Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Monthly Archives: June 2018

Les dix stratégies de manipulation de masses

Les dix stratégies de manipulation de masses
 
Le philosophe nord-américain Noam Chomsky, activiste et penseur politique, professeur de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a enseigné toute sa carrière, a fondé la linguistique générative. Il s’est fait connaître du grand public, à la fois dans son pays et à l’étranger, par son parcours d’intellectuel engagé. Il a élaboré une liste des « Dix Stratégies de Manipulation » à travers les médias. Elle détaille l’éventail, depuis la stratégie de la distraction, en passant par la stratégie de la dégradation jusqu’à maintenir le public dans l’ignorance et la médiocrité.

1/ LA STRATEGIE DE LA DISTRACTION
 
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l »économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
(Le foot, les jeux olympiques, Johnny, etc) [“Panem et circenses” “Donnez leur du pain et des jeux !”].

   2/ CREER DES PROBLEMES, PUIS OFFRIR DES SOLUTIONS
 
Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté.
(Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.).
 

3/ LA STRATEGIE DE LA DEGRADATION
 
Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.
(Baisse des retraites et allongement de la durée du travail).
 
 
4/ LA STRATEGIE DU DIFFERE
 
Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.
(L’augmentation importante de la pression fiscale ne s’est pas faite avant les élections de 2012).
 
 
5/ S’ADRESSER AU PUBLIC COMME A DES ENFANTS EN BAS AGE
 
La plupart des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
(Les français sont trop gros, trop gros, trop gros. Les boissons sucrées sont surtaxées : nous les paierons plus cher).
 
 
6/ FAIRE APPEL A L’EMOTIONNEL PLUTOT QU’A LA REFLEXION
 
Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements
(La Terre se réchauffe dangereusement du fait des seules activités humaines (sic), ce sera terrible pour nos enfants : les carburants sont encore plus taxés).

 
7/ MAINTENIR LE PUBLIC DANS L’IGNORANCE ET LA BETISE
 
Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »
(80 % des élèves des universités ou des grandes écoles sont issus des classes moyenne ou supérieure).
 
 
8/ ENCOURAGER LE PUBLIC A SE COMPLAIRE DANS LA MEDIOCRITE
 
Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte
(Voir certaines émissions de TV particulièrement populaires).
 
 
9/ REMPLACER LA REVOLTE PAR LA CULPABILITE
 
Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !
(Vous êtes au chômage par manque de formation : suivez un stage et tout ira mieux).
 
 
10/ CONNAITRE LES INDIVIDUS MIEUX QU’ILS NE SE CONNAISSENT EUX-MEMES
> Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes.
Grâce à la biologie, la neurobiologie et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement.
Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.
(Pourquoi croyez-vous que les grands politiques utilisent et payent largement des instituts importants des sciences humaines ou des grandes sociétés de publicité ce qui revient au même).

 
PEU IMPORTE LA COULEUR POLITIQUE, VOILA COMMENT NOS CHERS DIRIGEANTS NOUS MANIPULENT !

 Noam Chomsky

Ely Ould Krombelé : Les chances de Biram d’accéder au palais présidentiel sont quasi-nulles et son alliance avec les nationalistes sonne la fin d’un rêve

Ely Ould Krombelé : Les chances de Biram d'accéder au palais présidentiel sont quasi-nulles et son alliance avec les nationalistes sonne la fin d’un rêveEssahraa – Ely Ould Krombelé n’a pas besoin d’être présenté pour les intellectuels mauritaniens, qui se sont habitués au cours de dernières années à son diagnostic de la vie de la Nation, particulièrement pour les questions politiques et sécuritaires, avec parfois des plongeons sur l’histoire contemporaine de la Mauritanie.

Il répond ici avec la même batterie d’arguments à des questions d’actualité, dont le classement controversé de l’Armée nationale par Global Firepower, le 3e mandat et le potentiel successeur du Président Aziz, les chances de Biram d’arriver au palais brun en 2019, le Mali, le G5, la Ceni, la démocratie…etc.

Question : L’armée mauritanienne a dompté le terrorisme et bénéficié de la confiance des africains et de l’Onu dans la force du G5 Sahel et des casques bleus en RCA. Comment s’est-elle trouvée alors à la 129ième place dans le classement des armées dans le monde et à la 30ième dans le continent ?

Ely Ould Krombele : Vous savez les maisons qui s’occupent de la notation sont le plus souvent partisanes et répondent à des alibis mesquins en tout cas jamais sincères. L’Occident en s’érigeant en parapluie contrôle toutes nos activités, que ce soit par le biais du FMI, de l’instance onusienne des Droits de l’Homme, ou de l’Ong Reporters Sans Frontières etc…

Le but est le même: rester dans les rangs ou subir les conséquences qui peuvent aller des sanctions économiques à l’intervention militaire. L’Occident nous a crées” à son image”.

Dès lors que la colonisation n’était plus possible, alors en clichés nous évoluons en mimant l’original, tout en sachant que la copie reste une copie malgré tous les efforts que nous pourrons dégager. N’est-ce pas le but? En procédant à la balkanisation de l’Afrique, les Occidentaux nous empêchent de suivre notre propre voie qui doit surgir de nos propres valeurs.

