Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 26/05/2016

FLAMNET- RETRO: DECLARATION du MND de 1987.

Flamnet partage avec vous dans sa rubrique RETROSPECTIVE, en vue d’instruire la jeunesse sur ce long chemin vers la liberté, la fameuse déclaration historique du MND, après le ‘’coup d’Etat’’ manqué de 1987, dans laquelle le MND demandait notre châtiment. Pour les jeunes cette déclaration permettra de connaitre l’histoire politique en Mauritanie, surtout du MND, et de mieux comprendre nos divergences. Cette déclaration reste très instructive pour la jeunesse.

 

Bonne lecture.

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DÉCLARATION du MND /1987

 

Le 22 octobre dernier(1987), un putsch pas comme les autres a été déjoué de justesse ; un groupe de jeunes militaires Haal-Pulaar avait envisagé de renverser, par les armes, l’équilibre politique existant depuis 1960, entre les nationalités composant notre peuple. Imaginer pouvoir remettre en cause cet équilibre par la conspiration et la violence, à partir d’une position sectaire hostile à la majorité arabe et ne tenant aucun compte de l’avis et des intérêts réels des minorités négro-africaines, frise la démence. Tout le monde en convient aujourd’hui, la Mauritanie a échappé de peu à l’abîme de la guerre raciale. 

 

Les putschistes avaient-ils conscience de conduire leur pays vers un drame à la libanaise ? La guerre raciale, qu’est ce donc sinon le suicide pour la Mauritanie ? Dans une telle catastrophe il n’y a aucun respect des « droits des Noirs » ; il n’y a aucune égalité à conquérir sauf l’égalité dans le malheur, la souffrance et la mort. Dans une guerre raciale, il n’y aura qu’un gagnant, les puissances étrangères interventionnistes, et un seul perdant : le peuple, tout le peuple mauritanien ! Les extrémistes réussiront peut-être à jouer aux seigneurs de guerre, disposant de leur groupe ethnique comme réserve de chair à canon, mais ne seront en réalité que de simples marionnettes manipulées par les forces étrangères qui les arment et les financent et qui seules décident du sort du conflit fratricide. 

Le mouvement nationaliste négro-africain FLAM justifiait le recours à la violence raciale par l’existence d’une «situation d’Apartheid» en Mauritanie. Parce que qu’il y a des injustices, des inégalités, des manifestations d’oppression des minorités. Mais quel pays africain en est donc exempt ? De quels droits jouissent les minorités au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Zaïre, etc… Et dont sont privées celles de Mauritanie ? 

Il est paradoxal que ceux qui prétendent être les porte-drapeaux de «la cause des Noirs» soient incapables, dans leur pensée et leur action, de dépasser les horizons étroits d’un seul groupe ethnique négro-africain. Depuis 1979, le nationalisme étroit négro-africain s’est enfermé dans une logique nihiliste : il dénonce une «situation d’Apartheid», mais ne formule aucune revendication 

politique précise, ni ne cherche à convaincre l’opinion nationale, ni même les masses négro-africaines par aucun programme, ni des propositions déterminées. Et pourtant, avant même que l’opinion ne sache ce qu’il veut, le voilà qui en vient aux pires extrémités. 

 

Phraséologie sur l’«Apartheid», actions terroristes, putsch, sont en fait les symptômes d’une inquiétante fuite en avant. Que les nationalistes étroits aient une opinion erronée sur les problèmes de coexistence entre nos nationalités est leur droit qu’on ne peut contester. Mais qu’ils incitent à la violence raciale et tentent même, par l’action terroriste et putschiste de mettre le feu à la maison commune est inadmissible ; c’est un crime contre notre peuple multinational. Dans les contradictions nationalitaires, un extrémisme en cache toujours un autre. L’événement du 22 octobre a donné prétexte à une campagne raciste hystérique et immonde dirigée contre les Haal-Pulaar. Des extrémistes exhortent les masses arabes à «leur donner une leçon» à «les écarter de tous les postes de confiance», à «leur faire traverser le fleuve», diffusent des rumeurs venimeuses inventées de toutes pièces. Il est non moins grave que certains fonctionnaires de l’état se comportent dans le même sens, voient en tout Haal-Pulaar un putschiste, un non citoyen potentiellement dangereux, à traiter de façon discriminatoire. Nous retrouvons ici aussi le même appel à la violence raciale qui précède l’action criminelle. 

