Daily Archives: 28/11/2012
L´Édito du Calame: Fais-toi rare, on t’aimera !
Ould Abdel Aziz est enfin rentré à Nouakchott. Quarante jours après son évacuation vers la capitale française, pour y subir des soins, après avoir reçu une balle ‘’amie’’, le président a foulé le sol national ce samedi 24 novembre. Une foule immense est venue l’acueillir à sa descente d’avion et tout au long du parcours menant à la Présidence. Un accueil pas aussi spontané qu’on s’est efforcé de nous faire croire et que n’ont cessé de marteler les commentateurs de Radio-Mauritanie et de la TVM. Les ministères, les directions, les établissements publics et, même, certains privés ont obligé leurs employés à être présents en ce jour de repos, pour participer à l’accueil, et chaque département avait un emplacement bien réservé, sur le chemin de la Présidence. Aucun ministre ou directeur ne voulait être en reste. L’UPR a, lui aussi, battu le rappel de ses troupes. Les hommes d’affaires proches du pouvoir se sont également joints à la fête. Ils ont mobilisé d’énormes moyens pour louer des bus et assurer le transport des populations des quatre coins de la capitale. Pour l’oligarchie politico-militaro-affairiste, qui tient ce pays en otage depuis 1978, il fallait, à tout prix, réussir le challenge. Trois jours après l’imposant meeting de l’opposition, les ténors du pouvoir tenaient à montrer au président que l’Azizanie se porte toujours bien et que ni la bévue du boss ni son absence n’ont en rien altéré le soutien des Mauritaniens à sa politique ‘’éclairée’’. Quitte à employer des méthodes dignes des structures d’éducation des masses dans leur plus vile expression. Feignent-ils d’ignorer que la présence massive des foules n’est un baromètre pour rien du tout ? Ont-ils oublié que Maaouya drainait autant de monde ? Et que, le 3 août 2005, cette même foule qui acclamait celui-ci s’est retournée, comme un seul homme, pour dénoncer son pouvoir et applaudir ses tombeurs ? Personne ne semble s’en soucier. Les mêmes visages ont débité les mêmes insanités. Comme frappés d’amnésie. Sans se poser la moindre question. Il y a pourtant de quoi s’interroger.
Quarante jours sont passés. On ne sait toujours rien sur les circonstances exactes de la blessure du président, pas grand-chose sur sa santé, ni sur les éventuelles séquelles du dol. Après deux apparitions, furtives, avec le ministre français de la Défense et le médecin qui le soignait, et, alors qu’on glosait sur une probable rechute, le voilà qui surprend tout le monde, en se faisant recevoir par Hollande. Le président français qui l’évitait, pourtant, comme la peste et ne lui avait envoyé ni son Premier ministre, ni son ministre des Affaires étrangères, durant sa convalescence, lui a offert, ainsi, un cadeau inespéré. A 24 heures d’un meeting de l’opposition, qui devait dénoncer la vacance du pouvoir, l’intrusion de la France, dans le jeu politique national, ne peut être fortuite. A-t-elle reçu des garanties, quant à l’implication de la Mauritanie dans la guerre au Mali, alors qu’Ould Abdel Aziz s’y refusait jusque là ? Hollande n’a-t-il pas déclaré, à leur sortie d’audience, que « le dialogue est impossible avec les terroristes » ? Autrement dit, « nous sommes tous les deux d’accord : la guerre est la seule issue pour libérer le Nord-Mali ». Aziz a, aussitôt, opiné du chef, avant de se dédire, quelques heures après, lors d’une interview à France 24, où il a dit et répété que le dialogue doit être privilégié. Un revirement que les Français n’ont certainement pas manqué de relever. Et qui n’est pourtant pas surprenant, de la part d’un homme habitué à toutes sortes de pirouettes pour arriver à ses fins. Mais, tôt ou tard, il faut faire face à la réalité. Et la nôtre s’appelle : pouvoir personnel, forclusion des institutions, échéances électorales à préciser, gestion opaque des deniers publics, incapacité gouvernementale, omnipotence de l’Armée. La liste n’est pas exhaustive. Trouvons d’abord des solutions à ces maux. Il y va de notre survie.
Ahmed Ould Cheikh-LE CALAME
FLAM: DEVOIR DE MEMOIRE
Le 28 Novembre ne pourra plus jamais être ce jour d’optimisme symbolisant la renaissance à la dignité et à la liberté pour le peuple mauritanien, Noirs et Arabo-berbères confondus.
