Monthly Archives: February 2019
Présidentielle 2019 : Macky réélu au premier tour
Le président de la Commission nationale de recensement des votes, juge Demba Kandji, a donné, ce jeudi, les résultats de la présidentielle du 24 février 2019. Il a annoncé la réélection au premier tour du Président sortant, Macky Sall, avec 58,27%.
Il est suivi par Idrissa Seck, qui a obtenu 20,50%. Ousmane Sonko est troisième avec 15,67%. Issa Sall et Madické Niang ferment la marche avec, respectivement, 4,07% et 1,48%.
Sur plus de six millions d’inscrits, 4 millions 383 mille 879 suffrages se sont valablement exprimés, soit un taux de participation de 66,23%.
Avant de donner les résultats, le juge Demba Kandji a tenu à signaler que ces résultats prennent en compte l’ensemble des bureaux de vote, sauf ceux trois de Port-Gentil au Gabon et quelques-uns d’Italie.
Il a aussi signalé que lors de la réunion précédant la proclamation des résultats provisoires, Idrissa Seck n’était pas représenté. Sa plénipotentiaire, qui prenait part jusque-là aux travaux de la commission, ne s’est pas présentée ce jeudi, selon le magistrat.
Demba Kandji a également souligné les représentants de Madické Niang, d’Ousmane Sonko et d’Issa Sall ont fait des observations sur le déroulement du vote. Observations qui, renseigne Demba Kandji, seront versées dans le rapport qui sera transmis au Conseil constitutionnel, habilité à donner les résultats définitifs.
Les candidats ont 72 heures pour déposer un recours.
seneweb
Mame Less Camara : “Les choses sont claires aux yeux de ceux qui veulent proclamer les résultats, mais…”
Journaliste et analyste politique, Mame Less Camara se dit convaincu que, sur le plan comptable, les chiffres de la présidentielle sont déjà disponibles, mais puisqu’il y a une sorte d’attente de second tour, le pouvoir est en train de voir comment gérer la réaction qui fera suite à la publication des résultats. Dans cette interview accordée à Seneweb, il revient aussi sur les tendances du vote, la percée d’Ousmane Sonko, la sortie du Premier ministre, notamment.
De 2000 à 2012, le Sénégal était habitué à avoir les résultats de la présidentielle le soir du scrutin ou le lendemain. Pour 2019, l’attente a duré plus longtemps. À quoi devrait-on s’attendre ?
C’est une très mauvaise situation, l’attente pourrit toutes les situations. Ceux qui espèrent que leur candidat passera au premier tour, vont s’impatienter ; il s’agit des partisans de Président sortant, Macky Sall. Cette impatience-là n’est pas bonne. Deuxièmement, ceux qui espèrent un second tour, sont en train de penser que ce temps ne sert à rien d’autre qu’à trouver les moyens qui servent à légitimer ce qu’ils considèrent déjà comme une forfaiture. Dans ce processus-là, il faut faire le plus vite, de la manière la plus fiable bien sûr, mais ne pas trop s’arrêter dans des procédures qui semblent peu compréhensibles, puisqu’on a vu des résultats de deuxième tour proclamé quelque deux à trois heures après le scrutin. Aujourd’hui, les gens se demandent ce qui se passe ; et le doute et les questionnements sont gros de danger.
Que se passe-t-il, selon vous ?
Il y a une sorte de baisse de compétence du point de vue de la fiabilité des opérations de la part des différentes instances, peut-être de la part des différentes personnalités impliquées dans le processus de traitement des élections. Manifestement, on est en perte de compétence, on est moins bon qu’en 2000, 2007 et 2012. Qu’est-ce qui s’est passé, est-ce qu’à force de reconduire les mêmes, ils sont fatigués. Est-ce que le pouvoir sent qu’il y a au niveau des grands centres urbains une sorte d’attente de second tour, et que cette attente, si elle ne se réalise pas, pourrait causer, peut-être, des troubles ? Manifestement, on est en train de prendre des dispositions pour que si ça éclate, qu’il y ait un dispositif capable de l’absorber et de réprimer d’éventuelles émeutes.
“Sonko est le candidat de l’alternative, alors que Idrissa Seck est le candidat de l’alternance. La vraie rupture, c’est ce que Sonko a dans son projet. Idrissa est le continuateur du même système que Sonko n’a cessé de fustiger. Mais le continuateur du système, peut-être selon d’autres modalités.”
Cette crainte explique-t-elle l’important déploiement de forces de l’ordre à Dakar ?
Ils sont quasiment en état d’alerte, on ne sait pas comment ça peut se produire. D’autant plus qu’il est manifeste qu’aucun candidat ne contrôle ceux qui ont voté pour lui. Au plan comptable, j’ai l’impression que les choses sont claires aux yeux de ceux qui veulent proclamer les résultats, mais c’est la manière de gérer les réactions qui suivra la proclamation des résultats qui me semble jeter dans la perplexité les autorités administratives. On n’a pas pu créer des leaders politiques d’envergure. Aucun des cinq candidats n’est un leader auquel on s’attache par affection, par conviction. Il y a simplement des courants qui se sont distribués en fonction des parentés qu’on a avec celui-ci ou celui-là. C’est ce noyau-là qui reste. Ce sont des noyaux parentaux, ce sont de vieux militants devenus quasi inséparable. Mais l’adhésion de la grande masse à tel ou tel autre parti ou leader est une adhésion très molle.
Ils ont trouvé des alliés médiatisés qui ont proclamé leur changement de conviction, de candidat. Cela peut avoir un effet un peu émotionnel sur quelques électeurs, mais véritablement, la transhumance n’est pas le fait de leaders politiques, c’est le fait de publics très versatiles qui peuvent changer de camp à la moindre contrariété. Et ils sont plus nombreux, puisque les partis ont peu de militants, ils ont des compagnons temporaires qui s’activent le temps d’une campagne, parfois motivés par l’argent ou tout autre échange, mais il est difficile de trouver dans les partis des gens encrés dans des convictions politiques, idéologiques. D’ailleurs, il n’y a plus d’idéologie pour renforcer la conviction de ceux qui sont derrière tel ou tel autre leader.
