Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Daily Archives: 08/01/2016

Maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni, président en exercice du FNDU, dans une interview exclusive : ‘’J’aspire profondément au changement. Néanmoins je souhaite, pour mon pays, que ce changement intervienne de façon paisible et concertée ».

Maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni, président en exercice du FNDU, dans une interview exclusive : ‘’J’aspire profondément au changement. Néanmoins je souhaite, pour mon pays, que ce changement intervienne de façon paisible et concertée ».Le Calame : Dans un posting publié récemment, vous avez lancé un appel aux concessions en faveur du dialogue adressé à toutes les parties, y compris l’opposition. L’article a suscité un malaise au sein du pool politique qui, semble-t-il, s’est réuni et vous a adressé des observations, Qu’en est-il ?

Maître Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni : J’ai pris connaissance de ces informations relayées par la presse mais je peux vous confirmer qu’il n’en est rien. Le pool politique ne s’est pas réuni depuis plus d’une semaine. Ensuite, si le pool politique ou un autre pool du Forum a des observations à me faire, ce qui est tout à fait normal, nous avons suffisamment de canaux pour ne pas échanger nos observations par presse interposée.

Ceci dit il est constant qu’en matière de dialogue, aucune partie ne doit avoir l’attitude du repli dit « instinctif » ou modèle gagnant/perdant. Ce mode de négociations est souvent le recours de ceux qui estiment ne pas devoir apporter de contribution (compétitive ou coopérative), mais veulent tout recevoir.

C’est la pire des trois méthodes possibles de négociations. Elle consiste à estimer que les concessions ne concernent qu’une partie : l’adverse. Cette méthode dite « instinctive » repose sur le principe gagnant/perdant et conduit fréquemment à perdant/perdant.

Une approche construite sur la surévaluation de soi et la sous-évaluation de l’autre qui conduit à un écart absurde, dans l’interprétation des comportements de négociation. Une même attitude sera perçue de manière radicalement opposée, selon que l’autre ou moi l’adopte.

Cette forme de négociation se compare à ce style de conduite automobile où chacun est prompt à insulter (au moins intérieurement) le conducteur voisin, mais tout aussi prompt à trouver toutes les bonnes raisons de s’absoudre lui-même. C’est ce qu’on décrit comme une combinaison de biais accusatoires de l’autre et de biais excusatoires de soi.

Si je ne cède pas, c’est que je suis ferme ; si l’autre ne cède pas, c’est qu’il est têtu et ainsi de suite : Je suis ferme, il est têtu ; je suis précis, il coupe les cheveux en quatre ;

je suis intuitif, il est inconscient ; je suis clair, il est dissimulateur ; je suis juste, il est revanchard ; je suis prudent, il est procédurier ; je suis malin, il est manipulateur ; je suis conciliant, il est hypocrite ; je suis pragmatique, il n’est pas fiable ; je fais tous les efforts, lui n’en consent aucun ; mes intentions sont bonnes, les siennes sont inavouables ; si ma proposition n’est pas acceptée par l’autre, c’est parce qu’il ne la comprend pas ;

si je n’accepte pas la sienne, c’est qu’elle est mauvaise ; si je m’énerve, c’est parce que l’autre a dépassé les bornes ; si l’autre s’énerve, c’est parce qu’il a perdu ses moyens. Bref c’est la pire manière d’aborder les négociations. Les tenants de cette thèse attendent généralement tout de l’autre partie et ne sont prêts à ne lui céder aucune concession.

C’est une perception biaisée de la réalité, spontanément favorable à soi et volontiers défavorable à l’autre. Elle conduit à l’échec assuré des négociations, dès même le stade préliminaire.

En revanche, toute négociation gagnerait à choisir, en fonction des cas, l’une des deux autres approches interactives suivantes. Fondée sur des concessions mutuelles, la méthode donnant/donnant ou give and take consiste à abdiquer une partie de sa volonté au profit de l’autre.

C’est une approche à prédominance compétitive (négociation par position), cherchant à établir et à défendre une position, en vue de réaliser des gains, suite aux concessions de l’autre partie. La négociation consiste ainsi à des échanges, de façon à céder, à mon adversaire, sur des solutions qui me laissent assez indifférent et l’avantagent en forte proportion, pour autant qu’il cède sur ce qui m’est prioritaire et l’indiffère en termes relatifs.

La dernière méthode – gagnant/gagnant – est à prédominance coopérative. C’est une négociation raisonnée fondée sur la prise en compte des intérêts des différentes parties.

