Monthly Archives: March 2015
La Mauritanie joue avec le feu : Le port d’arme banalisé
Il n’est jamais trop tard pour le dire. Posséder aujourd’hui une arme en Mauritanie est un acte banal et même banalisé. La prolifération des armes à feu est un danger rampant. Ces armes dont la provenance est douteuse, si elle n’est pas tout simplement l’objet d’une faveur accordée par le(s) pouvoir(s) à titre personnel ou collectif. Mais pour en faire quoi ?
Les usages ou les alibis- c’est selon- diffèrent : qui pour la protection de ses biens, qui pour la sauvegarde de son cheptel, beaucoup pour leur appartenance à un club de tir à la cible affilié à bruyante association mauritanienne de tirs à la cible.
Créée sous l’ère Taya, cette association qui regroupe une seule communauté, continue à couler ses beaux jours sous le magistère de son tombeur. Placé dans un premier temps comme un sport, donc ouvert à tous, le tir à la cible relève aujourd’hui du ministère de la culture ! Comprendra qui pourra.
Sur la base d’un accord scellé entre l’Association et l’Etat Major des Forces Armées, cette dernière livre les munitions (cartouches) aux différents clubs et à des prix symboliques. Une clause de cet accord, jamais respectée, stipule que les douilles des cartouches utilisées durant les séances d’entrainement et/ou de compétitions doivent être remises au « fournisseur » en prélude à toute nouvelle livraison.
Cette brèche dans la poudrière alimente les réseaux de trafic des armes et de munitions et leur écoulement sur le marché…. noir ! La puissante déflagration qui a réduit en cendres un magasin souterrain pour l’armement à Néma à la veille de l’arrivée dans la région d’une mission d’inspection a soulevé beaucoup d’interrogations pour ne pas dire de suspicions. La détonation et les déluges de feu ont aussi fortement endommagé tout le stock qui se trouve dans les environs immédiats, souligne un connaisseur du métier.
Le commandant de la première région militaire, le colonel Sidna Ould Sidi Heyba fut rappelé et remplacé par un autre chef. Quant aux résultats de l’enquête, ils demeurent un secret de Polichinelle. Les titulaires de permis de port d’arme d’un calibre donné et ceux qui en détiennent sans autorisations sont légion. Tous se livrent à la l’abattage et à la capture des animaux parfois protégés ou en voie d’extinction. Tant que les animaux sont visés et pas les hommes……
Moustapha O/ Bechir
Cp Hodhs
le calame
Retour du réalisateur de «Timbuktu» à Nouakchott Auréolé de 7 Césars: Sissako endosse-t-il son démarquage politique ?
L’Authentique – Abderrahmane Sissako est revenu à Nouakchott le samedi 28 février 2015. Ses fans, parents et amis, lui avaient réservé un accueil chaleureux à l’aéroport.
Certains se demandent cependant l’avenir de ses relations avec Mohamed Ould Abdel Aziz, après quelques déclarations faites à la presse internationale et dans lesquelles, il se serait démarqué de son mentor.
La Maison des Cinéastes, sous la houlette d’Abderrahmane Ahmed Salem, a réservé à Abderrahmane Sissako, un accueil mémorable à l’aéroport international de Nouakchott, le samedi 28 février dernier. Le réalisateur du film «Timbuktu» qui vient de rafler 7 Césars de cinéma à Paris n’a pas su cacher son émotion face à la ruée de fans, d’amis et de parents qui ont tenu à lui réserver un accueil digne des champions.
L’instant d’un passage au Salon d’honneur, Sissako sentait les honneurs que lui faisait la République, submergé par une foule d’intellectuels, de journalistes et de proches qui cherchaient chacun à lui manifester son bonheur.
Passé l’instant d’euphorie, entrecoupée d’une mini victoire arrachée au Fespaco qui a décidé in fine de projeter son film, Sissako devra cependant faire face à la pluie de critiques qui n’ont cessé d’accompagner sa nomination aux Césars et à l’Oscar américain. Ses liens avec le pouvoir mauritanien, cloué au pilori dans le registre des droits de l’homme semblent en effet apporter un bain froid à tant de succès.
D’aucuns ont même reproché au réalisateur, qui remplit les fonctions de Conseiller culturel auprès du président Mohamed Ould Abdel Aziz, certaines déclarations où il aurait tenté de se démarquer de son mentor. C’est surtout, cette déclaration rapportée par le journal «Libération» qui semble faire le plus de mal.
