
La démarche d’Iyad Ag Ghali ressemble, point par point, à celle du colonel Aghli Ag Mané, qui a abandonné la guerre, il y a quelques jours, et s’est rendu avec hommes et armes à l’armée mauritanienne. Il n’a pas tardé à bénéficier de l’asile politique grâce à l’influence de son grand frère, Mohamed Mané installé en Mauritanie depuis le début des années 90 du siècle dernier. Mais la comparaison entre les deux hommes s’arrête là. Iyad Ag Ghali est vraiment un personnage atypique dont le parcours, semé d’embûches et de retournements de situation, explique bien des choses.
Une décennie pour se faire un nom
L’aura d’Iyad Ag Ghali a commencé à briller au nord Mali, en août 2003, quand il parvient à jouer un rôle de premier plan dans la libération de 14 touristes allemands pris en otage en Algérie. .
Ce chef touareg qu’on voyait souvent debout devant ses hommes, avec un corps bien musclé et une barbe noire qu’il a laissé pousser depuis qu’il a épousé les idées islamistes d’AQMI et du MUJAO, tout en mettant en avant la spécificité de la lutte de son mouvement, est un homme complexe. Dans le passé, il était le chef de la tribu des Ifogas, qui vit dans les montagnes et les déserts du Grand Sahara mais présentement, la France considère Iyad Ag Ghali comme l’ennemi juré de l’Occident. Ag Ghali commande aujourd’hui le plus grand regroupement islamiste au Mali, Ansar Edine, qui compte quelque 1500 combattants, et contrôle – contrôlait plutôt – 60% du territoire. Il livre une guerre contre l’armée française qui les combat avec ses avions militaires, ses hélicoptères et son infanterie. Berlin qu’il a aidé dans le passé pour sauver la vie de ses ressortissants prête main forte aujourd’hui à la France en assurant le transport des troupes vers le Mali.
Il y a quelques années pourtant, les relations entre Ag Ghali et les Allemands étaient très bonnes. On le considérait, à l’époque, comme un allié, puisqu’il avait facilité, en 2003, la libération d’otages occidentaux dont 10 Allemands.
Ag Ghali était loin d’être islamiste, en plus du fait qu’il n’a jamais affiché des penchants extrémistes. Mais à cause de la pression née de la rivalité entre Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO), dissidente de la première, (et qui disposent chacune de 500 combattants), Ag Ghali a, lui aussi, recouru à la religion pour justifier son nouveau positionnement sur l’échiquier malien. Il a ainsi obligé l’application implacable de la charia dans les zones sous le contrôle d’Ansar Edine. Et depuis, il tient un discours enflammé contre les « mécréants ».
Sans doute que sa vocation religieuse ne convient pas à son mode de vie. Même au moment des premiers raids aériens de l’armée française, ce chef que ses hommes appelle « le lion du Sahara » vivait dans une imposante maison construite pour lui par le défunt guide libyen, Mouammar Kadhafi, non loin de l’aéroport de Kidal.
Mais selon des informations recueillies par les services de renseignements allemands (le BND), il y a une étroite relation ente Ag Ghali et les groupes liés à AQMI dans la zone. Le gouvernement de Bamako espérait, jusqu’à une date récente, que l’argent parvienne à convaincre les forces touarègues à renoncer à cette relation islamiste. Ag Ghali était même partie prenante dans les négociations. Mais le BND a mis en garde le gouvernement allemand : des propos tenus par le chef des rebelles à ses hommes montrent clairement que pour lui les négociations ne sont qu’une manœuvre pour gagner le temps et pour mieux préparer l’attaque contre le sud.
« C’était notre homme »
Dans le passé Iyad Ag Ghali était un homme politique connu, à tel point que le gouvernement malien l’avait envoyé une fois, en tant que diplomate, en Arabie saoudite. Au printemps 2003, un groupe d’aventuriers occidentaux ont été enlevés dans le grand Sahara. Ag Ghali avait alors aidé les Allemands en jouant un rôle d’intermédiaire ente la capitale Bamako et le groupe islamiste responsable de l’enlèvement, à savoir le GSPC algérien (groupe salafiste pour le prêche et le combat). Ag Ghali avait réussi, en fin de compte, à parvenir à un accord et, en août 2003, 14 otages ont été libérés contre une rançon de 5 millions d’euros (6,7 millions d’USD). Après cela, un haut responsable du ministère allemand des Affaires étrangères avait transporté l’argent à Bamako à bord d’un avion militaire ; il a remis le magot au gouvernement malien qui a envoyé, à son tour, Iyad Ag Ghali dans la zone frontalière entre le Mali et l’Algérie. Et comme le disait un ancien haut responsable dans le gouvernement allemand : « Ag Ghali était notre homme ». Mais plus maintenant. Les Occidentaux ne voient en lui que celui qui a aidé AQMI à trouver refuge au nord Mali et qui, depuis, a épousé ses vues islamistes sous le couvert de l’application de la charia dans une province de l’Azawad qu’on voyait déjà autonome. Si demain il est reçu en Mauritanie, alors qu’elle sera l’attitude de Paris et de Bamako ?
MOMS
Pour l’authentique