Monthly Archives: October 2015
L’éditorial du calame: Tonneau des Danaïdes
Le mono-dialogue a redémarré ce 20 Octobre. Après une « accalmie » de plus d’un mois, au cours de laquelle divers ministres ont sillonné le pays, pour expliquer les vertus de la concertation (avec soi-même ?), voilà la conférence tam-tam qui re-tympanise, mas toujours sans voix discordante. L’opposition rebutant, encore une fois, à se laisser convaincre par la nécessité de s’asseoir, autour d’une même table, avec un pouvoir qui refuse de la considérer en partenaire à part entière. Et dont elle n’arrive toujours à saisir les motivations pour un dialogue qui aurait dû s’engager dès 2009, juste après la présidentielle, en vertu des fameux accords de Dakar.
Pourquoi maintenant, alors qu’aucune élection n’est en vue ? En l’attente de jours meilleurs, Ould Abdel Aziz, qui voit l’horizon s’assombrir de tant de difficultés politiques, sociales et économiques, voudrait-il sortir de ce mauvais pas en occupant l’opinion publique ? Ou pense-t-il que l’opposition, qui s’est auto-exclue de l’Assemblée nationale et des mairies, en boycottant les dernières élections, va se jeter, comme un mort de faim, sur un dialogue prêt-à-porter, histoire de négocier quelque nouvelles consultations électorales ? Croit-il qu’avec un quarteron d’opposants en rupture de ban, il pourrait susciter des recommandations crédibles, obtenant l’adhésion de l’opinion intérieure et des partenaires extérieurs ?
Peut-être n’a-t-il pas l’intention de triturer la Constitution, du moins si l’on en croit te ou tel de ses soutiens. Arrêtons donc de lui faire un mauvais procès et attendons la fin du monologue du Palais des congrès pour voir de quoi il retourne. Mais ce qui est sûr, dans le contexte actuel, marqué par la décote du fer, le déficit des finances publiques, le surendettement, la hausse des prix le mécontentement généralisé, la mystérieuse épidémie de fièvre, le tout en pleine crise politique et sociale, c’est qu’il serait suicidaire de se lancer dans une nouvelle aventure, en tentant une réforme constitutionnelle. C’est comme si l’on choisissait de rallumer de nouveaux foyers, au risque de tout embraser, plutôt que de tenter de circonscrire l’incendie.
Parions, pour l’heure, que notre stratège présidentiel s’abstienne de recourir à un tel aléatoire pare-feu. Mais le monologue dialoguiste suffira-t-il à éteindre les braises qui se multiplient ? Un arrosage en bonne et due forme alors ? Les milliards que nos « frères » saoudiens seraient prêts à débloquer, en échange de l’envoi de troupes pour combattre les Houtis, seraient-ils le remède-miracle à tous nos soucis ? Entretenir une telle illusion semble pourtant de mémoire bien courte. Jamais, au cours de ces dernières années, notre pays n’a obtenu autant d’argent : recettes minières, fiscales et douanières, renouvellement des licences de téléphonie mobile, aides et prêts des bailleurs de fonds arabes et autres ; pour un résultat on ne peut plus piètre, une fois le bitume de nos rues nidifié par les poules. Quelques milliards de plus versés dans le tonneau des Danaïdes dont la chaleur grandissante des problèmes vaporise l’eau à la vitesse grand V… Milliards évaporés ? Pas pour tout le monde, évidemment, mais les petits malins feraient bien d’assurer leurs arrières : ça sent bigrement le roussi, par les temps qui courent…
Ahmed Ould Cheikh
le calame
Coup d’Etat du 17 septembre au Burkina Faso : Diendéré, Bassolé, Soro Guillaume et le Mnla dans le collimateur des enquêteurs
Après le coup d’Etat raté au Burkina Faso, plusieurs éléments du désormais défunt Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) ont été arrêtés. Les plus connus sont le général Gilbert Diendéré, le médecin-colonel Mamadou Bamba, le général de gendarmerie Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères sous Blaise Compaoré. Un seul enseignement à tirer de ce coup d’Etat : le peuple est invincible.
