Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 27/01/2018

FLAMNET-AGORA: Projet de régionalisation du Gouvernement mauritanien; Que faut-il en penser? Par Samba Thiam

altCe projet est , manifestement ,un plagiat grossier de l’Autonomie des   FPC, au moins dans sa forme .

En effet il retient :

–  4 grandes zones à vocation économique spécifique,

–  Un statut particulier pour Nouakchott et Nouadhibou ,

–  2 organes – législatif et exécutif-, des compétences importantes pour ces régions,

–   la dissolution du Sénat (décidée dès 2006 par nos instances ) , tel est le format du projet d’Autonomie des FPC   ; repris en copié-collé dans ce projet de régionalisation du gouvernement .

Différences, toutefois, dans le redécoupage précis des zones  .

Pour les FPC , l’Assaba – à vocation pastorale – est rattachée aux deux Hodhs , la vallée du fleuve –à vocation agricole- , constituée du Guidimakha , du Fuuta   et du Waalo Barack , et dans le même ensemble   le Trarza le Brakna et le Tagant, dernière zone, l’Adrar-Tiris pour le Nord . Le Gouvernement   en optant pour l’émiettement de la vallée du fleuve , comme il le fait , c’est -à -dire en ne prenant pas en compte les aires culturelles homogènes, existantes , i l se prive , du coup , un bénéfice majeur, entre autres attendus du projet : l’apaisement , voire la réduction complète de la tension ethnique récurrente .

Rappelons le sens du projet des FPC dont le   but essentiel vise la résolution d’une double tension :   la tension tribale, au travers de la ‘’ compétition ‘’ entre tribus dans la course au pouvoir ( ‘’chacune’’ cherchant à entrer au gouvernement ), et la tension ethnique, traduite dans le ressenti des populations négro- africaines de leur   exclusion dans tous les domaines .

Une seconde différence existe entre les deux projets qui se situe dans le contenu , les compétences octroyées , le type de relation entre le centre et la périphérie  ; alors que les FPC préconisent de compétences réelles, importantes ,   une relation plus souple , plus flexible avec le Pouvoir central , le Gouvernement , lui , choisit de reconduire la châpe d’une Tutelle forte sur la région , et de céder sur des attributions   résiduelles, des compétences superficielles ; telle la construction de quelques routes, quelques infrastructures scolaires et sanitaires , le creusement   de pare-feux etc … D’une vision autonome d’un développement choisi , de l’usage et de la gestion libre de la ressource spécifique du terroir , motus  ! Du recrutement et de l’emploi prioritaire de la jeunesse locale,   de la police et de la justice locales, de l’usage des langues et cultures du Terroir surtout, rien !

En plus de ces défaillances majeures ,on ne peut, par ailleurs , ne pas noter , ça et là , certaines Aberrations ; telle la reconduction de la pratique de secrétaires généraux , parachutés , ou la possibilité accordée aux Présidents de Conseil de déléguer leurs pouvoirs , ou encore le quota automatique de ‘’*20’’ % de femmes appliqué dans ces conseils , toutes pratiques stupides , prouvées par l’expérience   mauvaise  ; enfin, dernière absurdité, le statut hybride, sans tête ni queue , de Nouadhibou qui n’est considérée ni comme une région pleine et entière , ni comme un segment de région !!!

Bref avec ces tares grossières on peut dire que nous nous acheminons bien plus vers une Décentralisation, voire une Décentration,   que vers ’une véritable Décentralisation, hélas !

 

Quelle lecture globale ?