Il aurait déclaré à ce propos, n’avoir aucune fibre partisane, soulignant «je ne suis militant d’aucun parti», allant jusqu’à préciser qu’il ne soutient personne, qu’il n’a jamais pris part à un meeting politique, toute chose qui ne pourrait lui être reproché. Mais le clou de cette déclaration est lorsqu’il soutint «je ne l’ai jamais remercié dans aucun discours» parlant de Ould Abdel Aziz. «Je ne fais que remplir un statut d’ambassadeur culturel » avouera-t-il. Il ose ainsi soutenir ne pas partager les orientations politiques pour lesquelles pourtant il travaille à son corps défendant.
En cherchant à se démarquer de Ould Abdel Aziz, d’aucuns trouvent que Sissako approuverait quelque part les critiques formulées en son encontre, et ne ferait rien pour le défendre comme il est attendu de tout employé vis-à-vis de son patron. Certains trouvent d’ailleurs machiavélique qu’un acteur de la vie culturelle puisse accepter les avantages matériels liés à une fonction tout en se démarquant du pouvoir dont il reste malgré tout un pilier.
Particulièrement pris à partie par le bloggeur de Mondafrique, Nicolas Beau, Sissako a été même qualifié d’être le «BHL des dunes», «l’ami des dictateurs et cinéaste à ses heures perdues». Nicolas Beau l’accuse même d’avoir «rallié le pouvoir pour bénéficier de la logistique militaire du pays et d’un confortable traitement». Plus grave, il est reproché à Sissako d’avoir renoncé à un film qu’il voulait faire sur l’esclavage, sous la pression de Mohamed Ould Abdel Aziz, qui lui aurait suggéré de faire plutôt un film sur le terrorisme.
C.A
L authentique
Lettre à Ahmed Daddah. Profession : opposant.
Kafer Naum – Monsieur Ahmed Daddah,
Depuis le temps que vous êtes dans l’opposition, vous êtes-vous rendu compte que jamais l’opposition n’a accédé au pouvoir? Même pas une seule fois depuis l’accession de l’Etat mauritanien à l’indépendance. Vous êtes-vous rendu compte que le pouvoir appartient toujours à ceux qui le détiennent, de fait, depuis toujours et vous n’en êtes pas?
Monsieur Ahmed Daddah,
Réduisez-vous à l’évidence: votre opposition ne vous a jamais conduit, ni vous ni les autres opposants au pouvoir. Vous y conduira-t-elle? Dans la configuration actuelle du pouvoir vous êtes encore plus loin du pouvoir que vous ne l’étiez du temps de Maaouia Ould Sid’ahmed Taya. Aussi depuis tout ce temps, vous êtes toujours opposant. Jusqu’à quand?
Monsieur Ahmed Daddah,
Nous savons pourquoi vous êtes opposant mais vous êtes-vous posé la question: “pourquoi suis-je toujours dans l’opposition?”. A moins que vous n’ayez décidé d’inventer l’opposition professionnelle, vous devez savoir qu’une opposition ne peut être que conjoncturelle et que vous devez forcément en sortir et en sortir ceux qui depuis des décennies militent avec vous et qui croient en vous. Sinon laisser la place.
Monsieur Ahmed Daddah,
Une opposition ça a pour vocation d’exercer le pouvoir. Et que faites-vous pour cela? Des déclarations conjoncturelles, des affirmations spectaculaires (“la Mauritanie, n’a pas de Président, pillage organisé des ressources etc. etc.”) suivant en cela, les conjoncturelles envolées de l’autre opposant, Ould Boulkheir (“il faut renverser le régime…etc.”) pour aussitôt se rallier au dialogue octroyé. Mais cela mène-t-il à quoi? Et que rapporte-t-il?
Le ridicule ne tuant pas en politique, celui de l’opposition engraisse la “majorité” (si elle existe).
Monsieur Ahmed Daddah,
La raison pour laquelle vous êtes toujours dans l’opposition, c’est vous-même. C’est à cause de vous que l’opposition est ce qu’elle est aujourd’hui: un faire-valoir du pouvoir en place.
Avez-vous fait une analyse de votre propre comportement à l’égard de tous ceux qui par la force accaparèrent le pouvoir? Savez-vous que c’est durant ces dix dernières années que vous avez porté du tort, non seulement à l’avenir de votre parti le RFD pour l’exercice du pouvoir, mais aussi à la Mauritanie tout entière?