Depuis le 28 novembre 1990, ce qui aurait dû rester un grand jour symbole de notre libération du colonialisme français s’est transformé en un Jour de douleur et de grande souffrance, un Jour de larmes, un Jour de deuil, de tristesse pour toute la communauté négro-africaine et plus particulièrement pour toutes celles et tous ceux qui ont perdu des êtres chers.
En effet, le 28 novembre 1990, le pouvoir ethnico-génocidaire mauritanien fait pendre, de sang froid, 28 soldats noirs mauritaniens, pour fêter le trentième anniversaire du pays ! Ils ont été pendus pour célébrer l’arabité de la Mauritanie. Ils ont été pendus parce qu’ils étaient noirs et non arabes.
01 – Sergent-chef Diallo Abdoulaye Demba
02 – Adjudant-chef Abdoulaye DJIGO
03 – 1ère classe Samba Oumar NDIAYE
04 – 1ère classe Ibrahima DIALLO
05 – 1ère classe Mamadou Hamadi SY
06 – Sergent Mbodj Abdel Kader SY
07 – 1ère classe Samba Baba NDIAYE
08 – 2ème classe Oumar Demba DIALLO
09 – 1ère classe Amadou Saïdou THIAM
10 – 1ère classe Mamadou Oumar SY
11 – 1ère classe Abdarahmane DIALLO
12 – Sergent DIALLO Demba Baba
13 – Soldat Mamadou Demba SY
14 – Soldat Alassane Yéro SARR
15 – Caporal Amadou Mamadou BAH
16 – Sergent-chef Lam Toro CAMARA
17 – Sergent chef Souleymane Moussa BAH
18 – 2ème classe Oumar Kalidou BAH
19 – Sergent Amadou Mamadou THIAM
20 – Sergent Samba SALL
21 – 2ème classe Abdoulaye Beye DIALLO
22 – 1ère classe Cheikh Tidiane DIA
23 – 2ème classe Samba Bocar SOUMARE
24 – 1ère classe Moussa NGAÏDE
25 – 1ère classe Siradio LÔ
26 – 1ère classe Demba Oumar SY
27 – Sergent Adama Yero LY
28 – 2ème classe Samba Demba Coulibaly.
Ils ont été pendus par «leurs frères d’armes», en guise de solidarité à l’Irak de Saddam Hussein. Depuis, ils gisent dans la solitude des fosses anonymes. Depuis, ils attendent des sépultures décentes.
C’est pourquoi, comme chaque année depuis bientôt une dizaine d´années, les Forces de libération africaines de Mauritanie, par devoir de mémoire et par exigence morale, demandent solennellement à toutes celles et à tous ceux qui aspirent à l’unité de notre pays, la Mauritanie, à toutes celles et à tous ceux qui croient scrupuleusement au respect des droits humains :
– de faire désormais de la journée du 28 novembre, un jour de deuil à la mémoire des victimes du racisme et du chauvinisme d’Etat mauritanien, un jour de grande Communion avec toutes les victimes de la barbarie raciste anti-noir du Système fasciste mauritanien.
Ce jour, on consacrera une minute de recueillement et de prières à la mémoire de nos Martyrs.
Les FLAM, exigent du gouvernement mauritanien,
– La restitution des dépouilles des pendus du 28 novembre 1990 et de tous nos martyrs à leurs familles,
– L’arrestation et le jugement des auteurs et commanditaires de cette barbarie raciste par un tribunal spécial,
– L’érection d’un monument de souvenir et de réconciliation dédié à la mémoire des pendus d’Inal et à toutes les victimes du génocide survenu entre 1986 et 1991.
Non à l’oubli !
La lutte continue !
Novembre 2012
Le département de la Communication des FLAM
Djibril Zakaria Sall: Un commissaire menotté aux vers
Djibril Zakaria Sall. Une de nos plumes les plus atypiques de par son parcours professionnel dans la police, et son arrivée «accidentelle» dans la littérature. Portrait d’un révolté, qui a saisi les vers pour dénoncer les injustices. «Il faut le voir à Hayré M’Bar, avec son short court, et son inaliénable groupe de jeunes autour de lui, à rechercher et nommer la flore alentour. À rire et s’étonner toujours de tout. On dirait presque un enfant. En fait, quand on le voit on dirait un chef de bande d’enfants» s’amuse une amie proche de Nouakchott. «Il me fait penser à Robinson Crusoë dans ce cadre, entouré de sa grande concession clôturée, et de son bureau en murs végétaux et de feuilles» continue-t-elle.