Parlons des tendances. Idrissa Seck avait le soutien de presque l’ensemble des recalés, pourtant il semble au coude-à-coude avec Ousmane Sonko, qui était quasi “seul”. Comment expliquez-vous les scores annoncés de chacun des deux ?
Sonko est le candidat de l’alternative, alors que Idrissa Seck est le candidat de l’alternance. La vraie rupture, c’est ce que Sonko a dans son projet. Idrissa est le continuateur du même système que Sonko n’a cessé de fustiger. Mais le continuateur du système, peut-être selon d’autres modalités. Et très certainement, de la même manière qu’il a hérité des recalés du parrainage, il va hériter de tous ceux qui veulent que les choses changent en restant comme elles étaient. Sonko pourrait mettre en mal tout ce dans quoi le système politique actuel s’arrime depuis la colonisation. Si Sonko reste fidèle à ses annonces depuis un an maintenant, il va chambouler, c’est une vrai révolution, un nouveau parcours, avec de nouveaux hommes, de nouvelles méthodes, de nouvelles institutions peut-être et un autre type de relations internationales, notamment avec les anciens pays colonisateurs, un autre type de rapport avec les richesses nationales qu’un système mondialisé a déjà confisqué avant même qu’on ne les découvrent. Il y a déjà la mainmise du Système sur l’or, le pétrole…
Les Chinois parlent de la route de la Soie, mais les routes de l’Empire sont tout au moins aussi anciennes et plus solides. Les Chinois veulent revitaliser d’autres circuits, mais le circuit actuel est celui de l’ancien empire colonial. De Senghor à Macky Sall, c’est le même système que Ousmane Sonko veut détruire, mettre en cause, et à la place, il dit : ‘arrêter les changements qui ne sont que des effets de surface et faisons l’alternative’. Il y a une autre voie. Comme dit la chanson de Awadi : ‘…un autre monde est possible…’. Mais ce monde-là, il faut le construire en détruisant l’ancien monde qui est celui du Sénégal depuis l’indépendance jusqu’ici. et peut-être même du monde depuis le 20ème siècle.
Au cas où il y a un second tour, comment le symbole de “l’alternative” peut-il s’allier avec celui qui incarne de “l’alternance” ?
C’est du “tout sauf…” ! Au Sénégal, pendant les présidentielles de 2000 et de 2012, on ne parlait plus de programme ou projet. L’urgent est de se débarrasser de celui qui est au pouvoir. Et cela a marché à deux reprises, si bien que le pouvoir sortant a tiré la leçon qui consiste à dire qu’il faut survivre, et survivre, ce n’est plus parler aux populations de programmes, de réalisations, c’est : “cramponnons-nous et restons au pouvoir”, alors que les opposants taisent leurs divergences pour faire partir celui qui est au pouvoir. La situation la plus illustrative de cette perspective, c’est ce qui s’est passé en 2012. Quatorze candidats au premier tour et tous les douze autres éliminés ont soutenu Macky Sall. Wade est sorti de l’élection avec le même score avec lequel il était entré. En 2000, c’était le même score avec Diouf, à quelques décimaux près. Macky a raison de le souligner : le deuxième tour ne pardonne pas le pouvoir sortant.
“Le Premier ministre se tire une balle dans le pied : si son candidat est proclamé vainqueur, il donnera à l’opposition, le prétexte de dire :’on le savait, le Premier ministre l’avait déjà proclamé’. C’est donc une maladresse.”
Les régions les plus reculées de l’intérieur du pays sont étiquetées pro-pouvoir. Pourquoi ?
Le débat politique en Afrique n’existe que dans la capitale et quelques grandes villes. Les médias sont agglutinés littéralement dans ces villes et très souvent, leur portée est assez limitée autour de ces villes. C’est là qu’on voit assez souvent une remise en cause des pouvoirs ou la vie est plus dure. C’est ce qui fait que l’adversité la plus rude est rencontrée par les pouvoirs au sein des centres urbains. Alors que dans les centres ruraux, une certaine tradition s’avère plus tolérante vis-à-vis des écarts du pouvoir que dans les centres urbains. Il faut dire également que plus on s’éloigne de la capitale et des grandes villes, plus le pouvoir d’influence politique des chefferies religieuses restent intact. Dans les villes se constitue une opinion, dans l’arrière-pays, une certaine tradition reste vivace.
Les candidats Idrissa Seck et Ousmane Sonko avancent que le deuxième tour est inévitable. Le Premier ministre Mohammad Dionne, lui, a déclaré son candidat Macky Sall vainqueur au premier tour avec 57%. Qui croire ?
Concernant le Premier ministre, je crois qu’il ne faut pas en rajouter. Tout le monde, y compris dans son propre parti, a réprouvé cette façon cavalière de venir dans l’audiovisuel public pour, contre tous les usages et contre toute forme d’élégance, abuser de sa position gouvernementale, pour décider du résultat d’un processus électoral. Comme on dit, il se tire une balle dans le pied, parce que si son candidat est proclamé vainqueur, lui donnera à l’opposition, le prétexte de dire : on le savait, le Premier ministre l’avait déjà proclamé. C’est donc une maladresse. Concernant les deux autres, il me semble qu’il est de bonne guerre de taire les adversités. Ils vont se battre de manière souterraine, mais ce qu’ils mettent en avant, c’est la mobilisation pour faire perdre Macky Sall comme c’était le cas avec Diouf et Wade.
seneweb
« Raciste », « escroc », « tricheur » : l’ex-avocat de Trump, Michael Cohen, le charge violemment
L’ex-avocat du président américain a été entendu ce mercredi par une commission parlementaire.