«Les individus peuvent faillir, les gouvernements peuvent faillir, mais le peuple est vraiment maître de son histoire quand il décide de se battre», disait Siméon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou, non moins 2ème vice-président du MPP. Avec les enquêtes en cours, on prend conscience des ramifications de ce coup d’Etat. C’est ainsi que des sources proches du dossier révèlent l’implication des responsables du Mnla, de Soro Guillaume et d’autres personnalistes africaines.
Djibril Yipènè Bassolé, médiateur devenu putschiste
Il est connu pour sa participation à la résolution de plusieurs conflits en Afrique. Il a représenté le Burkina Faso à l’international non seulement en tant que chef de la diplomatie burkinabè, mais également pour le compte de l’ONU et de l’Union africaine. Il a été ministre de la Sécurité et ministre des Affaires étrangères. Il est actuellement envoyé spécial de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) pour la paix au Sahel. C’est quelques mois après la chute de Compaoré qu’il a eu ce poste. Connaissant les Burkinabè, il n’a plus voulu faire chemin avec le CDP, le parti de Blaise Compaoré. Il voulait se présenter en candidat indépendant et avait déjà commencé à intégrer les milieux musulmans, profitant de son poste à l’OCI. Il avait, en tant que candidat indépendant, eu l’aval de 30% de l’électorat, car avec la bénédiction de ses bailleurs, il pouvait se faire élire en complicité avec certains anciens camarades du CDP.
Bassolé avait toujours de très bonnes relations avec Saran Sérémé, qui lui a filé pas mal d’informations. Mais, avec le coup d’Etat raté du 17 septembre 2015, son plan a été découvert par les services de renseignements burkinabè. Djibril Bassolé est accusé d’avoir passé deux présumés coups de fil, l’un avec le général Diendéré, avant son arrestation le 29 septembre, et l’autre, d’une durée de quinze minutes, avec Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Avant tout cela, Bassolé avait préparé plusieurs mosquées du pays, des Imams et des centaines d’associations de musulmans pour sa cause. Tous ceux-ci se sont cachés dans son fief qui était Bobo. Mais, dès l’annonce de son arrestation pour coup d’Etat, des jeunes partisans ont commencé à délier leur langue.
Soro Guillaume, un nouveau faiseur de rois
Ancien leader estudiantin connu pour ses micmacs dans la rébellion ivoirienne, Soro a tué plusieurs de ses compagnons militaires et civils pour le pouvoir. De Secrétaire général de la branche politique, il est devenu Secrétaire général tout court des rebelles ivoiriens. Son dernier acte qu’il fait semblant d’oublier, est l’assassinat d’Ibrahim Coulibaly dit IB et cela, afin d’éviter les querelles de leadership sous Ouattara. Soro est des rares jeunes africains issus des mouvements estudiantins à avoir comme premier poste, celui de Premier ministre. Aujourd’hui président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire, il est aussi Secrétaire politique du candidat Ouattara, avant son adhésion au RDR. De loin, il surveille la sous-région et donne ses points de vue sur les crises en Afrique de l’Ouest. Lui qui avait une connexion avec Moussa Dadis Camara via son ami et fidèle compagnon Sidiki Konaté, n’a pas fini de tisser des relations avec les putschistes. Il veut être un faiseur de rois aussi.
Les Burkinabè ont capté ses conversations téléphoniques jugées capitales dans la préparation du coup d’Etat. Plusieurs jeunes du RSP et des proches de Blaise Compaoré ont eu des échanges téléphoniques avec le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Selon certaines sources proches de l’enquête, tous ces éléments de preuve ont été présentés à l’ancien chef de la diplomatie burkinabè lors de son audition par le juge d’instruction chargé du dossier. Dans le cadre de cette enquête, la villa de Guillaume Soro à Ouagadougou a été perquisitionnée le 6 octobre dernier. Informé de la perquisition de sa villa, l’entourage de Soro indique qu’il va répliquer au moment venu. Attendons donc cette réplique du faiseur de rebelles devenu faiseur de rois.