Un iconoclaste, un personnage, une truculence, qui se détache en arrière-fond de nos sociétés mauritaniennes selon lui relativement «figées, repliées sur elles-mêmes». Pour ce père de douze enfants, retraité, la vie devrait être telle qu’on la découvre sous nos yeux: «fulgurance et spontanéité». C’est ainsi d’ailleurs, de «façon fulgurante» qu’il aurait commencé à écrire ses premiers vers. «J’avais 28 ans quand j’ai commencé à écrire. J’étais au commissariat en octobre 1967, et tout d’un coup j’ai commencé à enchainer les vers; une flamme s’était allumée en moi. Je me suis mis à écrire sur des carnets de publicité de la marque de voiture Mazda. En deux ans, j’écrivais 25 poèmes que j’envoyais à Leopold Sedar Senghor qui m’a exhorté dans une lettre à abandonner la rime, et à me concentrer sur la poésie négro-africaine qui est rythme et image!» narre Djibril Sall, tout sourire, engoncé dans son turban noir.
Le bonhomme se remet au travail avec ferveur. ««Ça coulait, ça coulait, ça coulait. Je me réveillais la nuit, parce que l’inspiration me venait toujours la nuit. La famille commençait à jaser et se disait que le bonhomme était devenu dingue. Parce que je me réveillais, j’allumais la lampe, j’allais à la table et je me mettais à griffonner tout ça» rigole-t-il.
Suite à cela, en 1970, le premier président de la Mauritanie, Mokhtar Ould Daddah l’aide à publier son premier recueil, Lumières noires, où il se fait lui aussi chantre de la négritude, dans le sillage de son mentor Senghor, par le biais de la Société Nationale de Presse et d’Édition (la SNPE qui deviendra l’Imprimerie Nationale).
Le commissaire-poète
Né en 1939, Djibril Zakaria Sall suit ses études primaires à Rosso, Atar et Boghé ainsi qu’une partie au Sénégal, à Dakar. De 1953 à 1960, il poursuit ses études secondaires au célèbre Collège moderne Xavier Coppolani, d’où sortit la première élite mauritanienne post-indépendante. Il continue jusqu’au baccalauréat, puis en 1960, devient instituteur-adjoint stagiaire.
En 1961, il décide de rejoindre l’École de Police et devient Inspecteur. Il passe par l’École Fédérale de Police de Dakar et par l’École Supérieure de Police de Saint-Cyr, en France, près de Lyon. En 1965, l’inspecteur Sall est promu Commissaire de Police. Il exercera à Rosso, Zouérate, Atar et Nouakchott avant de devenir Chef de Brigade Mobile de l’Est.
Un parcours qui n’étonne pas dans son entourage. ««C’est un homme honnête, et surtout il a été un excellent commis de l’état: jamais la police n’a été meilleure que lorsqu’il en a été à la tête. Tout se passait bien. Mais c’est un métier incompatible avec la liberté de l’imagination, de l’écriture. Et il a payé cela dans sa carrière. Encore que ça ne l’ait pas rendu malheureux» raconte un proche ami.
Une dichotomie d’activités qui en a étonné plus d’un dans sa longue carrière.
«Mon parcours dans la police a été on va dire, accidentelle. Comme ma plongée dans la poésie d’ailleurs. Je considère cela comme un don de Dieu. Senghor lui-même m’avait demandé comment concilier deux activités par nature aussi éloignées l’une de l’autre. Je lui avais répondu que j’étais un mauvais policier (rires). Je travaillais plus sur la prévention que sur la répression, et sous nos latitudes c’est mal vu» se rappelle le poète. La remarque sera faite plus ironiquement par un journaliste. «Un journaliste de Jeune Afrique, Abdoul Aziz Dahmani, avait fait un papier sur moi dans les années 80, suite à la lecture d’un de mes poèmes, et m’avait qualifié d’homme pleureur, par rapport à mon métier de policier qui devait imposer à ses yeux, fermeté et dureté. Cette dichotomie est incomprise, mais l’un est le prolongement de l’autre, et ces deux activités ne s’opposent pas forcément. J’ai été policier de façon humaine, avec ma sensibilité de poète, en essayant d’être le plus proche possible de l’individu» se souvient Sall.