Il suffit de vouloir aspirer à gérer sa politique intérieure en toute indépendance pour subir l’ingérence manifeste extérieure. Par exemple on a parlé de “collusion” avec Al Qaïda lorsque le pouvoir central mauritanien est venu à bout du terrorisme.

C’est à peine avec la création du G5 Sahel et surtout la désintégration des pouvoirs centraux nigérien, malien et burkinabè que la communauté internationale, la France en tête, a reconnu la valeur de notre Armée Nationale dans la sous-région. Car la grandeur d’une Armée ne se mesure pas à son seul équipement c’est à dire au nombre de chars, d’avions de combat, de véhicules de transport de troupes…

Mais plutôt à sa technique de combat, à sa mobilité surtout dans le désert où on n’a besoin ni de chars, ni de BRDM (automitrailleuse), ni d’équipement lourd. Pour réaliser son classement des armées dans le monde, Global Firepower tient compte des budgets militaires. C’est ainsi que l’Algérie (avec ses tanks et son aviation moderne, ses sous-marins), et l’Angola, tous deux pays pétroliers se trouvent en tête de peloton.

Une chose est sûre : l’Armée mauritanienne occupe désormais une place prépondérante dans la sous-région ouest-africaine, cependant derrière le Nigéria (pourtant incapable de retrouver des fillettes enlevées par Boko Haram sur son propre territoire) et probablement derrière la vaillante Armée Tchadienne dont les troupes combattantes sont efficaces en contact avec l’ennemi.

Question : Toutes les spéculations et les hypothèses sur l’après 2019 et le potentiel successeur du Président Ould Aziz, ont été épuisées par l’opinion, mais n’ont jamais fait l’objet d’une appréciation dominante. Comment voyez-vous cette future période aux contours toujours indécis ?

Ely Ould Krombelé : Le président Aziz a su diriger le pays depuis 2008 comme un conducteur ayant une main sur le volant et l’autre main occupée à contenir les charges de l’opposition de l’intérieure et de l’extérieur. Durant ces deux mandats on aura tout entendu.

On est bientôt en 2019 inchallah. Seul le temps viendra à bout des spéculations et des hypothèses comme vous dites. Laissons le processus électoral se dérouler normalement avec les municipales, ensuite les législatives(si elles ne sont pas couplées)en 2018 et enfin le gros morceau qu’est la présidentielle de 2019.

Il ne faudrait pas que la haine portée à l’égard de Ould Abdel Aziz par une partie de l’opposition, de la diaspora aveugle l’opinion au point d’oublier la fragilité de la Mauritanie. La Mauritanie a besoin d’un homme fort, une sorte de despote éclairé comme disaient les philosophes des lumières du 18 ème siècle.

Pas d’avatar d’un Mamadou Youssoufou du Niger, ni de Kaboré du Burkina, encore moins de Boubacar Keita ; des civils faibles qui prennent leurs instructions de Paris. Vous aurez constaté de vous-mêmes que les deux autres pays du G5 Sahel, à savoir le Tchad et la Mauritanie sont dirigés par des militaires patriotes garantissant ainsi la sécurité de leurs concitoyens et de leurs biens.

Question : Au cas où le Président persiste dans sa volonté de se retirer du pouvoir, refusant de suivre l’appel politique et socio-religieux voire sous-régional l’invitant à rester à parachever son projet de société, le candidat qu’il compte soutenir sera-t-il à votre avis, un civil ou un militaire ? Et quelles sont les mobiles d’un tel choix pour chacun des deux cas

Ely Ould Krombelé : Il n’y a pas de dilemme puisqu’il a dit lui-même qu’il ne briguera pas de troisième mandat. Mais cela ne suppose pas qu’il quitte définitivement la scène politique. Tenez par exemple il peut apporter son soutien au candidat de son choix. Il peut avant la fin de son mandat avec sa majorité féconder notre démocratie.

Car la démocratie, pour ceux qui l’ignorent n’est pas la fin de l’Histoire, mais plutôt son commencement. En France j’entends de la bouche des parlementaires constamment des termes comme “pour améliorer notre démocratie, nous devons voter telle loi, amender tel article etc…

“Et puis philosophiquement parlant la démocratie occidentale ne sied point à nos valeurs africaines ou musulmanes des points de vue d’abord ontologiques, cosmogoniques et surtout socio-culturels. Car la civilisation occidentale est née au bord de la Méditerranée; elle est d’abord hellénique(grecque),ensuite hellénistique(gréco-romaine)et enfin judéo-chrétienne. Elle se nourrit du libre-échange fruit du capitalisme dont dérivent les sociétés de consommation, corollaires de l’individualisme à outrance.

La civilisation occidentale qui se veut d’essence humaniste, peut à des moments revêtir une existence égoïste. Tout le contraire de nos sociétés collectivistes et communautaristes. En Occident c’est le suffrage universel d’un homme qui constitue une voix ; par contre en Afrique c’est un village, un campement, une ethnie, une tribu qui représentent une voix. Depuis plus de deux milles ans les occidentaux cultivent leur chemin après avoir dompté la science et les technologies.