Le Mnla en quête de nouveaux marchés africains
Plusieurs dirigeants du Mnla vivaient à Ouagadougou, au point que la capitale du Burkina Faso était parfois considérée comme une base-arrière de la rébellion touarègue au Mali. Une semaine avant le coup d’Etat raté de Diendéré, sur les réseaux sociaux, qu’on pouvait lire ceci : «Bientôt, une bonne nouvelle en provenance de Ouagadougou». Ce message a fait le tour du net. Le jour même de l’arrestation du président Kafando et de ses ministres, la joie était totale sur les pages facebook des leaders des rebelles armés maliens. Certains ont même dit qu’il y a eu la participation du Mnla au coup d’Etat. Ils ont cité les responsables du RSP qui étaient en contact avec eux. Comme dans un film, toutes les actions du général Diendéré étaient annoncées et cela ne pouvait pas être un fait du simple hasard.
Mamadou Djéri Maïga, l’homme des sales besognes des Touaregs rebelles, c’est encore lui qui est soupçonné dans cette affaire. Il est arrivé à Ouagadougou 72 heures avant le coup d’Etat, mais il n’a pas profité de l’ouverture des frontières. Il est resté en contact permanent avec Djibril Bassolé qui l’aurait mis en relation avec Diendéré. Leur mission devait être de sécuriser le palais, les résidences des proches, parents du RSP et les membres du CDP. Les hommes du Mnla devaient rester à l’intérieur des maisons et résidences et certains avaient même commencé ce travail, jusqu’à l’arrestation de Bassolé. Les éléments du Mnla ont été retrouvés en faction au domicile de Bassolé. Le tout était piloté par Djéri Maïga qui reconnaît actuellement le gouvernement malien pour avoir sauvé deux fois. Tout comme à Abidjan, où il avait été arrêté avec une forte somme d’argent, le vice-président du Mnla a également été interrogé à Ouaga au moment où il voulait quitter le pays. Les responsables du Mnla, qui sont aujourd’hui dans la logique de la paix retrouvée, pensent que le monde est un marché. Ils se voyaient déjà dans une nouvelle conquête, un marché, selon leur propre terme. Ils doivent désormais se rendre compte de l’évidence.
Interrogé par nos confrère de Jeune Afrique, voici ce que Mahamadou Djéri Maïga dit de ses relations avec Diendéré : «Vous ont-ils interrogé sur vos liens avec Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé ? Oui, mais la dernière fois que j’ai vu Bassolé, c’était à Alger, le 5 juin. On ne s’est jamais téléphoné. Quant à Diendéré, il était notre seul interlocuteur depuis le départ de Blaise Compaoré. Nous ne connaissons pas les nouvelles autorités. Nous étions donc en contact. Je lui faisais des comptes-rendus de nos réunions à Alger. Rien de plus. Diendéré ne nous a jamais demandé de l’aider. D’ailleurs, dès que le RSP [Régiment de sécurité présidentielle] a été dissout [le 25 septembre], la Cma m’a demandé de rompre avec lui et je le lui ai dit. Nous ne sommes mêlés ni de près ni de loin à ces choses. Aujourd’hui, nous voulons la paix dans notre pays et partout en Afrique».
Des accusations contre Diendéré et Bassolé
Au Burkina Faso, Djibril Bassolé est dans le viseur de la justice militaire qui vient d’ouvrir une enquête après le putsch manqué du 17 septembre contre le régime de transition. Guillaume Soro a été également cité dans l’affaire. Selon les magistrats militaires, Djibril Bassolé, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, est l’un des principaux acteurs du coup d’Etat commandité par l’ex-Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) et conduit par le général Gilbert Diendéré. Rappelons que Djibril Bassolé et le général Diendéré sont inculpés pour l’instant pour trois chefs d’accusation : attentat à la sûreté de l’État, haute trahison et collusion avec des forces étrangères. Ils ont été placés sous mandat de dépôt le 6 octobre dernier à Ouagadougou.
B.O et K.T
Source: Le Reporter
Malijet
Découverte : L’histoire jamais racontée de “Diallo Pithie”
Un marchand d’oiseaux, devenu un marchand de rêves. Derrière l’histoire de Diallo Pithie, un homme qui a fait fortune dans la vente des oiseaux en cage dans les rues de Dakar, se cache celle de Amadou Diallo, un opérateur économique hors pair, qui a été le précurseur dans beaucoup de chantiers qui étaient, à l’époque, la chasse gardée des Européens. Grâce aux témoignages de ses enfants, Seneweb retrace la fabuleuse histoire de cet homme, qui a su construire son « senegalese dream » dans le Dakar des années 30. Découverte?!
