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L’état de nos structures sanitaires : baromètre de la santé de la République
Cette page que je m’apprête à publier n’est ni un pamphlet, ni un cri de cœur. Elle sonne comme un rappel des tristes réalités vécues par les populations, au quotidien, dans l’indifférence de ceux qui sont censés les servir et qui corsent plutôt leur précarité déjà bien réelle.
En écrivant ces lignes, je ne suis mû par aucun ressentiment ; au contraire, je ne suis guidé que par ma seule lucidité, phare de ma retenue alors que tout m’invitait à disjoncter, à perdre les pédales devant les affres de ces journées catastrophiques et révélatrices que j’ai vécues et qui me contraignent à prendre la plume, argument dérisoire mais seul médium entre mes mains pour sonner l’alerte, pour prévenir et pour inviter à davantage de labeur dans un domaine vital comme la santé.
Voilà l’histoire que je vais vous narrer, voilà mes impressions sur ce pays qui édifie des immeubles, des autoroutes à grande dimension alors que la santé de sa population est bradée, précarisée par une chaîne d’attitudes, en amont et en aval, frisant l’irresponsabilité.
Nous sommes à Mbagne, une capitale de département comme d’autres. Revenant de la mosquée, après ma première prière matinale, je fus intrigué par un attroupement de matineux dans notre concession, juste vers l’aile où réside ma mère. Une fois à l’intérieur du bâtiment, je la découvre, couchée sur le lit et dans un état de santé lamentable.
Quelques appels téléphoniques m’instruisent sur l’absence du médecin et de l’infirmière d’état en séminaire à Nouakchott. Je dus me rabattre sur Monsieur Diallo, mon cousin germain gérant la pharmacie locale qui vint illico presto répondre à mon appel de détresse.
Son observation de la malade révèle des problèmes de tension artérielle et il nous conseilla, avec son humilité coutumière, de diriger la patiente vers l’hôpital de Kaédi. Premier couac de ma journée agitée : la seule ambulance disponible basée au centre de santé de Mbagne est immobilisée, en panne depuis trois mois, dans une indifférence générale.
Nous nous rabattons sur un véhicule personnel vite aménagé et nous prîmes la direction de l’hôpital de la capitale du Gorgol. Sur les lieux, nous fûmes assistés par mon ami Diop Lamine Zakaria de Mbagne, qui officie dans la structure sanitaire ès qualité de surveillant général.
Avec une célérité incroyable, il joignit tous les professionnels du service et, très vite, ma mère fut prise correctement en charge. Le scanner déchiffré indiqua l’urgence d’un traitement de spécialiste disponible seulement à Nouakchott. L’attente dans ce qui tenait lieu de salle d’urgence fut éprouvante.
Le décor de la pièce emballait : quatre lits pourvus de matelas crasseux et sans draps et des climatiseurs à l’arrêt depuis des lustres donnant l’illusion d’un luxe inexistant.
Parti négocier une ambulance, je découvre, ahuri, que ma mère devrait la partager avec un autre patient en cours d’évacuation. Le véhicule n’est pourtant équipé que d’un seul lit.
Devant mon inquiétude à deux doigts de se muer en révolte, on me conseilla, en bon mauritanien musulman, de m’en remettre à Dieu et on m’assura que nous bénéficierons tout le long de notre trajet d’une climatisation conséquente.
Une fois la facture de 40.000 UM anciennes réglée et le véhicule pourvu en carburant, nous nous ébranlâmes vers la capitale, le tacot peu chargé : outre ma fille et moi, l’autre patient, un haratine octogénaire, voyageait en compagnie de sa fille et deux autres de ses enfants.
Tout compte fait, cinq accompagnants, deux malades et un infirmier de route voyageaient dans le confort extrême dans une cabine où l’étroitesse rivalisait avec la promiscuité.
Cerise sur le succulent gâteau : le conducteur de l’ambulance nous imposa une fillette, recommandée par un membre du personnel de l’hôpital, qui partait en vacances à Nouakchott. Dans l’atmosphère surchauffée, je demandai au conducteur de faire fonctionner la climatisation et il me révéla que celle-ci ne lochait plus les corps des malades depuis belle lurette.
En bon mauritanien, il me conseilla de m’en remettre au traditionnel éventail pour affronter une température taquinant les 36’. La mort dans l’âme, je dus accepter ce voyage pénible, éprouvant pour les nerfs, avec deux malades couchés à même le sol.
Après quelques kilomètres, à Bababé, le véhicule tomba en panne et une trentaine de minutes furent nécessaires pour le remettre d’aplomb, pour le guérir de ses problèmes d’injecteur nous obligeant, pour le reste du trajet, à rouler à une vitesse de soixante kilomètres à l’heure.
Comprenant l’impasse, je faussai la route à mes compagnons d’infortune en dénichant une voiture climatisée. En vérité, cette solution m’ouvrit une nouvelle difficulté car nous devrions poursuivre notre route sans l’infirmier accompagnant.