Saviez-vous qu’en tant que Président d’un parti politique dont toute l’action est régie par la loi, vous aviez entériné le coup de force contre le Premier magistrat de la République (en 2005 et en 2008)?
Saviez-vous qu’un potentiel candidat à la Présidence de la République ne peut pas entériner les coups de force contre les institutions de la République. Ce que vous avez fait.
Comment Pouviez-vous en tant qu’ancien candidat à la présidence de la République et challenger du Président élu que vous aviez félicité pour son élection, vous aviez quand même entériné son renversement ?
Comment un chef de l’opposition pouvait-il affirmer, en 2008, qu’il « comprend le geste » de militaires putschistes et accepter de dialoguer avec eux en faisant fi du respect des institutions et du président élu qui représentait la volonté du peuple.
Comment, à l’époque, en tant que Président de parti politique, pouviez-vous déclarer que les militaires soient habilités à « redresser les déviations de la Démocratie », en éludant totalement le rôle strict que la Constitution confère à l’armée nationale et non pas de porter atteintes aux institutions républicaines et à leurs représentants?
Comment après avoir rendu visite à l’actuel président vous l’aviez reconnu en tant que “Président de la République”, puis de déclarer récemment “la Mauritanie, n’a pas de Président”?
Ce comportement erratique ne vous a-t-il pas convaincu qu’il y a quelque chose à revoir dans votre stratégie de conquête du pouvoir? Votre expérience passée ne vous a-t-elle pas convaincu que ce n’est point payant de s’allier au premier qui accède au pouvoir mais plutôt de le combattre en s’armant d’une conviction de l’Etat de droit et non pas d’une compromission qui frise l’opportunisme.
Monsieur Ahmed Daddah,
Le paysage politique mauritanien, a plus que jamais besoin d’une opposition forte. Le RFD l’était à la veille du coup d’Etat de 2005. Le RFD avait tout pour contraindre et s’imposer sur la scène politique. Hélas ! Il n’en fut rien. Le “dialogue” que vous avez initié avec les putschistes de l’époque a tourné à leur avantage et au détriment de l’opposition alors que vous auriez dû faire front aux plans national et international.
Au plan national, descendre dans la rue, initier des protestations continues, des grèves, des sittings , des meetings, ameuter les populations sur le viol de la constitution et la prise en otage du Président de la République. Refuser catégoriquement de dialoguer avec les militaires, demander la libération immédiate et sans conditions du Président de la République et de son premier ministre. Rétablir la légalité au plus vite et rétablir les choses en l’état en retirant tous les communiqués militaires, en rétablissant les fonctionnaires limogés à leurs postes et de dissoudre immédiatement le haut conseil d’Etat.
Sur le plan international, ameuter la communauté internationale, alerter les organisations internationales, investir les médias internationaux de prises de positions fermes et des dénonciations des violations que le pays subi. Demander l’intervention immédiate de la communauté internationale pour obliger les militaires à quitter le pouvoir.
Mais vous n’en fîtes rien. Pourquoi? Et qu’avez-vous récolté? La défaite et la confiscation du pouvoir par ceux-là dont “vous compreniez le geste”. Quelles leçons en avez-vous tiré? En 2008, vous négociez les accords de Dakar alors que le président élu était en détention.
Monsieur Ahmed Daddah,
La politique est un engagement, non pas seulement pour accéder au pouvoir et mettre en application les idées pour lesquelles on se bat, mais aussi faire que l’acte même d’opposition soit un acte respectable et respecté. Faire que l’opposition soit une référence pour le peuple.
Or qu’arrive-t-il aujourd’hui? Une opposition défaite qui se débat dans ses contradictions et qui, à défaut, de rechercher à accéder à un semblant de pouvoir par la petite porte (“gouvernement d’union nationale”), n’a aucune stratégie, si ce n’est les déclarations tonitruantes et la compromission incessante (avec une “majorité” qui n’en a que le nom).
Monsieur Ahmed Daddah,
Je ne sais si vous ne voyez que votre parti, ou vos objectifs politiques, mais par cette forme “d’opposition”, vous portez gravement atteinte à l’avenir politique de la Mauritanie. En ce sens, que vous occupez un espace institutionnel appelé “opposition” et votre existence, elle-même, justifie le pouvoir.