En nous colonisant, ils nous ont empêchés de poursuivre notre développement naturel. Peut-être que nous étions destinés à épouser la démocratie mais à notre rythme endogène, à notre façon. Doit-on parler de démocratie à Boilil ne sachant pas lire ni écrire, à Brahim élevé dans le carcan tribal, ou à Demba né dans une société qui se gave encore de son anachronique stratification?

La démocratie chez nous c’est juste le vote alors pourquoi limiter les mandats quand un Paul Kagamé, président du Rwanda fait du bon boulot? Et surtout tant qu’il maintient la paix et la stabilité dans son pays? Cette même problématique se discute chez nous pour ou contre un troisième mandat du président Aziz.

Quel que soit le prochain président : Aziz, Ghazwani, Mohamed ould Meguett ou Diallo Bathia, il doit s’investir dans le social, octroyer des allocations familiales aux plus démunis, aux handicapés, aux femmes sans assistance et seules; ne laisser personne sur le carreau. Le prochain président mauritanien fera du social ou ne sera pas car les jalons sont plantés, et le matériau indispensable au développement socio-économique (matières premières surtout) existant.

Question :Le leader de l’IRA Biram a annoncé sa candidature à la future présidentielle. Surfant sur les armes efficaces de la non violence et du défi posé à l’opposition de trouver un candidat unique, et eu égard au score honorable réalisé par une précédente présidentielle, quelles sont à votre avis ses chances, d’entrer au palais présidentiel

Ely Ould Krombelé : Il faut reconnaître que Biram a placé le curseur de la lutte contre l’esclavage un peu plus haut. Mais ce bond en avant dont l’écho se propage plus à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays risque un jour de se retourner contre lui.

En “carriériste avantageux”, le président de l’IRA ne se prive pas d’ailleurs de falsifier l’Histoire ouest-africaine en peignant une autobiographie digne de l’Odyssée d’Homère. En voulant nous présenter l’Almamy Samory Touré en sanguinaire esclavagiste, Biram franchit le Rubicon sans doute aspirant au trophée mais combien suicidaire du “César” de la mégalomanie et surtout de la mythomanie.

Toute l’Afrique honorable connait l’histoire de Samory Touré, né à Miniambaladougou vers 1830, qui a accepté en 1848 de se constituer esclave pendant 7 longues années au service du redoutable Sory Boureïma du clan des Cissé afin de libérer sa captive de mère Sokhona Camara.

Samory Touré est mort le 2 Juin 1900 en exil au Gabon enterré par son fidèle compagnon ,ami et griot Morifin Djan Diabaté. C’est en captivité, au service de Sory Boureïma que Samory Touré va apprendre le maniement des armes, se faire une culture islamique en apprenant le Coran et la théologie. Plus tard Samory se dressera contre les colonnes des envahisseurs français Gouraud et Archinard.

Contrairement à ce que dit Biram, Samory Touré n’a jamais mené d’expéditions punitives contre les Bambara de Kayes au Mali ; ensemble dont est issue sa grand-mère Traoré Katafana selon lui. Avant de lutter contre les français, Samory Touré a combattu certes ses compatriotes des clans Cissé et Bérété car il en était ainsi dans toute l’Afrique de l’Ouest du19ème siècle.

C’était la règle malheureusement: le plus fort réduisait le vaincu en état de captivité en le vendant à un éventuel acheteur noir, maure ou européen. C’est aussi pourquoi de la Guinée, en passant par le Mali, le Sénégal, jusqu’en Mauritanie, il y a le système de castes : nobles, esclaves, griots, forgerons…etc.

Quant aux chances de Biram d’accéder au palais présidentiel, elles sont quasi-nulles. Pourquoi? En se constituant candidat dès maintenant Biram piège l’opposition qui aspire encore à une candidature unique.

On peut-être militant des droits de l’homme et se découvrir enfin en piètre politicien. Et puis en dehors de quelques jeunes surexcités surtout de la diaspora, Biram n’a pas d’assises populaires à l’intérieur du pays. Martin Luther King n’a jamais fait de politique mais il était populaire parce que non violent.

Nelson Mandela a combattu l’Apartheid mais c’est en homme de paix qu’il a accepté de diriger l’Afrique du Sud. S’il était violent, on allait choisir un autre et Mandéla n’aurait pas pris un rendez-vous avec l’Histoire. Tant que Biram cultive l’extrémisme, et adopte une posture manichéenne, il ne verra le palais que de loin.

Question : Quelles sont vos impressions sur le dernier fait marquant de l’actualité politique nationale, à savoir l’accord signé entre les nationalistes de Sawab et les antiesclavagistes de l’IRA pour faire front uni en perspective des prochaines consultations électorales dont la présidentielle de 2019 ?

Ely Ould Krombelé : Vous voyez que pour valoriser sa personne, rien que sa propre personne, Biram ne recule devant rien. Une alliance du parti nationaliste Arabe, Sawab et l’IRA est difficile à comprendre pour le citoyen lambda.

Ce marché qui n’est en fait que le double réalisme des deux protagonistes risque de se solder en queue de poisson une fois la fièvre électorale terminée. Le sage Messaoud Ould Belkheir, en s’alliant à l’APP, autre parti nationaliste Arabe, portait déjà les germes de l’entente cordiale à l’égard de toutes les composantes nationales.