Comme si le sort se complaisait à nous titiller, la perfusion irrigant le corps de la patiente céda à quelques encablures de Boutilimit occasionnant une bénigne hémorragie. Notre premier moyen de transport venait à peine de franchir le carrefour de Boghé et ne pouvait nous être d’aucun secours.
Il nous fallait donc joindre la localité de Boutilimit où des infirmiers règlent très vite le problème de la perfusion. Avant de quitter la structure sanitaire du bled de Moctar ould Daddah, j’apprends qu’elle dispose de sept ambulances opérationnelles.
Curieuse gestion d’un patrimoine censé servir équitablement tous les citoyens ! La seule localité de Boutilimit était mieux pourvue que toute la région du Gorgol avec ses départements. Notre Mauritanie souffre de cette endémie maintenant encore quelques nationaux et certaines régions ciblées dans l’extrême indigence.
Ainsi, deux catégories de citoyens sont créées : alors que la première tire profit des fruits de notre pseudo-croissance, la seconde, laissée volontairement en rade, meurt à petit feu.
A dix huit heures, nous entrâmes dans l’Hôpital national de Nouakchott. Encore une dizaine de minutes pour décrocher un lit afin d’extirper la patiente de l’ambulance. Nous dûmes attendre encore trente minutes pour voir arriver le médecin de garde.
Le scanner de Kaédi n’ayant pas été interprété par le médecin, il demanda aux infirmiers de convoyer la malade vers la grande salle d’attente et sur le lieu nous apprenons que le neurologue, passé l’après-midi, ne reviendrait que le lendemain.
Vu l’état de la patiente, nous prîmes la décision de la diriger vers l’hôpital KISI du docteur Tandian, une structure sanitaire en train de rendre d’inestimables services aux malades grâce à son personnel compétent et dévoué. Nous fûmes pris en charge immédiatement et depuis, le sort de ma respectée mère s’est drastiquement amélioré.
Cette expérience montre, à plus d’un titre, que le secteur de la santé est valétudinaire en Mauritanie. Une fin de vie guette au quotidien les citoyens malades. Par le truchement de politiques continues puant le racisme et l’irresponsabilité, la santé publique est en train de donner une véritable image du pays, un gâchis dans cette zone ouest-africaine au regard de sa population peu nombreuse et des immenses ressources que Dame nature a déposées entre ses mains.
La Mauritanie aurait pu être un eldorado mais une discrimination favorisant les régions du Nord a creusé le fossé entre ses composantes se regardant en chiens de faïence.
Passer en revue les autres secteurs d’activité permet de tirer le même enseignement : notre pays se désagrège du fait de la démence de ses élites qui n’ont foi qu’en l’argent, qu’aux combines servant de dilatoire pour détourner les mauritaniens de leurs problèmes réels.
En prenant cet exemple, nous visons à attirer l’attention de nos compatriotes sur le mal corrosif qui mine le corps de notre pays en retard dans tous les domaines. Le mal est encore plus perceptible dans les régions à forte dominance négro-africaine où les politiques menées cultivent l’ostracisme, le repli identitaire et son corollaire l’obsession pour la libération.
Signé Cherif Ba de M’Bagne dans le Sud de la Mauritanie
Coup d’Etat du 3 Août 2005 : Chronique d’un voyage inachevé /Par Ely Ould Abdellah
“Toujours lui ! Lui partout ! Ou brûlante ou glacée,
Son image sans cesse ébranle ma pensée.”
Victor Hugo
Le 3 Août 2005, il y a de cela treize ans, le président Maaouya Ould Taya quittait le pouvoir après 21 ans de règne sans partage. Poussé vers la sortie par ceux-là qui furent ses plus proches collaborateurs, qui bénéficiaient de toutes ses faveurs, Maaouya réalisait, à sa grande surprise, la précarité des soutiens en cette Mauritanie où, pour les Beydanes en particuler, le retournement de vestes est un sport favori.
Ce 3 Août là, le régime s’était effondré comme un château de cartes. Même le parti au pouvoir, ses laudateurs zélés, ses maîtres de la courbette et de l’hypocrisie ont adopté un profil très bas. Pas un traitre mot ! On dirait même que personne parmi tout ce beau monde n’a survécu au putsch. Dans leur immense majorité, les dignitaires du régime et ses flagorneurs ont vite tourné le dos au président Taya comme ils l’avaient fait pour tous ses devanciers et, comme sûrement, ils feront pour ceux qui viendront après. Seul le ministre Boydiel Houmeid, qui avait clamé haut et fort sa fidélité au président Maaouya et avait décliné une offre de collaboration avec les putschistes d’alors avait émergé du lot.
Mais aujourd’hui, tout cela relève du passé. On ne saurait en dire plus que ce qui a été dit. Les tenants et les aboutissants du coup d’Etat de ce 3 Août sont connus, son déroulement aussi. Comment et où le président Maaouya a-t-il été informé du putsch ? Qu’est-ce qui s’est passé quand l’information est tombée ? Voilà, entre autres, des questions sur lesquelles revient ce témoignage suivant, dont l’auteur a eu, le 3 Août 2005, le redoutable privilège de se trouver dans l’avion présidentiel.