Le clash avec l’état
Ce fossé naturel, présent dans les esprits, entre la liberté de l’auteur et le caractère docile d’un agent d’un corps armé, lui a valu son premier intermède dans sa carrière, quand il sera détaché au Ministère de la Culture, pour préparer le Festival des Arts Nègres qui eut lieu en 1977 à Lagos, au Nigeria, où des poèmes à lui seront lus. À cette époque, Sall a déjà publié ses deuxième et troisième recueils (Soweto en 1976, et en 1977, Cimetière rectiligne), toujours avec le soutien du président Ould Daddah.
Ce fossé naturel, présent dans les esprits, entre la liberté de l’auteur et le caractère docile d’un agent d’un corps armé, lui a valu son premier intermède dans sa carrière, quand il sera détaché au Ministère de la Culture, pour préparer le Festival des Arts Nègres qui eut lieu en 1977 à Lagos, au Nigeria, où des poèmes à lui seront lus. À cette époque, Sall a déjà publié ses deuxième et troisième recueils (Soweto en 1976, et en 1977, Cimetière rectiligne), toujours avec le soutien du président Ould Daddah.
Suite à ses critiques sur la Fonction publique dans le désormais fameux «coup de piston», Djibril Sall est convoqué. «J’ai été convoqué au ministère de l’intérieur, suite à la publication d’un poème dans le journal Le Chaab, en 1977, Le coup de piston. Ils m’avaient littéralement interdit d’écrire en Mauritanie, en soutenant que ce n’était pas compatible avec ma fonction de commissaire de police» affirme Djibril Sall. Depuis lors, aucun de ses recueils ne sera publié en Mauritanie. Mais il trouve des ressources ailleurs.
C’est ainsi que l’année suivante, le 8 février 1978 précisément, Djibril Sall est reçu par le président Senghor qui le met en rapport avec son conseiller culturel, Pierre Klein. Ce dernier le met à son tour en rapport avec les Nouvelles Éditions Africaines implantées à Dakar et choisit lui-même les textes qui figureront dans l’ouvrage. Le quatrième recueil de Djibril Sall, Les Yeux nus, paraîtra donc à Dakar, en 1978.
Le deuxième intermède dans la carrière policière de Sall couvre la période 1982 à 1994, durant laquelle il sera détaché à la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (la C.E.D.E.A.O.) en qualité de Directeur du Département des Affaires Sociales et Culturelles, basé à Lagos, au Nigeria. Ce poste, non content de lui permettre de parfaire son anglais, lui permettra aussi d’effectuer de nombreuses missions dans toute l’Afrique de l’Ouest. Au retour de ce détachement qui dura douze ans, Sall obtiendra le grade de Commissaire Principal de Police et prendra sa retraite cinq années plus tard, en avril 1999. Ces cinq années sont pourtant difficiles à vivre puisqu’il est mis en «vacances forcées» dans son village de Hayré M’Bar, les autorités prétextant de ne pas avoir besoin de lui alors qu’il était pourtant à l’époque l’un des commissaires les plus gradés et les plus formés de Mauritanie. Il profitera néanmoins du jumelage de son village avec la commune de Saint Benoît du Sault dans l’Indre, en France, pour publier un nouveau recueil, Sillons d’espoir.
«Nul n’est prophète en son pays»
Quasiment ignoré dans son propre pays, l’écriture de Djibril commence à rayonner à l’étranger.
Aujourd’hui, à l’initiative de l’Université de Boston, l’ensemble de son œuvre (recueils déjà publiés et inédits) est sur le point d’être rééditée dans une co-édition américano-danoise, en français, anglais, danois et norvégien. Pourtant, en Mauritanie, aucun de ses textes ne figure dans un manuel scolaire, ni n’a encore été traduit en arabe ou en pulaar.
C’est en partie pour combler cette lacune, que Djibril Sall a décidé depuis deux ans d’écrire dans sa langue maternelle, le pulaar. «Je veux me détacher de certains préceptes inculqués par l’école coloniale, en même temps que je veux explorer les riches possibilités littéraires de ma langue.» avoue-t-il.
Mamoudou Lamine Kane
Noorinfo
Déclaration de l’IRA et des Organisations de Réfugiés Mauritaniens au Sénégal.