L’artillerie lourde. Après l’avoir défendu bec et ongles pendant des années, l’ex-avocat de Donald Trump, Michael Cohen, l’a lourdement chargé ce mercredi devant la commission d’enquête de la Chambre des représentants, à Washington D.C.
Lisant lors d’une audition diffusée en direct à la télévision un texte de 20 pages, préparé à l’avance et publié par la presse américaine, l’ancien conseil du locataire de la Maison Blanche a dressé un portrait ravageur de l’homme d’affaires devenu 45e président des Etats-Unis, pour qui il a commencé à travailler en 2007.
Un portrait ravageur de Trump, raciste et menteur
Michael Cohen a déclaré que Donald Trump était « bien pire » que ce qu’il a donné à voir notamment sur la question du racisme. « Une fois, il m’a demandé si je pouvais nommer un pays dirigé par une personne noire qui ne soit pas un pays de merde. À l’époque Barack Obama était président des Etats-Unis » a-t-il expliqué.
« Un jour où nous traversions un quartier difficile de Chicago, il a dit que seuls les Noirs pouvaient vivre ainsi. Et il m’a dit que les Noirs ne voteraient jamais pour lui parce qu’ils étaient trop stupides. Et pourtant j’ai continué à travailler pour lui », a-t-il martelé.
Michael Cohen a témoigné de sa honte pour sa loyauté passée envers le président américain : « J’ai honte parce que je sais qui est Donald Trump. C’est un raciste. C’est un escroc. C’est un tricheur ».
Le chèque qui fâche
Sur un tout autre plan, l’avocat a assuré disposer d’« une copie d’un chèque du compte personnel de Donald Trump, produit devant la commission, que ce dernier a signé, après être devenu président, pour me rembourser des paiements secrets que j’ai faits pour cacher sa relation avec une star de films porno et empêcher que cela nuise à sa campagne ».
Un versement de Trump, qui correspondrait au remboursement partiel des 280 000 dollars qu’il a fait verser lors de la campagne à deux femmes, Stormy Daniels et Karen McDougal, pour acheter leur silence sur leurs liaisons supposées avec le milliardaire. Un vrai pavé dans la mare.
Ce point est potentiellement très gênant pour le président puisqu’il suggère qu’il pourrait avoir été associé à des actes répréhensibles – qui ont valu une condamnation à Michael Cohen– une fois à la Maison Blanche.
Des mensonges à la pelle sur la Russie
« Lors de conversations que nous avons eues durant la campagne, alors même que je négociais en Russie pour lui, il me regardait dans les yeux et me disait qu’il n’y avait aucun projet en Russie puis sortait et mentait au peuple américain en répétant la même chose », s’est-il justifié.
Cohen a en effet longuement exposé sa vérité sur les affaires privées du président américain et ses liens avec la Russie, le traitant notamment « d’escroc » et de « tricheur ». Il a également assuré que Donald Trump connaissait à l’avance les révélations de WikiLeaks sur sa rivale Hillary Clinton et expliqué comment il avait eu instruction de mentir sur un projet immobilier en Russie en pleine campagne présidentielle.
« On s’est demandé si j’avais connaissance de preuves directes démontrant que M. Trump, ou son équipe de campagne, avait comploté avec la Russie. Je n’en ai pas. Je veux être clair. Mais j’ai des soupçons », a-t-il également déclaré.
« Autocrate en devenir »
Il a également expliqué comment il avait reçu pour instruction de son ex-patron de mentir sur un projet immobilier en Russie en pleine campagne présidentielle. « Lors de conversations que nous avons eues durant la campagne, alors même que je négociais en Russie pour lui, il me regardait dans les yeux et me disait qu’il n’y avait aucun projet en Russie puis sortait et mentait aux Américains en répétant la même chose ».
« À sa façon, il me disait de mentir », a-t-il conclu. Travailler pour Donald Trump, c’est être prêt à mentir « tous les jours » pour le protéger, a insisté Michael Cohen, dressant le portrait d’un « autocrate » en devenir, selon lui.
Le camp Trump sur la défensive
Donald Trump, actuellement au Vietnam pour un deuxième sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, a tenté d’éteindre le feu à distance, en passant par son moyen de communication préféré, Twitter. « Michael Cohen a été l’un parmi de nombreux avocats qui m’ont représenté (malheureusement) », a-t-il écrit. « Il ment afin de réduire sa peine de prison », a-t-il accusé.
Les partisans du président, eux, sont nerveux. Le parlementaire de Floride Matt Gaetz a ainsi adressé à Michael Cohen un message qui a fait grand bruit sur Twitter. « Votre femme et votre beau-père sont-ils au courant pour vos maîtresses ? Ce soir serait peut-être le bon moment pour cette conversation », a-t-il écrit, avant de nier devant la presse avoir voulu intimider le témoin.
Par ailleurs, les parlementaires républicains n’ont pas épargné Michael Cohen pendant l’audition, utilisant tous les mêmes éléments de langage soulignant ces mensonges passés et son statut de « criminel » dû à sa condamnation pour fraude fiscale, parjure et infraction au code électoral, pour laquelle il avait plaidé coupable.
Nouvelle audition jeudi
Mais cette audition n’en restera pas là. Ce jeudi, l’ex-avocat de Trump témoignera, à huis clos cette fois, devant la commission du Renseignement de la Chambre pour parler du sujet le plus sensible : les contacts entre l’équipe Trump et des Russes durant la campagne de 2016 et une éventuelle collusion pour battre Hillary Clinton que le président républicain et Moscou démentent fermement.