 

En fait, les extrémistes négro-africains et arabes se rejoignent. Ils ont le même but : détruire l’unité de notre peuple multinational ; les mêmes méthodes : exacerber et exploiter les mauvais sentiments et l’inconscience du peuple. Ces pyromanes sont aujourd’hui en cabale. Pour que la maison commune ne prenne feu, chacun doit veiller sur sa propre chambre. Les Négro-africains patriotes, surtout les Haal-Pulaar, ont le devoir de se démarquer de l’extrémisme du FLAM et du putsch manqué, les Arabes, de débusquer leurs extrémistes, de dénoncer toute propagande anti-Haal-pulaar et toute manifestation de discrimination et de chauvinisme officieux, au sein de 

l’état. 

En effet, l’enjeu patriotique principal est aujourd’hui la préservation de ll’unité nationale, et la seule stratégie qui vaille pour désamorcer les affrontements raciaux est précisément d’isoler les extrémistes au sein de leur propre groupe ethnique. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi s’interroger sur la signification de la crise actuelle pour éviter qu’elle ne se renouvelle en des termes plus dramatiques. 

 

L’événement du 22 octobre n’était point un coup de tonnerre dans un ciel serein. 

 

Remontons dans le temps : 

– 1986 : agitation extrémiste du FLAM ; – 1979-80 : l’UDM, le MPAM, l’ODINAM (qui donneront naissance au FLAM) incitent aux affrontements raciaux; ‘

– 1966 : affrontements raciaux tragiques ;; 

– 1961 : controverse raciale lors du Congrès constitutif du PPM. Entre tous ces événements, un fil conducteur ; il y a bien des problèmes qui gênent la coexistence fraternelle entre les nationalités composant notre peuple. 

 

De quoi s’agit-il ? Au lendemain de l’indépendance, le souci des minorités négro-africaines était d’obtenir des garanties constitutionnelles contre toute tentative de marginalisation ou d’assimilation par la majorité arabe. A partir de 1966, l’introduction de l’arabe les inquiète relativement à l’avenir de l’accès aux emplois et de l’équilibre entre nationalités au sein de l’état. 

Depuis 1983 l’inquiétude porte sur les conséquences de la mise en valeur de la vallée liée à l’après barrage, et de la loi foncière sur la propriété terrienne des Foutankoobe. Rien donc, au départ, que des préoccupations légitimes par rapport à des problèmes politiques réels. Et il est naturel que la cohabitation fraternelle de nos nationalités soit périodiquement en butte à des divergences d’approche et d’aspiration suivant les mutations politiques, culturelles et socio-économiques de notre pays. 

 

Il est cependant inévitable que cela donne lieu à des manifestations de l’esprit étroit, à des tendances maximalistes qui posent mal ces problèmes, et partant, rendent plus difficile leur solution. 

«L’UGOMS» en 1961-62 réclamait un fédéralisme ressemblant fort au confédéralisme et qui créait une partition de fait de la Mauritanie. Les “19”, en 1966, rejetteront l’introduction de l’arabe -langue de la majorité- dans le système d’enseignement. Depuis 1979, le nationalisme étroit baigne dans une grande confusion, ne sachant s’il est plus payant de se situer sur les positions des minorités opprimées qui réclament leurs droits, ou de faire de la surenchère au nom de “la majorité noire”, et en matière de réforme foncière de se contenter de préconiser l’interdiction par la violence, l’accès des Arabes aux terres de la vallée. 

De son coté, le chauvinisme arabe ne posera pas mieux ces différents problèmes. En 1961-62, il réclamait «l’arabisation immédiate de l’enseignement», ne tenant aucun compte des intérêts culturels des négro-africains. A partir de 1966 ce slogan reviendra continuellement, farci de conceptions racistes du genre : «la Mauritanie n’appartient qu’aux arabes» ; «la minorité doit se soumettre à la majorité», «arrêt de l’immigration noire». En 1979-80, on pousse l’absurde jusqu’à réclamer la sortie de la Mauritanie des organisations «noires» : OMVS, CEAO, CDEAO. 

