
Pris « en flagrant délit de pratiques esclavagistes », depuis des décennies au cœur même de Nouakchott, le fonctionnaire du ministère des finances , Moulaye ould Bohdel et son épouse Yemhelha dite Khadijetou mint Bohdel, seront arrêtés et gardés à vue avant d’être élargis. Durant la détention du couple, les militants d’IRA en sit in devant le commissariat du Ksar 1 seront interpellés,le vendredi dernier(29 mars), torturés, intimidés par les autorités policières avant d’être libérés au parquet.
Rappelons que le couple Moulaye et Yemhelha dite Khadijetou, détient Melainine dit Oueinat, et Mbeyirka Vall depuis leur prime enfance, comme esclaves domestiques dans leur foyer, ils sont légués à eux par leur oncle et père Sidi Mouhamed Ould Bohdel.
Tout a été fait, renseigne IRA, pour susciter des faux témoignages afin de disculper les deux fonctionnaires. Un sympathisant ayant rallié récemment le mouvement abolitionniste a été corrompu, informe IRA, pour déclarer publiquement « qu’il n’y a pas d’esclavage à Tintane ».
Selon Birame, son organisation est décidée à poursuivre, à travers des meetings, marches et conférences de presse, sa lutte de libération des esclaves, par le biais d’une action d’envergure de sensibilisation au sein des représentations diplomatiques et de l’opinion nationale.
Dans un entretien accordé au Calame Mbeyerka Vall mintMahmoud, qui n’a même pris ses maigres effets en fuyant de chez sa maîtresse porte les traces des coups reçus des décennies durant. Elle narre avec force détail le calvaire qu’elle a vécu depuis l’âge de 6 ans.
« J’ai pris conscience, depuis fort longtemps, que je suis une esclave. Les gens autour de moi ne cessaient de le dire. Que nous sommes les esclaves de la famille. J’ai toujours compris que les maures sont supérieurs aux esclaves. C’est une obligation de les servir, de s’occuper des travaux ménagers, d’être toujours au service des maîtres ».
Mbeyerka Vall, 24 ans, laisse entendre qu’elle a toujours été violée et battue. Elle porte d’ailleurs les marques de fils de fer qu’elle affirme avoir reçues de sa maitresse, une dame intraitable et sans pitié, selon elle.
« Dés que j’ai grandi, j’étais consciente que je suis une esclave, une servante. Que ma maîtresse a un droit de vie et de mort sur moi. J’ai toujours compris que les maures, sont supérieurs aux esclaves. Je n’avais qu’à me plier à leurs injonctions. C’est une obligation. Oui c’est une obligation de s’occuper des travaux domestiques et d’être au service des maures, de s’occuper des enfants. J’étais la gardienne, je devrais m’occuper d’eux, préparer leur petits déjeuners, les laver et de leur faire porter les habits avant qu’ils n’aillent à l’école », évoque-t-elle.
Elle poursuit lentement : « C’était un devoir de m’occuper de mes maitres. Je ne pensais jamais avoir un droit. Quel droit devrais-je avoir et c’est quoi d’ailleurs un droit ? Je ne calculais même pas qu’il fallait que je sois rémunérée. Non ! Je leur dois tout.
J’ai vécu des moments plus douloureux. Je dois à ma maîtresse obéissance. Tout ce qu’elle veut, Je dois le faire sans rechigner. J’ai toujours été battue sauvagement par elle ».
Poursuivant, elle fait remarquer que «par la contrainte, j’ai vécu une vie d’enfer. Le plus souvent, je suis tirée de mon sommeil, fait-elle remarquer d’une voix basse. On m’inflige des fils de courant pour m’obliger à me réveiller et à s’occuper des enfants quand ils pleurent.Je ne dors ni de jour, ni de nuit. Pendant ce temps, ma maîtresse, elle, se reposait à sa suffisance.
Ce qui est le plus douloureux et dramatique, c’est que je n’ai pas bénéficié de foyers et pu vivre normalement comme les autres femmes, avoir de bien matériels, de pouvoir me reposer à ma guise et de s’occuper de mes enfants », se lamente-t-elle.
« J’ai enduré des corvées qui sont des plaies dans ma vie », encaisse-t-elle.
Mbeyerka Vall Mint Mahmoud indique : « Je me suis rendue compte de ma situation de servante lorsque Biram est allé en prison, début 2011. Informée de la campagne lancée par Biram, ma maîtresse a décidé de m’envoyer à Tintane en demandant à son cousin juge Nagi Ould Taleb Ould Ely d’établir des papiers pour qu’elle puisse se protéger contre ce Biram. Son cousin lui conseilla de m’éloigner d’elle en attendant ».
Le cauchemar, poursuit cette jeune femme, jusqu’à présent : « Je me réveille toujours la nuit apeurée voyant en songe ma maîtresse me menaçant et me tirant de mon sommeil. Je suis profondément épouvantée. Je vis ce traumatisme chaque nuit ».
Coupée des réalités, Mbeyerka Vall mint Mahmoud ne cesse de surpendre : « Je ne pensais pas qu’il y avait des esclaves libres (faisant allusion aux haratines). Je suis étonnée de les voir ainsi à Nouakchott. Pour moi, les noirs sont toujours propriétés des arabo berbères », dit-elle.
Elle laisse entendre qu’elle n’a jamais eu l’idée de fugue. « Je me sentais perdue. Je ne pensais jamais défier mes maîtres.C’était impensable d’ester en justice. J’ai été enlevée de chez ma mère à ma tendre enfance et j’ai toujours été traité d’esclave et vécu des choses impitoyables ».
Sans papiers, Mbeyerka Vall annonce que : « Je suis née en 1991. Je l’ai apprise en entendant ma maîtresse le dire à ses amies. Disant que cette esclave, cette fille je l’ai arrachée à l’âge de 6 ans. A six ans déjà, je portais sur mon dos les enfants », conclut elle.