C’est une démarche qui permet, par la production de valeur, de se rapprocher d’une situation où les deux parties optimisent leur satisfaction autant que possible. Elle consiste à optimiser, de manière décisive, pour l’un sans mettre l’autre en difficulté, et à combiner, immédiatement, une solution qui nous coûte peu mais apporte beaucoup à l’autre, avec une autre solution qui coûte peu à l’autre mais nous rapporte beaucoup.

Ces combinaisons et ces échanges fondent la négociation en tant que mécanisme de production et non pas seulement de partage de valeur.

– On dit qu’il existe, au sein du FNDU, deux tendances : ceux qui poussent au dialogue – « mûharwiline » vers le pouvoir – et les autres qui y sont moins favorables. Qu’en est-il ?

– A mon avis, certains tentent d’inverser les rôles, pour faire obstacle au dialogue.

On essaye de coller, à celui-ci, la vertu de bouffée d’oxygène au pouvoir, comme une bouée de sauvetage et de solutions à ses problèmes, si bien que toute action en faveur du dialogue est devenue assimilable à une sorte de compromission, faisant le jeu du pouvoir.

Cette manœuvre tente de confiner le Forum dans un rôle passif, de complexer toute initiative de sa part en faveur du dialogue et d’empêcher, coûte que coûte, le Forum de se réapproprier celui-ci.

Or, il convient de rappeler que le dialogue est une revendication du Forum. Lors de ses premières assises, en Mars 2014, le FNDU a adopté une vision stratégique qui fait, du dialogue politique, « la seule voie possible pour le règlement de la crise politique que vit notre pays ».

Ceci est formellement inscrit dans le document pour le dialogue avec le pouvoir, élaboré par le FNDU. Dans ce texte, il n’est pas dit que le dialogue est la meilleure voie ni la voie idéale mais « la seule voie possible ». Il faut donc ramener le dialogue à ce qu’il est en substance ; à savoir, initialement une revendication, je dirai, même, une exigence du FNDU.

Avec un rapport de force favorable, le FNDU est, aujourd´hui, un acteur incontournable qui peut obtenir, à la table de négociations, des concessions et exiger d’être impliqué davantage, dans le processus de transition qui doit conduire à l’alternance pacifique et assurer le changement auquel aspire le peuple mauritanien. C’est cela, la bonne approche du dialogue.

– Vous n’êtes donc pas parmi ceux qui tirent vers le pouvoir ou veulent l’approcher?

– Je m’inscris dans une dynamique d’opposition depuis longtemps. Je n’ai pas de leçons d’opposition à recevoir de quiconque. Le 6 Août 2008, j’ai signé assez tôt, au nom de l’ordre des avocats, le communiqué condamnant le coup d’Etat. J’ai douze ans de combats en faveur de la justice et les droits de l’homme, au conseil de l’Ordre des avocats (six ans membre du Conseil et six ans en tant que bâtonnier).

Il y a quelques mois, j’ai remis ma robe d’avocat au président de la République, en guise de protestation et pour dénoncer l’injustice. Rassurez-vous : je suis confortablement et durablement installé, dans le statut d’opposant.

Par ailleurs, j’ai goûté au plaisir des professions libérales réussies, je suis dans un réseau de consultants juridiques internationaux et peux vous confirmer que je ne suis pas candidat aux fonctions publiques.

Sur ce plan, je vous en rassure aussi, vous ne risquez pas de me voir prochainement à l’UPR. Non pas que l’appartenance à l’UPR soit dévalorisante en soi mais je me sens bien dans mon coin et entends y rester. Cela dit, mon opposition s’accompagne de deux constantes. En un, je tiens beaucoup à mon indépendance, ma liberté et cohérence avec mes principes.

Ces vertus ne seront hypothéquées par aucun autre statut, aussi glorieux soit celui de président du Forum. En deux, mon opposition n’est ni adressée contre une personne ni en faveur d’une autre. Elle est responsable et démocratique. A cet égard, je n’ai jamais adhéré au slogan Irhal. Je suis opposant parce que j’ai une ambition pour mon pays, pour plus de justice, d’égalité, de prospérité, de stabilité et de démocratie.

J’aspire profondément au changement. Néanmoins, je souhaite pour mon pays que ce changement intervienne de façon paisible et concertée. Tous mes efforts iront dans ce sens.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que privilégier cette option est, en quoi que soit, compromettant.