En novembre 1990, au soir du 31eme anniversaire de l’accession de notre pays à son indépendance, le régime du dictateur Sid’Ahmed Ould Taya va procéder à l’exécution de vingt-huit militaires négros-mauritaniens dans le camp militaire d’Inal situé au Nord du pays. Ceci en vue de commémorer cet anniversaire. A cet égard, nous vous livrons un témoignage poignant de Mr Mahamadou Sy un rescapé dudit camp.
« …le 27 novembre dans l’après-midi, des prisonniers sont choisis dans les hangars et sont marqués d’une croix avec un feutre bleu. Plus tard, ils se voient attribuer des numéros allant de un à vingt-huit par le capitaine ould Demba… vers minuit, le groupe des prisonniers numérotés est placé devant le grand hangar… Khattra et d’autres mettent en place des cordes… Diallo Abdoulaye Demba…porte le numéro un. Pendant que Khattra lui passe le nœud de la corde autour du cou, il tourne la tête vers le hangar comme pour solliciter de l’aide, la dernière image de la vie qu’il emportera avec lui sera ces sombres formes allongées ou assises étroitement ficelées et dont les yeux exorbités ne peuvent se détacher de lui. Avec l’aide d’un autre soldat, Khattra le hisse jusqu’à ce que ses pieds ne touchent plus terre…D’autres prisonniers suivent…Quand arrive le tour de Diallo Oumar Demba et son frère Diallo Ibrahima…chacun ne voulant pas assister à la mort de l’autre, demande à passer le premier…un tirage au sort organisé par les bourreaux les départage, Ibrahima Demba, l’ainé, passe le premier…Samba Coulibaly, un soldat de mon escadron, qui porte le numéro vingt-huit ferme cette marche .» (Extrait du livre L’enfer d’Inal, « Mauritanie : l’horreur des camps.»)
Cet événement tragique s’inscrit dans le cadre des violations massives des droits de l’homme de caractère raciste des années 1989-91 qui se sont traduites par des exécutions sommaires, des viols, des enlèvements d’enfants maintenus en captivité, des vagues de déportations au Sénégal et au Mali, des expropriations à grandes échelles, des radiations de la fonction publiques… dont furent victimes les noirs mauritaniens. D’autres événements aussi dramatiques ont très souvent marqué la Mauritanie depuis son indépendance. A cet égard, des militants des droits de l’homme n’ont cesse de réclamer, à juste titre, la mise en place d’un Etat de droit et la fin de l’impunité.
En ce jour du vingt-huit novembre, de nombreuses organisations mauritaniennes et étrangères vont outrepasser l’interdiction de manifester émanant des autorités mauritaniennes qui ne sauraient les empêcher, par devoir de mémoire, de rendre hommage aux pendus d’Inal et à la même occasion à toutes les victimes des violations des droits humains en Mauritanie.
C’est la raison de notre rassemblement d’aujourd’hui. Pour s’inscrire dans l’actualité, nous tenons à rappeler que le régime politique très instable du général Mohamed Ould Abdel Aziz n’a fait qu’accentuer la crise multiforme que vivent les mauritaniens tant à l’extérieur qu’à l’intérieur et ceci à tous les points de vue (politique, social, économique, identitaire).
Aussi, faut-il tout d’abord souligner, que l’existence des réfugiés mauritaniens, encore présents au Sénégal, victimes des déportations, représente l’une des faces les plus hideuses du comportement raciste et brutal des différents pouvoirs qui se sont succédés en Mauritanie et ceci envers la communauté negro-mauritanienne. Les réfugiés mauritaniens continuent de payer les conséquences dramatiques de ce comportement. Leur exil est loin d’être facile, il est vécu avec douleur, avec son lot de manques tant au plan sanitaire, alimentaire, du logement qu’au plan administratif, même s’il faut reconnaitre que sur ce dernier point les autorités sénégalaises ont fait tardivement des efforts qui doivent être encouragés notamment par l’octroi aux réfugiés mauritaniens enfin d’un statut qui doit être reconnu à tous ceux qui sont encore laissés en rade. Si la situation tragique du réfugié est insupportable, elle l’est encore plus pour les femmes. Les femmes refugiées, cette moitié oubliée, sont devenues brusquement des chefs de ménage sans préparation et sans appui conséquent, elles vivent douloureusement ce calvaire. Il nous est aussi, insupportable de voir nos enfants grandir, sans connaitre leur patrie, s’accrochant à la réalité brutale de l’exil.