En effet, le pouvoir en place ne justifie son essence démocratique que parce que vous existez! Vous êtes donc une opposition qui, malgré elle, est instrumentalisée pour justifier un Etat de droit. Or celui-ci n’existant pas, votre présence porte préjudice à la réalité politique en Mauritanie. Et par ce fait vous condamnez le peuple mauritanien à végéter dans le semblant d’un Etat de droit que le pouvoir justifie par l’existence d’une opposition qui n’arrive pas à jouer ce rôle.
Monsieur Ahmed Daddah,
Le RFD, à l’image des autres partis de l’opposition qui regroupent certainement des hommes et des femmes exceptionnels, se doit de revoir sa stratégie. Et cela est d’autant plus impératif que ce n’est pas du RFD qu’il s’agit, mais d’une structure partisane qui reflète, à côté des autres partis, l’image institutionnelle de “l’opposition”. Une institution sans laquelle il n y a pas de démocratie.
Et dont la présence, aux yeux du monde, est une preuve de cette démocratie. Aussi c’est une lourde responsabilité que de continuer à être l’image partisane d’une opposition qui n’existe pas. Il ne peut y avoir d’opposition sans partis, mais l’existence de partis ne constitue pas une opposition.
Or c’est ce dont souffre aujourd’hui la Mauritanie: une opposition qui justifie le pouvoir en place et qui n’est pas en mesure de jouer son rôle. Le RFD y est pour quelque chose en considération de la place qu’il occupe dans le paysage partisan.
Pour lever ce tort au peuple et à la nation, il convient de revoir la stratégie du RFD dans ses moyens, ses objectifs pour l’exercice du pouvoir. Mais cela ne peut se faire que si, en tant que Président du RFD, vous revoyez vous-même votre comportement à l’égard du pouvoir ainsi que les voies et moyens utilisés dans le passé pour y arriver. Et pour cela il y a une formule miracle qui vaudra particulièrement pour vous: tirer des leçons urgentes de votre comportement, à l’égard des détenteurs de fait du pouvoir, durant ces dix dernières années. Et en prendre le contrepied.
Pr ELY Mustapha
source: cridem
Après l’impunité du crime, son apologie… Pour une Mauritanie rénovée !
L’ancien candidat sénateur, nommé Sidi Ould Dahi, invité de l’émission «l’Invité et la question », tenait, sur la télévision privée « Al watanya », des propos d’apologie du crime politique et ce, en face du journaliste Abdoul Mejiid Ould Ibrahim.
I. De quoi s’agit-il ?
En réponse à une question de l’animateur du débat en Arabe, le candidat malheureux, à l’investiture au Sénat, par le défunt Parti républicain démocratique et social (Prds), saisit le prétexte de son échec, pour louer l’opportunité de la répression, entre 1986 et 1991, contre les négro-africains de Mauritanie, sous la dictature de Maowiya Ould Sid’Ahmed Taya. Il poursuit, dans la même veine, un propos d’une vive acrimonie, sur le retour des réfugiés, qu’il qualifie, entre autres épithètes, de « surpeuplement d’étrangers dangereux pour le pays ».
Sidi Ould Dahi, tour à tour poète par procuration, notable tribal, homme d’affaires et politicien occasionnel, est un cousin de l’actuel chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz qu’il critique sans ménagement, en dépit de leurs liens étroits ; c’est en vertu de cette connivence – attestée malgré la brouille – qu’il se permet, aujourd’hui, de tenir avec ostentation et sans la crainte d’aucune conséquence, un discours de falsification de l’histoire, aux fins de glorifier l’assassinat de masse, pourtant aggravé de ses motifs racistes. Le parcours antérieur de Ould Dahi révèle des postures déjà annonciatrices de son dérapage; l’on se souviendra de son allégeance au parti marocain de l’Istighlal, alors hostile à l’indépendance de la Mauritanie ; de là, découle, une phase de complicité personnelle avec des éléments du Jeich El Tahrir (l’armée de libération), milice vouée au sabotage de la souveraineté du jeune Etat afin d’en précipiter la dilution dans le royaume du Maroc. Sidi Ould Dahi ne fait mystère de ses certitudes les plus outrancières, un peu à l’exemple, naturellement impuni, de Ahmed Ould El Wafi, lequel, au début des années 2000, qualifiait nos concitoyens non arabophones, de descendants de tirailleurs sénégalais. Oui, ce ne serait qu’un mot de trop, si les mots n’avaient autant tué, déporté, attristé.
