Monthly Archives: September 2018
Mohamed Vall ould Bellal, président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), dans un entretien exclusif : ‘’Je peux assurer et garantir, à tous les Mauritaniens, que ce qui se passera, ici, sera juste et transparent’’
Lundi 03 août 2018, Il est midi, au siège de la CENI. Des policiers dressent un barrage devant l’entrée principale pour filtrer les entrées. Tout le monde veut connaitre les premiers résultats avant… tout le monde. La pression monte au fil du temps. Les résultats tardent. Au rez-de-chaussée, un studio de la TVM donne les résultats bureau par bureau en direct que leur distille la commission chargée de les recueillir et les traiter. Au deuxième étage, le président de la Commission, les traits tirés, a conscience de l’ampleur de la tâche. Dernier nommé parmi les sept sages, il a pris le train en marche, ce qui rend d’autant plus sa mission délicate. Mais il se dit prêt à relever le défi. Entretien exclusif.
Le Calame : Vous êtes le dernier membre de la Commission à être nommé et vous avez hérité de sa présidence. Comment avez-vous accompagné le mouvement ?
Mohamed Vall ould Bellal : J’ai prêté serment le 20 ou le 21 juillet. Il fallait se préparer à affronter l’élection qui a principalement quatre caractéristiques. Premièrement, tous les acteurs politiques y participent. Une denrée rare, depuis quelques années, et même exceptionnelle, avec 98 listes en compétition. Seconde particularité, elle se tient dans un délai court extrêmement restreint. Chaque fois que j’ai essayé de lui donner un peu plus de latence, j’ai buté sur cette question de loi imposant l’ouverture du prochain Parlement au 1er Octobre. Cette disposition a barré la route à tout report. Il fallait se mettre au travail sans tarder. Troisième particularité, elle se tient en période d’hivernage : malgré les pluies et les conditions météorologiques, il faut faire face au défi, très fort, d’acheminer à temps et partout le matériel électoral, mettre en place les bureaux et le personnel ; bref, être au rendez-vous. Dernière particularité, elle se tient sous l’égide d’une CENI ouvertement politique, pour la première fois, émanation des partis politiques qui ont participé au dialogue.
Tout le monde regrettait l’absence de plusieurs formations politiques importantes au sein de la commission. C’est encore une autre particularité, un autre trait de caractère de cette élection. Ajoutons-y le fait qu’elle se tient alors que tous les regards sont portés vers 2019 où se tiendra une autre importante élection : la présidentielle. Tout ceci m’a fait immédiatement comprendre la force du défi et l’immensité de l’enjeu. Il faut vivre avec une CENI émanation des partis politiques mais qui se réclame indépendante et prendre, à bras le corps, cet immense travail, dans un délai très court. C’est avec cet esprit que je l’ai entamé, en me disant que rien, absolument rien ne m’empêcherait de respecter mon serment qui repose sur trois inébranlables piliers : le dévouement vis-à-vis de la mission, la neutralité en plein respect de la loi et le secret des délibérations. Ce trépied, je peux l’assumer.
– En acceptant ce pari, ce challenge, vous devez avoir bon dos, pour accepter toutes les critiques qui ne manqueront pas de pleuvoir sur vous ?
– La vie est ainsi faite ! Depuis mon jeune âge, je me suis tenu à ce que me dicte ma propre conscience. Je l’ai toujours écoutée et m’y suis attaché. « Ils ont dit », « qu’en dira-t-on », commentaires à droite et à gauche, coups reçus de gauche à droite, ne m’ont jamais ébranlé… Je n’y ai jamais accordé la moindre importance. Je ne me suis jamais imposé l’effort de soigner mon image. Je garde toujours mon point de vue, aujourd’hui, la position que j’occupe en acceptant ce défi.
Je me suis dit, si ce n’est moi, ce sera quelqu’un d’autre. J’entends les critiques, nous recevons les coups de partout. Mais il faut apporter la preuve que si c’était quelqu’un d’autre, ce serait mieux. Je suis à l’aise, en paix avec ma propre conscience. Je ferai ce qui pourra être fait. Dès le début, j’ai mis la barre à un niveau modeste et réaliste. Je me suis dit : la dernière fois que j’ai parlé dans une radio étrangère, c’était RFI : « Je m’emploierai à améliorer l’existant. Je n’ai jamais promis monts et merveille, ni que je vais révolutionner l’élection en Mauritanie. Si cela devait arriver, ce ne sera, en tout cas pas, avec cette élection et ses 98 listes. En telle situation d’atomisation, d’émiettement des structures, en l’absence ou, plutôt, déstructuration de notre système politique, cette élection ne peut pas être merveilleuse. Je me suis donc dit : « on va améliorer l’existant, faire mieux que par le passé ». Et malgré les difficultés réelles que j’ai évoquées plus haut, on va travailler. Je crois que ce pari est gagné.