Lorsqu’on parcourt ces projets de loi relatifs à cette régionalisation , on en ressort , globalement , avec   l’impression que le Gouvernement   cherche à   mettre en ’œuvre une bonne idée , mais qu’il hésite , comme freiné par une sorte de frilosité , de crainte vague ou de défiance à l’endroit de certaines populations. ..Ce qui, en partie , explique peut-être cela … Le double standard observé pour la vallée du fleuve ; Nos gouvernants admettent   pour l’Est l’évidence de sa vocation ‘’pastorale’’ , pour le Nord   la vocation ‘’minière’’ , mais dénient   à la vallée sa spécificité évidente de région ‘’agricole’’ ! ILs reconnaissent et reconduisent les Identités historiques comme ‘’ Adrar ’’ , ‘’ Trarza ’’ , ‘’ Brakna ’’ , ‘’ Tagant ’’ pour le ‘Trab-el bidhaan’ , mais se refusent à faire de même pour les appellations historiques de ‘’ Fuuta’’ ,   de ‘’Waalo Barack ’’ ? Pourtant il nous a toujours semblé, qu’un critère choisi ( ici la vocation économique ) demeurait un critère qui devait le rester , c’est –à-dire applicable partout et pour tous, à l’identique . A tout ceci s’ajoute cette tendance que nous avons à perdre de vue qu’ il n’y a pas de majorité en matière d’Identité- ; tout comme ‘’ il n’y a pas de majorité en matière de vérité ‘’…

Au regard de la manière dont ce projet est ficelé, la discrimination à l’égard des populations de la vallée du fleuve , émiettées et diluées à dessein dans des ensembles artificiels , se perçoit , visible, patente …Et cela, au moment même où se votent à l’Assemblée Nationale des lois anti-discrimination !!! Ce qui ,du reste , ne surprend guère plus , au vu de   cette idéologie suprémaciste régnante –hier enfouie- ,     qui , maintenant, ne se cache même plus, pour ne pas dire ouvertement s’affiche et se déclare … Et dont les FPC demeurent   la victime,   dans leur juste lutte pour une reconnaissance légale , officielle, légitime …Discriminations qui continuent de s’étendre à l’université , dans l’Administration , à l’Ecole , dans les forces armées , dans l’emploi , les examens et concours , les médias , l’enrôlement , partout ! Partout L’injustice !

Toutefois , un coté quand même positif de ce projet – il y en a – ;   à trouver , pensons nous , dans la réduction draconienne de cette pléthore de régions , puis dans l’’ amorce en elle même … , avec l’espoir nourri que les errements , les défaillances , les couacs constatés seront rapidement redressés , la mouture remise à l’endroit, si toutefois ces idéologies funestes , dont il faut se déprendre , nous en laissent le loisir …Les militants des FPC se seraient si bien réjouies de ce projet n’eûssent été ses défauts   et déviances majeures…Dernière impression qui laisse sourire , ‘’ON ’’ s’inspire de nos idées mais ‘’ ON ‘’ nous accuse malgré tout de ‘’sorcellerie’’ et d’anti-patriotisme…

Paradoxe quand tu nous tiens !

L’entêtement à nier une réalité qui crève les yeux , à fermer les yeux sur le caractère intensément aigu de la Question de l’unité nationale   nous amène à nous interroger sur la volonté du régime du Président ould Abdel Aziz ,de la classe politique et de l’élite s arabo-berbères – silencieuse pour l’essentiel-, à construire réellement un Etat juste , égalitaire , démocratique , qui accepte sa diversité , cultive l’équité et la solidarité . Cette élite ne semble , apparemment , pas encore prête à déconstruire ce Système pernicieux qui nous gouverne .

Un volcan est sous nos pieds qui – si rien n’était fait – inévitablement va exploser. Quand  éclatera-t-il , c’est la question.

Alors prenons garde …

 

Samba Thiam

                                                                                                                Nouakchott 24 janvier 2018

 

Notes : * c’est une absurdité que de vouloir appliquer automatiquement ce quota de 20% de femmes avec la moitié d’une population qui sait à peine lire ! en plus de ce que nous rapportait O Omer –qui pour une fois met le doigt dans la plaie –sur nos secrétaires – Gent féminine !

Interview de Aïssata Kane : « J’aurai fait voté une loi instituant le quota » à l’éducation nationale au gouvernement et au parlement en faveur de la femme mauritanienne