II. L’environnement
A 15 années d’intervalle, l’identique mépris envers une composante de la communauté nationale, s’enrichit et s’aiguise, comme si le passé douloureux et si proche, ne comportait aucune leçon. En contrepoint, la moindre velléité de protestation ou de remise en cause des inégalités, des privilèges, des indulgences héritées, passe pour « extrémisme », « atteinte à l’unité nationale », « incitation au désordre », sans omettre l’éternel « complot judéo-chrétien ».
Le contexte local où interviennent les allégations de Ould Dahi se caractérise par le cumul des luttes d’émancipation et d’un regain de citoyenneté, suivis, de leur répression, parfois au seul stade de l’idée: esclavage, passif humanitaire, hégémonie foncière, condition des femmes, liberté de conscience, la contre-culture de l’engagement au nom de la dignité de la personne ne cesse de marquer les esprits, à défaut de réaliser des résultats à la mesure du sacrifice; certaines figures de proue croupissent en prison, à cause d’actes ou de propos infiniment moins attentatoires à l’humanité ; il convient de rappeler, ici, l’incertitude sur le sort des détenus Djiby Sow, Président de Kawtal Yellitaare, de Biram Dah Abeid récipiendaire du Prix des droits de l’homme des Nations Unies en 2013 ( et ses codétenus militants d’IRA-Mauritanie ) de Mohamed Ould Cheikh Mkhaitir, jeune blogueur, condamné à mort au motif d’un écrit « hérétique » sur Facebook.
III. Quel enjeu ?
En face, le bloc conservateur, d’obédience nationaliste arabe ou islamiste, s’emploient à figer l’opinion, dans la posture mécanique de rejet de la nouveauté, du mouvement, de l’évolution des rapports de force au sein de la société. Au prétexte de « menaces » sur la religion, l’identité nationale ou la paix, le front réactionnaire agit, au grand jour, avec l’appui de segments de l’Etat, des services de sécurité et d’un capital privé dont la cohésion ethno-clanique trahit l’intérêt, vital, à contrarier, voire retarder le moment de la rupture, au risque de la rendre encore coûteuse.
Les bavures, la coercition ciblée, les écarts de langage susceptibles de susciter le désarroi et la sédition, constituent autant de séquences d’une programmation de moins en moins confidentielle ; conçu, entrepris par touches graduelles, entretenu dans les esprits, un plan de discorde se profile. La confiscation studieuse de certains droits, l’occultation de vérités et la provocation sur le terrain d’une sensibilité socio-ethnique divisent les populations, émiettent les bases du vivre-ensemble et conduisent, in fine, à l’affrontement de tous contre tous. Les évènements se suivent comme si la Mauritanie devait se faire saigner encore, puis disparaître, plutôt que de devenir égalitaire et démocratique ! Ainsi, des brumes apparentes de l’improvisation et de la spontanéité, apparaissent, sous le vocabulaire de Ould Dahi, les contours d’un sabotage du devenir commun ; le dessein vise à casser, quel qu’en soit la rançon, la dynamique des droits pour tous ; il habitue, « l’opinion utile », la masse censitaire, à devoir s’acclimater au pire, abdiquer des vigilances, avant de devoir se séparer, dans la douleur, de ses portions avariées. Un énième coup d’Etat murît, contre la majorité jusqu’ici muette ; justement, parce qu’il prétend apporter une solution décisive à une contradiction de masse, il intègre, à sa propre fin, la fatalité – non, plutôt la nécessité – de l’arbitraire, de l’exclusion et de l’effusion de sang.
IV. Comment y réagir ?
Ø Quelques niveaux de responsabilité se dégagent, ici :
1. L’autorité judiciaire, agissant au nom de l’intérêt général –du peu qu’il en subsiste -, est désormais tenue d’ouvrir une enquête avant de diligenter les poursuites pertinentes, contre Sidi Ould Dahi, pour son rôle dans l’incitation à la haine raciale et l’apologie du meurtre.
2. La société civile et les partis politiques se trouvent en demeure de prendre les dispositions que requiert la prévention de l’hypothèse précitée ; en effet, les éléments de délibération et de début d’exécution semblent à présent corrélés et s’accélèrent, depuis 2012. A un stade minimal d’éthique et de prudence, il leur appartient d’exprimer, sans ambiguïté, réprobation et indignation, afin de neutraliser le projet de discorde communautaire, du moins en différer l’échéance.
3. Aux mauritaniens, soucieux de la paix dans la justice, victimes de l’ordre établi, activistes volontaires de l’égalité citoyenne, du respect de la vie et rempart devant l’impunité, revient le devoir d’inventer de nouvelles formes de lutte, dans le soin simultané des formes de mobilisation, d’intensité et d’audace à l’énoncé de l’alternative.
