyen.

Il constate avec consternation que le Sénateur est soumis à un interrogatoire roulant de la Gendarmerie aux différents services de police, et que sa garde à vue -ou ce qui en tient lieu-, se prolonge indéfiniment.

Par ailleurs, les membres du Collectif déplorent que le Mécanisme National de Prévention de la Torture ait pu publier, à l’issue de sa visite tardive, un communiqué faisant part de sa satisfaction des conditions de détention de notre client sans recueillir au préalable l’avis de sa défense et en occultant manifestement les circonstances pénibles dans lesquelles se sont déroulés ces interrogations et notamment sa privation de sommeil.

Le Collectif invite les autorités politiques et judiciaires ayant engagé les poursuites pénales contre Monsieur Mohamed Ould Ghadda à faire cesser les violations de la loi et les entorses graves au droit de la défense en procédant à l’élargissement immédiat de notre client.

Le Collectif ose espérer qu’il sera mis fin à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques partisanes dans ce dossier. L’image de marque de notre pays gagnera sans nul doute au respect de sa constitution, de ses lois et des nombreux instruments internationaux auxquels il a adhéré.

Le Collectif

Nouakchott, le 25 Août

 

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Mauritanie, les journalistes dénoncent les atteintes aux libertés

Mauritanie, les journalistes dénoncent les atteintes aux libertésLe jeudi 25 août 2017, la Direction de Répression des Crimes économiques a convoqué les journalistes Moussa Samba Sy (Le Quotidien de Nouakchott), Jedna Deida (Site Mauriweb), Babacar Baye N’Diaye et Mme Rella Bâ (Site Cridem).

Elle s’est aussi rendue au siège du Calame pour la convocation du directeur du journal Ahmed Ould Cheikh, en voyage à l’étranger.

Ingérences dans les médias

Interpellés individuellement, chacun des journalistes a eu à répondre sur le contenu de ses productions de presse, sa ligne éditoriale, ses sources de financement.

Face à cette situation gravissime qui porte atteinte aux libertés et à la dignité des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions, nous journalistes, dénonçons avec force le harcèlement des acteurs de presse, l’ingérence flagrante du pouvoir dans les affaires internes des médias, et partant, l’intrusion outrageuse de l’Autorité publique et la confiscation de la liberté de presse.

Après avoir divisé la corporation, mettant fin à ses sources de financement, tenté de décrédibiliser la presse privée, érigé la rétention de l’information en règle absolue, les Autorités publiques sortent aujourd’hui, l’arme de l’intimidation pour mettre sous-scellé l’indépendance du journaliste tant qu’il n’obéît pas aux désidératas du pouvoir.

De tels comportements viennent démontrer le recul des libertés individuelles et prouvent le manque de sincérité dans le discours officiel qui prétend défendre les idéaux de démocratie dans le pays.

Violations des libertés

Partant de ces manquements et faits de violation manifeste des libertés, nous signataires du présent communiqué,

– apportons sans réserve notre solidarité la plus agissante à nos confrères interpellés

– condamnons, avec force ces pratiques que l’on croyait révolues ;

– exigeons l’arrêt immédiat de l’interpellation arbitraire des médias du fait de leur ligne éditoriale ;

– rejetons toute velléité d’utiliser des événements politiques à des fins de règlements de comptes.

Par Nicolas Beau

le monde

Un document historique inédit : Amadou Malick Gaye écrivait ainsi, à Moctar Ould Daddah, le 29 avril 1966

Les noirs du sud se veulent mauritaniens. Mais il ne leur a été permis jusqu’ici de se sentir vraiment chez eux en Mauritanie. Seuls parmi eux des arrivistes capables de fermer les yeux de se boucher les oreilles et de tout encaisser, peuvent se sentir à l’aise.

