Daily Archives: 28/10/2016
Mauritanie: l’accaparement des terres dans la Vallée du fleuve dénoncé
Le360 – Désormais considérée comme «crime contre l’humanité» par la législation pénale internationale, la pratique de l’accaparement des terres continue à susciter une vive inquiétude du mouvement associatif en Mauritanie.
Une tendance illustrée par cette déclaration du Forum des organisations nationales de droits humains (FONADH-collectif d’une vingtaine d’ONG), dénonçant «l’accaparement des terres de culture dans la Vallée du fleuve Sénégal, qui continue d’empoisonner la vie de paisibles citoyens».
Une tendance dont l’explication réside dans le fait que ces terres «fertiles, font l’objet d’une convoitise immodérée de l’agro business national et international, depuis quelques années». A l’origine de la déclaration du jeudi 27 octobre, l’attribution de terres au niveau de l’arrondissement de Dar El Barka (environ 300 kilomètres au Sud/Est de Nouakchott).
Des terres propriétés de plusieurs villages «cédées à un promoteur sans concertation». En face «des paysans et des communautés déterminés à défendre leur propriété et unique source de revenus, jusqu’au sacrifice suprême». Le FONADH signale qu’en dépit de l’engagement répété des autorités au plus haut niveau, de trouver une solution, ce problème d’accaparement des terres persiste, dans la mesure où «des engins sont stationnés sur place et procèdent à des travaux».
Le FONADH avertit contre «une situation grosse de tension, dont il est impossible de mesurer les éventuelles conséquences». La déclaration des ONG rappelle que «les terres de décrue du Walo ont pendant longtemps (plus d’un millénaire) fait l’objet d’un système traditionnel de gestion au Walo, au Fuuta Tooro et au Guidimakha/Gajaaga». Les expropriations des terres de culture dans la région de la vallée fleuve en Mauritanie ont pour cadre juridique une ordonnance adoptée en 1983, sous un régime militaire d’exception.
Pire, en dépit du caractère contestable des dispositions de cette loi, que le FONADH juge «scélérate», celles-ci sont allégrement violées par l’administration, notamment pour ce qui concerne les règles relatives à la publicité, exigées dans le cadre de la procédure d’attribution.
Ainsi, au fil des années, la loi adoptée sous le régime de Mohamed Khouna Ould Haidallah, a créé une pagaille inextricable. Des terres sont accaparées par des spéculateurs bénéficiant de la complicité de l’administration, avec l’objectif de les revendre à des investisseurs plus fortunés, notamment ceux du Golfe.
Une véritable bombe à retardement face à laquelle le FONADH réclame «un moratoire de 5 ans» dans les attributions suivi d’une nouvelle réforme foncière, pour mettre de l’ordre dans le foncier agricole au niveau de la vallée du fleuve.
La pratique de l’accaparement des terres, rappelle-t-on, a été tout dernièrement élevée au rang de «crime contre l’humanité» par la législation pénale internationale.
cridem
Régularisation des fonctionnaires et agents de l’État victimes des événements de 89 :La direction de la fonction publique accusée d’«obstructions!»
La direction de la fonction publique et de la formation créeraient des « obstacles artificiels » pour bloquer le règlement des dossiers des victimes des événements de 1989 qui, il faut le rappeler, ont conduit nombre de fonctionnaires et agents de l’État à la déportation ou à la révocation pure et simple. C’est du moins ce qu’apprend le Calame auprès de sources bien informées et proches du dossier.
Pour ce faire, le directeur de la fonction publique et celui de la formation exigent des victimes une décision de licenciement, un recensement au niveau de l’ambassade de Mauritanie au Sénégal après la déportation, ou une carte de réfugié, un contrat d’embauche avant le licenciement ou l’exil au Sénégal. Parfois, ladite direction évoque une première ou une deuxième liste. Ces responsables exigent ces documents disent-ils pour les confronter à la liste que l’ANAIR de l’époque, ou Tadaamoun aujourd’hui ont fait parvenir au gouvernement qui, il faut le rappeler avait ordonné, lors d’un conseil des ministres du 20 septembre 2012 de parachever le processus de règlement de ce problème. Dans ce cadre, une lettre circulaire, N° 00019/13, en date du 3 Décembre 2013, avait été encore adressée, aux différents établissements, leur rappelant de se conformer à la décision de l’Etat de « promouvoir des mesures en faveur des employés victimes des événements de 1989. » Il s’agit, «concrètement», pouvait-on lire dans ce document, d’«indemnisations, de réintégrations, régularisations de situations statutaires, droits à la retraite, selon les cas ».