4. A titre illustratif, d’essai et de témoignage, la présente communication, est ouverte aux signatures de personnes physiques, sur le lien :https://www.change.org/p/a-l-ensemble-des-personnes-%C3%A9prises-de-justice-et-luttant-pour-l-avenement-d-une-mauritanie-nouvelle-au-peuple-mauritanien-au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-islamique-de-mauritanie-a-l-ensemble-des-%C3%A9-ouverture-d-une-enqu%C3%AAte-avant-de-diligenter-les-poursui
5. Ressortissants de la Mauritanie ou d’ailleurs, les habitants de la capitale Nouakchott, sont appelés, à un rassemblement pacifique et muet, sous les divers signes du deuil, le Jeudi 05 mars 2015, devant le Ministère de la Justice. Parce que Ould Taya échappe à la justice des hommes par grâce de ses successeurs, Sidi Ould Dahi s’est chargé de donner le signal de la récidive. Pour empêcher la répétition d’une telle histoire, nous devons manifester, nombreux.
Nouakchott le 27 Février 2015
Les organisations signataires
Afrique Renaissance
Association des Femmes Chef de Famille (AFCF)
Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH)
Club UNESCO Dialogue des Cultures
Conscience et Résistance (CR)
Coordination des Victimes de la Répression (COVIRE)
Collectif des Rescapés Militaires(COREMI)
Collectif des Veuves
Collectif des Rescapés Anciens Détenus Politiques Civils Torturés (CRADPOCIT)
Collectif des Anciens Fonctionnaires de la Police Victimes des évènements
Collectif des Orphelins des Victimes Civiles et Militaires (COVICIM)
Collectif Mooyto Koota
Groupe Droit de l’Homme Espace Culturel Diadié Camara
Initiative pour la Promotion de l’Education Citoyenne et du Dialogue (IPCD)
Initiative pour la Resurgence Abolitionniste en Mauritanie (IRA-Mauritanie)
Kawtal Yellitaare
Mouvement Autonome pour le Progrès en Mauritanie (MAPROM)
Regroupement des Vicitmes des Evènements 89/91 (REVE/FONADH)
Touche Pas Ma Nationalité (TPMN)
Le calame
Il s’appelait Tenguella Ba : le symbole du refus de l’injustice et de l’arbitraire, de la domination et de la compromission est parti dans la dignité (14 septembre 1940 – 26 février 2015)
Sa dernière apparition publique en France remonte au 2 octobre 2011. Il sortait d’une longue hospitalisation en région parisienne, loin des siens. Il trouva tout de même, ce jour sans l’aval de ses médecins, les ressources pour se joindre à la grande manifestation pour exprimer son indignation contre l’assassinat du jeune Lamine Mangane à Maghama et sa colère contre l’opération d’enrôlement discriminatoire qui lui rappelle la déchéance de sa nationalité mauritanienne en 1969 déjà.
Dans l’élément vidéo mis en lien plus bas dans ce texte, il lance le message suivant aux manifestants de la place Trocadéro à Paris : http://www.dailymotion.com/video/xlgdjn_touche-pas-a-ma-nationalite-hommage-a-lamine-mangane-assassine-par-des-ss-de-mauritanie-2_news?start=2).
« Il faut vous regrouper et éviter que les gens vous divisent. Votre combat doit être un combat commun et vous ne pourrez le gagner que si vous restez unis ». Déjà en 1962, au sein de l’Union Générale des Originaires de la Mauritanie du Sud (UGOMS), tout jeune étudiant, il s’insurgeait contre ce qui, à ses yeux, prenait la forme d’une dérive : l’orientation de plus en plus arabe prise par la direction du pays.
Au bas de la page 3 de la longue liste des signataires du Mémorandum de ce mouvement naissant, figurait un certain Tenguella Ba, un des deux étudiants parmi la centaine de noms dont la plupart était instituteurs ou fonctionnaires, tous originaires de la Vallée. Il posait là un acte d’engagement fort contre une politique qu’il dénoncera tout au long de sa vie.
Les choses ne tarderont à se préciser avec la mesure rendant officielle la langue arabe et obligatoire son enseignement dans un pays dont les ressortissants ne sont pas tous Arabes.