– Après votre candidature à la dernière présidentielle, retirée à la dernière minute, entretenez-vous toujours l’ambition de briguer les suffrages des Mauritaniens ?

– Je suis engagé dans un grand projet politique : celui de contribuer, au sein du FNDU, à opérer le changement en Mauritanie, à tourner la page des régimes autocratiques et assurer l’alternance démocratique. Ce projet est ambitieux et doit occulter toutes les autres ambitions personnelles.

Il doit être le prélude à une nouvelle approche politique moins personnalisée, mettant le citoyen au centre de son action. Le constat qui se dégage manifestement, aujourd’hui, est celui d’une rupture entre le citoyen et ses gouvernants. Les politiques économiques et sociales ne prennent pas suffisamment en compte les préoccupations et intérêts des citoyens.

Le chômage, le faible et inégal accès aux services publics, les conditions de vie sont les exemples les plus éloquents du divorce. Le contrat social est rompu. Mais il faut éviter, à tout prix, que le divorce et la rupture avec le citoyen touchent l’ensemble de la classe politique.

Eviter qu’il y ait une rupture, qu’une défiance s’installe entre le citoyen et la classe politique ; plus généralement, entre le citoyen et l’élite ; que le gouffre se creuse ; ce qui conduirait une partie des citoyens à vivre comme en exil, à l’intérieur de la démocratie, et amènerait l’autre partie à chercher les remèdes dans les solutions simplistes que leur propose l’extrémisme.

– Vous préconisez une nouvelle manière de faire la politique ?

– En fait ce n’est pas une nouvelle manière de faire la politique mais il faut se rendre à l’évidence que le nouveau contexte impose une nouvelle approche qui doit s’articuler autour des deux postulats suivants : d’une part, plus de proximité avec le citoyen, pour que son vécu quotidien soit au centre de l’action politique, notamment les jeunes qui ont le sentiment de ne pas être écoutés et encore moins compris ; meilleure prise en compte, d’autre part, du péril qui nous menace, de la crise où la Mauritanie est en train de s’enfoncer.

– Aussi bien crise économique que sociale ?

– Effectivement. Cette crise, internationale d’ailleurs, n’est pas seulement économique mais concerne tout un modèle de société, dans un moment particulièrement délicat de transition, entre un ancien en voie de dérèglement et un neuf en pointillés (pour emprunter la formule).

Entre, d’une part, la désagrégation des structures anciennes, la profonde érosion des contenus de la tradition, la dissolution des repères hérités du passé et, d’autre part, l’extension chaotique du mode de vie urbain, l’individualisme et l’aggravation du sentiment d’inquiétude et de désarroi.

– Par quel bout faut-il commencer, pour faire face à cette situation ?

– Par le dialogue. Justement, c’est la raison pour laquelle le dialogue est le choix et l’option du Forum, dans toutes ses composantes (société civile, syndicats, personnalités indépendantes et partis politiques). En effet, le Forum considère que la co-construction constitue une opportunité, pour relever les défis posés à la démocratie. Le FNDU considère que le changement auquel aspirent les Mauritaniens gagnerait à être opéré par le biais des forces politiques et sociales porteuses de programmes et de visions sociétales.

Autrement, le système, à force de dysfonctionner, explosera de façon incontrôlée, sous l’effet de l’exaspération, le ras-le-bol, le désarroi populaire, la colère la rancœur et les menaces.

– Qu’est-ce qui, selon vous, peut relancer la dynamique du dialogue ?

– Tout simplement que le pouvoir envoie des signes forts prouvant que le dialogue est, bel et bien, son option réelle. Qu’il réponde à la plateforme du FNDU et renoue rapidement les contacts à cet effet.

– Est-ce qu’à l’heure où le pouvoir et l’opposition n’arrivent pas à s’entendre, il faille voir émerger une troisième voie ?

– Toutes les voies doivent converger vers le dialogue, l’apaisement et le règlement des questions sociales ; la lutte contre le terrorisme, à travers la coopération internationale ; le rétablissement du lien avec le citoyen, pour tenir compte de ses préoccupations et améliorer ses conditions de vie, la démocratisation du pays, le renforcement de la justice, la saine et équitable gestion des ressources nationales. L’unique voie qu’il convient de suivre, aujourd’hui, est celle qui évite au pays l’éclatement.

– Considérez-vous que la menace est sérieuse ?