C’était, il y a 13 ans, le putsch qui a renversé le président Maaouya Ould Taya.
Reporter attitré de l’Agence Mauritanienne d’Information, je me trouvais dans l’avion présidentiel qui nous ramenait de Ryadh où le chef de l’Etat présentait ses condoléances à l’Arabie Saoudite qui venait de perdre le roi Fahd Ibn Abdel Aziz.
On ne se doutait de rien en prenant, tôt dans la matinée le Boeing 737 d’Air Mauritanie qui devait nous ramener à Nouakchott, le même jour dans l’après midi. On ne se doutait de rien, même si moi, qui à force d’écouter certains analystes, je pressentais que quelque chose ne tournait pas rond, côté sécuritaire et qu’un autre coup d’Etat, plus méchant que la tentative du 8 juin 2003, était à redouter. Déjà, en juin 2005, deux mois plutôt, j’avais redouté que le BASEP ne renversât le président Taya à son retour d’une visite au Yémen, En ce moment là, resté pour une mission supplémentaire dans la capitale yéménite, après le départ du président et de sa suite pour Nouakchott, j’avais tenu à suivre le retour du président à la télé pour m’assurer que rien de mal ne s’était passé. Vous savez, c’est comme ça, vous ne pouvez vous empêcher d’être inquiet quand, à longueur de journée, quelqu’un n’arrête pas de vous dire qu’un putsch est imminent et qu’il y a des risques de carnage. J’avais effectivement peur, très peur : la mésaventure des Cavaliers du Changement était encore si proche : à tout bout de champ, je voyais le feu, la fumée, les combats de rue, les chars, les roquettes et les hommes. Je n’arrêtais donc pas de téléphoner pour m’informer. Ce qui ne me rassurait pas, c’est que des contacts à Nouakchott m’avaient alors informé que de draconiennes mesures de sécurité – qui étaient, pour moi, suspectes– avaient été prises lors de l’accueil de la délégation présidentielle à son retour de Sanaa. Des Blindés avaient été mobilisés, m’a-t-on rapporté, des soldats postés sur les toits de bâtiments au quartier “Carrefour”, des agents de renseignement avaient été partout déployés… Bref, toute une batterie de mesures avait été prise pour faire croire au président Taya qu’il y avait un sérieux danger mais aussi pour lui montrer que le Bataillon de la Sécurité présidentielle veillait au grain et que, par conséquent, il n’y avait pas de soucis.
…Le coup d’Etat
Mais en dépit de toutes ces appréhensions que j’étais peut-être le seul à avoir, je ne me doutais de rien, dans l’avion présidentiel, le 3 Août 2005, jour de notre départ de la capitale saoudienne. Plutôt, je savais que Maaouya avait un tel ascendant sur tous les officiers, que peu d’entre eux osaient se le mettre sur le dos, que tous le respectaient bien et le craignaient tout aussi bien. Ce jour là, on ne pensait donc qu’au retour à Nouakchott après ce bref séjour dans la fournaise de Ryadh.
A notre départ de la cité saoudienne, il devait encore se faire tard dans la nuit à Nouakchott. Au moment de notre décollage, il devait être 3 heures du matin à Nouakchott. En ce moment là, les putschistes avaient déjà “monté” leur plan et planchaient sur la manière de porter leur forfait à la connaissance de l’opinion nationale et internationale. Mais, à travers l’annonce du coup d’Etat, les putschistes tenaient aussi et surtout à informer le président Maaouya pour éviter de le voir rentrer à Nouakchott, ce qui pourrait occasionner pour eux une gêne pour beaucoup compréhensible. On n’est pas censé facilement trahir son chef et, si d’aventure, on le faisait, il serait préférable de ne pas avoir à souffrir son regard. C’est vrai, le palais a ses petits secrets, les hommes qui y sont, ont leurs petites misères qui ne se savent pas dehors mais qui ont de lourds effets sur la résilience de l’individu et, surtout, sur sa capacité de soutenir le regard inquisiteur du protecteur abusé. Mais ça, c’est toute une autre histoire !