Vous avez au moins une fois entendu parler de lui. À défaut, peut-être vous êtes passés, se serait-ce qu’une fois, sur la ruelle qui porte son nom : Tally Diallo. Cette route qui quitte Thiaroye et qui mène à Yeumbeul.
Si vous habitez Dakar, vous ne pouvez pas passer à côté de Diallo Pithie. Un jeune venu du Fouta qui a fait fortune dans la vente d’oiseaux. Un commerce lucratif qui lui a permis d’asseoir une renommée internationale. De Dakar à Marseille en passant par New York, Amadou Diallo a fait le tour du monde avec ses oiseaux.
Ses enfants, Alassane (69 ans) et Mamadou, retracent son odyssée. C’est à l’adolescence (16 ans) que « Diallo Pithie » débarque à Dakar. À l’époque, il est accueilli par la famille léboue de Amadou Alassane Ndoye. Il s’essaie à la natation et au cyclisme et travaille parallèlement chez un Français comme travailleur de maison. Il y apprend à parler français et y connut ses premières amours avec les oiseaux.
« En voyant les toubabs s’émerveiller à la vue des oiseaux, cela a créé un déclic chez lui. Et c’est là qu’il s’est demandé pourquoi ne pas essayer de ramener d’autres espèces en dehors de celles qui sont dans la maison », raconte Amadou, un de ses fils.
Sur les quais du vieux port…
Diallo Pithie, sans le savoir, se lançait ainsi sur un chantier qui allait le rendre riche. Il parcourt les régions du Sénégal à la recherche d’espèces rares. De retour à Dakar, il se rendait au marché Kermel pour vendre ses oiseaux aux Européens, qui se les arrachaient. Le commerce commençait petit à petit à porter ses fruits. Et il commençait à asseoir une petite renommée à Dakar. Les rêves plein la tête, l’argent commençant à couler à flots, il décide de conquérir le marché international. Diallo Pithie décide de se rendre en Europe. « C’était dans les années 30, c’est-à-dire entre les deux guerres mondiales. Il s’est confectionné une grande cage. Il y a mis les oiseaux et a embarqué dans la cale du paquebot qui faisait la navette Dakar-Marseille-Dakar, avec de la provision en mil. Arrivé à Marseille, il a sorti sa cage d’oiseaux et s’est installé sur le quai », explique son fils. Les oiseaux se vendent comme du petit pain.
L’Africain qui venait avec les oiseaux
Après cette première expérience, il retourne à Dakar et décide de faire la navette Dakar-Marseille. Sur le vieux port, il se fait connaitre comme « l’Africain qui venait avec les oiseaux ». « Il s’est dit si ça a marché à Marseille, pourquoi ne pas essayer de chercher plus loin. Il a alors décidé d’aller à Paris. Le voyage suivant, il a pris ses oiseaux et y est allé ». Pour faire une économie de temps, il décide de faire le trajet par avion. « Il est alors allé voir, à l’époque, le chef d’agence de la compagnie Air France et lui a manifesté son désir de faire voyager ses oiseaux par avion, raconte son fils Alassane. Le monsieur a bondi de sa chaise et lui a demandé s’il allait bien. Il ne pouvait imaginer des oiseaux dans un avion. Mon papa lui a manifesté sa disponibilité à accompagner les oiseaux dans la soute de l’avion. Son interlocuteur lui a répondu que cela n’était pas possible d’autant plus que dans les soutes, il faisait un froid extrême. Et que la température était insupportable pour les oiseaux. Mais, cela ne l’a pas dissuadé. Il a alors répondu qu’il est prêt à tenter le coup, quel qu’en soit le risque. Pas trop convaincu, Air France l’envoie balader, avant de lui manifester plus tard, son intérêt ».