– Le fait que cette CENI soit l’émanation des partis politiques ne va-t-il pas l’handicaper, nuire à son travail. Chacun cherchera à tirer vers le parti qu’il représente. Ça ne va pas poser problème ?
– Il y a de réelles barrières psychologiques, entre la CENI et la majeure partie de la classe politique mauritanienne, notamment avec les partis participant à cette élection. De fait, cette barrière est beaucoup plus psychique, psychologique, elle n’existe pas sur le terrain. Tout le monde travaille avec la CENI, tout le monde se concerte et coordonne avec elle. Je dois témoigner, personnellement, de ce que je n’ai que rarement senti que la CENI et même ses membres appartiennent ou aient appartenu à des partis politiques, ni même que tel ou tel de ceux-là représentent tel ou tel de ceux-ci. Je crois que les membres sont tous dignes d’y être. Ils respectent tous leur serment et travaillent à l’accomplissement d’une bonne élection. Cela n’empêche pas que des préjugés existent à ce sujet, au sein de la classe politique.
– Malgré tout cela, peut-on considérer que vous avez été bien pourvus, au jour J, que tout fut disponible et tout le monde présent ?
– Il y a eu des défaillances et des lacunes, c’est sûr ! Des relâchements, notamment des électeurs ne sachant pas très bien où ils devaient voter, où étaient-ils inscrits, où apparaissaient leur nom. À cela, deux raisons. D’une part, le nombre de scrutins combinés en un seul a obligé de modeler les bureaux de vote par le haut, en fixant un maximum de cinq cents électeurs par bureau. Cela a conduit à démembrer la plupart des bureaux à Nouakchott. Avec plus de six cents bureaux, leur nombre s’est vu quasiment doublé. Les gens habitués à voter à l’école 1, dans un seul bureau de huit à neuf cents électeurs se sont retrouvés partagés entre l’école 1 et une autre et à chercher, en conséquence. Nous n’avons notamment pas maîtrisé cette situation à Tevragh Zeïna… quoique nous ayons tout fait pour l’éviter. Nous avons ouvert un numéro d’appel téléphonique très court, le 1717, permettant aux gens de connaître la situation de leur bureau de vote, à partir de leur numéro d’identification. Mais ce dispositif a été très vite dépassé, par la multiplication des bureaux. Ce fut le véritable problème de ce premier tour. À part cela, le matériel électoral était bien sur place. Il y a eu aussi quelques erreurs, dans la ventilation et le dispatching des bulletins et des extraits. On a été parfois amené à poser un extrait d’un bureau dans un autre. Mais tout cela a été vite contenu. Globalement, je crois donc qu’on était plus ou moins prêt, mis à part cette situation d’errance des électeurs, en certains endroits à Nouakchott.
– Des représentants de la CENI ont été changés, en diverses villes du pays, juste avant le scrutin ; à la demande de certains notables, dit l’opposition…
– Si cela a été le cas, disons que ce fut match nul, entre les deux camps. On nous l’a d’abord reproché, mais il n’y a jamais eu d’affectation en plein travail. Le cas de Boutilimitt a fait couler beaucoup d’encre. On y a affecté quelqu’un, alors que la première étape des préparatifs de l’élection était achevée. On a laissé finir tout le travail du RAVEL, et recevoir toutes les listes, jusqu’à leur validation. De cet instant à l’ouverture de la campagne, c’était temps mort. On a alors profité de ce laps de temps, entre deux tempêtes disons, pour procéder au redéploiement des hommes, en certaines moughataas, pour plus d’efficacité et mieux entrer, ainsi, dans la seconde campagne électorale. Cela a répondu, parfois, à des demandes ou desiderata de la majorité, en certains endroits, cela a répondu aussi à des demandes ou desiderata des forces dites de l’opposition, en d’autres lieux. Quoique le regard que nous portons sur les partis, nous, à la CENI, dépasse désormais la considération de l’opposition dialoguiste ou non pour atteindre celle des participants à cette élection, un point, c’est tout !