Interview de Aïssata Kane : « J’aurai fait voté une loi instituant le quota » à l’éducation nationale au gouvernement et au parlement en faveur de la femme mauritanienneUne boutade qui résume parfaitement l’engagement féministe de cette ancienne ministre de la Protection de la Famille et des Affaires sociales sous le régime de Ould Daddah en 1975.Madame Aïssata Kane est aujourd’hui à la retraite,consultante internationale et présidente de l’Association Internationale des Femmes Francophones. Elle doit cette riche expérience d’abord à son militantisme politique dès les premières de l’indépendance en 1960 au premier parti de la Mauritanie le PPM( Parti du Peuple Mauritanien) où elle a occupé d’importantes responsabilités et dirigé même un magazine féminin « Mariémou ».Et ensuite pour ses actions féministes qui dépassent les frontières dans un pays islamique où la femme peine à recouvrer ses droits d’égalité avec l’homme. C’est sur ce double regard qu’elle s’est prêtée à nos questions en s’abstenant volontairement de répondre sur les évènements de 89, les événements récents de Kaédi et la situation politique actuelle dont elle n’a pas la réponse et surtout pour des raisons qui dépassent ses compétences.  

L’école française pour les filles de chef  

Je suis Aïssata Kane et je suis de Dar El Barka dans la région du Brakna en Mauritanie. Je suis née le 9 Moharam 1359 correspondant à l’année 1938 du calendrier grégorien. J’ai fait ma scolarité primaire et secondaire à Saint-Louis capitale du Sénégal de la Mauritanie à l’époque.  
Ensuite je suis allée à Bruxelles où mon mari Moctar Touré était fonctionnaire français au marché commun. Disons qu’à cette époque nous étions français de nationalité. Nous sommes rentrés à Nouakchott après la proclamation de l’indépendance en novembre 1960.J’ai été chargée de l’encadrement des premières filles du secondaire au cours complémentaire des jeunes filles de Nouakchott, ancêtre du lycée de jeunes filles.  

En quoi votre éducation de base a –t-elle influencé votre parcours?  

Mon éducation est l’éducation traditionnelle du Fouta. Fille de Mame ndiack Elimane Abou Kane chef de canton du Tooro Halaybé de 1923 à 1976, j’ai reçu une éducation traditionnaliste du Fouta. Au départ je n’étais pas destinée à être une femme lettrée tout comme les filles de mon époque. La bonne inspiration est venue de mon père de mettre ses filles à l’école malgré une forte opposition de son entourage ( parents,amis…).Mais c’est surtout la bonne qualité de mes notes qui a encouragé mon père à me laisser franchir l’étape du primaire vers le collège. J’ai été soutenu dans cette démarche par deux frères Feu Mame Ndiack Seck et Feu Elimane Mamadou Kane et ma sœur Aminata Kane .Je rend au passage un vibrant hommage à ces trois personnes qui m’ont été d’un soutien inestimable dans mon parcours. Aujourd’hui je suis mère de 5 enfants. Je suis actuellement à la retraite associative et membre de beaucoup d’associations féminines à travers le monde  


Première femme ministre  
Comment en êtes venue à la politique ?
 

Je suis entrée en politique au sein du parti du peuple mauritanien (PPM). D’abord comme membre du Conseil supérieur des Jeunes ensuite au Conseil supérieur des Femmes permanentes de l’institution puis présidente de ce même conseil de 1971 à 1978. A ce titre je siégeais au bureau politique national avec rang de ministre. J’ai été durant cette époque directrice de la revue « Mariemou » ( magazine de la femme mauritanienne).En 1975 je suis devenue membre du gouvernement comme Ministre de la protection de la famille et des affaires sociales. Quand il y a eu le coup d’Etat militaire en 1978 j’ai quitté la Mauritanie pour intégrer le Mouvement Associatif Féminin International de l’organisation panafricaine de la femme ( OPF)au centre de recherche pour la femme ( CEA Addis Abeba) en Etthiopie. Je fus choisie par plusieurs organismes comme consultante sur les problèmes de femme de société, de développement social, du droit humain en général et du droit de la femme en particulier.  
J’ai eu l’initiative de fonder avec d’autres, l’Association Internationale des Femmes Francophones dont j’ai l’honneur d’être la présidente. Cette association regroupe des femmes et des organisations de femmes de l’espace francophone et d’autres femmes qui ont adhéré à l’association et dont les pays ne sont pas de l’OIF comme par exemple le Kenya, l’Ethiopie , la Gambie, l’Algerie etc…  

C’est ainsi que vous avez occupé un poste ministériel sous le régime de Ould Daddah. Comment avez-vous vécu cette responsabilité aux premières heures de l’indépendance de la Mauritanie ?  

