Daily Archives: 08/07/2017
Langues africaines : seule issue pour un développement scientifique et technique abouti en Afrique
RMI Info – Chers amis co-panélistes,
Eminent auditoire,
Permettez-moi de commencer par exprimer toute ma gratitude aux organisateurs de cette rencontre, en particulier au Ministre, Adama Samassékou. Bamako est un endroit magnifique et est d’une hospitalité exceptionnelle.
Dans un panel de ce titre (langues africaines à l’ère du numérique), j’ai choisi de parler plutôt des sciences pour lesquelles le numérique n’est qu’un reflet, je vais parler des langues africaines et également, je vais défendre la technicité que j’ai vue quelque peu attaquée par ce que je prendrais pour de gentilles boutades proférées à l’égard de celle-ci depuis la journée d’hier.
Mais avant tout, je tiens à souligner que les humanités auxquelles nous aspirons ne pourront réussir que quand nous convoquerons aussi les sciences exactes. La preuve est donnée par la coupure du micro de tout à l’heure (référence anecdotique).
La science, la technicité : On disait dans l’introduction que la révolution numérique n’est qu’un reflet des sciences dans lesquelles de grandes et véritables révolutions ont été accomplies, des révolutions qui ont changé l’humanité.
Les contributions d’Alan Turing lors de la deuxième guerre mondiale ont permis de décoder les codes nazis, et ont ainsi écourté la guerre d’environ deux ans. C’est énormément de vies sauvées, et un chaos limité.
La découverte des atomes par Jean Perrin, la relativité d’Albert Einstein, la théorie analytique de la chaleur de Joseph Fourier, le calcul différentiel de Newton et Leibniz… Galilée et tant d’autres ont fait une révolution scientifique.
La révolution scientifique est aussi arabe, grecque, indienne, chinoise, égyptienne antique… Mais elle a été, avant tout, africaine ; car il y a 20000 ans, au niveau de l’actuelle RDC, des mathématiciens africains ont gravé sur des os les règles de l’arithmétique élémentaire. Reprenez cette histoire dans l’ordre et vous verrez une contribution de tous les peuples du monde à cette révolution dite numérique.
Je voudrais tout simplement souligner au passage que l’Afrique d’aujourd’hui a besoin de technicité, car la situation actuelle du monde est celle des grandes puissances mises en rapport avec des non- puissances, d’un côté des technologies atomiques et de l’autre le néant.
Force est de constater qu’un équilibre ne pourrait y être établi. Donc, de grâce, allons développer la science qui nous permettra de mettre en place des dispositifs comparables et ça ne sera qu’après, qu’on fera comme les autres, et on dira que tout cela est mal, mais au moins nous serons déjà à l’abri de tout retour des vieilles habitudes humaines que l’on connait bien.
La science, la langue : Pour faire simple et veuillez excuser les imperfections, disons que les sciences ne cherchent qu’à décrire et enregistrer ce que l’on appellera ici « l’information ». Elles servent aussi à transformer cette dernière, la faire circuler,… Là où la langue intervient c’est là où on a besoin de coder une certaine quantité d’information. Mais évidemment, l’information ne dépend aucunement de cette langue.
Pour s’en convaincre, imaginons une seule seconde que le Français et l’Anglais n’existaient pas; déjà certains ici vont commencer à se demander si les misérables de Victor Hugo et Jules César de Shakespeare auraient existé. Mais ce dont je suis sûr c’est que l’atome aurait gardé la même structure et que les planètes graviteraient de la même manière.
Ce que je suis en train de dire c’est que toute science objective serait restée telle qu’elle. Alors je me demande pourquoi avoir autant du mal à se débarrasser de l’idée selon laquelle les sciences ne s’accèdent qu’à travers des langues étrangères, qui étouffent, par ailleurs, nos systèmes éducatifs.
Mais une preuve plus concrète que la science peut être dite et faite dans nos langues africaines est un livre que j’ai eu le plaisir d’écrire, une monographie de mathématiques supérieures en langue Pulaar/Fulfulde.