Il ne devrait en revanche pas s’exprimer sur l’enquête du procureur spécial Robert Mueller à laquelle il a collaboré, qui porte sur ces soupçons de collusion et d’entrave à la justice du président américain, et semble toucher à sa fin. Ces auditions avaient été reportées plusieurs fois, Michael Cohen ayant affirmé avoir reçu des « menaces » contre sa famille.
À 52 ans, l’ancien gardien des secrets de la famille Trump est devenu un témoin essentiel après avoir accepté de coopérer avec la justice. Il a été condamné en décembre à trois ans de prison pour fraude fiscale, parjure et infraction au code électoral. Il sera incarcéré le 6 mai.
A.S, R.T. avec AFP
le parisien
Deux fonctionnaires internationaux lancent un appel à la jeunesse : Construisons ensemble la Mauritanie de demain
Mohamed El Mounir et Abderrahman El Yessa ont été impliqués, dans les années 1990, dans les luttes pour la démocratie et les droits de l’Homme, en Mauritanie. Après avoir enseigné quelques années à l’université de Nouakchott, et travailler, en parallèle, pour le bureau des Nations unies en Mauritanie, ils ont continué une carrière de fonctionnaires internationaux à l’étranger. Abderrahman El Yessa est actuellement basé en Autriche et Mohamed El Mounir en Tunisie. A travers cet appel, ils s’adressent à la jeunesse mauritanienne pour qu’elle assume ses responsabilités et contribue au renouvellement de l’offre et de la classe politique, à travers l’avènement d’un projet susceptible de répondre, au-delà des oppositions de personnes, aux défis qui conditionnent l’avenir du pays et de remettre le débat sur le terrain des idées. Cet appel esquisse, également, des pistes de réformes, autour des priorités considérées comme cruciales. Il devrait être suivi d’un programme détaillé, articulé autour de propositions concrètes, autour des priorités identifiées. Cette démarche se veut à la fois ouverte et désintéressée, tout en restant, en filigrane, ancrée dans l’opposition au pouvoir actuel.
Le débat public en Mauritanie reste prisonnier de termes de référence largement décalés par rapport aux enjeux majeurs qui déterminent l’avenir du pays. Longtemps figée par un face-à-face stérile entre l’opposition et le pouvoir en place, la scène et l’offre politique ne semblent plus répondre aux préoccupations essentielles des citoyens. Dès lors, leur renouvellement fait figure de priorité, en vue de remobiliser les populations et particulièrement la jeunesse, autour d’une vision porteuse d’espoir. À cet effet, le présent appel se propose de fédérer les bonnes volontés au-delà des clivages artificiels et des questions personnelles et/ou enjeux symboliques ayant jusque-là monopolisé l’attention des acteurs, autour d’un projet de nature à répondre aux attentes pressantes des Mauritaniens et traiter les défis cruciaux qui en déterminent l’avenir.
Cette démarche vise, en même temps, à réhabiliter l’engagement et à rompre l’alternative funeste de la compromission ou de la démission des élites. Elle se veut à la fois désintéressée et trans-partisane, ses initiateurs ne cherchent pas à être associés à la mise en œuvre des changements préconisés, l’appropriation de l’idée par la jeunesse étant leur ultime finalité. Le but en est de contribuer ainsi à un changement radical associant les jeunes générations à la formulation d’un nouveau contrat social et d’un projet de société qui reflète les attentes et priorités du peuple mauritanien, dans sa diversité.
La démarche est ouverte à toutes les bonnes volontés, indépendamment de leur positionnement politique ou social. Elle se veut également constructive, dans la mesure où elle se projette dans l’avenir (avec ses espoirs et ses promesses) plutôt qu’elle ne juge le passé (avec ses acquis et ses erreurs). A contre-courant des tentations populistes, elle repose sur l’idée que le développement et le progrès sont toujours la somme cumulée des efforts investis par les gouvernements successifs et non le fait d’un leader charismatique. Toutefois, et tout en reconnaissant l’apport de tous ceux qui ont contribué à l’édification nationale, elle s’inscrit dans une rupture claire avec les pratiques héritées du passé (telles que la corruption, le clientélisme, le dosage tribal, ethnique et régional, etc.), qui hypothèquent toute perspective d’évolution. De manière plus spécifique, la vocation de cette initiative est d’appeler au renouvellement de l’offre politique, en ramenant le débat sur le terrain des idées. A cet effet, elle s’articule autour d’un diagnostic de la situation nationale, identifiant les défis auxquels le pays est confronté, et d’une vision pour le changement, suggérant des pistes de propositions à même d’y répondre.
Un pays en crise, une société en mutation
Six décennies après son indépendance, la Mauritanie a manqué, dans une large mesure, le rendez-vous du développement. Certes, le pays vient de loin et a pu, en dépit des défis et obstacles conjugués (désertification et changement accéléré de l’écosystème, conflit du Sahara, instabilité politique chronique, etc.), combler une partie de son retard et jeter les bases de la construction nationale, mais celle-ci demeure une esquisse largement inachevée. De plus, l’absence de vision à long terme et de stratégie focalisée sur les priorités essentielles, le choix d’approches répondant essentiellement aux intérêts immédiats des clientèles et des groupes de pression et le choix d’investissements hasardeux ont plongé le pays dans la stagnation et l’ont empêché de saisir les opportunités de développement et d’en recueillir les dividendes. Par ailleurs, le recours généralisé à la corruption comme mode de gouvernance et de régulation de la vie politique, le règne des pratiques autoritaires et la personnalisation du pouvoir, ainsi que la faiblesse des institutions et de l’État de droit, conjugués à l’opportunisme des élites, ont considérablement affaibli la crédibilité de l’État et de la classe politique.