– Staline a dit : « Dans une élection, les plus importants, ce ne sont pas ceux qui votent mais ceux qui comptent »… Pouvez-vous assurer que le compte sera toujours bien fait, là-bas comme ici ?
Le compte sera toujours bien fait. L’essentiel est que les PV qui nous parviennent soient, eux, bien faits et bien validés. Si c’est le cas, je peux assurer et garantir, à tous les Mauritaniens, que ce qui se passera, ici, sera juste et transparent. De toutes les façons, tous les partis sont acceptés et invités, auprès de nos structures en charge des dépouillements, jusqu’à la proclamation des résultats. Les présidents de partis politiques sont autorisés à se présenter auprès de chaque direction de la CENI.
– Le plus important, pour vous, Mohamed Vall ould Bellal, est de partir avec le sentiment du devoir accompli ?
– Je l’espère ! À ce jour, je me reproche certaines choses, certains comportements. J’ai été, certainement, en-deçà de ce que je devais être. Mais, globalement, je crois qu’au stade où nous en sommes, je m’en sortirai avec le minimum de dégâts. Personnellement, je pense que je sortirai correctement de cette affaire, par rapport à mon image, ma personnalité et ma crédibilité. Avec quelques dégâts, sûrement, mais pas trop.
– Pour vous, le plus dur reste à faire ?
Franchement, le plus dur est dépassé. Le plus dur, c’était de faire voter ces quatre mille quatre-vingt bureaux de vote, les ouvrir et organiser l’élection avec le matériel et le personnel électoral adéquat, les bulletins, les urnes. Il y a certes eu des manquements, des errements. C’était une opération difficile. Il reste celle des PV et des extraits de PV, avec les représentants des partis politiques. C’est une autre étape que nous observons, on n’en est pas acteur direct et elle est plus ou moins dépassée. Troisième étape, c’est le dépouillement et là, franchement, nous serons justes.
– Le dépouillement est-il fini partout en Mauritanie, à l’heure qu’il est ?
Globalement, oui. Mais la tâche est lourde. Nous avons cinq urnes pour chaque bureau et, pour chaque urne, cinq PV, en une seule copie, et cinq extraits, en autant de copies que de partis politiques. Ce travail prend du temps. Je me suis interrogé : pourquoi les Mauritaniens sont-ils aussi pressés d’avoir les résultats de cette élection ? À cause de l’enjeu, bien sûr ! Par le passé, il n’y avait en compétition que deux ou trois listes, deux urnes, trois au maximum, et il fallait attendre dix jours pour en obtenir les résultats. Cette fois, quatre-vingt-dix-huit listes, cinq urnes combinées et ils nous demandent les résultats en 24 ou 48 heures, c’est quand même terrible ! Ils pensent tous à 2019.
Mais il y a autre chose : la CENI s’est bel et bien appropriée cette élection. Voyez l’administration qui court derrière elle, pour une info, un PV. Les partis politiques, même les réputés grands et forts, ont dans un état d’inquiétude, s’interrogeant sur leur propre sort. Cela veut dire que la CENI a bien fait son travail. J’ai dit : « Tenez-vous à ce que dit la loi, ne répondez à personne, ne donnez aucune information, ne vous souciez de quiconque ». Dans ce climat d’incertitude où tout le monde s’interroge, nous restons calmes, maîtres du jeu.
– À quelle date peut-on s’attendre aux premiers résultats ?
– Nous sommes pressés. S’il y a second tour, il faut bien le préparer, en redéployant pratiquement les mêmes moyens électoraux, en faisant imprimer de nouveau les bulletins. Nous faisons tout pour qu’au plus tard, le 5 ou le 6 Septembre, nous puissions donner les résultats du premier tour, afin de nous lancer dans les préparatifs du second.
Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh
le calame
Mauritanie : les résultats seront annoncés vendredi soir ou samedi matin, dit le Président de la Ceni
Alakhbar – Le Président de la Ceni Mohamed Vall Ould Bellal a affirmé jeudi 6 septembre courant, que les résultats définitifs des dernières élections couplées, seront annoncés demain vendredi soir, le cas échéant, le lendemain, samedi matin.