Me Moctar Ould Dadah

Me Moctar Ould Dadah

A Monsieur Moctar Ould Daddah, Président de la République Islamique de Mauritanie, Monsieur le Président,

N’ayant pu ni obtenir l’asile politique momentané en Mauritanie, ni être autorisé à poursuivre mon chemin vers d’autres pays, j’ai été ramené à Dakar. Comme il fallait s’y attendre, après ce retour, j’ai été envoyé dans un camp pénal et mis en cellule. Et en plus de mes deux ans, j’ai sur le dos un délit d’évasion pour lequel le code sénégalais prévoit une peine minimum de six mois. Mais ce n’est pas pour cela que je vous écris. Car, d’une part, en décidant de m’évader, j’avais accepté d’avance toutes les conséquences bonnes ou néfastes

D’autre part, je suis sûr qu’avec l’aide de Dieu, tout cela se terminera beaucoup plus vite que prévu. Et bientôt, ce ne sera plus qu’un souvenir lointain qu’on évoquera avec le sourire. Je vous écris pour deux raisons :

1) ma position vis-à-vis de la Mauritanie .
2) la situation intérieure de ce pays.

Pendant que j’étais gardé à vue à Nouakchott, on m’a rapporté des propos selon lesquels vous auriez dit que vous avez toujours voulu vous assurer ma collaboration et que c’est moi qui n’ai pas accepté. Vous n’êtes probablement pas le seul à avoir tenu de tels propos. Mais je pense, Monsieur le Président avoir fait tout ce que je pouvais pour aller en Mauritanie et pour y rester. Parce que si officiellement, on m’a déclaré né à Dakar, le 11 Juillet 1931, en fait, je suis né un Vendredi matin, 10 Juillet 1931 à Dounguel-Réwo, subdivision de Boghé, sur le sol mauritanien, de parents qui se sont ré-installés en Mauritanie, car la Mauritanie et l’Afrique du Nord ont été habitées par nos ancêtres longtemps avant l’arrivée des Berbères d’une part et des Arabes d’autre part. D’ailleurs, l’Arabie elle-même… mais fermons pour l’instant cette parenthèse).

Déjà quant j’étais en France, j’avais refusé d’adhérer à l’Association des étudiants Sénégalais, malgré quelques sollicitations. Finalement, je vous ai suggéré à vous et aux autres compatriotes qui se trouvaient avec nous, la création d’une association Mauritanienne. Vous avez accepté.

En 1957, un an avant la fin de mes études, la délégation du gouvernement général de l’A.O.F. à Paris m’a proposé de devenir fonctionnaire international à Bruxelles (poste que Mamadou Touré devait occuper plus tard). J’ai refusé. Après ma nomination comme administrateur en 1958, on m’a offert de travailler au Sénégal, au Togo et au Niger, j’ai encore refusé. Vers la même époque, le Président Modibo Keita m’a dit que le jour où je voudrai venir travailler au Soudan, je trouverai les portes largement ouvertes. Je n’ai pas donné suite.

Par contre, je suis allé jusqu’à St-Louis vous relancer pour obtenir mon affectation en Mauritanie. Mais de Novembre 1958 à Juin 1959, j’ai été payé pour ne rien faire dans notre pays qui ne regorgeait pourtant pas de cadres. J’ai écrit au Conseil de Gouvernement pour attirer son attention. Il ne m’a même pas répondu. Il m’a fallu menacer d’aller au Sénégal pour me voir proposer un poste de Chef de subdivision. Finalement, j’ai été chargé de créer le service de la statistique, jusqu’en Avril 1960 date à laquelle je suis allé suivre un stage de planification en France. A mon retour en Août 1960, j’ai été envoyé à Nouakchott, alors que mon service se trouvait toujours à St-Louis. Pendant des mois, je me suis tourné les pouces. Pour me rendre utile, j’ai organisé un mouvement de jeunesse, je me suis transformé en examinateur d’Anglais au B.E.P.C., puis en professeur de Français, histoire et géographie au Lycée de Nouakchott.

En fin de compte, je me suis plaint auprès de vous, Monsieur le Président. Vous m’avez fait nommer Directeur de Cabinet du Ministre de l’Education. Mais ce dernier était fermement décidé à ne me laisser que le titre pour confier la réalité des fonctions à son inspecteur primaire qui avait été dans le bon vieux temps son supérieur hiérarchique. Lorsque j’ai mis les points sur les i, mon Ministre m’a promis que désormais nous travaillons en équipe. Mais je ne devais pas tarder à découvrir qu’il convoquait son Inspecteur au Ministère de l’Intérieur qu’il cumulait avec celui de l’Education. Et là-bas, ils réglaient les problèmes essentiels pour ne me faire connaître que les mêmes détails. J’ai alors compris que je perdais mon temps dans l’administration Mauritanienne. Cette fois, je n’ai rien dit à personne : j’ai pris mon congé en tant que fonctionnaire de l’assistance technique française et je suis parti.