Birds in the air
« Les oiseaux ont été mis dans une cage. Il s’est payé un billet d’avion et il est parti », relate Alassane. En dépit de quelques mortalités, Diallo Pithie et ses oiseaux arrivent à bon port. « Il s’est dit avec aussi peu de mortalité, mon problème est donc réglé ». Par la suite, il prend contact avec d’autres commerçants et d’autres compagnies aériennes. Après la France, il investit l’Italie. Et de bouche à oreille, les gens ont commencé à parler des oiseaux du Sénégal. Son succès devient réel. Et dépasse outre-Manche. Il traverse l’Europe, les États-Unis, le Japon, etc. Bref, Diallo Pithie fait le tour du monde.
Pour l’aider dans ses comptes, le vieux Amadou, illettré, voyage avec son fils Alassane. « Le vieux passait récupérer son argent à Paris, à Marseille, à Stockholm, en Italie. Moi, j’ai fait le tour du monde avec lui. Même aux usa, j’ai été avec lui pour rencontrer les clients, prendre des contacts, de nouvelles commandes. Ce commerce s’est, par la suite, tellement développé que toutes les compagnies aériennes voulaient collaborer avec lui, sachant que les oiseaux payaient tellement cher. Il était finalement choyé comme un roi de sorte que quand il voyageait, on lui offrait même le billet gratuitement du fait du chiffre d’affaires qu’il réalisait à travers le monde », raconte-t-il un brin nostalgique.
Appelez-le désormais, Capitaine Diallo?!
Ainsi, le vieil Amadou Diallo finit par bâtir un empire grâce au commerce de ses oiseaux. Mais, au détour d’un de ses voyages, le destin le mit sur une autre piste. « Pendant un de nos voyages, je crois qu’on était en Suède, on était rentré tard, il m’a amené au restaurant. Et là, il a commandé du poisson. Quand on a fini de manger, le serveur lui a présenté l’addition. Il a bondi de sa chaise. Il a demandé s’il n’y avait pas d’erreur. Il ne pouvait pas comprendre que le poisson coûte aussi cher en Europe ». À son retour au Sénégal, il décide de se lancer dans le commerce. Et s’engage dans la pêche. « À l’époque, les toubabs avaient le monopole de ce secteur et avaient organisé une mafia pour barrer la route aux Sénégalais », se souvient Mamadou. Celui-ci, de souligner que son père a dû batailler avec les toubabs pour changer la donne.
Mais, le commerce du poisson à l’époque pour un Africain était un véritable parcours du combattant. « Comme pour vendre le stock en Europe, il fallait utiliser les bateaux, les compagnies maritimes à l’image de Delmas et autres l’ont boycotté. Elles s’étaient liguées contre mon père et lui refusaient le transport de son stock de poissons. Il s’est ainsi retrouvé avec le produit sur les bras. À partir de là, il s’est dit qu’il n’arriverait à rien tant que toute la chaine n’était pas en place. La congélation, le transport, les bateaux de pêche, toute cette chaine étaient entre les mains des toubabs », explique le fils.
Ainsi, il se paie un bateau de pêche. Parce que les variétés qui marchaient en Europe telles que les soles. La pêche artisanale ne pouvait pas nous l’offrir. Ce qui l’a poussé à se payer un navire de pêche. Un jour, il a voulu se payer un stock de poissons que des Français venaient de débarquer, mais ces derniers avaient refusé de le lui vendre. Il s’est dit que cela confirme l’appréhension qu’il avait. Et c’est comme ça qu’il a acheté son premier navire de pêche dans un port français ».
Mais, un autre problème se dressait devant lui : où trouver un commandant pour piloter son navire. À cette époque, seuls les commandants français savaient piloter les bateaux de pêche. Il n’y avait encore aucun Sénégalais capable de le faire. Cela ne le freinait pas pour autant. Il disait qu’il était même prêt à casquer le prix fort pour recruter un commandant de navire européen. À l’époque, il était prêt à payer 100 millions à l’Européen qui accepterait de piloter son bateau de pêche. Il se convainc finalement que la solution était de faire naviguer des Sénégalais comme lui. Malheureusement, aucun Sénégalais ne remplissait les conditions requises pour piloter un navire de pêche. Il est alors allé voir le ministre de la Pêche de l’époque, en l’occurrence Mady Cissokho. Il lui a présenté la situation. Mais, le ministre lui a dit que ce n’était pas possible de trouver un commandant sénégalais, car il n’y en avait pas encore.