Revenons donc maintenant à notre départ de Ryadh. Il était tôt, très tôt lorsque la petite délégation présidentielle mauritanienne s’était rassemblée dans le hall du palace où étaient logées les délégations étrangères venues présenter les condoléances au Royaume d’Ibn Séoud. A la réception, à cette heure de la journée, un calme plat régnait. Seul, un chef d’Etat, Jalal Talbani d’Irak, faisait d’innombrables va-et-vient que je ne m’expliquais pas. Il circulait sans sécurité rapprochée visible, entre la réception, le restau, les ascenseurs et je ne sais où. Les membres de la délégation mauritanienne, enveloppés d’une indescriptible indolence, sûrement due à un réveil si matinal, étaient là au grand complet. On n’attendait plus que la sortie du président pour aller en cortège et sous bonne escorte à l’aéroport. Il y avait les deux conseillers à la présidence de la République, qui étaient du voyage, Mohamed Salem Elouma et Mohamed Abdallahi Ould Siyam, le Colonel El Hadi Sedigh, chef d’état-major particulier du président, le directeur de cabinet Tomy, le directeur Général du protocole d’Etat, mon frère et ami Feu Hamoud Ould Hadi, l’aide de camp, Feu le colonel Mokhtar Mohamed Mahmoud, des membres de la sécurité, les quelques journalistes dont je faisais partie et le maître d’hôtel Mohamed Cheikh qui s’occupait apparemment de toutes questions domestiques et de tout ce qui se rapporte à la vie privée de la famille Taya au palais : appro, médicaments, éducation et encadrement de la progéniture présidentielle etc…
Ce 3 Août là, il ramenait aux enfants de gigantesques ballons volants de couleur rouge vif dont l’un a échappé à celui qui le tenait par un lacet et était resté suspendu comme une nacelle au toit très élevé de l’entrée du palace où nous nous trouvions. Même si je ne suis pas superstitieux pour un sou, j’avoue que j’ai toujours pensé à la couleur de ces grosses bulles et au hasard de la coïncidence de leur acquisition avec le putsch. Habituellement, je n’accorde aucune importance à ce qui se dit de ce côté-là mais j’avoue que c’est à cause ou grâce à mes relations avec des amis de l’Est mauritanien que, face à cette mauvaise fortune du 3 Août, j’ai, inconsciemment, pensé à cette couleur et, depuis, elle m’est restée à l’esprit et je n’arrête pas d’y penser.
Pourquoi cherche-t-on les fréquences de Radio Mauritanie ?
A l’aéroport de Ryadh, le cérémonial, plutôt sobre, du départ du président, s’est déroulé assez rapidement. C’est tout juste, si, encore au sol, le Directeur Général du protocole mauritanien a eu le temps de recommander aux gens de Niamey de placer une passerelle à l’arrière de l’appareil pour les cameramen et photographes afin qu’ils puissent descendre avant le chef de l’Etat. En faisant cette recommandation, il ne se doutait pas que cela devait se faire sans préjudice à la principale passerelle à l’avant de l’appareil qui est celle par laquelle descend habituellement le président de la République.
Durant le vol, rien, ou presque, ne sortait de l’ordinaire ! Il faut dire qu’il se faisait encore très tôt dans la matinée, que les quelques passagers de l’avion parlaient très peu et avaient suffisamment d’espace pour soulever les accoudoirs et s’étendre sur les sièges pour un petit somme. Moi, je prenais l’habitude d’occuper les sièges N° 16, juste à l’arrière de l’aile gauche de l’avion pour mieux avoir une vue du sol et de l’extérieur de l’appareil. Mon collègue de Radio Mauritanie, Ahmed Ould Yacoub, m’y tenait généralement compagnie et on y prenait habituellement tout notre temps pour confectionner nos papiers et, parfois, pour parler de tout et de rien, question de s’occuper durant des vols parfois très, très longs comme celui de 3 Août 2005.
Cette fois, alors qu’on était à peu près au dessus du Darfour soudanais, aux environs de 9 heures, le directeur de cabinet Tomy se présenta devant nous et, de façon inhabituelle, demanda à mon collègue Ahmed Yacoub de lui donner les fréquences de Radio Mauritanie. Mon ami le fit rapidement et Tomy disparut dans l’avant de l’appareil. On s’était tout de suite posé la question «pourquoi cherche-ton les fréquences de la Radio à cette heure-ci ? Quoiqu’ayant les appréhensions signalées plus haut, j’avoue qu’à ce moment là, je n’avais bêtement pas pensé à un putsch. On s’était demandé, Yacoub et moi, si, à la présidence de la République, ils ne voulaient pas réécouter une émission ou vérifier si un reportage avait été bien ou mal fait. J’avais taquiné Yacoub en lui disant : «peut-être veulent-ils te réécouter, comme si tu n’es pas si ancien pour pouvoir confectionner des reportages si anodins pour le vieux reporter que tu es !» On s’est posé de petites questions là-dessus, juste pour nous marrer mais on a vite oublié en s’enfermant dans notre certitude qu’il n’y a rien de particulier et que la recherche des fréquences relève de la simple routine.
Dans le cockpit et même dans la cabine, rien, absolument rien, ne laissait douter de quoi que ce soit. Le calme habituel des avions présidentiels régnait. Peut-être même un peu plus que d’habitude du fait de l’horaire du vol et de la propension de tous à retrouver un peu de sommeil.
Ce n’est que, bien plus tard, avec un copieux recul, que nous sûmes que le commandant de bord, un certain Dahmoudi, qui écoutait RFI, a eu vent de quelque chose, un putsch, dit-on, ou une tentative de putsch ou quelque chose comme ça, et qu’il en a informé Tomy qui, lui aussi, a informé le président Taya. Les fréquences de Radio Mauritanie allaient donc peut-être permettre d’en savoir plus sur le sérieux de cette information et, le cas échéant, sur l’identité des conjurés et leurs atouts pour réussir une conspiration. Mais ça, c’est avec le recul que nous le sûmes … Pour le moment, nous sommes dans l’avion qui continue son avancée inexorable vers Niamey. A ce niveau, seuls étaient informés du putsch, le pilote et le copilote ainsi que le président et son directeur de cabinet et, tout naturellement, tous gardaient l’information pour eux.