Dans ce livre dont le titre est « Binndande hiisankooje », nous traitons des notions modernes telles que la mesure, la topologie, les probabilités modernes, la logique pour ne citer que celles-ci, mais nous présentons aussi, toujours en Pulaar/Fulfulde, des notions élémentaires de physique moderne.
La méthode que j’ai utilisée repose sur une caractéristique de nos langues : la classification nominale.
Beaucoup de langues africaines connaissent ce phénomène. En pulaar, on a entre 26 et 27 classificateurs, et la classe se construit souvent suivant les propriétés physiques ou géométriques de l’objet à désigner, ce qui constitue un avantage pour un apprentissage scientifique dans cette langue.
Un exemple que j’ai proposé l’année dernière (Mars 2016) à Dakar procède comme suit : Mettons une corde et un melon dans une pièce qui ne va contenir que ces deux objets. Faisons appel à un enfant qui ne connaît aucun de ces objets mais qui sait parler Pulaar; que l’on envoie cet enfant chercher le melon en lui disant « Addoy dennde nde».
Ce qui va se passer c’est que l’enfant reviendra avec le melon. Explication : en Pulaar « nde» qui est la classe de « dennde (melon) » décrit les rotondités comme la tête, la graine, l’œil etc. Et « ngol» la classe de « boggol (corde)» décrit les filiformes comme chemin, poil, fil etc… Donc la langue même suggérera à cet enfant l’objet concerné!
C’est cela la puissance de nos langues. Et cette puissance, reportée à des questions sérieuses d’apprentissage et de la recherche, se laisseront exploiter comme il faut et nous faire faire un grand saut dans l’acquisition et la digestion des sciences de toutes sortes. La vérité c’est que nos langues travaillent bien les sciences, et ce, de la plus belle des façons….
Le message : Avant de faire des recommandations à la commission et rendre la parole, je souhaiterais nous lire un passage des fondements économiques et culturels d’un état fédéral de l’Afrique noire de notre bien aimé Cheikh Anta Diop qui s’exprimait sur des questions de cet ordre :
« Notre génération n’a pas de chance, si l’on peut dire, en ce sens qu’elle ne pourra pas éviter la tempête intellectuelle ; qu’elle le veuille ou non, elle sera amenée à prendre le taureau par les cornes, à débarrasser son esprit des recettes intellectuelles et des bribes de pensée, pour s’engager résolument dans la seule voie vraiment dialectique de la solution des problèmes que l’histoire lui impose.
Cela suppose une activité de recherche, au sens le plus authentique, des esprits lucides et féconds, capables d’atteindre des solutions efficaces et d’en être conscients par eux-mêmes, sans la moindre tutelle intellectuelle.
C’est la conjoncture de l’histoire qui oblige notre génération à résoudre dans une perspective heureuse l’ensemble des problèmes vitaux qui se posent à l’Afrique, en particulier le problème culturel.
Si elle n’y arrive pas, elle apparaîtra dans l’histoire de notre peuple, comme la génération de démarcation qui n’aura pas été capable d’assurer la survie culturelle, nationale du continent africain ; celle qui, par sa cécité politique et intellectuelle, aura commis la faute fatale à notre avenir national : elle aura été la génération indigne par excellence, celle qui n’aura pas été à la hauteur des circonstances ».
On dirait que ces paroles décrivent la situation actuelle, la question est alors : voudrions-nous être la génération indigne par excellence ?
Recommandations :
1. Une politique continentale d’appui (en particulier financier) aux projets de développement des langues africaines à travers d’un financement accueillant et accompagnant des projets de productions scientifiques et littéraires dans ces langues, et aussi un soutien aux maisons d’éditions en langues africaines qui sont appelées à les diffuser.
2. La mise en place d’un certificat « d’aptitudes africaines » délivré à tous niveaux de diplômes à partir master (BAC+5), et qui atteste que l’intéressé s’est acquitté de son devoir (national) africain d’avoir produit un document conséquent quant au développement intellectuel d’une langue africaine. Que ce certificat soit requis pour tout recrutement dans les institutions gouvernementales africaines et dans toute promotion académique.
3. Multiplier les bourses doctorales pour booster la production scientifique et de scientifiques pour le continent.
Je vous remercie.