Cependant, mes efforts pour rester en Mauritanie, ne se sont pas arrêtés là. Après ces difficultés dans la fonction publique, j’ai pensé que je pourrai faire quelque chose dans le privé. J’ai poussé l’entreprise Gassama à créer en Mauritanie une succursale dont je devais être responsable. Nous avons été parmi les premières à nous inscrire pour un terrain dans la zone commerciale.

Parallèlement à cela, je suis venu prendre des contacts pour la création d’une société d’importation de thé. A cette occasion, j’ai même obtenu votre audience. Ces deux initiatives n’ont pas abouti à cause de mon arrestation en 1962, dans laquelle la Mauritanie a malheureusement joué un rôle déterminant.

Il est vrai que récemment, M. Elimane KANE à qui vous aviez l’intention de confier un portefeuille ministériel, s’est rendu à Dakar et m’a demandé, avec semble-t-il, votre accord, de venir travailler avec lui. Mais il m’a trouvé quelque peu enchanté et malgré toute mon amitié pour lui, je n’ai pas pu accepter. Avec lui, cependant, j’étais sûr de n’avoir aucun problème. Mais la suite des évènements n’a pas tardé à manifester une vérité première : en Mauritanie comme ailleurs, les ministres et les gouvernements eux-mêmes ne sont pas inamovibles. Et qu’est-ce qui me garantit que je n’aurais pas recommencé mon cycle de chômage payé après le départ de M. Kane du gouvernement ?

Le P.A.I. dans lequel je militais à l’époque où j’étais en Mauritanie, avait des sections dans plusieurs Etats Africains. Mais malgré l’impatience de certains Mauritaniens progressistes, la direction de notre parti s’était toujours opposée à la création d’une section mauritanienne, estimant que les conditions politiques, économiques et sociales ne l’exigeaient pas. Notre presse à travers l’Afrique et en Europe n’était pas très tendre à l’égard des gouvernements issus de la Loi-cadre. Mais mis à part un ou deux articles de second ordre parus dans un journal régional à Saint-Louis, à ma connaissance, à aucun moment le PAI n’a attaqué le gouvernement mauritanien ou sa politique. Mieux, après la création du Parti du Peuple Mauritanien, nous avons demandé à tous nos amis et sympathisants de militer sincèrement dans ce mouvement.

Mais malgré cette neutralité bienveillante vis-à-vis de la Mauritanie, dans le domaine politique non plus, je n’ai pas été gâté par la R.I.M.

En 1959, j’ai été éloigné de St-Louis et contraint par la Mauritanie à faire une tournée dans le Nord-Ouest parce que le Sénégal ne voulait pas que je sois à St-Louis pendant la réunion du Conseil Exécutif de la Communauté. En Août 1960, j’ai été exilé à Nouakchott et pratiquement mis en quarantaine à la demande du Sénégal, après les incidents électoraux de St-Louis qui avaient pourtant eu lieu en mon absence. Vous-même, Monsieur le Président, vous m’avez dit à ce moment-là que vous permettriez d’aller n’importe où sauf au Sénégal. En 1962, des informations fantaisistes d’un administrateur mauritanien et de votre ministère de l’intérieur ont été transmises au gouvernement du Sénégal et ont entraîné mon arrestation à St-Louis et mon transfert à Dakar où j’ai été emprisonné pendant trois mois, puis mis en résidence surveillée pendant cinq mois.

Il y a une dizaine de jours enfin, j’ai pu m’évader de la prison civile, disparaître de Dakar, me rendre à St-Louis, puis à Rosso. Arrivé à Nouakchott le 18 avril au soir, je comptais tout juste y passer la nuit pour continuer le lendemain matin par avion vers un autre pays. J’avais mon billet et ma place était retenue ferme. Si en fin de compte mon évasion n’a pas réussi, si ma famille se trouve en difficulté, et je moisis actuellement dans une cellule de camp pénal au lieu de vivre librement dans un autre Etat africain, c’est uniquement parce que la Mauritanie n’a pas voulu m’accorder, je ne dis même pas un asile politique, mais un simple droit de passage. Elle a préféré me remettre à la Sûreté sénégalaise. Pourtant, lundi dans la nuit et vendredi à 13h, je pouvais m’évader du commissariat. Mais j’ai préféré compter sur vous.