– Oui. Nous vivons une situation très tendue qui risque d’exploser à tout moment. C’est une nouvelle donne avec laquelle tout le monde doit composer. Il faut qu’elle soit intégrée dans tous les projets. La Mauritanie fait face à des crispations communautaires, favorisées, du reste, par le déclin de l’autorité.

Dans ces conditions, le péril qui nous menace est celui de l’enfermement de chacun dans ses certitudes, désignant l’autre comme coupable de toutes ses souffrances. Dans un tel contexte, chacun cherche ceux qui lui ressemblent le plus pour s’installer, côte à côte, dans une identité de plus en plus réduite.

La Mauritanie est gagnée par le succès de l’extrémisme auprès d’une partie de la population en déshérence, en particulier les nouvelles générations urbaines, sans réelles perspectives d’avenir, qui vivent un profond malaise, renforcé par le sentiment d’être abandonnés.

La Mauritanie est marquée par la fragilité de sa cohésion sociale. Notre société n’est pas un ensemble cohérent et intégré, tant font défaut les attributs de cette cohésion : égalité des chances et des conditions, accès effectif au droit et au bien-être économique qui permet à chacun de participer, activement, à la société et d’y être reconnu.

La Mauritanie est particulièrement menacée par le terrorisme. L’heure est grave. La responsabilité du pouvoir est évidente et la raison d’être du Forum est de tourner cette page. Mais la situation interpelle tous les Mauritaniens, l’élite en particulier : il faut réagir pendant qu’il est temps.

Les Mauritaniens sont, aujourd’hui, devant leurs responsabilités. Ceux qui auront laissé, sciemment, le pays sombrer dans le chaos, en dépit de ses divers appels de détresse, en assumeront la responsabilité devant l’Histoire.

Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh

le calame

Un député prône l’utilisation de la langue arabe dans “tous les domines

ALAKHBAR (Nouakchott) – Le député du parti au pouvoir (UPR) Khalil Ould Teyib a proposé au gouvernement mauritanien « la mise en place d’une stratégie visant à promouvoir l’utilisation de la langue arabe dans tous les domaines (de la vie) en Mauritanie ». En mars 2014, le député Khalil Ould Teyib s’était attiré les foudres d’une partie de l’opinion mauritanienne en déchirant un procès verbal de la commission des finances de l’Assemblée Nationale qui était écrit «uniquement » en Français. Ould Teyib, qui intervenait lors d’une plénière ce jeudi à l’Assemblée Nationale, a par ailleurs suggéré au gouvernement de faire de 2016 « l’année de l’éducation administrative».

Clôture de la première session ordinaire parlementaire pour l’année 2016 –

Clôture de la première session ordinaire parlementaire pour l'année 2016 La première session ordinaire parlementaire pour l’année 2016 a été clôturée jeudi soir à Nouakchott, en présence de certains membres du Gouvernement.

La cérémonie de clôture a été marquée par un discours du président de l’assemblée nationale, Monsieur Mohamed Ould Boïlil dont voici le texte intégral:

Messieurs les ministres ;

Collègues députés ;

Mesdames, Messieurs ;

Nous voilà arrivés au terme de la présente session pendant laquelle deux mois durant, nous avons poursuivi notre travail parlementaire tant au niveau de la conférence des présidents, du bureau de l’Assemblée nationale, des commissions spécialisées ainsi que des séances plénières au cours desquelles nous avons discuté les projets de lois qui nous été soumis soit en les adoptant ou en procédant à leur amendement conformément aux dispositions de la Constitution et du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Au niveau du contrôle de l’action gouvernementale, certains de nos collègues ont adressé à des membres du gouvernement des questions orales qui ont été discutées de façon démocratique.

Je me plais ici, en votre nom à tous, de féliciter le gouvernement pour le sérieux et la constance avec lesquels les projets de lois nous ont été soumis, tout en le remerciant des réponses, qu’il a, en temps opportun, apporté aux questions orales qui lui ont été adressées par les honorables députés.

Collègues députés,

Mesdames Messieurs ;

Notre session, à l’image de celles qui l’ont précédé a été marquée non seulement par des échanges fructueux entre la majorité et l’opposition de façon libre et démocratique, mais surtout par la déclaration de politique générale présentée devant le Parlement par Son Excellence Monsieur Le Premier ministre.

Cette déclaration qui, chiffres à l’appui, a, de manière

convaincante, apporté la preuve indéniable, que le processus du développement et de la construction nationale entamé sous l’égide se Son Excellence le Président de la République Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz est bel et bien parvenu à bon port.