J’ai fini ma carrière ministre et je crois que j’ai rempli ma mission de ministre et c’est aux autres de me juger.  

Auriez-vous accepté ce poste en 78 après le premier coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ould Daddah ?  

Je n’aurai pas accepté parce que je faisais partie des personnalités suspendues de la politique en Mauritanie par contre à l’extérieur j’ai accepté plusieurs postes de responsabilité. J’ai présidé l’Union Internationale des Organismes Familiaux puis l’Organisation panafricaine de la Famille etc Organisation panafricaine de la femme.  

La femme mauritanienne citoyenne à part entière  

En tant que consultante quelle est la place et le rôle de la femme mauritanienne aujourd’hui dans le développement du pays ?  

Faire prouver sa capacité de citoyenne à part entière de mère de famille de qualité et de travailleuse consciente et capable exigeant des autorités égalité de compétence et égalité de responsabilité.  

Est-ce qu’on peut dire que les femmes mauritaniennes sont suffisamment impliquées dans la vie politique et économique 53 ans après l’indépendance du pays ?
 

Elles sont impliquées mais très peu nombreuses à être nommées à des postes de hautes responsabilités.  


Si vous étiez ministre en 2013 quelles lois penseriez-vous que le parlement devrait voter pour les femmes ?
 

J’aurai fait voté une loi instituant un quota aux femmes sur tout le système des nominations, des élections et sur les concours et examens, un quota minimum pour les filles et les femmes.  

Baba Kane collaborateur de Cridem et journaliste à Rouen ( France)

Le gaz: aubaine ou malédiction? Par Moussa Fall, Président du Mouvement pour le Changement Démocratique (M.C.D.)

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Etat des découvertes de gaz

Le bassin mauritano-sénégalais a révélé, ces toutes dernières années, l’existence d’un très grand potentiel en hydrocarbures liquides mais surtout gazeux.

Les principales découvertes sont essentiellement l’œuvre de Kosmos Energy qui a eu la main heureuse et qui s’est, par la suite ,associée au géant pétrolier British Petrolium (BP).

Kosmos Energy avait découvert en 2015 un important gisement de gaz au large de la Mauritanie. Ce gisement dénommé Marsoin est situé exclusivement en territoire mauritanien. Sa capacité est estimée à 6,5 TCF environ (1 TCF équivaut à 28 milliards de m3 soit environ 170 millions de barils de brut équivalent pétrole.)

Kosmos Energy a fait en 2016 une autre découverte située entièrement en territoire sénégalais portant le nom de Guembel et possédant un potentiel équivalent à celui de Marsoin en Mauritanie soit 6 à 7 TCF.

Le troisième champ gazier, le plus important, est celui qui se situe à cheval sur la frontière mauritano-sénégalaise. Il porte le nom de Tortue/Ahmeyim et il est considéré comme une immense découverte  avec des réserves estimées entre 16 et 25 TCF.

Tout dernièrement, en mai dernier, la société Kosmos Energy a trouvé un nouveau gisement de gaz dans le puits Yakar-1 en territoire exclusivement sénégalais avec une taille considérable, estimée à 15 TCF.

Les recherches sont toujours en cours en dépit des deux derniers forages secs de Kosmos Energy en Mauritanie, et ce potentiel peut augmenter avec de nouvelles découvertes. Kosmos Energy et BP poursuivent leurs recherches et de nouvelles compagnies sont à l’œuvre dans cette même zone : Total programme deux nouveaux forages dont l’un en Mauritanie et l’autre au Sénégal et Exxon- Mobil vient d’acquérir trois blocs en territoire mauritanien.

La découverte de tous ces réservoirs dans une courte période de moins de trois ans, sur une même aire géographique, et par le même consortium fait du bassin off-shore mauritano-sénégalais une zone gazière se classant à un rang international élevé.

Stratégies de maximalisation des retombées du gaz

L’expérience acquise dans la mise en valeur des richesses pétrolières et gazières a permis de concevoir de nouvelles stratégies visant à maximaliser les avantages que peuvent en tirer les économies des pays producteurs.

