
La propension à manifester tend même à pousser le pouvoir dans ses derniers retranchements, en choisissant, le radicalisme comme attitude pour faire face à la surenchère de la COD. Tout ce qui est entrepris par le pouvoir est destiné à lui faire gagner du temps, pas plus. A commencer par le dialogue, en arrivant à la date fixée pour les élections et en passant par la création de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’enrôlement. Et même si les problèmes économiques et sociaux ont tendance aujourd’hui à submerger la crise politique, il reste que cette dernière est celle par laquelle passe toute solution.
Ce n’est pas la peine de feindre que l’acceptation d’un nouveau dialogue entre les trois parties en présence (coalition des partis de la majorité, COD et Coalition pour une Alternance Pacifique) n’est pas possible à l’heure actuelle, quand on sait pourtant que c’est l’unique voie de sortie de la crise. Le retour en force de l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, est en réalité un désaveu flagrant pour le dialogue « national » de septembre 2011. Sans la COD, le problème reste entier. On peut certes organiser des élections, avec la participation de la CAP mais ce ne sera pas suffisant pour servir de faire-valoir pour un gouvernement qui s’entête à reconnaitre que la plupart des institutions démocratiques (pour ne pas dire toutes) sont maintenant dans l’illégitimité totale.
On est dans l’administration du provisoire. En attendant que se tiennent les élections. Mais on sait aussi que celles-ci doivent impliquer tout le monde pour avoir une certaine légitimité mais surtout pour empêcher que la COD ne continue à réclamer, avant termes, une remise des compteurs à zéro. C’est le seul moyen de sauver ce qui peut encore l’être au niveau d’une situation où toutes les cartes sont brouillées. Il ne s’agit plus seulement d’’évoquer l’illégitimité du mandat « bonus » des députés mais aussi la présence à la tête du Sénat d’un président dont on ne sait s’il est intérimaire ou « héritier » de facto d’un poste laissé vacant par le décès de son occupant élu.
Un autre souci qui vient s’ajouter à ceux qui alimentent aujourd’hui la polémique sur les contradictions d’une démocratie bien particulière. Où tout ne se fait pas suivant les normes internationales mais les spécificités de la Mauritanie. Un pays où un coup d’Etat peut être validé par des parlementaires qui l’habillent en « rectification ». Où l’argent de l’armée sert à alimenter les affaires des civils, sans que l’on pousse les investigations plus loin pour savoir s’il y a une chaîne de « solidarité » autre que celle qui concerne le comptable et le principal protagoniste de cette affaire. Mais peut être bien que c’est la profusion des crises (ailleurs on parlerait de scandales) qui justifie cette administration du provisoire, l’objectif étant d’empêcher ces débordements qu’on a vu ailleurs et qu’on a appelé le « printemps arabe ». Un retour sur 2008 A quelques exceptions près, la crise actuelle ressemble, étrangement, à celle qui a suivi le coup d’Etat du 6 août 2008.
Qui est loin d’être consommé. La COD joue ici le même rôle que le Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) mais avec moins d’efficacité, sur le plan intérieur et extérieur. Sans parvenir à convaincre le pouvoir que le rapport des forces n’est plus en sa faveur ou à persuader l’extérieur qu’il faut agir maintenant, comme en 2009, avec l’Accord de Dakar, pour empêcher le pays de sombrer. Ce défaut d’implication de la communauté internationale dans la recherche d’une solution à la crise, et dont on ne sait s’il est positif ou négatif, tient au fait que la COD ne tient pas compte, véritablement, de la singularité de la situation par rapport à celle de 2008 : Elle demande le départ d’un président élu alors que le FNDD réclamait celui d’un putschiste. Une confusion totale entre légalité et légitimité. Si en 2008, la communauté internationale dans son ensemble, menée par la France et les Etats-Unis, était d’accord pour que l’ordre constitutionnel devrait être restauré, même avec des accommodements qui ont permis au général Aziz d’être candidat, en 2013, c’est la démocratie qu’il faut sauver ! La situation actuelle fait de la Mauritanie le Gondwana de Mamane où tout est travesti pour que le Chef s’assure un semblant de tranquillité.
Tout le tintamarre fait donc autour de la tenue prochaine d’élections municipales et législatives, version CENI ou Majorité, ne constitue pas encore une « feuille de route » pour la sortie de la crise, de la formation d’un gouvernement de « compétences » et (et non d’union nationale) pour fléchir la position de principe – et de bon sens – d’une COD qui ne veut pas refaire les mêmes erreurs que lors de l’Accord de Dakar. Du côté de la Majorité, la situation devient intenable. Comme ils le font depuis le 6 août 2008, les soutiens du pouvoir mettent en avant la légitimité populaire qu’ils sont les premiers à avoir transgressée en soutenant la destitution d’un président élu au suffrage universel !
Un double langage qui, de plus en plus, est en train de s’effriter, à mesure que le temps passe et qu’on se rende compte qu’en l’absence de perspectives claires pour un pouvoir qui fait face à des horizons bouchés, la situation d’un Parlement « périmé » est le premier facteur d’un désaveu qui va crescendo. Incapables de se départir de leurs velléités putschistes, incompatibles avec leur statut de parlementaires et de « représentants du peuple », comme ils aiment à le rappeler, les élus de la Majorité semblent privilégier le principe dépourvu de conscience politique du « ça passe ou ça casse » ! En cela, ils rejoignent la COD qui, elle aussi, croit toujours possible une « récupération » du pouvoir par la rue. Fâcheux programme.
Source: Elhourriya