Vers midi ou un plus tard, nous entamons notre descente sur Niamey où nous attendaient le président nigérien Mamadou Tandja, des ministres et hauts dignitaires nigériens, le consul général de Mauritanie et des représentants de la communauté mauritanienne installée au Niger. Il y a avait aussi une haie d’honneur et une petite unité de musique militaire.
Sortie de l’avion et, en même temps, du… pouvoir
L’avion se pose sans bruit à Niamey et s’immobilise devant le tapis rouge et la haie d’honneur. Mais, là encore, un malheur ne vient jamais seul : à Niamey, ils avaient compris à partir de la requête du directeur du protocole qu’il fallait se limiter à placer une seule passerelle à l’arrière du Boeing ! Imaginez le désastre ! A l’intérieur de l’avion, on se rendit compte de cette bourde lorsque la porte avant de l’appareil était restée verrouillée, plusieurs minutes après l’immobilisation de l’avion.
Quelle méprise ! Ils sont vraiment passés à côté de la recommandation faite par le directeur général du protocole d’Etat ! Un minimum de bon sens interdit quand même de comprendre que celui-ci demande de faire sortir le président par l’arrière de l’appareil ! Mais, bon, c’est fait, c’est le Destin ! Celui-ci a des signes qui sont là mais qu’il n’est pas donné à tout le monde de déchiffrer valablement.
Ici, on est en face d’un chef d’Etat, qui demeurera chef d’Etat jusqu’au moment de sa descente d’avion et celle-ci se fera par… une porte dérobée, que personne n’a demandée et que nul n’a programmée de la sorte !
Est-ce que tout ça a un sens profond ? Est-ce que les grosses bulles rouges et l’absence de passerelle au bon endroit sont de petits faits anodins sans grande signification ou alors s’agit-il de présages significatifs mais que seuls pourraient déchiffrer ceux qui ont l’habitude de voir au-delà des faits ?
Je ne prétends pas pouvoir donner de réponses à ces questions. Je me contente seulement de les poser, laissant à chacun le soin de trouver la réponse qui lui semble convenir.
L’annonce du putsch n’avait pas altéré le calme du président Taya
Mais revenons un peu maintenant à l’avion et à l’arrivée du président Maaouya Ould Taya à Niamey : l’absence de passerelle à l’avant a occasionné un léger désagrément pour tout le monde. Dans l’avion, on s’est gêné un coup, on s’est demandé, un instant, ce qu’il y avait à faire face à ce désagrément. Mais, au fond, rien de grave ! Devant une situation pareille, on n’a pas le choix : on se gratte la tête un bout de temps, on sourit comme pour faire contre mauvaise fortune bon cœur et… on fait avec. Et, comme Maaouya est généralement expéditif, il se résout le plus simplement du monde à se diriger vers la seule issue offerte, quitte l’appareil et, en même temps, le pouvoir qu’il a dirigé d’une main de maître depuis la journée historique du mercredi 12 décembre 1984, soit depuis 21 années, à ce moment là.
A la descente du président, le cérémonial d’accueil était réduit à sa plus simple expression. Pas de prise d’armes, pas d’hymnes nationaux. Juste un passage sommaire devant la haie d’honneur et une rapide poignée de mains aux personnalités nigériennes de haut rang venues à l’accueil. De passage au salon d’honneur, les deux présidents s’enferment dans une aile isolée tandis que les autres membres des délégations occupent les salons meublant le pavillon présidentiel.