Certaines catégories de recettes sont clairement déterminées par le Contrat de Partage de Production signé entre l’Etat et les opérateurs. L‘optimisation de cette catégorie de recettes demande un suivi et un contrôle permanents des coûts pétroliers en relation avec l’exploitant. Le budget de l’Etat pourra, en outre, tirer profit de l’ITS sur les salariés et de l’impôt sur la sous-traitance.

Les rentrées budgétaires au titre du Contrat de Partage de Production sont à effet progressif, non immédiat. Faibles au départ, elles augmentent au fur et à mesure de la régression des coûts recouvrables.

En plus de ces ressources, acquises en aval, le défi majeur est, aujourd’hui, de mieux tirer profit, en amont, de l’activité productive pour maximaliser les effets pouvant impulser le développement économique du pays. 

L’industrie de l’extraction du gaz nécessite une logistique colossale et fait appel à d’innombrables services. L’Etat, en relation avec les opérateurs, devra encourager l’émergence de nombreuses entreprises nationales pour répondre, avec le savoir faire exigé, à cette nouvelle demande. L’Etat doit aussi mettre en œuvre une politique accélérée de formation pour satisfaire les besoins en personnel exprimés aussi bien par les exploitants que par leurs sous-traitants.

L’offre locale, outre son effet bénéfique sur l’économie dans son ensemble, permettra, en particulier, de réduire les coûts de l’opérateur et d’augmenter par la même occasion la part de la production partagée.

Les nombreux avantages induits en amont par l’industrie pétrolière sont aussi importants que les recettes budgétaires tirées directement du CPP. Toute stratégie d’ensemble doit, en conséquence, agir sur les deux leviers pour optimiser les effets de ces richesses dans l’intérêt des économies nationales et du bien-être des populations.

A cet effet, le Contrat de Partage de Production doit être associé à une « Stratégie de Contenu Local » comprenant des dispositions institutionnelles, législatives et fiscales permettant aux entreprises locales de répondre, autant que possible, aux besoins des grandes compagnies internationales et à ces dernières d’être satisfaites par les services rendus.

La stratégie de contenu local accorde, par ailleurs, une place de choix à la formation pour satisfaire la demande en ingénieurs et en techniciens spécialisés dans l’industrie pétrolière.

Sur ce front la Mauritanie, malgré l’expérience acquise dans l’exploitation de Chinguity, expérience qui n’a pas laissé beaucoup de traces, accuse un retard considérable par rapport au Sénégal.

Dans ce pays, les autorités ont pris les devants en créant un Comité d’Orientation Stratégique du pétrole et du gaz directement rattaché au président de la République qui est, lui même, un pétrolier. Ce comité d’orientation est chargé de mettre en œuvre une stratégie de contenu local pour « l’émergence de PME spécialisées, et favoriser un environnement des affaires propice à l’investissement privé dans les secteurs de l’industriel et des services».

Dans le domaine de la formation, le Sénégal a engagé une politique dans l’enseignement supérieur dédiée aux études spécialisées dans l’industrie pétrolière avec la création de masters pétroliers dans les universités et d’un Institut Supérieur Sénégalais du Pétrole.

Conjurer la malédiction

Avant la récente découverte du gisement de Yakkar au Sénégal, la stratégie du consortium accordait la priorité à la mise en valeur du réservoir transfrontalier de Tortue/Ahmeyim. Le plan de développement prévoyait la signature d’une convention entre les gouvernements mauritanien et sénégalais, la prise par le consortium de la décision finale d’investissement en 2018 et le commencement des travaux pour construire les installations. Les premières exportations devant être expédiées vers la fin de 2021.

La découverte de Yakkar est-elle de nature à réviser les priorités dans la mise en production des champs découverts ? La question mérite d’être posée car la proximité géographique de ces réservoirs et leur appartenance au même consortium donne à ce dernier une position déterminante dans la fixation des priorités. Et on sait, par ailleurs, que les critères de priorisation des opérateurs ne coïncident pas toujours avec ceux des Etats.