Qu’en sera-t-il de l’attitude de Biram quand arrivera le partage des fruits de l’alliance avec les militants de Sawab? Personnellement ce marché de dupes, cette fois qui a priori est considéré par beaucoup d’observateurs comme du gagnant-gagnant, ne m’inspire pas confiance.

Car l’accord scellé entre un parti fossile de la politique, tentaculaire et un mouvement anti-esclavagiste local, dirigé par un novice rompu rien qu’au militantisme victimaire, ne suscitera point la ruée escomptée.

Quand le dindon se serait rendu compte de ses déconvenues, il aura alors perdu l’irréductible aile de ses sympathisants négro-mauritaniens pour qui Biram (c’est de lui qu’il s’agit) a brisé le rêve. Celui de voir un jour un Président NOIR accéder à la magistrature suprême dès 2019!!! Biram s’est rallié aux Beïdanes ou ces derniers l’ont adopté pour mieux le contrôler…car selon le grand philosophe allemand Hegel: “il est facile d’être esclave que maître”(La dialectique du maître et de l’esclave.

Question : La situation sécuritaire au Mali est toujours alarmante, avec un optimisme manifeste sur la force conjointe du G5 Sahel qui est fin prête pour traquer les terroristes. Pensez-vous que Bamako sortira à court et moyen terme du bourbier djihadiste et séparatiste dans lequel le Mali est embourbé, ou à un avenir toujours sombre pour ce pays

Ely Ould Krombelé : La situation peu enviable du Mali provient manifestement du rôle de politiciens véreux qui crient constamment au changement. Et une fois au pouvoir ces intellectuels (puisqu’ils le sont) mais malhonnêtes nantis de l’habillage “démocratique”, et de par leur cupidité glissent le pays vers le gouffre. On veut jouer le même sale tour aux mauritaniens. D’abord ces “élites” ont tenu à affaisser l’Armée malienne, dernier rempart à leurs sombres desseins.

En 1960, cette Armée était aguerrie car ses troupes formant l’ossature de l’empire colonial français, avaient combattu en Indochine, en Algérie …etc. Or l’on constate que dans notre sous-région, les pays qui ont des Armées régulières à point (Tchad,Sénégal,Mauritanie ) peuvent venir à bout des conflits asymétriques.

Ainsi la création du G5 Sahel vient à point nommé surtout pour le Mali, le Niger et le Burkina-Faso. La France est consciente qu’elle ne sortira du bourbier malien qu’avec la finalisation de la capacité opérationnelle des contingents du G5 Sahel.

Il y a moins de deux décennies l’Armée malienne avait une aviation remarquable composée de Mig 17, Mig 19,et du fameux Mig 21, qui a fait ses preuves contre l’envahisseur allemand lors de la 2ème Guerre Mondiale; des BMP 21,des BRDM, des BTR transports de troupes; des commandos- parachutistes aguerris. Ceci était le passé, actuellement le Mali n’a plus d’Armée et son sort dépend de l’aide extérieure en général et du déploiement des troupes du G5 Sahel en particulier. Triste réalité pour les princes du Manding.

Question : Beaucoup d’Etat africains se proclament démocratiques, mais leurs pouvoirs imposent des régimes souvent répressifs et parfois absolus. Que faut-il pour ces pays pour s’engager résolument dans la voie du multipartisme.

Ely Ould Krombelé : Le multipartisme n’est qu’un pan de ce qu’on appelle démocratie. Une pléthore de partis politiques, sans programme, sans vision à court ou long termes que l’on voit en Afrique se chamailler pour le pouvoir, du moins pour les dividendes du pouvoir, ne sauraient en eux seuls s’ériger en emblème de la bonne gouvernance.

La démocratie occidentale ne se décrète pas, elle ne s’invente pas non plus. En Afrique on tente de la domestiquer parce qu’elle ne répond pas à nos valeurs du moment qu’elle ne s’y greffe pas. Comme certaines denrées alimentaires, d’ailleurs périssables, certains produits cosmétiques, elle est importée, ou même imposée selon la vieille conception occidentale du mythe prométhéen de “l’homme est la mesure de toute chose”.

Or il se trouve qu’en Afrique nous sommes encore au stade de l’infantilisation de la démocratie à l’occidentale. On se permet même de l’instrumentaliser. Ainsi pour des raisons de pétrodollars, on peut permettre au président du Congo Denis Sassou Nguessou de s’éterniser au pouvoir.

Le parapluie américain veuille sur Paul Kagamé du Rwanda pour combien de mandatures encore? Le duo Aziz-Ghazwani champions de la lutte contre le terrorisme dans la sous-région séduit Paris: le G5 Sahel c’est un peu leur affaire, la nouvelle école de Guerre qui va ouvrir ses portes bientôt, c’est encore eux avec la volonté manifestement intéressée de la France .Alors pourquoi ce qui est possible au Rwanda, au Congo ne le serait-il pas en Mauritanie?

Question : La Ceni a été largement contestée par les opposants faussant d’emblée la transparence qui préside à toute élection digne de ce nom. Pensez-vous qu’elle pourrait faire l’objet d’un nouvel examen, surtout après l’appel lancé par l’Union Européenne, pour incarne au maximum possible un consensus des divers protagonistes politiques.