Assis à côté de ministres nigériens, je me fais surprendre par l’un d’entre eux qui m’interroge sur ce qui s’est passé à Nouakchott. Naturellement, je le déçois parce que je ne suis au courant de rien et je m’aperçois facilement que ma réponse, très évasive, ne le satisfait pas. Me regardant avec beaucoup de commisération, mon ministériel interlocuteur se leva sans coup férir et sera rapidement suivi de ses collègues qui, ne voulant pas risquer de m’annoncer le putsch, ont sûrement choisi de s’éloigner de moi. Resté seul avec un ou deux membres de la délégation mauritanienne, on vit une autre personne, le maître d’hôtel Mohamed Cheikh, venir nous demander les fréquences de radio Mauritanie et, en plus, cette fois, un poste de radio. Là, nous comprimes, pour sûr, que quelque chose a dû se passer. Là-dessus, je me lève pour rejoindre le directeur du protocole qui échangeait, non loin, avec le Colonel El Hadi Sedigh. A Hamoud, mon ami, qui connaît très bien ma spontanéité, je demande : «que se passe-t-il ? Pourquoi des gens de la grande maison sont-ils venus à plus d’une reprise nous demander les fréquences de Radio Mauritanie ? » Il me répond avec son excès de calme habituel en ces termes : «Non… rien de particulier ; aujourd’hui, tu sais, c’est la fête nationale du Niger et les autorités des deux pays tiennent à un échange d’émissions radiotélévisées, juste ça, pas de soucis !». Sachant que d’habitude, il essaie de me rouler, je lui fais une tape dans le dos et lui dis : «Hamoud, toi tu n’arrêtes pas de te moquer de moi ? » Il me répond avec sa sérénité à toute épreuve : «Non, il y a un bruit de bottes à Nouakchott depuis les premières heures de la matinée et la situation demeure un peu confuse ». Là-dessus, et me basant sur certaines informations que j’entends depuis longtemps chez un ami versé dans ces histoires là, mais auxquelles je n’ai jamais prêté un grand crédit, je lui réponds de façon péremptoire : «Non, ce n’est pas un simple bruit de bottes, c’est un coup d’Etat réussi en bonne et due forme et ses auteurs ne sont autres que les colonels Ely Mohamed Vall et Mohamed Abdel Aziz». Le colonel El Hadi écarquilla les yeux mais resta de marbre devant cette affirmation qui, à ce niveau, ne pouvait être étayée d’aucune preuve. Il est vrai que même si cet ami n’a jamais cessé de me parler de ce coup d’Etat, moi, je ne prenais ce qu’il me disait que pour de fantaisistes bobards. Mais, cette fois, je n’ai pu m’empêcher de penser à cette histoire qu’il ne cessait de ressasser depuis des années. Déjà, trois jours plutôt, lorsqu’on quittait Nouakchott le dimanche 31 juillet dans l’après midi, ce même ami là qui était le dernier à me serrer la main au salon d’honneur, me dit : «je te confie à Allah et L’implore pour qu’Il vous protège. Je te recommande tel et tel versets du Saint Coran». C’est dire combien mon ami là n’arrêtait pas de me parler de ce «coup» qu’il voyait venir et auquel moi je ne croyais pas du tout.
Après un long entretien en tête à tête entre les présidents et sûrement plusieurs appels téléphoniques, les deux chefs d’Etat traversent, en toute sérénité, le grand pavillon d’honneur en direction des limousines qui les attendent.
Cap sur Nouakchott après l’escale de Niamey
Les membres de la délégation s’engouffrèrent dans les véhicules officiels qui devaient nous déposer dans une maison d’hôtes située juste à côté du palais présidentiel.
En dépit de tous les bobards que j’ai entendus à propos de la conduite du président et de l’attitude avec laquelle il a accusé le coup, il faut dire que, durant toute la journée qu’on a passée dans la capitale nigérienne, Maaouya Ould Taya était resté d’un imperturbable calme et que rien, de visible du moins, n’a altéré sa démarche ni sa bonhomie habituelles. A l’aéroport, comme à la villa des hôtes où je l’ai observé de près, la nouvelle du coup d’Etat ne m’a semblé ni ébranler le président ni altérer son calme.
Le président devait occuper la majeure partie de la villa des hôtes et les autres membres de la délégation le reste des lieux où, franchement, on se sentait à l’étroit.
Ayant remarqué cela, le protocole demanda aux gens des médias et à l’équipage de se rendre dans un hôtel de la place. Là, on prit congé de la délégation et on se rendit rapidement à l’hôtel. Il faut dire qu’on en avait besoin pour prendre davantage de nouvelles et nous informer auprès de nos sources. Lorsqu’on prit possession de nos chambres d’hôtel, on fit un tour pour trouver des cartes à puces afin de téléphoner, le Roaming ne fonctionnant pas à Niamey. Déception complète : pas de cartes à puce à vendre et donc pas de téléphone ! On revient à l’hôtel où un steward d’Air Mauritanie vint nous dire à l’emporte-pièce: « dépêchez-vous si vous ne voulez pas rester à Niamey, Air Mauritanie a dit que Maaouya n’est plus président et qu’elle réclame le retour de son avion dans l’immédiat. Alors, venez rapidement !» Je lui répondis spontanément au nom de l’ensemble du groupe : «Ecoutez, comme vous, nous avons appris le putsch, par conséquent, nous savons que Maaouya Taya a perdu sa qualité de chef de l’Etat, néanmoins – et c’est un minimum – il demeure chef de cette délégation et dis-toi bien qu’il est hors de question pour nous de partir avant qu’il nous le dise. Mais ne t’en fais pas pour nous, nous pouvons rentrer par train, par voiture ou par les vols réguliers. Donc, partez, ne nous attendez pas » !
Après une bonne heure à l’hôtel, nous reçûmes un émissaire du président Maaouya, venu nous transmettre ses salutations et nous dire de rentrer au pays. Cet émissaire nous a précisé que le président et seulement certains membres de la délégation allaient rester. Là-dessus, on s’était demandé s’il était faisable d’aller lui faire nos adieux mais, après concertations, et pour ne pas nous montrer indélicats en ces moments fatidiques, nous décidions d’y renoncer et de nous préparer pour aller directement à l’aéroport.