« Ces responsables qui exigent de nous toute cette paperasse n’ignorent pas les conditions dans lesquelles nous avons été déportés ou licenciés ; c’est simplement pour créer des blocages au dossier que le président de la République a ordonné de régler », tempête une victime.
Mêmes si certaines victimes ont été « régularisées », plus de 131 sur 224, seulement en 2015 et début 2016, d’autres continuent de courir derrière la fonction publique qui, visiblement traîne les pieds pour envoyer les listes à la direction du budget pour règlement. Les responsables de la direction de la fonction publique ne voudraient même pas voir les victimes traîner dans leurs locaux, affirme notre source qui rapporte un cas très pathétique d’un douanier malade depuis longtemps et dont la sœur court inlassablement derrière la fonction publique qui aurait refusé de régler le problème, ceci en dépit de l’existence d’un fond de dossier bien fourni et des témoignages d’anciens collègues de service. Même son ancien chef de service et d’autres organisations seraient venus plaider en sa faveur auprès de la direction de la fonction publique. En vain ! signale notre source.
A en croire notre source, le président du Haut Conseil de la Fatwa et des recours gracieux a joué un rôle déterminant pour décanter la situation. La Mauritanie, ajoute-t-il se passerait bien des dialogues si tous les responsables mauritaniens s’acquittaient, chacun en ce qui le concerne, de leur devoir comme le fait ce haut responsable.
Notre source indique par ailleurs, que le chargé de mission à la présidence, Ould Ahmed Daamou suit le dossier et passe souvent à la direction de la fonction publique pour accélérer le processus, conformément aux instructions du président de la République.
Le nombre de victimes est estimé à 224 (ancienne liste) à laquelle serait venue s’ajouter une autre liste venue de Tadaamoun et que la fonction publique appelle dans son jargon, la nouvelle liste.
Notons enfin que le dialogue qui vient de se terminer à Nouakchott a recommandé, même si la formulation reste très prudente voire méfiante, de faire lever les obstacles au règlement de ce dossier dit passif humanitaire. Cette recommandation du dialogue vient rappeler que le dossier ne pouvait pas être clos si vite par le gouvernement dont certains des responsables refusent, on ne sait pourquoi d’exécuter une lettre circulaire ou l’ordre du président de la République.
Les artisans négro-mauritaniens, ces oubliés de la nation !
DuneVoices – L’organisation sociale des populations Poular, Soninké et Wolof habitant le sud mauritanien, le long de la vallée du fleuve Sénégal, est fortement hiérarchisée. Dans cette zone, on rencontre différents groupes sociaux appartenant à des corporations pratiquant diverses activités.
Le rythme de vie de ces groupes est foncièrement réglementé par le travail considéré à la fois comme marqueur social et source de revenus. Ces communautés noires qui peuplent le sud mauritanien qu’elles soient Poular, Soninké ou Wolof, sont subdivisées en quatre principaux groupes dont notamment : Les nobles, les artisans, les niamakala et les esclaves affranchis (de cette dernière catégorie, il ne reste que le nom, les pratiques esclavagistes ayant totalement disparu).
Niénio en Poular et en Wolof, Kitgoliniagana en Soninké, les artisans occupent une place prépondérante tant sur le plan démographique que pour leur apport socio-économique et culturel. Avant l’envahissement des marchés locaux par des produits importés, ce sont ces artisans qui s’occupaient essentiellement de doter les populations du nécessaire.
On se tournait vers eux pour la fabrication des outils agricoles, le matériel et les ustensiles de cuisine, les parures des femmes, la construction des habitats et la fabrication des armes de chasse, de pêche et les armes de combat.
Dans la communauté Poular du Sud Mauritanien, ils sont divisés en quatre grandes fractions : Waylubé (les travailleurs des métaux), Maboubé (les tisserands et les potiers), Laobe (les bucherons) et Sakébé (les cordonniers).
Chaque groupe avait un rôle à jouer grâce aux nombreux services qu’il rendait. Le rythme de vie des populations locales dépendait, essentiellement, de ces braves femmes et braves hommes qui étaient considérés et respectés.