Ould Bellal a donné ses assurances au cours d’une visite effectuée ce jour au centre d’information de la Commission.
Le retard des résultats continue de susciter la lire de certains partis et candidats, alors qu’il a été justifié par le Président de la Ceni dans un précédent tweet, par la complexité particulière de dernières élections ainsi que par l’hivernage et et d’autres facteurs.
Traduit de l’Arabe par Cridem
Mauritanie : Admis au parlement depuis la liste nationale
Après le dépouillement de plus de 80% des voix, la configuration du prochain parlement commence quelque peu à se dessiner. Des personnalités importantes du paysage politique vont faire leur entrée dans l’hémicycle qui devra connaître, lors de cette législature de chaudes empoignades.
Les premiers qualifiés à l’issue du scrutin viennent de différents horizons, des hommes politiques, des militants des droits de l’homme, des jeunes activistes, des poètes, des penseurs, en plus d’autres personnalités objet de controverses et qui ont crée l’évènement.
L’union pour la république a d’ores et déjà obtenu trois sièges au parlement, Hamadi O. Meïmou, ancien ministre des affaires étrangères, Oumoukelthoum mint El Yessa conserve son poste de députée.
L’attention elle est portée sur l’entrée au parlement du jeune activiste politique, Mohamed O. Tourad, qui avait attiré l’attention, lors du dialogue politique, en demandant à ce que la Mauritanie soit transformée en un royaume à la tête duquel doit être porté et couronné Mohamed O. Abdel Aziz.
Le parti Tewassoul a d’ores et déjà obtenu deux sièges, Souvi O. Cheïbani et Cheikhani O. Beïba, alors que l’entrée de Saadani mint Mohamed M’Khaitour au parlement est encore suspendue à la fin du dépouillement, elle dont le cas a suscité des interrogations quand elle avait été décalée à la 3ème place sur la liste de son parti.
La vedette de cette élection sera, sans aucun doute, Biram O. Dah O. Abeid qui quittera la détention vers la chambre parlementaire, consacrant du coup son image de militant des droits de l’homme, victime de l’injustice de la part des autorités mais soutenu par le peuple.
Il siègera pour le compte du parti Sawab, aux côtés de Messaoud O. Boulkheir, président de l’APP, élu pour une quatrième législature, ce qui fait de lui le plus ancien parlementaire en Mauritanie, lui qui a assisté, de l’intérieur de la chambre à deux coups d’état et trois élections présidentielles et connu vu défiler quatre présidents.
Mohamed O. Maouloud, président de l’UFP, qui s’est engagé en politique depuis les premières années de l’indépendance, va faire son entrée au parlement pour la première fois, portant le flambeau de ce parti qui a fait les frais de son boycott des dernières élections, en perdant une partie de son électorat.
Le rassemblement des forces démocratiques, obtient un premier siège pour son ancien député, Abderrahmane O. Minni, absent du dernier parlement, son parti ayant décidé de boycotter les élections législatives.
L’ancien député, Yacoub O. Moine, connu naguère pour ses interventions véhémentes et ses questions particulièrement embarrassantes pour les membres du gouvernement alors député du RFD, consacre son retour au parlement, cette fois en sa qualité de président du parti qu’il a fondé, l’alliance nationale démocratique.
Au sein de la majorité l’union pour la démocratie et l’unité obtient déjà deux sièges, pour son père spirituel, Ousmane Sangott et sa présidente Naha mint Hamdi O. Mouknass.
Le parti Al Karama a porté son président, Sidi Mohamed O. Bouh vers le parlement, un homme d’affaires considéré proche du président O. Abdel Aziz et qui a échappé à son ire contre les candidatures à l’extérieur du parti au pouvoir.
L’inquiétude s’accroit au fur et à mesure que le nombre de places encore vacantes se rétrécit, ce serait le cas pour l’ancien premier ministre et président du parti Adil, Yahya O. Ahmed El Waghef et le président du parti AJD/mr Ibrahima Mokhtar Sarr.
Une situation meilleure pour El Wedia O. T’vaga, candidat du parti Choura pour le développement et Hamadi Khattari Hamadi, candidat du parti unioniste pour la construction de la Mauritanie et Mohamed Mhamoud El Gharrachi, candidat du parti du mouvement des jeunes pour la nation.
Saharamedias
Faut-il négliger le concept de ‘’neddo ko bandum ‘’ (la parenté) en Politique ?