Sur place, à l’aéroport, nous avons eu la surprise de ne pas trouver d’avion ! On passa un bon quart d’heure avant que les militaires nigériens, qui avaient mis l’avion en lieu sûr, ne le ramènent tracté par un petit engin de remorquage.
On embarqua rapidement. La première classe était vide. Quelqu’un d’assez haut placé invita le Conseiller Elouma à y prendre place à ses côtés mais celui-ci déclina poliment cette offre et lorsque son interlocuteur insista, il trouva l’une de ces répliques qui lui sont connues : «…non, non, tout simplement parce qu’en arrivant, je n’y étais pas ».
Nous regagnâmes Nouakchott en début de soirée. Il n’y avait pas couvre-feu ni de mesures de sécurité particulières. La parenthèse semblait s’être refermée sans coup férir sur ce long intervalle de 21 ans où la Mauritanie a fait un bonhomme de chemin, diversement apprécié. Sans daigner émettre un quelconque jugement de valeur sur cet intervalle, je me limiterai à déplorer la faillite qui a gangréné les valeurs morales et sapé les fondements de la société mauritanienne, son code d’honneur et les normes comportementales qui la régissaient depuis la nuit des temps.
A Nouakchott, que nous avons retrouvé, cette faillite était largement perceptible. Les langues s’étaient déliées. Le régime n’a plus eu de fidèles. Tout le monde ou presque lui tire dessus. Même ceux qui rivalisaient d’ardeur dans l’expression de leur soutien au président Maaouya et faisaient la courbette à ses proches, s’en sont souvent donné à cœur joie. Y a-t-il plus décevant ? Imaginez le choc que pareils retournements de vestes peuvent produire chez tout dirigeant qui se croyait adulé par tout un peuple!
Resté à Niamey pour 3 ou 4 jours, le président Maaouya a, malgré son incommunicabilité habituelle, fini par se confier sommairement à une chaîne de télévision, mais à ce qui a été dit, c’était une mauvaise sortie. Le président devait se rendre par la suite à Banjul pour un bref séjour au terme duquel il devait prendre le chemin de Doha où il s’est installé durablement et où, m’a-t-on dit, il répugne même à voir les Mauritaniens. Et pour cause ! Pour lui, nous, Mauritaniens, nous l’avons trahi, notre peuple l’a désavoué au moment où il s’y attendait le moins.
Il a eu d’abord du mal à admettre que ses proches soient, eux-mêmes, ses tombeurs, que ses amis d’hier deviennent, aujourd’hui, ses pires ennemis. Incroyable, tout ça, non ?
En fait, ici, le peuple excelle dans l’art de flouer les dirigeants en leur faisant croire qu’ils sont irremplaçables, que le peuple vit par eux et pour eux et que, sans eux, tout va s’écrouler. En prêtant une oreille attentive aux flagorneurs et aux hypocrites de tous bords, les dirigeants se font toujours avoir mais ne s’en rendent compte qu’au moment où c’est perdu et où il devient tard pour eux de rectifier le tir.
Cette duplicité atavique, Maaouya en a fait les frais en 2005. Il ne sera, hélas, sûrement pas le dernier. Les mêmes chants des sirènes auxquels il a cédé, continueront inexorablement d’envoûter tous ses successeurs qui passeront tous par la même porte.
Et ça a l’air de ne jamais finir, comme ce voyage du président Maaouya qui se poursuit encore 13 ans après…Sauf si 2019 apportera du nouveau. Si, à cette date, le pays arrive à connaître une vraie alternance, tout ira certainement pour le mieux et, en ce moment là, Maaouya pourra, pourquoi pas, songer au retour au pays. Mais le problème est que beaucoup de bruit court à propos de cette alternance qui ne cesse d’être de plus en plus hypothétique. Au point que certains ministres en sont arrivés à dire qu’il n’y aura même pas de… 2019 en Mauritanie. Même le calendrier n’en sort pas indemne !
le calame
Mauritanie : 1,4 million d’inscrits sur la liste électorale
Le Recensement Administratifs à Vocation Electorale a été bouclé mardi et la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a publié le nombre d’inscrits sur la liste électorale :
Hod el-Chargui 152444
Hod el-Gharbi 120475
Assaba 128483
Gorgol 109304
Brakna 153885
Trarza 167512
Adrar 45285
Nouadhibou 67177
Tagant 45285
Guidimakha 74726
Tiris Zemmour 26314
Inchiri 17219
Nouakchott – Ouest 97409
Nouakchott – Sud 113767
Nouakchott – Nord 109142
Total 1428.867
Alakhbar
Présidentielle au Mali: second tour entre le sortant et le chef de l’opposition (officiel)
VOA Afrique – Le second tour de la présidentielle au Mali opposera le 12 août le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, au chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, a annoncé jeudi soir le ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag ErlafK.
Au premier tour qui s’est tenu le 29 juillet, M. Keïta est arrivé en tête avec 41,42% des voix, contre 17,80% pour Soumaïla Cissé, selon les résultats officiels provisoires portant sur l’ensemble des suffrages, a précisé le ministre lors d’une annonce à la télévision publique ORTM.