Le regain de tension ethnique, sensible depuis 1978, est indissociable de deux facteurs : le rétrécissement de l’aire d’influence des idées patriotiques consécutif à la tentative de liquidation du MND en 1975, et surtout, l’exacerbation de la crise économique et sociale du système néocolonial, suite à la catastrophique et injuste guerre d’annexion du Sahara et aux retombées de la récession du capitalisme mondial. L’activité économique tournant au ralenti, le 

marché de l’emploi s’est rétréci. Puis ce fut l’intervention des syndics des usuriers (FMI, BM), qui imposent, pour se faire rembourser et mieux nous dominer, la misère et le chômage. Il se comprend donc, qu’en Mauritanie, chacun se sente à l’étroit. Chaque emploi, chaque crédit ou marché devient l’enjeu d’une véritable foire d’empoigne entre tribus, régions, nationalités, races. D’où l’exacerbation de tous les particularismes depuis le début des années 80. Quant à la politique officielle de l’état mauritanien, depuis 1960, elle peut être résumée en deux mots : «porte close et bouche cousue». Au nom de l’unité nationale, interdiction de parler des entités qui la composent, d’évoquer l’existence de problèmes de coexistence. Officiellement le sujet est tabou. Dans la pratique, les courants particularistes arabes ou négro-africains ont les coudées franches pour manipuler tel ou tel secteur de l’état, suivant leurs visées. A ce jeu, il faut le dire nettement, le chauvinisme l’emporte en vertu de la loi du nombre et la menace de marginalisation ou d’assimilation devient plus sensible pour les Négro-africains. Et puisque les problèmes ne sont jamais abordés franchement et frontalement, ils s’accumulent, la confiance fait place à la méfiance, le pourrissement s’ensuit, et le particularisme s’oriente vers la surenchère et l’action extrémiste. Et lorsqu’une crise éclate, on en diffère la solution par le recours à des demi-mesures. Cette politique de l’autruche, en vogue dans la plupart des États néo-coloniaux d’Afrique, en interdisant l’examen franc et loyal des difficultés de coexistence entre nos nationalités, ne laisse le champ libre qu’aux mauvaises entreprises de ceux qui, sous le couvert de l’indifférence de l’état, trichent pour tirer toute la couverture à eux et de ceux qui tombent dans l’extrémisme. 

 

La question nationale est certes, mal posée par l’extrémisme. Elle n’en est pas moins un problème réel. Et la meilleure arme contre l’extrémisme est justement de le poser correctement. En témoigne l’expérience de notre peuple. Il est significatif en effet que la seule pause dans la controverse raciale fut la période 1968-75 où le MND réussit à réduire à la passivité chauvinisme et nationalisme étroit en unissant toutes les forces vives de nos nationalités sur une plate-forme patriotique où la question nationale était posée franchement et équitablement, sur les bases suivantes : 

– reconnaissance de l’existence des nationnalités (Arabes, Haalpulaar, Soninke, Wolof) et leurs aspirations particulières légitimes, 

– affirmation que la solution juste et durrable de la question nationale ne peut être réalisée que dans un ordre d’indépendance et de démocratie politique et sociale, pour lequel il est prioritaire de lutter et, que le maintien de l’unité patriotique de tout notre peuple est la seule garantie pour le succès des revendications particulières immédiates de telle ou telle nationalité. Les contradictions entre nos nationalités sont des contradictions entre membres d’une même famille, à résoudre pacifiquement et équitablement. Elles sont secondaires par rapport à la contradiction entre le peuple mauritanien dans son ensemble et ses oppresseurs : l’impérialisme et le féodalisme.

Mettre ces contradictions secondaires au premier plan -ce que nous reprochons plus que tout aux extrémistes- c’est servir l’impérialisme et les forces rétrogrades en divisant le peuple; c’est en quelque sorte dire aux Mauritaniens : oubliez les geôliers qui vous martyrisent et que chacun de vous se préoccupe plutôt d’arracher une meilleure place à son compagnon de prison.