Ce samedi 1er septembre 2018 représentait une importante journée électorale puisque s’y déroulait trois scrutins simultanés. Un test pour les électeurs, mais aussi pour le pouvoir et l’opposition (dans sa diversité). A l’instar de toute élection, il y’a diverses raisons pour un électeur d’accorder son vote à un candidat. Alors, faut-il négliger le ‘’Needo ko bandum’’ dans une société comme la nôtre, cette société mauritanienne dans laquelle nous évoluons, qui est profondément traditionnelle et surtout minée par des divergences entre les communautés, entre gens de même communauté ou tribu, voire entre les habitants d’un même village ?
Dans ce climat de faiblesses et de guéguerres, de conflits entre les générations où la modernité flirte avec les traditions, le tout couronné par la pauvreté et une grande ignorance, ce concept a bel et bien un sens. Car dans une situation chaotique, chacun cherche ses siens.
Permettez-moi un petit rappel sociologique, pour replacer le sens de ce concept dans son contexte naturel.
La société Mauritanienne, comme la plupart des sociétés africaines est basée sur le communautarisme, qui est cette logique de vivre ensemble, sur la base du partage d’une même identité culturelle, ethnique et même religieuse, avec une forme d’organisation qui définit les normes sociales, Celles-ci sont tellement ancrées, que les valeurs qu’elles portent prennent une portée sacrée : la force du lien de parenté, la parole d’honneur, du sens de la famille, de la communauté, de la tribu… « Les nôtres » constitue le référent existentiel pour toutes les communautés mauritanienne (peuhl , wolof, soninke,maure, haratine et bambara).
La sacralité de la parenté est telle que nos systèmes sociaux sont largement régie et structurés par cette valeur dont les mariages endogamiques favorisent la consolidation et la pérennisation. Le fameux adage « les cousins sont faits pour les cousines » est une illustration à peine banalisée de la règle de conduite matrimoniale.
Face à une société structurée de la sorte, c’est politiquement suicidaire de ne pas tenir compte de cet aspect important qu’accordent les populations aux liens de parenté qui lient les uns aux autres, qui demeure jusqu’à nos jours le moyen le plus efficace pour avoir ‘’des voix’’ dans nos localités. Le pouvoir l’a bien compris et y ruse bien pour rafler des voix. Par exemple, le jour du vote, j’ai rencontré un ami avec lequel j’ai partagé les bancs au lycée, me demandant de voter pour « son parent » en me sortant comme argument « nezzo fof ine anndi nburdo baaba mum, kono ko baaba mum mburani dum » c’est-à-dire chacun connaît qui est mieux que son père, mais il préfère son père. Un argument pour justifier le choix du candidat basé sur la parenté uniquement.
Allez dans les villages à l’intérieur du pays, voyez par quelle facilité les politiciens caressent les sensibilités des personnes à travers cette arme retournable qu’est la parenté. Nul besoin d’un programme, encore moins d’un bilan pour les candidats sortants. Non, le programme n’est pas si important, ce qui importe, c’est ce que le candidat représente pour la personne.
Ainsi, nos politiciens biens rusés font du porte à porte pour expliquer leurs désirs de régner (des fois même basés sur des hiérarchies sociales, où ce sont les familles dites ‘’nobles ‘’ qui ont le pouvoir politique tel que cela a toujours été depuis le temps de nos chefferies traditionnelles), en plus, ils expliquent surtout et beaucoup plus le sens ‘’ nezzo ko bandum ‘’, c’est-à-dire la personne en face de toi a le devoir moral de voter pour toi, car c’est ton sang, ta famille, ta communauté. Face à cette valeur du respect de la parenté, beaucoup vont voter consciemment, mais, pour la plupart inconsciemment contre leurs intérêts et l’intérêt de la commune ou de la région, car la famille/parenté passe avant tout !
Comprendre le sens de la parenté chez nous aidera peut-être à comprendre la logique du vote en Mauritanie et surtout cela orientera le travail de l’opposition vers des stratégies plus adaptées. Cela nous évitera d’être surpris de voir un maire, élu puis réélu, régner sur son fief électoral pendant plus de dix ans malgré l’absence de changement positif dans sa commune.