Suivant la logique de la stricte rentabilité financière, l’exploitation de Yakkar, dans un premier temps, pourrait s’avérer plus avantageuse. C’est un gisement à fort potentiel estimé, en attendant confirmation par de nouvelles explorations, à 15 TCF. Il se situe exclusivement en territoire sénégalais avec comme unique interlocuteur le gouvernement de ce pays, les gisements transfrontaliers étant toujours plus problématiques à exploiter surtout quand les relations entre les Etats impliqués ne sont pas fluides. La production du gaz exige une grande stabilité et une grande sérénité car il se commercialise sur la base de contrats fermes et à longs termes. Les coûts des installations et les coûts de production de Yakkar seront probablement inférieurs à ceux de Tortue/Ahmeyim car les installations pourraient être construites sur un site onshore librement choisi sur le territoire sénégalais alors que pour Tortue/Ahmeyim elles doivent impérativement être à cheval sur la frontière, à 8 kms au large et avec une digue de 1.6 kms de long pour un investissement de 800 millions de $ environ.

Une nonchalance perceptible dans le respect du calendrier du développement de Tortue/Ahmyim laisse craindre une telle inversion des priorités.

Jusqu’à ce jour, la convention entre la Mauritanie et le Sénégal pour le développement  de Tortue/Ahmeyin n’est pas signée. Cet accord détermine la clef de répartition des quantités produites entre les deux Etats. La  négociation des termes de cet accord, qui s’éternise,  n’a pas encore abouti. Et c’est un document fondamental qui conditionne la prise de la décision de mise en exploitation du gisement. A qui la faute ? On sait que les relations entre les deux gouvernements sont loin d’être chaleureuses. Mais peut-on hypothéquer les intérêts majeurs des deux pays pour des motifs subalternes ? En tout état de cause, l’exploitation du gaz ne peut démarrer que dans un environnement pacifié sur le long terme.

On parle souvent de la malédiction du pétrole. La manne pétrolière que recèle le bassin mauritano-sénégalais doit être un atout déterminant pour le développement, la concorde et le bien-être des populations des deux pays. Elle ne doit en aucun cas être une pomme de discorde et un facteur de déstabilisation et de conflits entre les deux pays et dans la région. C’est pour cette raison que les critères établis pour définir les priorités de développement des champs gaziers du bassin mauritano-sénégalais ne doivent pas être strictement financiers ou étroitement nationalistes. Ils doivent tenir compte de la géopolitique, de ses équilibres et de son harmonie.

Pour éviter un nouvel engrenage, il faut nécessairement développer une nouvelle politique de relations de coopération et de coordination forte entre les deux pays pour gérer dans l’entente, avec un esprit de responsabilité, leurs négociations avec leurs partenaires pétroliers pour le développement de ces nouvelles richesses.

Sera-t-il possible, abstraction faite des vœux pieux, que la Mauritanie et le Sénégal, saisissent l’opportunité de la découverte de ces immenses richesses, à cheval et de part et d’autre de leur frontière, pour ériger un modèle d’entente et de coopération que leur dictent les liens historiques, et les intérêts fondamentaux des populations et des Etats. Un modèle de coopération qui ne doit, naturellement pas, se limiter aux hydrocarbures. De nombreux autres domaines d’activités pourraient connaître un puissant essor dans le cadre d’une meilleure intégration des économies et d’une meilleure fluidité des relations bilatérales. De nombreuses entraves au développement des échanges entre les deux pays doivent être levées en priorité, en particulier la construction du pont de Rosso et de la route Nouakchott-Rosso.

C’est un pari difficile mais pas impossible. Une telle entente mettra les deux pays dans une bonne position de négociation et de défense de leurs intérêts. Et c’est à ces conditions que la manne gazière partagée sera une aubaine pour les deux peuples.

Nous devons comprendre que les politiques à courte vue, les querelles subjectives et les incompatibilités d’humeur risquent de plonger une région déjà fortement vulnérable dans une grave instabilité. Il appartient à présent aux intellectuels, aux sociétés civiles et aux responsables politiques des deux pays à tous les niveaux de conjuguer leurs efforts pour éviter que la malédiction du pétrole trouve toute son expression, une nouvelle fois, dans cette région du monde et pour que le Sénégal et la Mauritanie inaugurent enfin une ère de coopération et d’alliance conforme à la nature des liens humains, de sang et de proximité des deux peuples. 

le calame