La participation a été de 43,06%.
Avec AFP
Mauritanie: l’unité nationale et la cohésion sociale en question
Unité nationale – Le champ politique de la Mauritanie est marqué par le caractère trop autocentré de la quasi-totalité des acteurs opérant dans l’espace politique national, l’absence de la communication, du dialogue entre le pouvoir et l’opposition, d’une part, entre les partis politiques eux –mêmes et les acteurs de la société civile, d’autre part, lesquelles malgré les efforts consentis ici et là, se pose le problème de la visibilité dans la lutte pour une solution négociée et acceptable de la problématique de l’unité nationale et la cohésion sociale.
Les ethnies interrogent les lieux de diffusion de la connaissance (l’école), de la foi (mosquée), de la culture et de l’information (médias), du pouvoir (gouvernement et administration). Elles se rendent à l’évidence d’une politique raciale opérée par tous les pouvoirs publics de ce pays, dès l’accession du pays à la souveraineté internationale.
A ces traits généraux, s’ajoutent l’absence de la volonté politique et par conséquent l’inexistence d’une stratégie nationale concertée.
Ces données fondamentales pour définir un axe prioritaire orienté vers l’action structurante de concertation en direction des acteurs politiques pour la tenue d’une convention nationale demeure plus qu’une nécessité.
La création d’un cadre organisé en concertation avec les partis et organisations intéressées par cette problématique, instituant un dialogue participatif dans le processus de formulation et de mise en œuvre d’une stratégie autour de la problématique est impérieuse.
Cela, c’est la sagesse et pour mettre fin à ces causes, il faut analyser sérieusement la situation car en traitant de ces problèmes, il faut se garder de tout schématiser, parce que la réalité est infiniment plus complexe que tous les schémas et toutes les législations.
Le Professeur Jean STAROBINSKI aux trente quatrième session des Rencontres Internationales de Genève sur la question de l’identité : « On s’aperçoit que c’est là aujourd’hui un puissant motif de rassemblement, et un redoutable facteur de division Quoique qu’il en soit, la notion d’identité ethnique, culturelle, ou nationale se montre agissante sur presque tous les continents, et ses conséquences occupent souvent le premier plan d’une actualité tragique. La montée des identités rivales, soutenues par des souvenirs ancestraux belliqueux, provoquent des luttes inexpiables au moment même où devrait prévaloir la lutte contre la pauvreté. Les anciennes solidarités se rappellent au souvenir des individus, quand ils ne peuvent plus compter sur les structures étatiques de récente apparition. L’idée plus ou moins mythique des origines communes l’emporte alors sur toute autre considération ».
Les identités culturelles ne s’affrontent pas sur le terrain politique mais les nationalismes, leur expression idéologique. Ce type de conflits, autre que ceux de classes sont au cœur d’une problématique causée par le rapport entre nation et nationalités : la Question Nationale.
Elle exprime les contradictions entre nations (dominants et dominés) et entre nationalités au sein d’un état.
En Mauritanie, le problème auquel on pense le plus facilement est la difficile cohabitation entre les communautés arabo-berbères et négro-africaines ainsi que la question de l’esclavage des couches harratines. Les diverses ethnies (pular, soninké, wolof, bambara et harratine) qui composent le pays ne veulent pas être soumises à la seule ethnie arabe et réagissent évidemment de manière parfois primitive à ce qu’elles considèrent comme des tentatives d’uniformisation, d’exclusion et de racisme d’état qui se manifeste dans les domaines politique, économique, culturel, social et même symbolique.
Cette politique exclusiviste est bien perceptible au niveau des symboles, des sceaux et des armoiries de l’Etat mauritanien qui refuse systématiquement d’assumer la diversité de ses composantes nationales et sociales.
Au nom de la sauvegarde d’une identité, tenue pour une fin absolue, tous les moyens deviennent excusables. Dans l’incertitude sur le but futur de l’histoire universelle, l’on cherche refuge, sinon dans le passé ravivé du groupe particulier, du moins dans le « nous »restreint qui récuse sommairement le droit dont se réclament les « autres ». Oui, c’est une obligation morale que de reconnaître et de respecter les identités ethniques et culturelles, surtout lorsqu’elles sont minoritaires. Mais dans cette obligation résulte une conséquence évidente : nulle identité n’a un titre quelconque à s’affirmer comme la seule instance « légitimante », c’est-à-dire comme une valeur première et sans appel, sauf à voir sévir la guerre de tous contre tous. L’identité ne sera jamais le fondement d’une éthique.
Le développement de l’homme mauritanien passera par les voies obligées de l’unité nationale et la démocratie. Leur corollaire, une justice de transition devra servir la société apaisée que nous voulons. Car la paix n’est pas l’absence de conflit ; la paix est le fruit de la justice.
Cette dialectique, entre l’unité, la justice et la paix devrait constituer le triptyque de l’approche de dialogue permanent et non contingent, en direction des questions nationales majeures (esclavage, passif humanitaire, cohabitation) pour l’Etat multinational mauritanien.
MATAKA
SENALIOUNE