Les projets prometteurs en relation avec la vie du citoyen ont vu le jour ici et là à travers le pays qu’il s’agisse de projets

d’électrification, d’ouvrages hydrauliques, d’infrastructures routières, d’écoles et de dispensaires construits dans des zones qui étaient par le passé des ilots de pauvreté et d’exclusion ; tous ces efforts sont dignes de confiance et inspirent sérénité et

considération.

Cette session a été également marquée par l’adoption du budget 2016 que nous avons discuté rubrique par rubrique, notre attention ayant été particulièrement attirée par les montants exorbitants alloués à la lutte contre la pauvreté, au soutien et à l’appui des couches les plus démunies ainsi qu’à la lutte contre les séquelles de l’esclavage C’est en raison de toutes ces considérations que nous avons adopté ce budget dans des proportions qui dépassent 98% des voix des honorables députés ici présents

Enfin, je déclare clos les travaux de la première session ordinaire parlementaire pour l’année 2016 conformément à l’article 56 de la Constitution.

 

AMI

Bref bilan de l’année 2015 : Compromis impossible

altL’année 2015 vient de s’achever sur  une note douloureuse. Le fils du président de la République  et deux journalistes décèdent dans un accident de circulation ; une commerçante est  exécutée, en plein jour, au marché central de Nouakchott. Des citoyens bardés d’avenir et d’ambition ainsi fauchés, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Que la terre leur soit légère ! Amen.

L’année aura été très difficile pour le pays, même si le gouvernement, au sommet de l’Etat, s’est ingénié à prétendre qu’en Mauritanie, « tout baigne », selon une expression familière. Caisses publiques pleines, devises à revendre… Et le panier de la ménagère ? Il vient d’accuser, lui, un sérieux revers, avec les brutales augmentations inexpliquées, voici quelques jours, des produits vitaux (riz, huile, sucre…). On s’y attendait, depuis que l’ex-ministre des Finances, Thiam Diombar, avait annoncé, avant de quitter son poste,  l’augmentation de  la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), passant de 14 à 16%,  sur certains produits. Et de justifier la mesure par la baisse des recettes minières du pays. La tonne de fer a dégringolé, sur le marché international, occasionnant un manque à gagner estimé  à quelques milliards d’ouguiyas. Le secteur de la pêche n’étant pas mieux lotie, la Mauritanie – plus précisément, son bas-peuple – doit donc  se resserrer la ceinture.

Au plan politique, l’année écoulée a été marquée par  l’incapacité des acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition à trouver un compromis  afin d’amorcer le dialogue politique tant attendu. En dépit de son appel en ce sens depuis Chinguetti, où il présidait le festival des villes anciennes, le président de la République est resté très évasif sur ses intentions. Dans une Afrique marquée par le  « tripatouillage » des constitutions, en vue de briguer un troisième mandat, l’opposition mauritanienne se méfie et n’entend pas  signer un chèque en blanc à Ould Abdel Aziz. Aussi a-t-elle justement exigé un engagement écrit de la part du pouvoir avant de s’avancer elle-même. Au final, toutes les tentatives d’amorcer le dialogue ont échoué, les uns et les autres s’en rejetant la responsabilité. La situation politique demeure donc bloquée, alors même que le pouvoir et l’opposition  réclament, de concert, le dialogue. Ubuesque.

Mais, surtout, calculs. En  refusant de se prononcer, par écrit, sur la plateforme du FNDU, remise en Septembre dernier, le pouvoir  semble miser, au-delà du pourrissement de la situation, sur l’éclatement du Forum. Et le RFD, hostile à tout « semblant »  de dialogue avec le pouvoir, semble la première victime des SCUD présidentiels. Après la participation de certains de ses membres aux journées préliminaires de dialogue, organisées fin-Septembre, début-Octobre, le RFD enregistre ses premières sérieuses défections, avec le départ de la famille Ould Moine.   Dans la foulée du refus daddahien de cautionner la rencontre entre le président du FNDU et une délégation du pouvoir,  Yacoub ould Moine a fondé son propre parti… aussitôt reconnu par les services du ministère de l’Intérieur. Cela dit, l’essentiel  des pôles de l’opposition (FNDU et CUPAD) campe sur ses positions : exigence d’un dialogue « sincère et inclusif », pour « sortir le pays de la crise multiforme » qu’il subit, depuis  des années. Même si le RFD et les partis de la CUPAD n’ont pas pris part à la dernière marche du  9 Décembre, le FNDU peut se vanter  d’avoir réussi  sa sortie car ses militants et sympathisants ont répondu, massivement, à son appel, pour dénoncer  l’« incapacité des  pouvoirs publics à assurer la sécurité  des citoyens, à améliorer leur condition de vie et celles des étudiants …». Un signal fort de l’opposition à l’endroit du pouvoir. Celui-ci « doit se rendre à l’évidence : l’opposition peut faire bouger la rue », ont souligné plusieurs responsables du Forum lors de l’évènement.