 

L’unité de notre peuple est la seule garantie pour nos intérêts généraux et particuliers. Il est urgent de la préserver en restaurant un climat de dialogue et de confiance. Dans ce but, que tous les patriotes réclament avec nous :

 

1°) la renonciation à la politique officielle de silence sur la question nationale et ouverture d’un débat national, dans les formes adéquates et démocratiques pour favoriser la compréhension mutuelle et la recherche de solution juste ; 

2°) la liberté d’opinion pour tous -y compris les nationalistes négro-africains et arabes – à condition de condamner tout recours à la violence raciale et contre toute forme de culpabilisation de l’une de nos nationalités ou de discrimination à son encontre. 

 

Non aux diviseurs de toutes espèces ! 

Vive l’unité de notre peuple !

 

Nouakchott 8 novembre 1987

LE MND

 

L’éditorial du calame: Basta de l’autocratie et du tieb-tieb !

altLe discours ‘’historique’’ de Néma n’arrête pas de susciter des vagues.  Intervenant dans un contexte difficile, marqué, notamment, par la sortie, très médiatisée, du rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains, pour qui nous sommes assis sur une poudrière, et celle de l’institut américain Startfor (une CIA de l’ombre) qui n’exclut pas la possibilité d’un énième coup d’Etat dans le pays, cette sortie présidentielle était censée réconforter et apaiser. Elle s’est surtout appliquée à mettre de l’huile sur le feu. En flétrissant  l’opposition, ramassis de « menteurs et de gabegistes » ;  le Sénat, frein, inutile et coûteux, à la législation ; et en épinglant une certaine communauté qui « fait trop d’enfants », selon lui.  Autisme politique, sécheresse des idées, bricolage… Et la campagne d’ « explications », menée, tambour battant, par l’UPR  dont les responsables ont subitement découvert – autrement dit : beaucoup trop hâtivement – les vertus de la communication, n’aura, hélas, qu’un peu plus embrouillé les choses et amplifié la levée, sans précédent, de boucliers.  L’opposition fustige une attitude haineuse. Biram, frais émoulu de prison, qui n’a rien perdu de sa verve, s’en prend au Président avec des propos peu amènes. Même les sénateurs, que les exégètes du discours présidentiel, n’ont pas ratés, s’offusquent, violemment, d’être ainsi vilipendés à moindre frais. Ils refusent de recevoir pas de moins de deux ministres et de répondre à une convocation de leur parti, l’UPR. Voués à disparaitre et n’ayant donc rien  à perdre, les papys font de la résistance. L’un d’eux s’est même permis une sortie qui ne manque pas de courage. Pour lui, Ould Abdel Aziz doit être traduit devant la haute Cour de Justice, ni plus ni moins. Celle que préside toujours Sidi Mohamed ould Maham et qui allait juger l’ancien président Sidioca ? Utile rappel. « Qui creuse un puits pour son prochain », dit le dicton, « risque fort de s’y retrouver ». Version arabe de l’arroseur arrosé français. Que reproche notre vaillant sénateur à notre guide éclairé ? De s’être attaqué à une institution constitutionnelle et d’être intervenu dans le pouvoir législatif ? Comme si, dans notre démocratie militaire, la séparation des pouvoirs n’ait jamais été, un seul instant, réelle ou tant soit peu respecté, le texte fondamental de notre république. Que fit, de cette Constitution, en 2008, celui-là même qui s’attaque présentement au Sénat ? Ne la foula-t-il pas, tout simplement, du pied, en renversant un président élu ? Serait-il plus grave de médire le Sénat que de fomenter un coup d’Etat ? Bref, tout le monde s’affole. Alors que les limites  de l’à-peu-près et de l’opportunisme, tant dans la conduite de l’Etat qu’en celle des affaires privées, craquent de partout, c’est pourtant de sang-froid et de compétences, réelles, cette fois, que la Mauritanie a plus que jamais, besoin. Et non pas d’un seul homme mais bel et bien d’équipes cohérentes, appliquées à des buts clairs et accessibles. Méthodiquement. Notre société et ses conditions de vie sont devenues complexes. Le deviendront encore plus. Cela implique des choix politiques. A l’opposé de l’autocratie  et du tieb-tieb.