Ely Ould Krombelé : Pourquoi dans les pays occidentaux,lors des élections il n’ y a pas de CENI? Pourquoi une CENI chez nous en Afrique à chaque élection? Parce que les parties concernées: opposition et majorité peuvent tricher, parce que nous ne sommes pas mûrs pour l’exercice démocratique. Le cas actuel de la Mauritanie est simple.

L’opposition radicale a boycotté tous les scrutins, tous les dialogues. Dans ce cas on ne doit tenir compte que de l’avis des partis participationnistes de l’opposition et de ceux de la majorité. Peut-il en être autrement?

Propos recueillis par Md O Md Lemine

CRIDEM

Les médecins grévistes pestent contre le limogeage d’un des leurs

alt

Les médecins grévistes ont dénoncé fermement la mesure « illégale » qui a visé le président du syndicat des médecins spécialistes, le Docteur Mohamed Dahiya. 

Une mesure contraire, selon eux, à « la protection juridique qu’offre toute grève légitime et respectant les conditions mentionnées dans l’article 267 du code mauritanien du travail ». En solidarité avec leur collègue, les médecins chefs des services hospitaliers de l’hôpital national projettent de démissionner collectivement d’ici une quinzaine de jours si aucune annulation de la décision arbitraire et illégale visant le Dr Dahiya n’est prise.

Les médecins grévistes comptent centraliser les urgences à partir du premier Juillet 2018 dans un seul établissement hospitalier chaque semaine et de façon rotative.

Ils entendent également résilier tous les contrats de travail liant les médecins civils à l’hôpital militaire de Nouakchott à partir du Lundi prochain 04 mai 2018. Les protestataires vont intenter des actions en justice pour annuler la décision du directeur du CHN. Un sit-in est programmé, le mardi 5juin à 10h à l’hôpital national.

« Il est évident pour tout le monde que de telles mesures arbitraires et illégales ne vont que nous pousser à être, plus que jamais, attachés à notre cause légale; c’est pour cela nous lançons un appel à l’union des tous les médecins jusqu’à l’obtention de nos droits et la réalisation des nos doléances ; ce qui nécessite de grands sacrifice », concluent les grévistes.

Pour rappel, le chef du département “médecine interne”, Docteur Mohamed Ould Mohamed Lemine « Dahya » a été viré de son poste par le directeur du Centre hospitalier national, par note datée du 31 mai 2018.Au motif de grève. Conformément à la loi 93-09 du 18 janvier 1993 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’Etat qui stipule en son article 21 que la « grève est notamment interdite aux directeurs et chefs de service es établissements publics à caractère administratif ». 

Le Calame

 

Le bureau international du travail supprime le nom de la Mauritanie de la liste des pays interpelés sur la question de l’esclavage en matière d’emploi

Nouakchott,  30/05/2018  –  Le Bureau international du travail (BIT) a supprimé le nom de la Mauritanie de la liste des pays interpelés par la commission des normes sur la question de l’esclavage en matière d’emploi et du travail forcé.

Cette mesure est intervenue au cours de la 107eme session du BIT qui se tient du 28 mai au 8 juin prochain à Genève.

La suppression du nom de la Mauritanie de cette liste pour la première fois constitue une reconnaissance des efforts gigantesques déployés par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre l’esclavage.

La Mauritanie qui participe à la session avec une délégation conduite par Dr Coumba Ba, miniustre de la Fonction publique, du travail et de la modernisation de l’administration avait présenté, lors de cette session, son expérience dans le domaine de l’emploi et du dialogue social

AMI

Exclusif : Jemal Ould Yessa s’exprime après 7 ans de silence…

Chose promise, chose due. Comme je l’annonçais l’autre jour, j’ai rencontré mon cousin Jemal à Abidjan et il a accepté de répondre à quelques questions. C’est une interview A.O.C. Ce genre d’interview, dont l’Appellation est d’Origine Contrôlée, comme celle d’Ahmed Ould Cheikh à l’inquisitrice  Irabiha, consiste à ne pas mettre en difficulté l’interlocuteur ou le client, c’est selon… 

 

 

Il faut se contenter de poser les questions qui ne fâchent pas vraiment à la différence qu’il n’y a pas aujourd’hui de silence criminel pour soutenir une corde qui réclame un pendu, fût-il innocent…
 



 
 
 
1- Chezvlane : Jemal Ould Yessa, vous avez été connu, d’abord par vos écrits et votre engagement contre ce que vous appelez « la domination ou l’hégémonie ethno-tribale ». Depuis la fin des années 1980, vous ne cessez de dénoncer, pêle-mêle, le racisme contre les communautés noires, l’esclavage, l’impunité et la privatisation de l’Etat par des clans qui se partagent le pouvoir, à tour de putsch, parfois « de manière rotative » (l’expression est de vous). Vous ne cessez de prédire l’effondrement de ce système mais aussi la dislocation de la Mauritanie.
 
Ai-je bien résumé votre parcours ?
 
 
 
 
 
 
Jemal : Plus ou moins….
 