Le défi pour les politiciens, pour ceux qui sont soucieux du changement et de l’amélioration des conditions de vie des populations bien sûr, c’est vraiment faire un travail de conscientisation populaire. Quand je dis conscientisation populaire, c’est d’abord de faire comprendre “aux nôtres” que la politique, ce ne sont pas ces hommes et ces femmes rusés qui profitent de nous, de nos liens de parenté pour régner, mais plutôt un système participatif qui aidera à améliorer nos vies. De passage, faire comprendre que ce sont bien certains de nos parents qui nous vendent pour leurs propres intérêts.
Actuellement la parenté devrait prendre un autre sens, le sens de « l’intérêt commun », « l’intérêt du peuple », « l’intérêt du village, du département, de la région » et non la parenté classique, qui nous mène dans des fossés. Ainsi, il est un devoir de rappeler aux populations leurs responsabilités dans leurs choix, leurs responsabilités pour le changement participatif et essayer, par la même occasion, d’assainir cette image de la politique qui est synonyme de flatterie, de mensonges et rêveries. Il faudra bien prendre conscience que nos conditions de vie dépendent de nos choix. Comme le disait à juste titre Thomas Sankara dans un discours datant du 4 août 1987 : « Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement ; il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur ».
Mais la prise de conscience n’est qu’un premier pas. Nous devons, à mon sens, nous battre bec et ongles contre non pas cette valeur de parenté mais plutôt contre ceux qui en usent pour nous maintenir dans la pauvreté, sous la domination et qui alimentent ce système discriminatoire qui favorise les uns au détriment des autres.
Par ailleurs, l’action sociale ne doit pas être absente de notre engagement politique. Il faut beaucoup de social dans la politique, vraiment beaucoup de social! Il est vrai qu’il faut des moyens pour le faire surtout dans nos localités où la pauvreté est reine, cependant il en faut, cela devient une nécessité. Le parti Tawasoul l’a bien compris. Il y’a aussi des actions qui ne sont pas moins sociales et qui comptent beaucoup dans nos communautés, c’est-à-dire la présence solidaire avec les gens dans leurs moments de bonheur et d’infortune ( mariages, baptêmes, deuil entre autres), car c’est souvent à l’occasion de ces moments que les populations vous reconnaissent cette présence morale qui compte beaucoup dans nos communautés… mais pas ces grands boubous bien brillants qu’on ne voit que lors des périodes électorales.
“Pour conclure, je dirais qu’un parti politique ou un candidat aie plus de chance de réussir dans les élections, il devra tenir compte des réalités sociologiques du terrain et en faire bon usage. Usage qui se basera sur l’intérêt commun, mais aussi penser à être utile à nos populations, pas seulement au moment de la campagne, mais avant la période des sollicitations électorales”
Dieynaba Ndiom
Le président de la CENI répond à ceux qui s’empressent à réclamer les résultats du scrutin du 1er septembre
Le Courrier du Nord – Sur sa page facebook, le président de la Commission électorale nationale indépendante, Mohamed Vall Ould Bellal, livre les « raisons suffisantes » expliquant le « retard » de la proclamation des résultats du scrutin du 1er septembre.
« Je pense que réclamer les résultats d’élections auxquelles ont pris part 98 partis en confrontation dans cinq scrutins, dans un pays aussi vaste que la Mauritanie et en période d’hivernage, avec les difficultés de transport inhérentes à cette situation, n’est pas raisonnable du tout.
On attendait, dans le passé, une semaine et plus, pour connaître le résultat d’un scrutin auquel participe un nombre restreint de partis politiques. Ce fut le cas dernièrement du référendum sur le « oui ou non » et aujourd’hui, on exige les résultats, après 24 heures ou 48 heures, pour un scrutin dont le dépouillement porte sur 4080 bureaux et concerne 5 listes !
Je sais que les mauritaniens vivent encore la fièvre des élections ; je comprends aussi l’empressement des partis politiques à connaître les résultats et les préoccupations des autorités publiques quant à la situation présente.
Mais je dis, clairement, que les tirs nourris que subit la CENI, et qui viennent de tous côtés, n’apportent rien aux élections et ne feront pas changer notre volonté de bien mener notre mission et de procéder au dépouillement des bulletins avec la rigueur que cela impose.
J’espère que tout le monde fera preuve de responsabilité éthique et politique qu’on exige, dans pareille situation, à notre élite.
Traduit par SNEIBA (de la page de M. Mohamed Vall Ould Bellal, président de la CENI)
Source : http://essaha.info/node/4451