Mouhamadou Sy
Mathématicien Mauritanie– Université de Cergy-Pontoise, France
Revoir l’entretien de RMI avec Mouhamadou Sy
Déclaration commune
Depuis le coup d’Etat du 6 Aout 2008 la Mauritanie vit une crise multidimensionnelle sans précédent qui va s’aggravant.
– L’unité du peuple et le vivre ensemble de ses composantes ethniques, culturelles et sociales sont menacés du fait de la politique du pouvoir basée sur la discrimination, l’injustice, l’impunité, l’accentuation des inégalités à travers la persistance de l’esclavage et de ses séquelles, les vexations et le mépris des aspirations légitimes de notre peuple à vivre dans l’unité et l’harmonie dans le cadre de l’Etat de droit et de la citoyenneté.
– Les populations sont écrasées par la cherté de la vie, la montée vertigineuse des prix, la soif, le chômage, l’insécurité et la médiocrité des services publics, corollaire de la politique du pouvoir qui s’acharne à pressurer les populations et à rançonner les entreprises et les automobilistes par les impôts, les taxes et les bénéfices réalisés sur les prix des hydrocarbures
– Les ressources nationales sont pillées par un pouvoir dont le chef et son entourage immédiat n’ont d’autres soucis que de siphonner, à ciel ouvert, les richesses du pays à travers les commissions, les marchés de gré à gré et des conventions fictives avec les sociétés d’Etat.
– La crise politique mine le pays du fait de l’entêtement du pouvoir à persévérer dans l’exercice d’un pouvoir personnel qui méprise les institutions de la République, foule au pied la loi et prend en otage le pays, ses institutions et ses ressources.
Au lieu de s’atteler au règlement de ces problèmes cruciaux et urgents, dont la persistance menace l’existence même du pays et risquent de le faire basculer dans l’instabilité, le Pouvoir s’entête, en violation de la Constitution, à user de forcing pour faire passer, en dehors de tout consensus national, des réformes constitutionnelles onéreuses qui, non seulement ne règlent aucun problème, mais divisent davantage le peuple, accentuent la crise politique et seront l’occasion de dilapider des milliards qui auraient pu servir à alléger les souffrances des populations.
La Constitution et les symboles de l’Etat ne peuvent et ne doivent être modifiés que dans les formes prévues par la Loi fondamentale et dans le cadre d’un large consensus national, condition indispensable à une situation politique normalisée.
Ainsi donc, ce référendum n’est, en définitive, qu’un coup d’Etat contre la légalité constitutionnelle – un de plus – qui vise à ouvrir la voie à la perpétuation du pouvoir comme le proclament officiellement ses voix les plus autorisées, et ce au moment où le pays a, plus que jamais, besoin de s’acheminer vers la préparation, de manière consensuelle et apaisée, des conditions nécessaires pour assurer une alternance pacifique et démocratique du pouvoir dans un contexte national et international lourd de toutes les menaces.
Partant de ce qui précède, les coalitions, partis et mouvements signataires de la présente déclaration :
• Condamnent avec la dernière énergie les méthodes répréhensibles dont use le pouvoir pour faire passer ses réformes : l’encouragement du tribalisme et du régionalisme, l’embrigadement des fonctionnaires et agents publics, l’usage abusif des moyens de l’Etat, l’exclusion de toute voix discordante des moyens d’information.
• Proclament leur volonté inébranlable de s’opposer fermement au référendum que le pouvoir s’entête à vouloir organiser en violation de la Constitution et en dehors de tout consensus.
• Appellent toutes les forces politiques et sociales du pays à s’unir et à coordonner leurs efforts pour mettre en échec cette mascarade qui vise à perpétuer le régime de la gabegie, de l’injustice, de l’exclusion, de la pauvreté, de la faim et de la soif.
• invitent vivement l’ensemble des mauritaniennes et des mauritaniens à s’associer activement à la campagne de boycott du référendum.
Nouakchott, le 7 juillet 2017
Les signataires:
Parti Sawab
Parti Al Watan
Parti RFD
Le FNDU
Parti UNAD
Parti FPC
Mouvement IRA
Initiative
SOURCE: CRIDEM