Il est allé voir le vieux Seydou Nourou Tall qui était son ami et son marabout. Ensemble, ils sont allés voir le président de la République, Léopold Sédar Senghor. Celui-ci leur a octroyé une dérogation. Il a alors pris un marin sénégalais expérimenté et lui a confié le bateau. Quand on lui disait que c’était risqué, il s’en foutait. Il disait que l’appétit venait en mangeant et répondait à qui voulait l’entendre qu’il arriverait à bout, quel qu’en soit le prix. Et cela même si ça devait lui coûtait des bateaux.
Un premier cargo baptisé « Mame Abdou Aziz Sy »
« C’est mon bateau. Tant pis, je cours le risque?! C’est en forgeant qu’on devient forgeron. J’arriverai à avoir ce que je veux », disait-il, à l’époque. Et parallèlement, il a dit au ministre : « Je veux, maintenant, qu’on forme des Sénégalais pour qu’ils puissent avoir leurs diplômes, parce que moi, je ne compte pas m’arrêter en un seul bateau. Je veux, à l’avenir, que tous mes bateaux soient pilotés par des Sénégalais. Je veux que les Sénégalais soient formés. Je suis prêt à mettre les moyens qu’il faut. Mais, il faut des marins sénégalais bien formés et capables de piloter des bateaux de pêche. C’est comme cela qu’il a réussi à avoir un premier Commandant sénégalais aux commandes de son bateau. Avec celui-ci, il a fait de bonnes choses », a indiqué Mamadou, le fils ainé de Diallo Pithie. Ce dernier d’indiquer que son papa « a fini par se payer 12 bateaux, tous pilotés par des Sénégalais ».
Alassane, d’ajouter : « Il a eu ses bateaux, il a construit, entre temps, une usine de congélation au Port de pêche, il a créé aussi un atelier pour l’entretien et la réparation des bateaux, il s’est dit qu’il lui restait d’exporter les produits de la pêche en Europe et ailleurs. Et quand il voulait faire une réservation pour envoyer son stock en France, ses interlocuteurs lui répondaient qu’ils étaient pleins. Tout cela découlait de la solidarité des toubabs qui avaient ourdi un complot, à l’époque, pour ne pas ouvrir une brèche à des Sénégalais. Il y avait une mafia. Il s’est dit, qu’à cela ne tienne?! Je vais acheter un cargo pour faire le transport maritime » ». Il a acheté son premier cargo vers 1975 à 600 millions de nos Francs et l’a appelé « ’Mame Abdou Aziz Sy » ». Ensuite, il s’est payé un deuxième cargo à 800 millions qu’il a baptisé « Malick Sy ». Les cargos faisaient toute la Méditerranée, l’Europe et l’Afrique et couvraient, entre autres, Abidjan, Lomé, Ghana, etc.
À ce propos, faute de Sénégalais capables de piloter, il a engagé, au début, des Européens à qui il a confié ses deux cargos, tout en ayant le même esprit. Il a alors financé des Sénégalais pour qu’ils puissent avoir les diplômes de pilote international. C’est ainsi qu’il a eu le premier sénégalais à avoir piloté un cargo. Il s’agit d’un certain Mbodj. Finalement, les deux cargos étaient pilotés par des « » commandants sénégalais » ». Il venait ainsi de boucler la chaine et d’être indépendant parce qu’il disait ne plus vouloir dépendre de personne. « » Mon propre poisson, je le pêche moi-même, je le congèle moi-même, je le stocke moi-même et c’est moi qui le transporte?! », aimait-il à dire. C’est vous dire qu’à chaque fois qu’il y a un obstacle, il estimait que ce n’est pas insurmontable. D’autant que Dieu lui a donné les moyens de les surmonter ».