Je sais que la situation de Nouakchott ne m’était pas favorable et que les raisons d’Etat sont parfois implacables. D’ailleurs, maintenant, comme les autres fois, je n’en veux à personne. Car je pense qu’il faut se battre jusqu’au bout avant « l’évènement ». Mais une fois qu’il a eu lieu, il ne sert à rien de pleurnicher. Le fatalisme est alors plus réaliste. Il faut se dire : « C’était écrit ! » et se tourner vers résolument vers l’avenir.

Si j’ai rappelé tous ces faits, ce n’est donc pas par rancune mais parce que j’estime qu’après tout cela, il n’est pas du tout juste que l’on me reproche à moi de n’avoir pas voulu travailler en Mauritanie. Car je ne suis venu au Sénégal que contraint et forcé. Cependant, malgré toutes les arrestations que j’ai subies de ce côté-ci du fleuve, je pense que je n’ai pas eu tort de venir.

Notre parti en a fait voir de toutes les couleurs au gouvernement contre nous. En outre, je constate que malgré cela, chaque fois que j’ai demandé du travail au gouvernement du Sénégal, il m’a permis de mettre la main à la pâte. En 1963, j’ai été affecté au Ministère du Commerce, puis nommé par le Conseil des Ministres, Directeur de l’Institut de Technologie Alimentaire. Et chaque fois, ce n’était pas pour la forme.

Si vous le permettez, maintenant, Monsieur le Président, je vais revenir sur la situation intérieure actuelle de la Mauritanie. Ce que j’ai dit dans ma dernière lettre n’était pas dicté par les circonstances. Je le pense effectivement.

Je maintiens que je ne peux comprendre que les Noirs de Mauritanie puissent accepter d’apprendre le Français à l’école et rejeter l’arabe qui est considéré comme langue Sainte par l’écrasante majorité de leurs parents. En ce qui me concerne, malgré les incommodités de la vie en cellule et les pertes de temps (il n’y a pas de lumière pour travailler la nuit), j’espère terminer bientôt le tome I de la « Méthode d’Arabe littéral » de Lecomte et Ghédira. Au fur et à mesure que j’avance, je dresse la liste des mots Poular empruntés à l’arabe. Je constate déjà que leur nombre sera effarant. D’autre part, selon une tradition très vivace chez nous, « Fouta Toro » vient des mots arabes signifiant « émigrés du Thor ». Or, le mot Thor, vous le savez, se trouve dans la péninsule arabique, plus exactement dans le Sinaï. Dans le temps, j’étais très sceptique. Mais les quelques notions d’archéologie que je commence à acquérir, m’amènent à me convaincre de plus en plus que c’est vrai. Mieux, j’en arrive même à être d’accord avec ceux qui estiment que les Arabes comme les Juifs sont le produit d’un lointain métissage de noirs et d’aryens. Il fut un temps où les Dieux eux-mêmes étaient noirs et tout le monde était fier d’avoir du sang noir dans les veines. Actuellement, les choses ont quelque peu changé. Mais la situation actuelle elle-même changera. Car ainsi va le monde.
Sur le plan linguistique, je pense qu’entre l’arabe et les langues dites africaines, il y a eu double inter-action. Au début, l’arabe a été influencé par ces langues. On retrouve encore dans son vocabulaire des vestiges de l’Egyptien ancien parlé par des noirs. Par contre, avec la naissance et le développement de l’Islam, l’Arabe a profondément marqué certaines langues africaines comme le Poular.
Il n’y a donc objectivement aucune raison pour que les mauritaniens noirs refusent d’apprendre l’Arabe en tant que langue. Je redis que c’est un faux problème qu’il faut éviter à tout prix d’ancrer dans la vie du pays. La cause véritable de l’agitation de nos parents est ailleurs. Et le décret rendant l’enseignement de l’Arabe obligatoire n’a été que le prétexte qui a permis à un mécontentement longtemps comprimé d’éclater, tout comme le congrès de Nouakchott en son temps.