2- Chezvlane : Alors, qui êtes-vous ? Un provocateur professionnel, un éternel adolescent en politique, un opposant aigri ?
 
Jemal : Je me définirai par le terme « lanceur d’alerte », hélas pas plus écouté que Cassandre. La provocation, l’aigreur et l’adolescence relèvent de l’appréciation relative et variable ; peut-être qu’il y a, en chacun d’entre nous, un peu de tels défauts. Chez nous, l’art de gouverner se confond avec la feinte, la triche sur temps, bref l’évitement des ruptures sans lesquelles aucune société de ce bas-monde n’évolue. Nos intellectuels organiques excellent dans la justification du fait accompli et s’ingénient à se concilier les bonnes grâces du Prince ou, celles, moins rentables, de la rue. Sur les problématiques de l’esclavage et du racisme que vous citez en exemple plus haut, tout a été dit ; le diagnostic est établi. Les solutions, prévisibles et de bon sens ne font défaut : parler, comprendre, rendre justice. A part l’amorce durant l’intermède du très prudent Sidi Ould Cheikh Abdellahi, nous sommes vite retombés dans l’occultation, le déni, associés au bricolage d’arrangements ponctuels. Et revoici la Mauritanie, de retour dans la rubrique des détenus d’opinion et de conscience : Mohamed Ould Mkhaitir, Birame Dah Abeid et ses co-accusés, Djiby Sow et d’autres dont l’état de santé autorise quelque crainte..
 
3-Chezvlane:  A propos d’esclavage, quels sont, d’après-vous, les signes d’un début de « normalisation » ?
 
Jemal : Quand les descendants d’esclaves épouseront les filles d’anciens maîtres, sans susciter le scandale, nous aurions franchi un pas décisif dans l’égalité. Je choisis cet exemple, pour souligner la dimension symbolique du défi.
 
4. Chezvlane : Votre pessimisme habituel sur l’avenir de la Mauritanie, le maintenez-vous ?
 
Jemal : Il ne s’agit pas de pessimisme mais de lucidité. Oui, je le maintiens, dans les termes que j’exprimais en 2006, à la faveur d’une tribune dans le journal sénégalais Sud Quotidien, sous le titre fantaisiste « sur la dune un peuple averti ne vaut rien ».
 
5.Chezvlane : L’article paraît bien prémonitoire mais n’est-ce pas une qualité un peu étrange chez un descendant de guerrier ?
 
Jemal : Oh, peu importe l’auteur et ses déterminismes ; l’essentiel est dans la détérioration constante des équilibres écologiques et sociaux du pays. Et, encore, 2006 ne nous n’étions assez instruits de la menace jihadiste.
 
6. Chezvlane : Oui, l’on sent que le sujet vous obsède….
 
Jemal : Oui, je vous le concède…
 
7. Chezvlane : Pourquoi ?
 
Jemal : Le wahhabisme, alimenté par l’argent des pétromonarchies du Golfe, s’est implanté en Mauritanie, depuis la fin des années 1970 ; la majorité de nos notables religieux sont devenus les agents propagateurs de cette idéologie du pouvoir, certains par conviction, d’autres – sans doute la plupart – en toute vénalité ; le salafisme constitue l’étape ultime vers l’achèvement de l’islamisme politique. A présent, la société mauritanienne est parvenue à un stade de maturation où le passage à l’acte jihadiste connaîtra un essor sans précédent et s’exportera vers le voisinage immédiat.
 
8. Chezvlane : Pourtant, les autorités mauritaniennes multiplient les initiatives pour sauver l’Islam de la paix et en favoriser l’audience par les jeunes…
 
Jemal : Trop tard, le dégât, irréversible, est fait. A force de surenchère avec les islamistes sur le terrain de la répression et de l’intolérance, les pouvoirs publics ont participé à la dissémination du wahhabisme, au détriment des confréries soufies, davantage tournées vers la spiritualité ; à ce jeu-là, les barbus gagnent toujours. L’original déclasse la copie. Au lieu de distiller des valeurs de civisme séculier et de cultiver la résistance à l’obscurantisme, les gouvernements successifs, par facilité, paresse, populisme ou négligence, ont finalement abdiqué la vertu cardinale dans l’art de gouverner : ils ont cessé de prévoir, d’anticiper, d’observer au-delà du lendemain. Nous le payerons, tous, cher, très cher, à l’image du Mali, du Nigéria ou du Niger.
 
9. Chezvlane : Mais notre contexte est différent des situations que vous citez…
 
Jemal :  En quoi ? Croyez-vous que nous n’avons pas nos Daesh et nos Boko Haram ? Ils sont là, de moins en moins tapis à l’ombre des mosquées. Ils agissent au grand jour, menacent ici, excommunient là, interdisent ceci, défendent cela, de plus en plus prompts à l’appel au meurtre, contre des civils sans défense ; leur incitation constante à la haine relève, à présent, de la vulgate. Ils violent la loi mauritanienne sans répit mais nul ne s’avise de les interpeler en conséquence, parce que l’environnement ne possède plus les facultés de distinction entre religion et dogmatisme. Parmi le bloc historique, c’est-à-dire l’ensemble arabo-berbère, le rapport des forces ultérieur à la guerre de Charr Bebbe s’est inversé. Aujourd’hui et sans l’effet d’aucun engagement militaire, la perspective d’un Etat théocratique est à portée des successeurs de Nasr Eddine. Le jihadisme mauritanien constitue le bras armé de cette revanche sur l’histoire, dans un contexte international bien plus favorable qu’au 17 ème siècle. A moins d’une guerre civile ou d’un putsch de « rectification » à l’égyptienne, la Mauritanie est en train de parfaire son statut de potentielle Talibanie sur le Continent.
 