Les refugiés mauritaniens que nous sommes ont tout perdu, tout subi, des brimades aux tortures. Nous avons subi dans la chair, ce qu’il faut appeler sans ambages, le génocide de 1989 et l’avons payé au prix de notre sang et de celui de nos proches. Qu’est-ce qui n’a pas été fait, pour banaliser, ignorer et étouffer notre présence dans notre pays d’asile, comme si nous étions des parias. Nous n’avons nullement été associés aux projets que l’on nous destine et nos aspirations légitimes n’ont été que très rarement prises en compte. Au contraire, on nous a le plus souvent culpabilisés, humiliés. Nous estimons que les parties prenantes dans le dossier des réfugiés mauritaniens ont participé au sale boulot consistant à mettre en péril notre avenir. D’ailleurs, face a cette situation assombrie par les échecs permanents de ces décideurs, en ultime recours, nous réfugiés mauritaniens avons déclenché depuis le 19 juin une grève de faim, en face du HCR. Les réactions des autorités sénégalaises et du Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR) face à ce drame frisent l’indignation et la révolte.
Par ailleurs, les refugiés mauritaniens, après les différents programmes mis en place par le HCR et son partenaire l’ Office Africain pour le développement communautaire (OFADEC), reconnaissent qu’il est temps et grand temps de mettre fin à toutes ces entreprises, avant qu’il ne soit trop tard, l’unique solution, pour le moment, face à cette situation insupportable reste la réinstallation. Faut-il rappeler, le malheur qui a frappé le jeune Bassirou Ndongo décédé le 02 Novembre, après avoir été abandonné, oublié sans aucune assistance suite à son accident le 24 Octobre 2012. Ni le HCR ni l’OFADEC n’ont su réagir à temps bien que prévenus. Face à un tel drame, nous interpellons le représentant résident du système de nations unies sur la question de savoir : Est-ce que les réfugiés en général ou les réfugiés mauritaniens en particulier ont-ils accès aux avantages liés aux Objectifs du Millénaire ? De même, nous demandons au ministre sénégalais de la santé et de l’action sociale : Est-ce que les dispositions contenues dans les programmes nationaux de Santé Universelle et de Santé pour Tous sont ouverts aux réfugiés ?
Aujourd’hui, beaucoup de refugiés mauritaniens vivent au Sénégal après 23 ans d’exil, un statut d’apatride. Cette situation, dans certains cas comme celui de Bakel, est dû aux erreurs flagrantes de l’administration sénégalaise durant les enregistrements des réfugiés mauritaniens de cette localité, à leur arrivée en décembre 1989. Autrement dit, ils ont été laissés en rade lors de ces opérations d’enregistrement. Cette situation qui, en Gambie, a fait l’objet de communications au niveau de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, prouve, une fois de plus, la gravité de ce dossier. Si rien n’est fait, pour répondre à cette requête légitime et légale, le gouvernement Sénégalais risque d’entériner un génocide et serait alors tenu comme complice.
Aussi, les refugiés mauritaniens interpellent la communauté internationale, pour veiller au respect scrupuleux des conventions relatives aux refugiés.
En ce qui concerne la situation à l’intérieur de notre pays, la Mauritanie, nous observons que l’arrivée au pouvoir du général Mohamed ould Abdel Aziz , à la suite du coup d’état d’aout 2008, a accentué et généralisé la crise que vit notre pays. Le pouvoir actuel a déjà fait beaucoup de victimes dans les rangs des militants des droits de l’homme, cette répression a causé la mort de Lamine Mangane un jeune manifestant contre le processus d’enrôlement. Un douloureux événement survenu à Maghama, au sud du pays. Il a été tué à bout portant par un gendarme qui jusqu’à nos jours n’a pas été inquiété pour son geste qui reste impuni.
Les militants abolitionnistes d’Ira-Mauritanie et son président Biram Dah Abeid ont été emprisonnés plusieurs mois malgré le rejet de l’accusation par les juges et l’état de santé très précaire du camarade président. Il a fallu une forte pression nationale et internationale pour libérer nos camarades de leur incarcération illégale.
Malgré les lois déjà votées, l’esclavage n’a jamais été plus d’actualité dans notre pays et l’impunité pour les esclavagistes est favorisée par le pouvoir en place. Nous vivons ces dernières semaines la douloureuse nouvelle de l’assassinat d’une femme esclave victime de la jalousie de sa maitresse qui ne supportait plus que son mari use sexuellement de l’esclave, elle a été tuée puis enterrée. Et la tribu de l’esclavagiste tente de masquer son meurtre par un suicide et malgré la gravité des faits, les autorités trainent dans leur enquête devant éclairer la situation et sanctionner l’assassin de Saada que tout le monde présume être sa maitresse.