Entorses

Au plan des droits de l’homme, on aura noté une avancée, significative, dans l’élaboration et l’adoption des lois incriminant l’esclavage. Désormais, la Mauritanie dispose d’un important arsenal juridique, pour lutter contre les « séquelles » de l’esclavage dont le pouvoir s’acharne, cependant, à nier la pratique abominable, alors que les organisations  de défense des droits de l’homme en exhibent, régulièrement, de « présumés »  cas,  à l’intérieur du pays. Pour Samory ould Bèye, il existe un gap entre ce que dit le pouvoir aux partenaires étrangers et  la réalité que vivent les Harratines, dans les adwabas. « Les lois réprimant l’esclavage ou ses séquelles  ne servent qu’à tromper  les partenaires au développement. Les Harratines sont marginalisés  et réduits à l’état de peuple maudit », selon lui.

On aura également noté, en cette année 2015, le refus des pouvoirs publics de reconnaître  les Forces Progressistes du Changement (FPC), fondées, par les ex-FLAM, afin de « sortir de leur illégalité » et de jouer, comme les autres partis politiques,  « leur rôle dans l’arène nationale ». « Une entorse à la liberté d’expression et d’opinion », dénonce un cadre du FPC qui relève la rapidité avec laquelle le parti d’Ould Moine aura, lui, été reconnu.

Autre entorse, relèvent les organisations  de défense des droits de l’homme : la détention « arbitraire » du président d’IRA-Mauritanie et de son vice-président, depuis plus d’une année déjà, pour avoir  pris part à une caravane dénonçant l’« esclavage foncier dans la vallée du fleuve Sénégal ». Pour les organisations de défense des droits de l’homme, Biram et Ould Bilal sont détenus « pour leur opinion, non pour avoir enfreint à la loi ».

L’année 2015 s’est achevée par une vague d’insécurité  à Nouakchott. La presse n’arrête de la dénoncer. Une  marche de l’opposition lui a été consacrée. Tous s’inquiètent de la peur qui s’est emparée de la ville : viols, vols, assassinats sont le lot quotidien  des banlieues, alors que les forces de sécurité écument la ville. Des commissariats de police  poussent comme des champignons. Et le FNDU de s’alarmer de ce que les forces de sécurité sont détournées  ou se sont détournées de leur mission principale.

Autre  point faible : l’expropriation des terres dans la vallée et l’arrestation des propriétaires opposées à leur paupérisation. Les affaires de Donaye  et de Dar El Barka ont trop longtemps défrayé la chronique, avec l’arrestation  et  la détention des  paysans  à Aleg.

Le pouvoir  de Mohamed Ould Abdel Aziz peut, tout de même, se targuer  d’avoir édifié de  nombreuses infrastructures (aéroport, routes, universités, écoles…).  « Une première dans le pays », reconnaissent certains responsables de l’opposition. Mais il peine, manifestement, à éradiquer  la pauvreté, malgré d’importants investissements dans l’agriculture, la lutte contre le chômage des jeunes diplômés,  l’insécurité et… la gabegie qui n’aurait fait, à en croire le FNDU, que changer de camp.  

Note d’espoir, la Mauritanie a vu l’élection de plusieurs de ses cadres à la tête  ou au sein de grandes organisations internationales, comme la Banque Arabe de Développement  Economique en Afrique (BADEA) ou  l’ONU. Nos compatriotes Sidi ould Tah et El Ghasem Wane  pilotent, respectivement,  la première et  le  département stratégique du maintien de la paix  et de la  sécurité de la seconde. Wane s’occupait, depuis quelques années, de ces mêmes questions à l’Union africaine. On peut aussi  se réjouir  de la fondation et l’installation de quelques banques  à Nouakchott, ce qui permet d’élargir l’offre de service pour une certaine catégorie de clients. Mais ce n’est pas le mauritanien lambda : plus des trois quarts de la population en reste, eux, à se serrer la ceinture…

Dalay Lam

le calame