Ahmed Ould Cheikh

Contribution au débat : S’Arracher d’une Spirale Mortifère/Par Mohamed Salem Merzoug, Universitaire

Contribution au débat : S’Arracher d’une Spirale Mortifère/Par Mohamed Salem Merzoug, UniversitaireAu cours de son meeting tenu, à Néma, le 03 mai 2016, le Président de la République a parlé de la question du nombre d’enfants par famille et les effets nocifs du croît démographique non maîtrisé. C’est un fait. Un tel phénomène fait, on le sait, des ravages depuis, des lustres.

Il concerne tous les segments de la société mauritanienne à des degrés divers et selon des mécanismes à la fois globaux (polygamie) et endogènes (instabilité familiale).

A travers les âges, toutes les sociétés humaines en ont souffert. Chacune faisait de la forte fécondité un moyen de compensation d’un régime démographique cruel marqué par une mortalité massive et des pandémies graves.

L’inflexion associée à la Révolution Néolithique (agriculture, élevage, domestication des graminées, sédentarisation et, in fine, socialisation des hommes) n’aura pas eu les effets durables escomptés malgré, la multiplication par dix de la population mondiale d’alors, passée de quinze à cent cinquante millions d’âmes. Cette période n’aura pas changé la compensation classique qui permettait de gérer le croît démographique.

Il a fallu attendre le XVIIème et surtout le XVIII siècle pour que l’humanité connaisse le véritable tournant (transition démographique notamment en Europe) grâce à la convergence de nombreux facteurs : changement des mentalités avec l’amélioration des niveaux éducatifs et culturels, médecine, hygiène de vie, baisse de la mortalité, tendance haussière de l’espérance de vie. C’est, à tout cet ensemble, que l’Occident doit développement économique et progrès social puis, la révolution industrielle.

Donc, proposer cette question, au débat, est une démarche saine et nécessaire même si, elle bouscule, à raison, atavismes et mirages en tous genres.

Refuser les conservatismes

En l’évoquant, on s’adresse à tous, hommes et femmes, sans exception aucune, par delà les clivages et les appartenances. Et, pourtant, on a voulu, consciemment ou inconsciemment, faire croire qu’il ne pouvait s’agir que d’une frange, somme toute, important du peuple mauritanien. On a allumé une flamme, enclenché une bourrasque. Et, la surenchère a fait le reste. La question posée est au cœur du débat. Elle participe comme repère processuel de notre développement, de notre nécessaire ascension vers la modernité. Nous devrions en discuter sereinement et de manière froide. Car, ce sont les plus pauvres et les plus fragiles qui en subissent les ravages.

Je conçois, en effet, que si, pour la première fois, un tabou est brisé, un verrou est visé que les conservatismes, en tous genres, se hérissent. D’autant plus que les risques réels de mort précoce ont bâti un mythe rigide autour de la fécondité qui fonde encore, chez nous, les règles matrimoniales.

Or, il est indispensable que notre pays, nos populations soient édifiés sur certains verrous, certains obstacles structurels à notre développement. De quoi s’agit-il en pensant à ce vacarme ? De la question de la fécondité non maîtrisée avec son auréole de tragédies que chacun vit : mortalité, triptyque tragique de la faim, de la pauvreté et de la maladie. En l’abordant, on met, à l’ordre du jour, l’un des fondamentaux du moteur de l’histoire et une lame de fond de l’ascension de notre pays vers la modernité.

Si, la Mauritanie comme les autres états africains souffre de certains maux c’est bien à cause du blocage et/ou du retard accusé dans la transformation des mentalités et, dans la foulée, de l’inhibition de la transition démographique et du développement culturel.

Une telle inhibition participe de l’explication de la prolifération de la misère, des promiscuités, de la pauvreté de masse, de l’ignorance et du garrotage des forces productives. Jamais, un pays ne s’est développé sans résoudre cette question centrale. Avec les niveaux éducatifs et culturels, elle détermine la vraie trajectoire de l’évolution de toute société. Elle exprime et contingente les mutations et les transformations qualitatives structurantes comme socle de l’évolution des consciences et des mentalités et, in fine, de la modernité. Emmanuel TODD écrit « L’alphabétisation et la maîtrise de la fécondité apparaissent bien aujourd’hui comme des universels humains ».