« Aujourd’hui la donne a totalement changé, c’est à peine que nous parvenons à joindre les deux bouts. Les rares clients qui continuent à nous solliciter, c’est généralement à l’occasion des baptêmes, des cérémonies de mariage, des fêtes religieuses. Le reste de l’année, les citoyens se rabattent sur les produits de pacotilles qui inondent le marché local.
Ces produits de bon marché qui sortent tout droit des usines chinoises et ne respectent aucune norme de qualité. Au nom du libéralisme sauvage, l’Etat mauritanien se rend complice de la disparition à petit feu de l’artisanat local » proteste vigoureusement Mawdo Gacko Président de l’Association des forgerons de Boghé, assis au milieu d’un atelier de forge très rudimentaire.
Cette complainte trouve également son écho au niveau de l’association des potières de Boghe, de braves femmes dont l’objectif affiché est de gagner honnêtement leur vie. La présidente de cette association est très pessimiste par rapport à un éventuel appui des pouvoirs publics. « Nous n’avons jamais bénéficié de soutien de la part du pouvoir.
Le ministère de la culture et de l’artisanat dont nous dépendons ne s’intéresse pas à nous. Aucune formation, aucune assistance ni aucune participation officielle à un événement culturel ou une foire nationale ou internationale. Nous nous sommes finalement résolues à ne compter que sur nos maigres moyens et notre expérience si rudimentaire soit-elle. C’est vrai que dans ce pays, il n’est pas aisé d’être analphabète, pauvre et noir de surcroit» peste-t-elle.
Cette expression d’un trop plein d’amertume est, en effet, le ressenti de l’ensemble des artisans négro-mauritaniens qui n’hésitent pas à fustiger le sort qui leur est réservé par l’administration mauritanienne.
D’ailleurs, selon Moussa Sylla, cordonnier de son état, la discrimination envers les artisans mauritaniens touche pratiquement toutes les communautés nationales y compris celle des maures.
« Il a fallu une véritable levée de boucliers de la part de nos collègues artisans maures pour que le pouvoir leur accorde un peu d’importance avec la nomination de la forgeronne Vatma Mint Souweina comme ministre de la culture et l’accès pour la première fois d’un forgeron au grade de général de l’armée mauritanienne » devait –il indiquer.
En effet, telles sont les mesures d’apaisement qui avaient été prises pour étouffer dans l’œuf la contestation naissante des Muaalimin maures, constatation qui avait atteint son summum avec les écrits blasphématoires du jeune forgeron bloggeur Ould Mkhaytir qui continue encore de croupir aujourd’hui en prison.
Au Sud, les choses semblent être plus compliquées. En plus de l’absence de considération à leur égard, les artisans sont souvent victimes d’injustice, à l’image du bucheron Mamadou Korka. Ce dernier qui passe à Boghé pour être un homme sans problème, a connu l’année derrière la pure injustice de sa vie. Il a été arrêté par le chef de brigade de la gendarmerie de cette ville. Il a été accusé de vol et roué de coup.
Gardé à vue pendant plus de soixante- douze heures sans que les preuves de sa culpabilité ne soient établies, il a été finalement relâché par le chef de brigade. Aucune plainte n’a été introduite contre le gendarme pour tortures infligées à un innocent.
« Je sais que je n’aurais pas gain de cause. Dans ce pays des pauvres bucherons comme moi sont condamnés à raser les murs. Je n’attends rien d’une justice dont les défenseurs sont les premiers à l’enfreindre » regrette-t-il amèrement.
Des voix s’élèvent toutefois de plus en plus dans le milieu des artisans de la vallée pour fustiger certains aspects de l’intervention de l’Union Européenne à travers son programme PESCC (Programme européen pour la société civile et la culture).
Selon Abou Sy de l’Association des forgerons de Boghé, les financements octroyés aux organisations de la société civile dans le cadre de la revalorisation de l’artisanat local, n’ont aucun effet positif. «Nous avons plus besoin d’appui direct sous forme de formation et d’équipement que de discours creux. Récemment un festival de l’artisanat a été organisé à Boghé par le programme européen, mais c’est plus le côté carnavalesque qui a retenu les attentions » indique-t-il.
cridem