Quand, en application de cette mesure d’arabisation du système éducatif, des manifestations éclatent, notamment la grève de janvier et février 1966, il n’hésita pas à apporter son soutien au mouvement des élèves noirs (il fait partie des 31 fonctionnaires noirs qui ont ouvertement approuvé et soutenu la publication du Manifeste des 19). La conséquence de ce soutien va être immédiate, radicale et déterminante pour la suite de la carrière et de la vie de l’homme.
Suspendu de ses fonctions (au Ministère de la Justice, en charge de la Législation), il se rendra au Sénégal où il retrouvera deux anciens dirigeants signataires du Manifeste des 19, exilés forcés dans ce pays, pour, selon ses propres mots « trouver un moyen de vivre » : son cousin et beau–frère Abdoul Aziz Ba (brillant magistrat, Président du Tribunal de Première Instance de Nouakchott jusqu’en févier 1966, qui deviendra Président du Conseil Constitutionnel du Sénégal, Président du Conseil d’Etat, Président de la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion de ce même pays) et Abdoulaye Sow (ancien Trésorier général de Mauritanie qui se reconvertira avec succès comme patron de l’une des plus grandes boîtes d’assurances du Sénégal).
Mais l’homme décide dans un premier temps de revenir au bercail. Il fut réintégré, mais ne renonce pas pour autant à la lutte dont les justifications demeurent. Avec des amis, ils mettent en place une organisation clandestine pour porter une opposition à la politique conduite par Moktar Ould Daddah.
Une clandestinité qui les privera de toute possibilité de promotion : Moktar Ould Daddah ayant annoncé dans une déclaration qu’il faudrait désormais être affilié au Parti du Peuple Mauritanien (PPM) pour prétendre à une promotion sur le plan administratif, en termes de responsabilité. Avec ses amis, ils font le choix douloureux de se démarquer du parti-Etat en refusant les responsabilités miroitées par Moktar Ould Daddah.
En 1969, pour une déclaration tenue sur le caractère raciste de l’Etat et le danger que celui-ci faisait courir à la Nation par sa politique, il fut révoqué de ses fonctions, et par la même occasion, déchu de sa nationalité au motif fallacieux qu’il avait acquis une autre nationalité.
Mais c’était sans compter avec la ténacité de l’homme. Sa réplique fut immédiate. Fait inédit et unique dans les annales de l’histoire de notre pays : Tenguella intente une action en justice contre l’Etat devant la Cour suprême de Mauritanie. Ironie de l’histoire, le Juge, un Français, qui s’est saisi de l’affaire était son collègue au Ministère de la Justice.
Tenguella lui apporte un argumentaire simple mais irréfutable à l’appui de sa plainte : la loi 61-112 du 12 juin 1961 (modifiée en 2010 par une loi de circonstances). L’article 1 de cette loi 61 -112 stipule en effet que : « est Mauritanien, l’enfant né d’un père mauritanien ». En appui à cet article, il joint le certificat de nationalité de son père et son acte de naissance, enregistré en 1940 à Aleg où il est né le 14 septembre 1940 et où exerçait son père.
L’affaire fut jugée et moins de deux années après, la Cour suprême condamne la Mauritanie et reconnait à Tenguella aussi bien la nationalité mauritanienne que la nationalité sénégalaise. Nationalités qu’il conservera tout au long de sa vie.
La nationalité pour Tenguella, c’était déjà « touche pas ». C’est « un fait préexistant » que nul n’a le droit de contester à l’autre, se plait-il à préciser. Elle était si sacrée, y compris pour l’Etat mauritanien, que le citoyen ne pouvait y renoncer par lui même. Il fallait pour ce faire suivre une procédure, arbitrée par la Cour suprême, seule habilitée à reconnaitre ou à déchoir éventuellement le citoyen de sa nationalité.
La permanence de l’injustice qu’il dénonce, la répétition des exactions contre ceux qui osaient dénoncer cette injustice, la compromission d’une certaine classe finiront de convaincre Tenguella à quitter définitivement la Mauritanie et retourner au Sénégal qui l’accueille à bras ouverts.
Administrateur de son état, il finit sa carrière dans la Chambre de Commerce de ce pays en qualité de secrétaire général à Kaolack puis à Tambacounda, décoré et fait Chevalier de l’Ordre National du Lion. Il quitte la Mauritanie, mais ne coupe pas avec le pays. Il a vécu avec beaucoup de peine les différents évènements qui l’ont secoué.