« L’argent qu’il tirait de la vente d’oiseaux était très important. Il a investi dans l’achat de maisons, mais qu’il a ensuite fini par abandonner. Au début de ses activités, dans le commerce d’oiseaux, il s’était fait construire des baraques dans l’enceinte de notre maison familiale à Thiaroye. Comme les choses prospéraient, il les a aménagés et a construit de grandes voilières dans le site et y a stocké 100 000 paires d’oiseaux, c’est-à-dire 200 000 oiseaux. Et puis chaque jour, on avait des expéditions sur le Japon, sur l’Europe, etc. Et tous les jours, les avions partaient avec nos oiseaux, dans leurs soutes. Il en avait donc gardé un stock important. Lorsque, vers les années 50, il a construit des bâtiments pour les oiseaux, les gens se moquaient de lui. Certains passants disaient que le vieux était devenu fou, lui qui construisait des bâtiments pour les oiseaux, alors que les plus lucides, eux, le faisaient pour les humains.
Un visiteur nommé Senghor
Par la suite, Amadou Diallo avait acheté, à Thiaroye-Sur-Mer pour les besoins de l’extension de ses activités, des bâtiments pour les perroquets, d’autres pour des pigeons. Et tant d’autres pour les différentes espèces d’oiseaux. “Mon père avait construit des volières bien aménagées, bien aérées, mais aussi avec le confort nécessaire pour les oiseaux. Cela suscitait d’ailleurs la curiosité du président Senghor. Il avait tendance à venir voir les oiseaux, à chaque fois avant d’aller à Popenguine. À la maison, Senghor amenait, chaque semaine, sa famille, mais aussi des invités de temps en temps. Et comme les issues qui menaient vers chez nous, étaient sablonneuses, le président, Senghor y a fait construire une route qui s’arrêtait devant notre demeure. Il venait avec sa famille, voire le vieux, discuter avec lui avant d’aller à Popenguine. Il gérait parallèlement le commerce d’oiseaux qui était son domaine fétiche. Pour lui, il était hors de question, de l’abandonner. Ce sont avec les revenus tirés des oiseaux qu’il finançait la pêche”.
Après le poisson, Amadou Diallo se lance dans la vente de produits horticoles. L’idée lui est venue de la France. C’était en 1974. Un jour, séjournant dans ce pays, il a assisté au débarquement, à l’aéroport, d’une cargaison de haricots. Quand il s’est renseigné, on lui a dit que c’était une denrée très prisée et très chère. Il s’est dit : “» alors, pourquoi ne pas se lancer dans cette filière?? Pourquoi ne pas cultiver le haricot et le vendre à prix d’or. C’est à son retour au Sénégal qu’il a créé, avec un Européen, une société d’exploitation horticole. Il s’est mis ensuite, à faire de la culture maraichère pour l’exportation. C’est comme cela qu’il avait ses trois activités qu’il menait parallèlement », raconte son fils.
Inhumé dans une mosquée dont il a financé la construction ‘Rien qu’au niveau de la pêche, on avait 800 employés qui y travaillaient. Pour les oiseaux, il y avait même plus, parce que dans toutes les régions, il avait créé des voilières. Au moins, il avait 700 oiseliers attitrés qui travaillaient pour lui. Mais, c’est la gestion de sa flotte de bateau qui avait commencé à le ruiner. Mais, cela ne l’a pas obligé à abandonner la pêche. Il pensait que c’était un problème cyclique. Mais, le problème était réel. Le produit s’est raréfié, beaucoup de licences ont été données. Ce n’était donc, plus comme avant. Les bateaux devenaient vieux, l’entretien devenait de plus en plus cher. C’est comme cela qu’on a finalement arrêté la pêche pour continuer avec le commerce des oiseaux et l’horticulture’.
Après une vie bien remplie, des défis relevés, le vieux Diallo Pithie a quitté ce monde, le 5 mai 1998 à Dakar. Il a été inhumé à Thiaroye Gare, plus exactement à Tally Diallo, dans l’enceinte d’une mosquée dont il a lui-même financé la construction. Il avait 80 ans (1918-1998). Sa famille, elle, garde de lui le souvenir d’un homme de défis, humble, simple et modeste.