Les rapatriés qui son revenus dans leurs pays vivent toujours dans des camps comme des refugiés et ne peuvent occuper ni leurs anciens villages ni récupérer leurs terres agricoles, livrés a eux-mêmes ces refugiés se débrouillent tant bien que mal pour recouvrir leurs droits. Le processus d’indemnisation des anciens fonctionnaires victimes des purges de 1989 est très décrié et comporte beaucoup d’irrégularités visant a éliminer le maximum d’ayans-droit et à cela est venu s’ajouter le processus d’enrôlement discriminatoire visant à faire perdre, à beaucoup de rapatriés du Sénégal, leurs nationalités.
Aussi, nous ne pouvons considérer une unité nationale et une fête nationale d’indépendance dans un pays dont une grande partie de la population est reléguée au second rang et aux oubliettes, victime de toutes les affres d’un pouvoir monochromatique et mono-ethnique.
Au regard de tout ce qui précède, nous réclamons :
Une justice pour toutes les victimes des événements dits de 1989 susmentionnés et qui ne peut avoir lieu sans l’abrogation de la loi d’amnistie votée en 1993, par une assemblée nationale assujettie à un pouvoir dictatorial, qui aujourd’hui sous le régime du général Mohamed Ould Abdel Aziz cherche à soustraire à la justice du pays les responsables de ce qu’il convient d’appeler ici un génocide.
L’application de la loi incriminant l’esclavage et la collaboration des autorités civiles et militaires a cette décision.
Une résolution définitive de la situation des refugiés mauritaniens vivant au Sénégal qui ne peut passer que par une réinstallation en attendant que le pays se stabilise. Ainsi nous demandons au HCR de respecter ses obligations envers les refugiés pour qu’ils vivent dignement.
Une plus grande volonté politique du Sénégal devant se traduire par une demande explicite aux pays tiers et susceptible de favoriser notre réinstallation.
Une prise en compte effective par les autorités mauritaniennes des 15000 refugiés mauritaniens au Mali déjà recensés par le HCR.
La liste des 28 pendus d’Inal:
1 – l’Adjudant-chef Abdoulaye DJIGO
2 – 1ére classe Samba Baba NDIAYE
3 – 1ére classe Samba Oumar NDIAYE
4 – 1ére classe Demba Oumar SY
5 – 1ere classe Mamadou Hamadi SY
6 – Sergent Mbodj Abdel Kader SY
7 – Caporal Djibril Samba BAH
8 -Sergent Adama Yero LY
9 – 1ére classe Amadou Saïdou THIAM
10 – 1ére classe Mamadou Oumar SY
11 – 1ére classe Abdarahmane DIALLO
12 – 1ére classe Mamadou Ousmane LY
13 – Caporal Mamadou Demba SY
14 – Soldat Alassane Yéro SARR
15 – Caporal Amadou Mamadou BAH
16 – Sergent-chef Lam Toro CAMARA
17 – Sergent chef Souleymane Moussa BAH
18 – 2éme classe Oumar Kalidou BAH
19 – Sergent Amadou Mamadou THIAM
20 – Sergent Samba SALL
21 – 2éme classe Abdoulaye Boye DIALLO
22 – 1ére classe Cheikh Tidiane DIA
23 – 2éme classe Samba Bocar SOUMARE
24 – 1ére classe Moussa NGAÏDE
25 – 1ére classe Siradio LÔ
26 – 1ére classe Ibrahima DIALLO
27 – 2éme classe Abdoulaye Demba DIALLO
28 – 2éme classe Samba Demba Coulibaly
Faite à Dakar le 28 Novembre 2012
Pélérinage d’Inal sur radio pulaarspeaking
A l’occasion de la deuxième édition du pélérinage d’Inal commémorant la pendaison des détenus Négro-mauritaniens dans le camp d’Inal le 28 novembre 1990 et les victimes des années de braise du régime de Ould Taya, la radio pulaar speaking diffuse une émission sepecilale ce mercredi 28 Novembre 2012 à partir de 19h ( heure de New york).
Vous pouvez suivre cette importante emission au lien suivant: www.pulaarspeaking.org