En 1986, quand arrivent au Sénégal les étudiants ayant fui la répression du régime de Ould Taya, il fut une des personnes ressources leur ayant apporté aide et accompagnement pour retrouver leur marque. En 1987, lorsque son cousin, ingénieur du génie, le Lieutenant Abdoul Ghoudouss Ba, en stage en Algérie, fut extradé en Mauritanie à la suite de la tentative de coup d’Etat, il envisagea de porter plainte.
Mais l’absence d’éléments probants sur le statut de ce dernier au moment de son arrestation en terre étrangère (la demande d’une protection internationale et surtout l’accord d’un pays tiers) dissuadera le juriste chevronné. La mort d’Abdoul Ghoudouss Ba en prison le 13 septembre 1988 à Oualata et la déportation de dizaines de milliers de Mauritaniens noirs au Sénégal en 1989 vont définitivement ranger Tenguella du côté de la résistance.
Mais qu’est-ce qui pouvait pousser cet homme, né et grandi dans le premier cercle de l’Etat mauritanien à emprunter cette piste, sinon le refus de l’injustice, de l’arbitraire et de la domination. Il pouvait s’accommoder de la réforme d’arabisation de 1966 et voir s’ouvrir pour lui, sa progéniture et bien plus largement, les facilités de tous ordres. Mais cela ne ressemble pas à l’homme.
Il préfèrera l’intérêt du grand nombre, quitte à en payer le prix. Son père Amadou Diadié Samba Diom Ba que Moktar Ould Daddah appelait Mawdo (ainé en Poular) était un grand pionnier de la construction de la Mauritanie, premier Noir à détenir un portefeuille de Ministre de la toute naissante République Islamique de Mauritanie, celui des Travaux Publics, des Transports, des Postes et des Télécommunications dans le 1er Conseil de Gouvernement de la Mauritanie autonome de 1957 à 1960.
De 1958 à 1961, cumulativement avec ses fonctions gouvernementales, Amadou Diadié Samba Diom Ba fut Président du Conseil d’Administration de la Société de Construction Immobilière (SOCIM), chargée de la Construction de Nouakchott nouvelle capitale de la République Islamique de Mauritanie.
C’est en cette qualité qu’il procéda en 1958 à la pose de la première pierre de la ville de Nouakchott en compagnie du Général De Gaulle, Président de la République Française et Maitre Moktar Ould Daddah, Président de la Mauritanie autonome.
De son père, ancien Chef de canton de Littama avec résidence à Maghama de 1929 à 1932 ; Administrateur dans plusieurs localités du pays entre 1920 et 1951 (Mbout, Kiffa, Saint-Louis, Aleg, Medredra, Sélibaby) et Conseiller à l’Assemblée territoriale de Mauritanie puis au Grand Conseil de l’Afrique Occidentale Française (AOF) en 1952 aux côtés de Senghor, Houphouët Boigny et Sékou Touré, il apprit l’estime de soi, le sens de l’honneur, du bien commun et de l’intérêt général.
Tout comme il découvrit cette Mauritanie plurielle dont il s’évertue sa vie durant à cultiver et à préserver la diversité. Cette Mauritanie d’antan, métissée, apaisée et reconnaissante à l’image de l’ancien Président de la République, Sidi Ould Cheikh Abdallah, qui témoignait il y’a quelques années à Nouakchott sa gratitude aux parents de Tenguella à l’occasion des funérailles de sa mère, Kardiatou Birane Wane (affectueusement surnommée Khadijettou Mint Almami par les Maures), eux qui ont accompagné ses premiers pas d’écolier.
Fier de son héritage comme rarement on pouvait l’être, parfait locuteur du Hassaniya, détenteur de précieux documents d’archives qu’il tient de son père et mis régulièrement à notre disposition, Tenguella qui était convaincu que le pays pouvait être à l’image de sa vie familiale (une veuve de la tribu des Oulad Bousba) ne verra pas poindre l’aube d’une Mauritanie unie dans sa diversité et égalitaire entre ses composantes.
Notre génération, celle qui l’a précédée surement, celles qui l’ont suivie certainement, garderont en mémoire le souvenir d’un homme qui fut un témoin engagé et toujours disponible. En digne héritière, Khar Tenguella, sa fille, poursuit le combat. Salut le Juste qui s’est toujours fait un point d’honneur à recevoir et aider ses compatriotes en visite au Sénégal, le combattant de la liberté, de l’égalité et de la justice.
Que ton âme repose en paix en terre sénégalaise, terre d’accueil et d’intégration. Amine.
Ciré Ba et Boubacar Diagana – Paris, 27 février 2015