C’est après sa disparition que la famille et les proches ont vu sa dimension. Quand, il rentrait de ses activités, vers 22 heures et parfois plus, il trouvait beaucoup de personnes qui l’attendaient devant la maison. Les gens comptaient énormément sur lui. ‘Quelle que soit l’heure, on l’attendait. Il réglait des problèmes d’argent, conjugaux et des charges sociales. Pour lui, rendre service était aussi important que son travail. C’était un sacerdoce pour lui. Il avait horreur du ‘’m’as-tu-vu’’. Il disait : ‘’jamais la politique’’. Pour preuve, confie son fils ‘le président Abdou Diouf avait fait appel à lui pour l’élever au grade de l’Ordre national du Lion, mais il a refusé. Il recommandait à son entourage de ne jamais dormir sur ses lauriers. À ses enfants, il disait toujours ‘’naagû baxuul’’’ (il ne faut jamais dormir sur ses lauriers). Aujourd’hui, deux de ses fils pérennisent son héritage. Et font de la vente des oiseaux, leur gagne-pain.
Auteur: Youssoupha MINE – Seneweb.com
Eternels les poètes
Poète, homme de culture et directeur des rencontres littéraires Traversées Mauritanides, Bios Diallo a connu feu Ly Djibril Hamet. Il rend, à travers ce poème inédit, un hommage aux maîtres des joutes qui demeurent…
Eternels les poètes
Elle est comme ça
La vieille dame
Du lac
Des montagnes
Du désert et
Des fleuves
Elle a son calendrier à elle
Elle, notre voisine à tous
Parée de plumes
Et au parfum singulier
La vielle dame
Dans chacun de nos souffles, gestes
elle impose son rite, son mot, son regard
Elle est comme ça, la vieille dame
Elle agit sans prévenir
La mort
Hirondelle
Hibou
Lièvre
Et tortue
Sur les tiges
Sur les braises
Sur les épines
Elle est comme ça
La vieille dame
Elle érode l’âge
Jeune, il est beau
Grabataire, un charme docile
Gaillard, un ruisseau d’amour
Elle admire la taille
Puis susurre à ses soldats l’élégance du portrait
Haie de cimetière
Vous marchez, vous voilà ver de terre
Attablez, votre gorgée d’eau est au tiers
Vous dormez, la belle confession du silence
Et la douce prière de vos hôtes, sans votre accueil
Elle est comme ça
La vieille dame
L’héroïne poussière qui n’en fait qu’à sa fête
Envers et contre les charmes
Mais il est des héros
Dont elle tient la main
pour l’éternité
car leur mort, un laiteux vers à leur Nation
servie sans égoïsme ni haine
Elle est comme ça
La vieille dame
Reconnaissante aux patriotes
qui ne meurent jamais
car derrière le buisson, ils veillent
sur la paix de la Nation, et de ses fils
Les héros de la vieille dame, poètes
Et la tombe, leur clairière
Bios DIALLO
Directeur du Festival
Traversées Mauritanides
Kassataya
CONDOLÉANCES DES FPC: DJIBRIL HAMET LY UN MEMBRE-FONDATEUR DES FLAM ET GRAND MILITANT DU MOUVEMENT CULTUREL S´EN EST ALLÉ
Nous venons d´apprendre avec une grande tristesse le décès de notre camarade, compagnon de lutte Ly Djibril Hamet, membre-fondateur de l´ODINAM et des FLAM, premier président élu des Flam et rescapé de la prison mouroir de Oualata; décès survenu ce samedi 17 octobre 2015 à Québec où il participait au congrès du PEN international, une assise qui offre une tribune aux écrivains, qui peuvent discuter librement de leur travail et s’exprimer au nom des écrivains réduits au silence ailleurs dans le monde.
Le BEN des Forces Progressistes du Changement (FPC) et à travers lui tous nos militants présente ses condoléances les plus attristées à la Mauritanie toute entière, aux patriotes et progressistes du pays, au monde culturel et littéraire du pays, aux associations de promotion des langues nationales, au monde peulh, à la famille du défunt, à Lobbudu Ibrahima, à Darel Barka et à tout le Fouta pour cette immense perte.
A la mémoire de tous ceux tombés pour les causes justes nous répéterons après d’autres, cette oraison funèbre devenue classique «Djibril, ta vie fut combattante, ta mort héroïque, ton sacrifice sacré et ta mémoire éternelle».
Qu´Allah le tout puissant t´accueille dans le Firdaws et que la terre te soit légère.
A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons.
Nouakchott le 18 octobre 2015
Le département de la communication des FPC
NB: c´est la dernière photo du camarade prise à son arrivée à Quèbec.