10. Chezvlane : Quelles preuves de ce que vous avancez ?
 
Jemal : Ouvrez les yeux ou sortez un peu plus souvent du pays et prenez de la distance. Observez la saturation de l’espace public par l’obscurantisme, la manie du Takfir, regardez l’effritement de l’esthétique et des référents fondateurs de la Mauritanie, au profit du rigorisme wahhabite. Même dans notre mode de consommation urbain, notre rapport à la vie, à l’habilement, aux distractions, nous ne cessons de copier le Machrek, gommant ainsi notre identité de peuple mulâtre, produit de brassages millénaires, héritier des empires du Sahara et du Sahel. Autre exemple, considérez, je vous prie, l’impossibilité d’organiser un défilé de mode ou un concours de danse traditionnelle. A chacun de ces projets, l’on vous objectera l’indécence d’exposer ainsi les hommes à la tentation du corps féminin. Plus personne n’ose s’élever contre la menace physique, à l’exception de quelques rares militantes des Droits de l’Homme ; je tiens, à nommer, ici, Mekfoula Mint Brahim, Aminetou Mint El Moctar et Fatimata Mbaye. Des associations de promotion citoyenne et une nouvelle génération de jeunes activistes arabophones maintiennent encore la flamme de la résistance. L’affaire Ould Mkheitir et les manifestations qui l’ont accompagnée et suivie ont démontré combien l’Etat mauritanien s’est piégé dans sa concurrence au zèle islamiste. Vous avez vu et entendu des hommes de foi, exciter le peuple à la destruction, un individu s’est permis de promettre une prime à qui assassinerait l’ « apostat », des foules, hors de tout contrôle, ont intimidé des avocats, menacé de mort des journalistes, des militants de la dignité humaine. Des biens furent pillés ou détruits, de jour, sans qu’aucun auteur ou commanditaire n’en répondît devant la justice.
 
 
11. Chezvlane : Justement, au sujet de Ould Mkheitir, que pensez-vous de sa condamnation à mort ?
 
Jemal : J’en ai honte, pour la Mauritanie et les mauritaniens, comme je déplore le silence retentissant de mes compatriotes intéressés à la chose publique. Je n’ose parler d’ « intellectuels ». Qu’il me soit permis, ici, de rendre hommage à quelques auteurs de tribunes rares en faveur du prévenu. Parmi eux, je retiens l’excellente contribution de Abdul Lo Gourmo. Les personnalités politiques – hormis une infime minorité dont Moustapha Ould Abeiderrahmane – se sont aplaties devant le chantage wahhabo-salafiste.
 
12. Chezvlane : Comment expliquez-vous ce mutisme et cette résignation ?
 
Jemal : Nous avons assisté à une série de présumées profanations du Coran, jamais élucidées mais qui se sont conclues par une tentative de prise de pouvoir, de type insurrectionnel, dans les jardins de la Présidence. Depuis, je n’ai lu d’analyse critique, ni de bilan, susceptible de rendre, à l’évènement, toute sa portée prédictive. Comme d’habitude, l’on est passé à une autre intrigue, entretenant une longue jurisprudence d’amnésie et d’impunité. Pourtant, il y avait de quoi s’inquiéter pour l’avenir commun et prendre le temps de suggérer un nouveau consensus. Au lieu de discuter, de se confronter à la question du rapport de la religion et de l’Etat, l’on se contenta de tourner la page, incapables d’en tirer les leçons. Voilà, dans le domaine politique, l’improvisation et le dilettantisme coûtent un intérêt exorbitant, autant la créance est différée.
 
13. Chezvlane : Quel jugement portez-vous sur la méthode ?
 
Jemal : Oui, il fallait « préserver l’ordre public », au prix d’une banalisation de la violence religieuse. L’audace des apprentis jihadistes n’en a qu’augmenté. Cette succession de déroutes et de lâchetés vient nourrir les exactions de demain. C’est juste une question de temps. Pour l’instant, vous pouvez tout commettre, en Mauritanie, y compris régler des comptes très temporels, tant que vous prétendez agir pour le triomphe de la foi.
 