Un leitmotiv : améliorer les conditions de vie

Donner tout son poids à ces variables qualitatives revient à reconnaitre ce que soutenait, avec prégnance, René DUMONT, à savoir que le développement est moins une question de ressources financières qu’un problème de rapport entre les personnes humaines et avec leur environnement. Il renvoie, à plusieurs choses à la fois, la maîtrise de son environnement, le taux de fécondité, l’éducation, les relations entre les sexes. En réfléchissant sur cette problématique, on ne saurait passer sous silence la loi du Révérend Thomas Malthus et aux enseignements de l’anthropologie sociale et culturelle moderne.

Que disait Thomas MALTHUS ? Il disait, très simplement, que les progrès techniques ne sauraient garantir, à eux seuls, une amélioration des conditions de vie dans la mesure où l’absence de contrainte pousse à une croissance démographique exponentielle et donc, à plus de personnes, à nourrir. Ce croît démographique s’est fracassé, tout au long de la longue odyssée humaine, sur l’impossibilité de retrouver de nouvelles terres, de nouvelles ressources frappées de dégradation et de finitude. D’où, au final, la misère et la faim. C’est un enseignement instructif de l’histoire des sociétés humaines, de toutes les sociétés humaines.

C’est surtout l’une des lois fondatrices de l’économie moderne. Elle explique, à travers la loi des rendements décroissants, l’émergence de la rente foncière et la liaison entre aristocratie et richesse. Faut-il en conclure que notre pays et l’Afrique de même que l’espèce humaine soient vouées à la faim, à la misère et à la pauvreté ? Bien sûr que non. La révolution néolithique précitée et la révolution industrielle sont là pour prouver le contraire.

En fait, il n’y a pas que les lois économiques pour comprendre l’évolution de la vie des sociétés humaines considérées comme des ensembles structurés ayant des règles et des modes de fonctionnement supra-individuels. Ceux-ci dépassent la simple rationalité individuelle. L’anthropologie sociale et culturelle permet, aujourd’hui, la compréhension de ces phénomènes qui dépassent l’individu. C’est cette discipline qui autorise une autre lecture du monde de Malthus confronté à un croît démographique supérieur à l’offre agricole. Aussi, favorise-t-elle une bien meilleure compréhension des problématiques de développement auxquelles nous sommes confrontées de même que nos frères africains.

Quelques études anthropologiques, démographiques et historiques montrent que chaque civilisation aura géré, selon ses croyances religieuses, son système de valeurs, son mécanisme particulier de régulation et les données contextuelles, la rareté des ressources et la pénurie et donc, l’exigence de survie du groupe. Certaines sociétés choisissaient l’abstinence, d’autres l’infanticide, la polyandrie etc. C’est un mécanisme de régulation anthropologique en l’absence des moyens modernes de contraception et d’une meilleure hygiène de vie.

On retrouve cette problématique dans la plupart des Etats Africains et Asiatiques sous des formes diverses et variées mais, le fond demeure le même: assurer une meilleure qualité de vies aux populations. L’acceptation d’un tel postulat renvoie à ce processus qu’on appelle « la transition démographique » comme moteur du changement qualitatif des conditions de vie. Elle permet de se sortir de ce cercle infernal. En mettant l’accent sur l’éducation, l’obligation de la scolarisation des mauritaniens, le rôle de la femme, le changement des mentalités et le développement culturel, le Président de la République donnait, à juste titre, la priorité, au capital humain. C’est à la fois légitime, pertinent et utile pour notre pays comme pour les autres africains.

En effet, la transition démographique, comme moteur du changement et d’ascension vers la modernité, est en panne, en Afrique, dans 50% des cas ou à peine amorcée dans 38% des cas.

Les pays africains ont, majoritairement, des taux de fécondité compris entre 4 à 5, avec un indice moyen de 4,86.

Maîtriser notre démographie

En nous fondant sur les données disponibles, l’Afrique apparaît comme une entité démographique relativement homogène avec des taux de dispersion assez tenus. Cinq pays ont, durablement, amorcé leur transition démographique : la Tunisie (2,04), l’Afrique du Sud (2,8), le Maroc (2,5), l’Algérie (3,2) et le Botswana (3,8).