Cette situation s’est traduite par un recul relatif du pays, comparé à ses voisins immédiats, aussi bien au Nord qu’au Sud du Sahara. Ce dernier continue de traîner au bas des statistiques et des indices de développement, comme le montrent les indicateurs de secteurs vitaux, tels que l’éducation et la santé. De même, la compétitivité du pays reste très faible et sa dépendance extérieure inversement forte. Ne produisant que très peu de ses besoins, aussi bien alimentaires qu’industriels, la Mauritanie (sur)vit ainsi grâce à une économie de rente fondée sur l’exportation des matières premières brutes, à faible valeur ajoutée et sans grand impact sur l’emploi.
Par ailleurs, le pays est secoué par des dynamiques sociales porteuses de risques, qui en hypothèquent la stabilité et l’avenir, parmi lesquelles on peut notamment citer :
- La crise du modèle traditionnel de gouvernance, hérité de la période coloniale et post-indépendance, fondé sur la redistribution clientéliste des prébendes, qui atteint aujourd’hui ses limites. Compte tenu de l’urbanisation rapide, qui s’accompagne d’une explosion des attentes et de l’élargissement progressif de la prise de conscience politique, le recours aux modes traditionnels de régulation politique s’avère de moins en moins efficace, eu égard à la perte d’influence des notables et à la montée concomitante de la demande de citoyenneté;
- Le développement rapide de la prise de conscience, notamment à la faveur de la pénétration récente des médias sociaux et des nouvelles technologies de l’information et de la communication, contribuant à l’expression forte des attentes, auxquelles l’État sera de plus en plus appelé à répondre dans les années à venir ;
- L’affaiblissement de la cohésion sociale sous l’effet conjugué des facteurs suivants :
- L’abandon ou la disparition progressive des mécanismes de solidarité traditionnels sans qu’ils soient suppléés par des mécanismes alternatifs, avec l’existence d’importantes couches d’exclus et de laissés-pour compte, qui ont d’autant moins à perdre qu’ils ont conscience de ne pas avoir d’avenir ;
- L’expression de plus en plus forte de tentations centrifuges qui contribuent à fissurer la cohésion sociale, à travers la multiplication des revendications communautaires, au risque de fragiliser davantage le processus de construction nationale et de détourner le pays des priorités de développement ;
- La tentation de l’émigration, notamment des jeunes diplômés, compte tenu de l’absence de perspectives dans le pays, qui favorise un exode des cerveaux aux conséquences désastreuses pour le pays à long terme ;
- La tentation de l’extrémisme violent, comme réponse ‘nihiliste’ à la marginalisation sociale, à l’accumulation des injustices et à la perte de repères face à l’impact de la mondialisation. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes, victimes de l’exclusion et du chômage et déçus par la faiblesse des efforts investis en vue de la redistribution des richesses et de les impliquer dans la vie nationale. En dépit des efforts pour moderniser l’armée et sécuriser les frontières, ce phénomène constitue toujours une menace, en raison de l’étendue du pays et du faible contrôle exercé par l’État. S’y ajoute, également, un effet d’éviction sur le processus de développement, compte tenu de la priorité donnée à la sécurité au détriment d’autres priorités, notamment sociales.
Sous l’effet cumulatif des dynamiques précitées, le pays est confronté à cinq défis majeurs, dont la solution en commande l’avenir immédiat :
- Une profonde crise de gouvernance :
La crise de gouvernance est le corollaire de la profonde crise morale que connait pays, avec le délitement des valeurs sociales traditionnelles, supplantées par des sous-valeurs alternatives, fondées sur la quête effrénée de l’enrichissement à tout prix. Cette situation s’est ainsi traduite par une gestion patrimoniale de l’État, conduisant à la faillite de l’administration et des services publics, minés par une corruption systémique et la faiblesse, voire l’inexistence, des mécanismes de redevabilité. Quelques exemples parmi d’autres suffisent pour souligner l’acuité de la situation: le paiement systématique de dessous-de-table pour obtenir la moindre autorisation administrative, le paiement généralisé de commissions pour gagner des marchés publics ou en contrepartie de rabais sur les impôts ou les droits de douanes, l’édification rapide de fortunes impressionnantes grâce au trafic d’influence, la privatisation de pans entiers du domaine public et privé de l’État au profit des cercles proches du pouvoir, etc.
Cette situation s’est accentuée, durant la dernière décennie, avec la multiplication, en toute impunité, des opérations douteuses, ainsi que celle des marchés de gré à gré, au mépris des exigences et des normes applicables, contredisant de manière flagrante les slogans naguère portés par le régime actuel. L’État semble même avoir démissionné de sa vocation de régulation et de protection des citoyens et de leurs biens en laissant sévir des aventuriers de la finance, créant ainsi une situation inextricable, qui menace la paix sociale. Ces pratiques ont un effet désastreux sur le développement, compte tenu de leur impact sur les couches les plus pauvres et sur le secteur productif, qui ploie sous une pression fiscale de plus en plus lourde.
- La persistance de la précarité sociale et d’un niveau élevé de chômage :
L’économie mauritanienne reste confrontée au défi d’un chômage qui atteint des seuils intolérables. Le pays a ainsi le triste privilège d’avoir l’un des taux de chômage les plus élevés au monde. A défaut d’une politique d’emploi volontariste, les fruits de la croissance profitent en grande partie, aux secteurs non-productifs et ne se traduisent pas par la création d’emplois suffisants pour résorber le chômage massif, dont pâtissent en particulier les jeunes. L’économie nationale reste également confrontée au défi de la création d’une valeur ajoutée, notamment à travers la transformation des ressources naturelles. De même, l’investissement massif dans la formation (souvent au rabais) des générations successives, n’a pas été suivi d’une réflexion prospective en termes de capacités d’absorption par le marché et d’accompagnement en termes de génération d’emplois. Il en résulte une faible professionnalisation des cursus proposés et leur inadéquation flagrante par rapport aux besoins, les filières techniques étant largement négligées au profit des filières généralistes. Par ailleurs, diverses contraintes et barrières, notamment administratives et fiscales, empêchent le secteur privé d’opérer dans un environnement compétitif et d’apporter une contribution plus significative à l’économie et à l’emploi. Les conséquences sociales d’un niveau de chômage aussi élevé sont d’autant plus imprévisibles que les mécanismes de solidarité traditionnelle ne suffisent plus à en contenir les effets, avec le la paupérisation accrue des couches défavorisées, en dépit du supposé recul de la pauvreté, au niveau national.