14. Chezvlane : Ce que vous décrivez, est-il si nouveau que cela ?
 
Jemal : Nous étions des musulmans paisibles et aptes au bonheur, avant qu’une junte militaire ne nous impose sa Charia, une réforme du code pénal de pure hypocrisie, désormais en vigueur mais inapplicable, malgré le bref apprentissage, sur des cobayes noirs, de la peine de mort et des mains tranchées.
Dois-je vous rappeler ce que notre pays était ? Une terre de contrastes, de diversité, certes cultivée à la sueur des esclaves mais, jamais, une théocratie ne s’y enracina dans la durée, des Almoravides à El Hadj Omar Tall. J’ai vécu mon enfance nomade dans un campement où l’on appelait à la prière tandis qu’à proximité, quelques tentes plus loin, le voisinage s’adonnait à une noce bruyante, au son de l’Ardine, de la Tidinit et du Tbol. Les plus pieux se retiraient de la fête pour se prosterner vers la Mecque ; les autres dansaient encore, chantaient et riaient. Il n’a jamais été question d’interroger leur foi, encore moins de les soumettre à un châtiment. Chacun allait, dans la vie, avec son propre fardeau, ses joies et espérances. Et dans la Mauritanie des mollahs, la presse fit écho, en 2011 ou  2012, d’une cérémonie salafiste où des griots, sous la menace de rôtir dans les flammes éternelles, acceptèrent de se repentir, de leur métier, en public. Est-ce que vous soupçonnez seulement, l’énormité du pas ainsi franchi sur la voie de la déculturation et de la dissolution du patrimoine artistique, donc de la mémoire ?!! Les griots sont l’âme de la Mauritanie ; aussi fallait-il piétiner celle-ci, pour mieux déraciner, en chacun de nous, la moindre velléité de résistance, sur le chemin des philistins, vers la conquête du pouvoir.  Le fanatisme, avant de recruter ses poseurs de bombes, se doit d’aplanir le terrain culturel, de l’appauvrir de toute aptitude à se souvenir, rire et oser. Les lecteurs de Georges Orwell imaginent l’angoissante perspective.
 
 
15. Chezvlane : Vous avez milité pour la participation des islamistes au jeu électoral…un regret ?
 
Jemal : Non, aucunement ! Il y a des démocrates parmi eux et des personnes de valeur. Après tout, le pluralisme comporte sa part de risque ; le peuple a le droit de choisir le pire…et d’en assumer les implications.
 
16. Chezvlane : Après des années d’asile en France, vous avez été amnistié en 2005 au lendemain du coup d’Etat contre Ould Taya. Qu’est-ce qui vous empêche de mettre un terme définitif à votre exil et peut-être d’envisager une charge élective?
 
Jemal : Je ne suis plus réfugié politique mais fonctionnaire international. A ce titre, je rentre en Mauritanie quand les impératifs professionnels me le permettent. Si vous m’exhortez à quitter mon travail actuel pour m’installer au pays, je crains de devoir vous décevoir. Les conditions d’une vie digne varient d’une personne à l’autre. Les miennes, pourtant peu exigeantes, n’y sont encore garanties. Me présenter à une élection en Mauritanie ? Voyons, ne jouez pas au naïf ! Vous savez bien que certaines convictions ne prédisposent pas au suffrage.
 
17. Chezvlane : Alors, est-ce à dire que vous resterez en marge du pouvoir ?
 
Jemal : Et alors, ce ne serait pas la fin du monde, ni même un motif de pleur. Peut-être oui, peut-être non ; parlementaire, conseiller, ministre ne sont-ce pas, là, des titres bien dévalués en Mauritanie ? S’il faut les acquérir par le biais d’un renoncement, le galon vaut-il la courbette ? Je crois que non.
 
18. Chezvlane : Donc vous préférez gratter le papier d’une organisation internationale plutôt que de vous salir les mains en servant votre pays ?
 
Jemal : Oui, de toute évidence. Est-ce un grief aussi monstrueux ?
 
19. Chezvlane : Non, non, respectons les règles de l’entretien. Les questions me reviennent.
 
Jemal : Vous n’avez qu’à ignorer certaines réponses.
 
20. Chezvlane : Bon, revenons au fond. Jusqu’ici, vous ne formulez aucune critique à l’endroit du Président Aziz, vous ne dites rien du dialogue entre l’opposition et le pouvoir?
 
Jemal : Je suis astreint à une obligation de réserve. Le contrat que j’ai signé avec mon employeur me défend d’émettre une opinion partisane sur la gestion de mon pays. Je n’entends y déroger et ajoute, tout de même, que votre interrogation me laisse perplexe, au regard des thèmes abordés plus hauts. Le sujet que vous soulevez me semble bien secondaire.
 
21. Chezvlane : Et si le Chef de l’Etat vous appelait à de hautes fonctions, avec la marge de manœuvre suffisante ?
 
Jemal : Très peu probable mais non, merci, je ne suis pas preneur. Votre « marge de manœuvre » me fait doucement sourire. 
 
22. Chezvlane : Une dernière question, plus personnelle, quel métier auriez-vous aimé exercer ?
 
Jemal : Plusieurs me viennent à l’esprit : garde-forestier par passion des arbres, meneur d’une révolte d’esclaves, redresseur de tort raciste, forgeron-orfèvre de talent, chanteur et musicien.
 
23. Chezvlane : Encore une, êtes-vous conscient que cette réponse peut choquer ?
 
Jemal : Oui, sans doute et tant pis ; après tout, je reste un homme libre, tant que Dieu me prête vie.
 
24. Chezvlane : Merci d’avoir accepté ce premier entretien après des années de silence
 

 Jemal : C’est moi qui vous remercie.