Par contre, l’indice de fécondité atteint les niveaux records dans les pays suivants : au Bénin (5,3), au Burkina Faso (6,3), au Burundi (5,8), au Libéria (5,8), au Malawi (6,1), au Mali(6,1), en Mauritanie (6,2) en Ouganda(6) et au Tchad(6,2).

Le premier mouvement d’explication pourrait être recherché du côté de la religion (polygamie). La situation dans le monde arabe et musulman invalide une telle explication. Dans le Royaume d’Arabie Saoudite, en Egypte et en Jordanie, le nombre d’hommes polygames est respectivement de 30% et 8%. Un tel phénomène est totalement éradiqué en Turquie et en Tunisie. L’Irak l’a aboli en 1958 avant de le rétablir en 1994.

Par ailleurs, en termes de fécondité, le retard de notre pays par rapport à d’autres états musulmans est considérable : l’Iran (2,1), la Turquie (2,5), la Malaisie (1,98) et l’Indonésie (2,37) (le plus grand pays musulman au monde en termes de poids démographique). Les écarts sont encore plus creusés avec le Royaume Uni (1,7), la Chine (1,8), la France (2) et les Etats-Unis d’Amérique (2,6).

Donc, évoquer cette problématique est une responsabilité collective et un devoir d’avenir. Une telle situation est à mettre en relation avec l’ignorance, la pauvreté de masse, la forte magnitude de la mobilité maritale, la fragilité de la cellule familiale.

Or, développer notre pays dépend, entre autres facteurs, de la sortie d’une telle spirale mortifère. A cet égard, rien n’est plus nécessaire ni mieux adapté que le fil d’Ariane de la transition démographique et du développement culturel pour affronter les défis du progrès et de la modernité. Les variables en jeu constituent le vrai moteur de l’histoire et le réacteur des indispensables mutations qualitatives.

Maîtriser la fécondité, savoir lire et écrire, gérer au mieux son environnement fondent et structurent l’ascension vers la modernité. C’est, par biais, que les autres sociétés ont créé les conditions indispensables à la double exigence de la transformation mentale et de l’évolution des consciences. La profondeur et l’ampleur de l’impact de ces variables qualitatives engendre les conditions nécessaires à l’émergence d’une démocratisation véritable et d’une transformation sociale durable.

Un avenir pour notre jeunesse

La corrélation forte entre ces variables qualitatives évoquées et le progrès sont confirmées en convoquant l’histoire : la domination de l’Europe au XVIIème et XVIIIème siècle et le rôle actuel de l’Asie et de l’Amérique Latine de même que les Etats émergents. Le rôle dominant de ces continents confirment les relations quasi mécaniques entre baisse de la fécondité, éducation, alphabétisation de masse, évolution des consciences et des mentalités.

Celles-ci ont conduit Francis Fukuyama à soutenir la thèse d’une universalisation de la démocratie par l’extension massive de ce socle. C’est, dans la perspective de transformer et de développer le pays, qu’il faut remettre, à l’ordre du jour, l’exigence de l’accomplissement de la transition démographique et l’ampleur des innombrables dégâts inhérents à la forte fécondité. Ce n’est pas un hasard si tant d’hommes, de femmes, de pays se battent pour s’arracher d’une telle spirale mortifère.

L’inaction et l’immobilisme face à de telles tragédies constituent des fautes. Il appartenait aux Pouvoirs Publics et à nous tous d’indiquer un nouveau chemin qui brise le silence coupable face à une réalité inique devenue presque immuable. Il s’agit de nouer les fils du progrès, de stimuler l’imagination pour rendre possible et accélérer la nécessaire transition démographique en inventant de nouvelles règles. Ne laissons point la surenchère et la démagogie prendre le dessus sur la raison. L’avenir de nos jeunes, de nos enfants et de la libération des femmes est en jeu. Il s’agit de rendre le sursaut possible en leur dessinant des perspectives de nature à redonner confiance en l’avenir.

Mohamed Salem MERZOUG
Universitaire

 

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