Certains penseurs conseillent de regarder la vérité en face, même si l’on doit en mourir. Pour la Mauritanie, regarder les choses en face, loin de faire mourir, aura, je pense, un effet très salutaire.
Les noirs du sud se veulent mauritaniens. Mais il ne leur a été permis jusqu’ici de se sentir vraiment chez eux en Mauritanie. Seuls parmi eux des arrivistes capables de fermer les yeux de se boucher les oreilles et de tout encaisser, peuvent se sentir à l’aise. Par moment, il m’arrive de comparer la situation des noirs mauritaniens à celle des Arabes en Algérie entre 1945 et 1954. Sous certains aspects, la situation de nos parents est encore plus déplorable. Au fond, presque tous nos parents vivent avec une intensité plus ou moins grande, la même aventure que j’ai moi-même vécue. Les seules différences étant que je me considère avant tout comme un citoyen africain et que je peux me faire une place au soleil dans d’autres Etats Africains, alors que la plupart d’entre eux ne le peuvent pas.

Qui parmi eux ne s’est pas vu dire qu’il est un étranger et qu’il n’a pris des papiers mauritaniens, que pour trouver du travail ?

Les idées esclavagistes sont encore très vivaces dans le pays. Et pour beaucoup de Mauritaniens même instruits, un noir parce que noir est un esclave, un être inférieur.

Cet état d’esprit ambiant se retrouve jusque dans la vie politique. On en vient par exemple à considérer comme tout à fait normal qu’un noir ne puisse pas occuper certains postes ministériels ou diriger certains services nationaux. Un autre exemple ? Prenons le problème du pourcentage des noirs et des maures dans le pays. Du temps des Français, il était admis qu’il y avait deux tiers de maures pour un tiers de noirs. Peu de temps après la Loi-Cadre, c’est-à-dire la mise en place d’une Assemblée et d’un Gouvernement à majorité de maures, on est passé à trois quarts, un quart. A l’heure actuelle, ce pourcentage sur lequel on se base plus ou moins pour répartir entre les deux ethnies les députés, les ministres, les stages et les emplois, est de quatre cinquième pour les Maures et un cinquième pour les Noirs.

On dira, certes, que les estimations françaises ne reposaient sur rien de sérieux. Mais elles avaient au moins le mérite de l’impartialité , tandis que les chiffres actuels qui sont au moins aussi contestables, semblent être le produit d’une volonté bien arrêtée de limiter les prérogatives d’une ethnie au profit de l’autre. C’est d’autant plus inquiétant que certains maures trouvent le dernier pourcentage encore trop favorable aux noirs. Si l’on n’y met pas un frein, de pareilles idées risquent de devenir dangereuses et de mener très loin.

Cependant, il ne suffit pas d’apposer une signature au bas d’un texte réglementaire et de décréter qu’il ne peut plus être question d’ethnie en Mauritanie pour que le problème soit réglé. On dit que les Etats socialistes sont totalitaires et dictatoriaux. Je leur reconnais au moins le mérite suivant : avant de s’attaquer à un problème d’une certaine importance, ils préparent systématiquement le terrain en suscitant des discussions et des explications dans le Parti, les mouvements de masse, les journaux, la radio, la télévision etc… pour faire comprendre et accepter la nouveauté. A mon avis, le gouvernement le plus autoritaire qui ait jamais existé, a été le gouvernement national socialiste. Pendant des années, la volonté de Hitler a été la seule Loi en Allemagne. Il a conduit tout son pays dans des aventures extravagantes. Mais lui-même et Goebble, son ministre de l’information, veillaient soigneusement à présenter aux Allemands, les moindres actions du gouvernement sous un jour acceptable. Il y a là quelque chose à méditer.

Je pense que le problème intérieur mauritanien n’est pas encore devenu insolite : c’est en laissant pourrir la situation qu’on l’amènera à ce stade. Car, au-delà d’un certain seuil tout mouvement humain devient irréversible et toute maladie, incurable.

Ce qu’il faut en Mauritanie, c’est d’abord, une patiente éducation des deux ethnies qui les amènera à comprendre qu’elles sont beaucoup plus proches l’une de l’autre qu’on ne le croit généralement des deux côtés. Car, qu’ils le veuillent ou non, les Mauritaniens Maures et Noirs sont des demi-frères sur le plan social et cohabitent sur le même sol.