- La faillite de l’éducation nationale :
Le secteur de l’éducation souffre de faiblesses structurelles, dont (i) le taux limité de rétention scolaire au niveau du primaire ; (ii) la qualité déficiente de l’enseignement, sacrifiée au profit d’une approche exclusivement quantitative. La mise en place de filières d’excellence, qui accueillent un petit nombre de privilégiés, ne saurait permettre de faire l’économie d’un effort général pour l’amélioration de la qualité du système éducatif à tous les niveaux. De même, l’école ne joue également plus son rôle de creuset de la nation, à travers les programmes de promotion de la citoyenneté et d’éducation civique. Par ailleurs, le caractère déséquilibré de l’offre de formation se traduit par une inadéquation flagrante entre la formation dispensée et les besoins de l’économie et du marché de l’emploi. En dépit de la progression spectaculaire du taux de scolarisation brut durant les dernières décennies et de la part importante du budget allouée au secteur, ce dernier souffre toujours d’un laisser–aller généralisé. Cette situation se traduit par des taux de réussite très bas, notamment au baccalauréat (généralement autour de 10%), condamnant la grande majorité des élèves en échec scolaire à devoir survivre grâce à de petits boulots précaires.
- L’exclusion et le désarroi de la jeunesse :
La population mauritanienne est extrêmement jeune, compte tenu de son dynamisme démographique. Pour plus de la moitié (57,1%), elle est âgée de moins de 20 ans. Pourtant, la jeunesse se sent victime d’une exclusion multiforme aggravée, entre autres, par les disparités sociales et de genre et les difficultés d’accès à l’emploi. Les jeunes sont ainsi confrontés à un chômage massif comme en témoigne le nombre record de candidatures, y compris de personnes surqualifiées, au moindre concours de recrutement ou employés dans des conditions précaires, avec des perspectives limitées de développement personnel et d’évolution professionnelle. De nombreuses analyses empiriques indiquent une jeunesse en perte de repères, écartelée entre une société largement conservatrice et l’appel d’une modernité débridée et qui pâtit d’un déficit de loisirs et d’opportunités d’épanouissement culturel et social. Par ailleurs, l’engagement des jeunes dans les affaires publiques demeure très faible, compte tenu de leur exclusion du processus décisionnel et de la définition des priorités de développement. L’absence de perspectives de participation et d’insertion sociale, conjuguée au déficit de confiance dans les institutions sous-tend le désarroi de la jeunesse, dont une frange non-négligeable est susceptible de céder aux sirènes de l’émigration, voire de basculer dans l’extrémisme violent. Ce malaise est nourri par l’absence d’une vision et d’une véritable politique nationale pour la jeunesse, permettant de répondre à ses attentes et de l’associer pleinement au processus de construction nationale.
- La fragilité de la cohésion nationale :
Compte tenu de différents facteurs, tels que la faiblesse de l’État et de sa capacité à répondre aux attentes des citoyens, l’accumulation d’injustices historiques et l’exclusion de larges franges de la population, le sentiment national demeure embryonnaire. Cette situation résulte aussi du mépris dans lequel les gouvernants ont longtemps tenu le citoyen, affaiblissant ainsi la fierté d’appartenir au pays. Elle est également liée à la perception persistante de discriminations sociales, ethniques et raciales, qui alimente des revendications de partage du pouvoir sur une base communautaire. Dans le même sens, l’existence de contentieux hérités de l’Histoire continue de miner le processus de construction nationale. Le legs de l’esclavage reste en particulier un défi crucial en termes de cohésion sociale, dans la mesure ou la persistance de pratiques et de survivances, plus ou moins couvertes par la société, constitue une menace réelle pour la stabilité du pays. Ce phénomène s’accompagne, par ailleurs, de l’exclusion d’une importante frange de la société, les Haratine, en l’absence de réponses concrètes aux attentes pressantes et de progrès tangibles pour l’amélioration de leurs conditions de vie, affaiblissant ainsi une construction nationale déjà fragile.
Ressusciter l’espoir
La Mauritanie recèle nombre d’opportunités susceptibles, si elles sont exploitées à bon escient, d’être autant d’atouts permettant d’en accélérer le développement. Parmi ces facteurs, on peut citer, entre autres, le dynamisme démographique, la jeunesse de la population, un vaste territoire, d’importantes ressources naturelles, une foi religieuse commune, le pluralisme culturel, la complémentarité entre les différentes régions, l’existence d’une diaspora disposant d’un énorme potentiel de compétences pouvant être mis au service du pays, etc. Toutefois, remettre la Mauritanie sur la voie de la construction requiert, au-delà de tels atouts, de la lucidité pour saisir les défis et trouver des solutions susceptibles de produire des changements rapides répondant aux attentes de la population.
A cet effet, le présent appel préconise quelques pistes de réforme, afin de ressusciter l’espoir et de servir de base à un projet fondé sur les priorités ci-après :
- Remettre le citoyen au cœur de l’action publique et renforcer la capacité de l’État à répondre à ses attentes : Ceci nécessite tout d’abord d’écouter les préoccupations des populations, pour mieux y répondre. Trop longtemps, nos dirigeants ont oublié que leur premier devoir est d’être à l’écoute de leurs concitoyens et d’en résoudre les problèmes. Le gouvernement devra agir de manière à ce que le citoyen sente que l’administration est là pour le servir. Ceci suppose de mettre en place des politiques et stratégies permettant de répondre aux besoins essentiels des populations à travers des services publics de qualité, une éducation moderne, un système de santé accessible et offrant des prestations adéquates, la mise à disposition de l’eau et l’électricité pour tous, etc. L’État devra mettre l’accent sur sa fonction redistributive, à travers la mise en place de mécanismes efficaces de solidarité nationale (y compris l’extension du système d’assurance maladie). Il devra également mette en place des programmes visant à instaurer plus d’équité et de justice sociale, ciblant les catégories les plus vulnérables (populations rurales en situation d’insécurité alimentaire ou confrontées aux changements écologiques, prolétariat urbain survivant des conditions de dénuement extrême, etc.). Dans ce cadre, un accent particulier devra être mis sur l’amélioration des conditions de logement des couches défavorisées, à la périphérie des grandes villes.
- Investir dans la jeunesse et mieux en comprendre les aspirations : Face à la frustration persistante des jeunes et à la perception d’une exclusion multiforme, l’État a le devoir d’apporter des solutions adéquates permettant de répondre à un tel défi et de tirer parti de la jeunesse de la population. À cet effet, la formulation d’une vision stratégique et d’une politique nationale multisectorielle de la jeunesse à l’horizon 2030, permettra de rétablir la confiance avec les jeunes et de les aider à prendre pleinement part au processus de construction nationale. Ceci contribuera à la mise en place d’un environnement propice à l’émergence d’une jeunesse citoyenne, autonome, épanouie et socialement engagée. Dans l’immédiat, la priorité devra être donnée à la mise en place de dispositifs de soutien à l’emploi des jeunes et aux talents, ainsi qu’à la dynamisation des espaces de socialisation et de promotion de la citoyenneté.
- Restaurer l’impartialité et la crédibilité des institutions, à travers la mise en place d’un État de droit fonde sur le règne de la loi, une justice indépendante et proche des citoyens et des contre-pouvoirs efficaces afin de prémunir le pays des dérives autoritaires. La lutte contre la corruption devrait constituer un axe central pour la moralisation de la vie publique, compte tenu de son impact sur les conditions de vie des plus pauvres. L’État devra, en particulier, veiller à faire prévaloir la primauté de l’intérêt public sur tout autre considération. Cela contribuera à restituer au citoyen la fierté d’appartenir à la collectivité nationale, gage de construction d’une communauté de destin.
- Renforcer la cohésion sociale : Assurer l’égalité des chances entre les citoyens est au cœur de la mission de l’État. Ceci passe par la reconnaissance et la valorisation du caractère multiculturel et multiethnique du pays (y compris à travers les nominations aux emplois publics et l’accès aux opportunités économiques) pour créer un environnement dans lequel tous les citoyens pourront jouir d’opportunités égales et de la plénitude de leurs droits, sans exclusion ni discrimination. A cet effet, la seule option viable est celle d’un État ou la place de l’individu sera définie par ses capacités et son mérite et non par des considérations subjectives tenant à son origine. Contrairement aux revendications portées par certains acteurs politiques, la question des identités relève, dans le contexte d’un État démocratique, davantage de la politique culturelle que du partage ou de l’exercice du pouvoir.
Ceci requiert également de se donner les moyens de mettre fin au plus vite à toutes les formes, pratiques ou survivances de l’esclavage, quel qu’en soit le prix et le coût. L’objectif est, à la fois, de réparer cette injustice historique et d’en prévenir les potentialités fratricides, que l’extrême fragilité du tissu social national ne saurait supporter. A cet effet, la lutte contre l’esclavage et ses survivances devra être érigée en cause nationale, afin de mobiliser l’ensemble de la société autour d’une approche décomplexée de la question, sortant des sentiers battus de la polémique. En outre, la pleine implication des Haratine dans la vie économique, politique et sociale, y compris à travers des mesures de discrimination positive et l’allocation de ressources budgétaires adéquates, devra faire figure de priorité, compte tenu de son impact sur la cohésion sociale. En même temps, l’État devra veiller à trouver une solution pérenne aux contentieux humanitaires non-résolus, à travers le dialogue et sur la base de la prise en compte de la perspective des victimes.
- Promouvoir une politique proactive de création d’emplois, tirant parti des opportunités existantes, à travers des mécanismes incitatifs pour le secteur privé et une approche volontariste au niveau du secteur public, y compris à travers la relance d’une politique des grands travaux pour améliorer les infrastructures du pays. Il s’agit également d’exploiter les gisements de croissance dans les secteurs porteurs (mines, pèche, agriculture, tourisme, etc.), à travers la transformation des matières premières, pour générer des opportunités d’emploi permettant de résorber le chômage.
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Conscients de la situation dans laquelle se trouve le pays et de la nécessité de l’en sortir, les signataires du présent appel en appellent à un renouvellement du discours et de la classe politiques afin d’être pleinement en phase avec les préoccupations et les attentes des citoyens, et notamment des plus jeunes. Trop longtemps, la vie politique nationale a été hypothéquée par des polémiques stériles et des querelles d’égo qui n’ont pas lieu d’être. Trop souvent, la capacité à formuler et à conduire un projet cohérent de transformation sociale, a été compromise par l’arrivisme et la démission des élites, obnubilées par l’invincibilité supposée du ‘Système’ ou par le primat de la stabilité au détriment du changement. Cette situation interpelle la conscience des hommes et femmes de bonne volonté, soucieux de l’avenir du pays, dont le devoir est de travailler à la définition d’un projet de société susceptible de ressusciter l’espoir et de remettre le pays sur la voie du salut.