En même temps que cette éducation, il faut des réformes appropriées permettant à la minorité noire elle aussi de se sentir chez elle en Mauritanie. Car en fait, elle ne demande que cela.

Entrée en Mauritanie dans la Fédération du Mali, garanties constitutionnellement, gouvernement fédéral, scissions parmi les étudiants, refus de l’arabisation de l’enseignement etc… qu’est-ce que tout cela, si ce n’est des manifestations partielles et parfois maladroites de ce besoin ? Si les noirs appréhendent un rapprochement Mauritanie-Maghreb, c’est essentiellement parce qu’ils se disent que leur situation déjà mauvaise risque de devenir catastrophique. L’hostilité de l’Arabe traduit donc une certaine forme de résistance à l’oppression et rien d’autre.

Pour ce qui est des réformes elles-mêmes, je pense que l’importance numérique des deux ethnies et les possibilités financières du pays ne justifient pas la création d’un gouvernement fédéral. Ce qu’il faut avant tout c’est assuré l’égalité devant l’emploi dans les secteurs public et privé.
En second lieu, je pense qu’il faut revenir au pourcentage deux tiers, un tiers pour l’Assemblée Nationale et le Gouvernement.

Vous aviez suggéré qu’il ait un Président de la République et un Vice Président ne pouvant pas être tous les deux de la même ethnie. L’idée est à reprendre. Si elle n’a pas été retenue par l’Assemblée en 1961, c’était parce que vous n’aviez ni assisté aux débats ni beaucoup insisté pour l’adoption. Il y a de fortes chances pour que le plus souvent le Président soit un Maure. Il n’y a aucun mal en cela, à condition bien entendu que le Vice Président ne soit pas un simple béni-oui-oui, mais une personnalité incontestée, démocratiquement choisie et ayant des attributions réelles.

On peut ajouter que le Président de l’Assemblée Nationale sera choisi alternativement dans l’une et l’autre ethnie.

Je profite de l’occasion pour suggérer une dernière réforme qui, elle n’a rien à voir avec le problème ethnique. Elle concerne la démission en blanc. C’est une mesure vraiment rétrograde qui dépare la politique mauritanienne. C’est par la formation politique qu’un militant doit être amené à adhérer totalement à la ligne et aux décisions du Parti. Lorsqu’un divorce se produit l’intéressé doit avoir, de lui-même, l’honnêteté de démissionner de toute les fonctions qu’il occupe grâce au Parti. S’il ne le fait pas, il suffit d’un peu de patience pour l’attendre au tournant inévitable des réélections.

Je suis sûr, Monsieur le Président, que les quelques réformes suggérées plus haut (égalité devant l’emploi ; deux tiers, un tiers ; Vice Présidence de la République ; Présidence alternée de l’Assemblée), si elles sont réalisées pendant qu’il en est encore temps, apaiseront les noirs et leur donneront enfin la certitude qu’on veut effectivement bâtir avec eux la Patrie Mauritanienne.

Certes, parmi les Maures, il y a des ultras qui ne voudront rien comprendre. Mais avec beaucoup de bonne volonté, la raison finira par triompher.

Ce qui m’a le plus frappé dans la politique intérieure mauritanienne, a été la réalisation de l’unité politique et la création du Parti du Peuple. Pour qui connaît l’énormité des appétits en présence et la sournoiserie des calculs dans la jungle politique de l’époque, c’était un véritable tour de force.
Puisque vous l’avez réussi, je ne vois vraiment pas pourquoi vous ne réussiriez pas à réconcilier ces demi-frères que sont les Mauritaniens maures et noirs.

Personnellement, je vous souhaite déjà : bonne chance

PS : Je vous serais très reconnaissant d’autoriser la publication de cette lettre dans la presse mauritanienne, « in-extenso » pour éviter tout malentendu. Vous me permettrez, d’autre part d’en diffuser quelques copies. Car les deux problèmes qui sont soulevés me touchent au plus haut point. D’avance, Merci.

Amadou GAYE, Administrateur en Cellule au Camp Pénal de Dakar
Dakar, le 29 Avril 1966

TAHALIL-HEBDO

 

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