À cet effet, nous invitons tous ceux qui se reconnaissent dans l’esprit de cet appel à conjuguer leurs efforts pour développer et porter ensemble un projet commun pour construire la Mauritanie de demain, loin du recyclage des élites usées et des vieilles recettes qui ont largement montré leurs limites. A la veille d’élections présidentielles décisives, l’urgence est à présent de se mobiliser et de s’inscrire massivement sur les listes électorales afin de barrer la route à la continuité du mode de gouvernance hérité du passe, synonyme de corruption et de maintien du statu quo. Au-delà des élections, l’objectif sera de contribuer à l’avènement d’une classe politique propre et plus à même de comprendre et de répondre aux aspirations des populations.
Février 2019
Abderrahmane El Yessa, fonctionnaire international
Mohamed El Mounir, fonctionnaire international
le calame
Muhammadu Buhari réélu président du Nigeria
Le président du Nigeria Muhammadu Buhari, 76 ans, a été réélu pour un mandat de quatre ans, a annoncé mardi soir la commission électorale nigériane.
Muhammadu Buhari a été réélu président du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 190 millions d’habitants avec 56% de voix, selon les résultats communiqués par la commission électorale (INEC) dans la nuit de mardi à mercredi.
L’annonce officielle de sa victoire n’avait pas encore été faite par l’INEC, mais en comptabilisant les résultats de 36 Etats du pays ainsi que de la capitale fédérale Abuja le président sortant menait avec une avance de près de 4 millions de voix par rapport à son principal rival, Atiku Abubakar (41%).
Quelques centaines de personnes s’étaient rassemblées dans le quartier général du parti au pouvoir, le Congrès des Progressistes (APC) à Abuja, pour sabrer le champagne au son de l’afropop.
Large avance
Toutefois, vu l’heure tardive de l’annonce, il y avait peu de ferveur ou célébration populaire dans le pays, même à Kano, l’un de ses fiefs, où ses partisans étaient sortis en masse en 2015 pour célébrer sa première victoire.
Depuis lundi, au fur et à mesure que l’INEC annonçait les résultats, Etat par Etat, parti par parti, le suspense se réduisait, dans cette course qui s’annonçait pourtant serrée entre le président sortant et le candidat du Parti Populaire Démocratique (PDP).
Les écarts entre les candidats, tout deux haoussas du nord et musulmans, étaient certes moins prononcés que lors du scrutin de 2015, entre Buhari et Goodluck Jonathan, chrétien du Delta, mais Buhari a réussi à maintenir une large avance sur son adversaire.
Un premier bilan très mitigé
Atiku Abubakar, riche homme d’affaires et ancien vice-président du Nigeria entre 1999 et 2007, a la réputation d’être l’un des hommes politiques les plus corrompus du pays.
Buhari, ancien général qui avait déjà dirigé le pays en 1983 pendant les dictatures militaires, est un homme austère qui s’est engagé à mener une lutte féroce contre la corruption, le « cancer » qui ronge le premier producteur de pétrole d’Afrique.
Après un premier bilan très mitigé et critiqué sur les questions économiques et sécuritaires, Buhari gardait une large avance dans ses bastions où il dépassait les 70%, mais a perdu près de 435 000 voix dans l’immense ville de Kano (nord), l’un de ses fiefs. Ses détracteurs l’accusent également de mener une chasse aux sorcières contre ses opposants sous couvert de lutte anti-corruption.
Recours légaux
M. Abubakar n’a de son côté pas réussi à faire l’unanimité dans la région yorouba du sud-ouest, où le parti au pouvoir a gardé la majorité des votes, ou dans le sud-est igbo, malgré le choix de Peter Obi, ancien gouverneur de l’Etat d’Anambra, comme vice-président.
L’opposition a dénoncé des fraudes massives du parti au pouvoir pour maintenir Muhammadu Buhari à la tête du pays, et avait demandé l’interruption des résultats mardi soir. Toutefois, cette demande ne peut se faire que par voie de justice.
« Situation Room appelle les partis politiques et les candidats qui ont des griefs avec le processus électoral à utiliser les recours légaux pour le faire », a annoncé le groupe de surveillance de la société civile dans un communiqué, après avoir dénoncé des manquements graves dans l’organisation du scrutin.
Retards à l’ouverture des bureaux de vote, intimidations d’électeurs, destruction de matériel électoral: la société civile et les observateurs ont dénoncé de nombreuses irrégularités et recensé au moins 53 morts dans des violences électorales.
Faible taux de participation
La mobilisation des électeurs nigérians a été faible lors de ce scrutin, avec un taux de participation d’environ 40%.
L’affluence a ainsi reculé dans quasiment tous les Etats du pays, notamment dans le sud-est. Dans l’Etat d’Abia par exemple, où les mouvements séparatistes pro-Biafra ont une forte assise populaire, le taux de participation n’a été que de 18%.
A Lagos également, capitale économique de l’Afrique de l’ouest et réservoir très important de voix avec plus de 6 millions d’électeurs enregistrés, le niveau de participation ne dépassait pas les 20%.
Les observateurs s’inquiètent de cette « faible mobilisation » qui « pourrait affecter la crédibilité du vainqueur de cette élection », déjà entachée par des accusations de fraudes.
« Cela aura un impact négatif sur le prochain gouvernement », explique l’un d’eux à l’AFP.
« La raison principale pour laquelle les électeurs ne se déplacent pas, c’est qu’il ne sentent pas la présence de l’Etat dans leur vie quotidienne », explique à l’AFP Nana Nwachukwu, activiste pour la campagne Not Too Young Too Run (Pas trop jeune pour s’engager en politique).
« L’apathie générale est due au fait que les Nigérians ne peuvent pas compter sur leur gouvernement », note-t-elle.
Le Nigeria est le premier producteur de pétrole du continent avec près de 2 millions de barils par jour, mais manque toujours d’infrastructures basiques, d’électricité ou d’eau courante et 87 millions de Nigérians vivent désormais sous le seuil de l’extrême pauvreté.
Seneweb